LES SOURCES DU DROIT DU COMMERCE INTERNATIONAL

LES SOURCES DU DROIT DU COMMERCE INTERNATIONAL

         Le droit commercial ne peut pas répondre aux besoins de la vie économique s'il reste enfermé dans les limites réduites des frontières d'un pays quelque grand qu'il soit. Il est en quelque sorte condamné à répondre aux exigences du commerce international. L'internationalisation des affaires résultant du développement  des moyens de communication a donc une influence décisive sur le droit commercial. Or le développement du commerce international se heurte à la diversité des droits nationaux. De plus la méthode des conflits destinée à déterminer la plus compétente des lois nationales s'est avérée de plus en plus difficile et inadaptée pour régler  différentes transactions internationales. Pour parer à ces difficultés deux procédés sont utilisés:
         1°- La superposition aux législations nationales, qui demeurent en vigueur pour les relations internes, de lois uniformes destinées à être appliquées aux relations internationales. Il en est ainsi, par exemple, de la convention de Berne du 14 octobre 1890 sur les transports par chemins de fer ou encore la convention de Vienne du 11 avril 1980 sur les contrats de vente internationale de marchandises.
2°- Le second procédé consiste à uniformiser le droit applicable aussi bien sur le plan  international que sur le plan interne. Tel a été le cas des conventions de Genève du 7 juin 1930 et de 19 mai 1931 sur la lettre de change le billet  à ordre et le chèque reproduites par le code de commerce de 1959.

         La mondialisation des échanges et l'émergence de ce qu'il est courant d'appeler l'ordre économique international entraîne l'apparition d'un droit économique international qui va au delà des réglementations ponctuelles telles que l'illustrent les exemples précédemment cités. Les accords du G.A.T.T. et l'aboutissement à la naissance de l'O.M.C tendent à la réalisation d'un ordre économique libéral à l'échelon international essentiellement par la suppression des mesures protectionnistes. Mais la place laissée à la liberté de manœuvre des Etats est de nature à donner naissance  et à de nouveaux protectionnismes. De l’avis de certains juristes (ceux notamment des pays riches) ces mesures sont de nature à retarder  le développement de ce droit économique international. Mais les  intérêts de ces pays ne convergent pas forcément avec ceux des pays moins fortunés et il y va de l'avenir de la construction de ce droit  et de son effectivité qu'il ne se  fasse pas au détriment de ces derniers. Or en attendant cette construction équitable, les sources internes du droit commercial  continuent à jouer un rôle important.

§.2- LES SOURCES INTERNES
        
Ces sources sont les sources écrites d’une part (A), et les sources non écrites d’autre part (B)

         A- Les sources écrites

Ce sont les lois largo sensu à savoir les lois et les règlements.
         Selon l'article 34 de la constitution "sont pris sous forme de lois les textes relatifs... aux obligations". Le texte ne précise pas s'il s'agit des obligations civiles ou commerciales. N'ayant pas, toutefois, distingué ce texte s'applique aussi bien aux unes qu'aux autres. Aussi, est-il normal de constater qu'une grande majorité des textes régissant la matière est prise sous forme de lois au sens formel, c'est-à-dire la norme d'origine parlementaire par rapport au règlement, la norme d'origine gouvernementale (décrets et arrêtés). C'est, plus précisément, le cas du code de commerce et des textes qui l'ont complété ou modifié, de la loi sur le registre du commerce ou encore celle relative au redressement des entreprises en difficultés économiques.

         La réforme constitutionnelle du 27 octobre 1997 est venue donner au règlement un rôle plus important dans la création des normes. En effet, depuis cette réforme, tout ce qui ne relève pas des matières limitativement énumérées par l'article 34 de la constitution est, d'après l'article 35, du domaine du règlement. Or quand on sait que le droit commercial n'est pas composé uniquement des obligations commerciales au sens juridique du terme, on peut constater sans peine l'extension possible du domaine du règlement en la matière. (à titre d’exemple l’organisation du registre du commerce ne fait pas partie de l’organisation des obligations commerciales et on peut parfaitement imaginer qu’elle puisse être l’œuvre de l’exécutif). A cela s'ajoute la possibilité que reconnaît l'alinéa 2 de l'article 35 d'après lequel le règlement peut  même modifier les lois antérieures prises de la matière réservée au domaine du règlement.

         L' extension du domaine du règlement au détriment de celui de la loi n'est pas propre au droit commercial. Mais en cette matière il semble répondre à un besoin : l'adaptation de la norme aux exigences du moment. La norme d'origine parlementaire se caractérise au stade de sa création par une lourdeur incompatible avec le dynamise des affaires. Et si la loi permet la mise en oeuvre d'une politique économique déterminée, le règlement permet une solution rapide de problèmes conjoncturels. Le risque d'inflation est certain, celui de d'improvisation l'est davantage. Dans les deux cas se pose cependant le problème de l'effectivité de la norme commerciale.

         En dépit de l'inflation législative (la production normative qu'elle soit d'origine législative ou réglementaire) on observe que la législation  commerciale ne se suffit pas à elle-même. Aussi, considère-t-on qu'étant donné que le droit commercial est une branche du droit privé il convient de chercher dans le droit commun, le droit civil en l'occurrence, la solution des problèmes non prévus par les textes commerciaux. Le code des obligations et des contrats recevra par conséquent application toutes les fois qu'on est en présence d'un lacune du droit commercial. Cette solution ne s'appuie pas seulement sur les travaux préparatoires du code de commerce, mais elle trouve aussi son fondement  dans le code de commerce lui -même (V° p. ex. l'art. 597 C.C. sur la preuve des contrats commerciaux ) et dans le code des obligations et des contrats qui contient des dispositions spécifiques à la matière commerciale (par ex. art. 175 sur la solidarité entre débiteurs, les articles 461 et s. sur le preuve par les livres du commerce.)
Malgré cette possibilité de recourir à d’autres sources écrites, la richesse des celles-ci ne rend pas inutile le rôle des sources non écrites.

         B- les sources non écrites 
        
Il s’agit des usages (a) et de la jurisprudence (b)
        
a- les usages

Si les usages jouent un rôle important en droit commercial c’est par ce qu’ils répondent mieux à l'impératif de rapidité  et s'adaptant mieux aux exigences de la profession. Manifestations d'un droit spontané, ce sont des pratiques commerciales constantes couramment suivies dans un milieu professionnel et dans un lieu déterminés. Leur apparition est fonction des besoins qu’éprouve le milieu professionnel. A l'occasion d'une difficulté, une partie adopte un comportement qui donne satisfaction. Suivi en d'autres occasions par d'autres acteurs, il se généralise et devient constant. Peu importe la sphère géographique ou professionnelle dans lesquelles il est observé : il peut être local pour s'appliquer dans une ville ou une région déterminées; spécifique à une activité donnée (commerce de l'huile , celui des agrumes etc.), il peut être national (tunisien, art. 378 al. 2 C.C. , par exemple), ou international. Dans ce cas, on parle de lex mercatoria, qui désigne l'ensemble des usages et principes suivis par les acteurs du droit commercial international.

 La loi renvoie pour la solution des difficultés qu'elle n'a pas réglées aux usages. C'est le cas du code de commerce qui revoie aux usages du commerce pour déterminer par exemple le montant de la rémunération du courtier (art. 621 C.C.) ou pour la détermination du délai de préavis à respecter pour la clôture d'un contrat de compte courant à durée indéterminée (art. 732 al. 2 C.C.). Il en est de même du code des obligations et des contrats qui renvoie aux usages du commerce pour décider par exemple du sort de la rétribution du mandataire lorsque l'opération en vue de laquelle le mandat avait été donné n'a pas été réalisée.(art. 1143/3°). Ce sont là des manifestations de la coutume par délégation de la loi.

          Mais les usages reçoivent application même en dehors de tout renvoi par les textes. La doctrine distingue généralement entre usages de fait et  usages de droit. Cette distinction ne repose  pas sur la différence du mode de formation de ces deux sources; toutes deux étant des manifestations de droit spontané. La différence réside dans l'inégale autorité des uns et des autres et leur soumission à des régimes procéduraux différents.

         Les usages de fait ou encore usages conventionnels correspondent  aux règles habituellement suivies dans  la conclusion ou l'exécution de tel ou tel contrat. Ainsi en est-il par exemple de l'usage en matière de vente des véhicules automobiles neufs d'après lequel la garantie du fournisseur est limitée soit à un kilométrage soit à un durée déterminés (Cass. civ. n°146 84 du 8-5-1986, B. II, 305). L'usage conventionnel tire son autorité du contrat. Il s'applique même en dehors d'une stipulation expresse des parties. Il peut déroger à une loi supplétive, jamais à un loi impérative.
         La preuve de l'usage de fait incombe à celui qui s'en prévaut. Elle est faite généralement au moyen d'un parère, c'est-à-dire une attestation émanant de l'autorité compétente (de l' U.T.I.C.A. par exemple Cass. civ.  du 8-5-1986, préc.) Le juge ne peut pas en soulever l'application d'office.

       Les usages de droit sont de véritables règles de droit. Ce sont plus simplement les coutumes. Le juge les connaît. Il peut en soulever l'application d'office. Seulement, en raison des difficultés tenant à l'établissement des usages  le juge peut requérir la collaboration des parties. Parmi les exemples, on peut citer le coutume d'après laquelle le commerçant est réputé avoir accepté une facture qui vaudra preuve à son encontre lorsque aussitôt  qu'il l'a reçue il ne conteste pas la dette qu'elle renferme au moyen d'un lettre recommandée ou de tout autre document équivalent. A l'évidence, l'autorité des usages de droit -la coutume- par rapport à celle des usages de fait doit beaucoup au rôle de la jurisprudence.

b- la jurisprudence 
        
Selon une opinion généralement répandue mais non vérifiée le rôle de la jurisprudence comme source du droit civil est dans notre système sérieusement contesté. Le pouvoir créateur de nos juges serait inexistant et à tout le moins, insuffisant. Pourtant une tradition jurisprudentielle s'appuyant  sur l'interprétation des textes s'est peu à peu construite.

         Ce qui vient d'être dit vaut , à quelque  nuances près, pour  la jurisprudence en matière commerciale. L'organisation judiciaire ne compte pas en son sein de juridictions d'exception connaissant exclusivement de la matière commerciale comme c'est le cas des tribunaux consulaires en France composés de magistrats consulaires, c'est-à-dire des commerçants élus par leurs pairs. Le droit commercial est appliqué et interprété par des magistrats professionnels dans le cadre général de leur compétence civile et des la limites de leurs ressorts (juge cantonal , tribunaux de première instance, cours d'appel). Tardivement initiés  au droit commercial et n'ayant reçu, le plus souvent, aucun formation spécialisée, les juges de droit commun seraient peu sensibilisés aux  problèmes des affaires et seraient par conséquent acculés, le plus souvent, à user le moins possible de leur pouvoir créateur.

Le jugement ci-dessus est sévère, mais il est surtout hâtif. Le rôle d’une jurisprudence ne peut jamais être apprécié selon des normes universelles. Chaque société secrète ses problèmes et chaque société produit ses juges.  Le droit commercial est dans notre pays une discipline « jeune ». Des traditions sont en cours de formation et une jurisprudence spécifique se constitue. Contrairement à ce qu’on peut penser, son rôle créateur est certain. On en veut pour preuve la jurisprudence sur la validité des clauses d’agrément et de préemption ou encore celle sur l’abus de majorité qui ont largement contribué à la naissance de nouvelles solutions législatives.

Comme en droit civil , le rôle de la jurisprudence s’affirme en droit commercial. Est-ce là la preuve de la dépendance de ces deux disciplines ou au contraire l’affirmation de l’autonomie, celle du droit commercial par rapport au droit civil ?
          


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