LE PROBLEME DE L' AUTONOMIE
DU
DROIT COMMERCIAL
C'est surtout par rapport au droit civil que se pose le
problème de l'autonomie du droit commercial : quelles relations entretiennent
ces deux disciplines du droit privé ? Cette vieille question n'est pas un
simple exercice de style. Elle présuppose
en réalité un choix législatif et impose la prise en considération des facteurs
qui l'ont imposé afin de mieux en percevoir les finalités pour réaliser son
importance et évaluer son influence sur l'évolution de l'ordre juridique.
(Réflexion sur l'opportunité d' une justice commerciale, sur les divergences
entre les solutions retenues par le droit civil et celles
retenues par le droit commercial, etc.) Ceci est d'autant plus justifiable que
plusieurs systèmes juridiques comme le droit italien ignorent ,du moins sur le
plan de la codification, la distinction - droit civil - droit commercial. De
même que l’on se rappellera que les premières tentatives de codification sous
le protectorat étaient commandées par l'idée d'unité du droit privé.
Le problème
de l’autonomie du droit commercial semble pouvoir se résoudre par référence à la notion d'autonomie. Une
discipline est autonome si elle répond à deux conditions : 1°) si elle dispose
d'un corps de règles et des principes suffisamment cohérents; 2°) si elle est en mesure de combler ses
propres lacunes par une auto-production des normes en application des règles et
principes préexistants.
En l'état
actuel du droit positif le droit commercial ne semble pas pouvoir répondre à
ces conditions. Ses concepts sont ceux du droit civil. Ainsi, les concepts de
contrat, d'intérêt, d'acte et de fait juridiques, de solidarité, de
prescription, etc. sont-ils ceux du droit civil. Il en est de même pour
ses règles et principes. Ainsi, le
contrat commercial est-il régi pour l'essentiel par les règles et principes du
droit civil quant à sa formation, son exécution et son extinction. Les sources
et les méthodes d'interprétation du droit commercial ne sont autres que celles
du droit civil. Ainsi , se justifie l'idée que le droit commercial est un droit
d'exception par rapport au droit civil.
Cependant,
s'il ne peut prétendre à l'autonomie, le droit commercial présente néanmoins
une originalité, des spécificités tenant au fait qu'il est appelé à régir les
activités économiques. De ce fait le droit commercial doit répondre aux
impératifs de rapidité et de crédit qu'exige le monde des affaires.
Contrairement au droit civil où les opérations importantes
exigent réflexion et obéissent à un formalisme souvent lourd et contraignant (
vente d'un immeuble immatriculé, mariage), la plupart des opérations
commerciales sont répétitives et se concluent rapidement (opérations bancaires,
assurance, ventes). Le droit commercial répond mieux, en effet, que le droit
civil à cette exigence de rapidité de la vie des affaires. Différentes
solutions concourent à la réalisation de cet impératif . Ainsi en est-il de la
liberté de la preuve : En matière commerciale la preuve peut faite par tous
moyens alors qu'en droit civil seule la preuve des faits juridiques bénéficie
de ce régime. Le formalisme adapté aux besoins du commerce est cité
comme une autre manifestation des solutions destinées à répondre à l'exigence
de rapidité : les textes imprimés des contrats-types facilitent la conclusion
de différentes conventions. En matière d'effets de commerce la personne est
engagée par le simple fait de la signature d'une lettre de change par exemple.
L'apparence semble jouer en droit commercial un rôle plus important
qu'en droit civil afin de mieux répondre à ces exigences, c'est ce qui explique
par exemple l'inopposabilité aux tiers des limitations statutaires des pouvoirs
des gérants ou administrateurs des sociétés; la responsabilité du propriétaire
du fonds de commerce jusqu'à publication du contrat de gérance.
D'un autre
côté, le droit commercial répond mieux que le droit civil aux exigences du
crédit. Alors que les particuliers
empruntent pour consommer, ce qui est de nature à grever leur revenus et
rend difficile le remboursement de leurs dettes, les commerçants empruntent par
distribuer et produire. Ils sont donc mieux à même de rembourser leurs dettes.
En raison de l'importance du crédit se sont développées plusieurs techniques de
financement : escompte des lettres de change, titre de crédit, crédit-bail,
etc. Dans le même esprit, des techniques tendant à assurer la protection des
créanciers ont été imaginées : la solidarité est de droit entre
commerçants, les exceptions sont
inopposables en matière cambiaire.
Le droit commercial apparaît comme le droit des échanges,
il refuse l'idée du gratuit. C'est un droit de compétition. Ses acteurs sont
des professionnels, les sanctions qui leur sont applicables sont plus sévères
que celles qui sont prévues pour un non commerçant (faillite, sanctions pénales...).
S'il peut apparaître, dans ses relations avec le droit civil comme un droit
d'exception ; dans la sphère des relations qu'il est appelé à régir il apparaît
comme une sorte de droit commun
parallèle : le droit commun des activités économiques.
On ne
saurait, cependant, exagérer les différences qui peuvent être constatées entre
ces deux branches du droit privé. .(Comp. Roger JAMBU-MERLIN, Du droit civil
au droit des affaires, RTD, Trentenaire, p.69 ets.) Le plus souvent les points de divergence sont
en même temps des points de contact. L'influence des faits économiques engendre
sur le plan juridique un rapprochement, une harmonisation entre les deux disciplines et une influence
de plus en plus accrue du droit commercial sur le droit civil.
Les manifestations
de phénomène sur le plan législatif sont topiques. Ainsi la loi sur le
redressement des entreprises en difficultés économiques ne s'applique pas
seulement aux commerçants et aux entreprises commerciales. Elle s’ applique à
« toute personne physique ou morale assujettie au régime d’imposition
réel, exerçant une activité commerciale, industrielle, ainsi que les sociétés
commerciales agricoles ou de pêche » (art. 2 L. 17. 4. 1995). Plus
récemment, le législateur a uniformisé les solutions relatives à l’anatocisme.
Alors qu’il était prohibé en toutes matières sauf en ce qui concerne le compte
courant le législateur a levé l'interdiction de l'anatocisme aussi bien en
matière commerciale qu'en matière civile. Ne peut-on pas en déduire qu’il y a un mouvement de retour vers l’unité du droit privé ?
Plan du cours.
Première partie : Les actes de commerce et l’activité
commerciale
Deuxième partie : Les commerçants
Troisième partie : Le fonds de commerce
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