LES CONTENTIEUX LIÉS A L’ACTIVITÉ COMMERCIALE EN DROIT FRANÇAIS

 LES CONTENTIEUX LIÉS A L’ACTIVITÉ COMMERCIALE

De manière générale, la spécificité du droit commercial rejaillit sur le traitement des
difficultés qui peuvent surgir à l’occasion de l’exercice du commerce. Les contentieux
commerciaux sont traités par une juridiction particulière en première instance, le TComm.
A côté de ce traitement judiciaire, il existe tout un mouvement qui tend à favoriser un
traitement extra judiciaire. On fait ici une application particulière de la formule que l’on
doit à Balzac « un mauvais arrangement vaut mieux qu’un bon procès ». En effet
l’impératif de sécurité et de rapidité qui sous-tend le monde des affaires justifie la faveur
accordée à ce traitement extra judiciaire.
Section I. Le règlement judiciaire
En première instance, la jp commerciale a pour particularité d’être rendue par des
commerçants élus. En appel et en cassation, on retourne au schéma classique à savoir
qu’il n’y a pas de juridiction spécifique, c’est la CA puis la Cour de cassation et tout
particulièrement la chambre commerciale, financière et économique.
12/02 Les modes d’élections des Tcomm sont prévus aux articles L723-1 et suivants du
code de commerce, ils ont largement été reconsidérés par une importante loi, loi
n°2019-486 du 22 mai 2019, loi PACTE —> relative à la croissance et à la transformation
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des E (concerne surtout l’ensemble du droit des affaires). Désormais, les juges des
tribunaux consulaires (TComm) sont élus par des membres de chambre de commerce et
d’industrie et des membres des chambres de métiers et de l’artisanat dans le ressort de
la juridiction. Ils sont élus également par les membres actuels et anciens des TComm. Il
faut savoir que le nouvel article L723-7 prévoit que les juges des TComm élus pour 5
mandats successifs au sein d’un même Tcomm, ne sont plus éligibles au sein de ce
tribunal. Le mode de composition des Tcomm est souvent remis en cause par rapport
à l’article 6§1 de la CESDH. Ceci s’explique notamment car la question de la conformité
à cet article se pose sous l’angle d’un risque de violation de l’impartialité du juge mais ce
risque est purgé car si la décision n’est pas rendue en premier et dernier ressort, la CA
intervient (juges pro reprennent la main). Le taux de ressort (= paramètre, seuil en deçà
duquel l’affaire est généralement jugée en premier et dernier ressort) du Tcomm est de
4,000€. La compo du TComm a les avantages de ses inconvénients puisque l’affaire est
analysée par des juges qui ont une connaissance particulière du domaine litigieux.
L’apparence d’une bonne justice est également observée par le respect de principes
procéduraux liés aux exigences du procès équitable et tout particulièrement le respect du
contradictoire. C’est tout à la fois le juge et les parties qui doivent respecter le
contradictoire, ses exigences sont posées aux articles 15 et 16 (juge doit observer et
faire observer le contradictoire) du code de procédure civile. Le contradictoire est
observé par une communication des pièces en temps utile. Il faut aussi observer un délai
raisonnable (soit fixé par un texte, soit appréciation in concreto du juge en fonction de
critères que sont la complexité de l’affaire et les exigences posées par l’affaire). Par
dérogation à la compétence générale des tribunaux civils et donc du tribunal judiciaire, la
compétence matérielle du Tcomm est posée par un texte, l’article L721-3 du code de
commerce dispose que le Tcomm est compétent pour 3 chefs de compétence :
- pour toutes les contestations relatives aux engagements « entre commerçants,
entre artisans, entre établissements de crédits, entre sociétés de financement ou
entre eux » ;
- pour toutes les contestations relatives aux sociétés commerciales, ce qui permet
d’inclure les contestations entre un associé et la société elle-même ou encore une
action exercée à l’encontre d’un dirigeant. Différence entre un associé et un dirigeant
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—> dirigeant a un pouvoir de contrôle et de décision donc est décisionnaire ; l’associé
est un propriétaire commercial ;
- pour toutes les contestations relatives aux actes de commerce entre toutes
personnes, ce qui permet notamment d’inclure les commerçants de faits (= la
personne à qui on va appliquer toutes les obligations inhérentes au statut de
commerçant ((preuve, compétence territoriale et solidarité)) mais qui ne pourra jouir
d’aucun droit relatif à ce statut).
Il faut savoir que certains textes peuvent a contrario attribuer compétence
exclusive à d’autres juridictions dans les matières qui sont normalement de la
compétence du Tcomm. Par ex, l’article R145-23 du code de commerce attribue
compétence expres, exclusive au tribunal judiciaire pour toutes les contestations relatives
aux baux commerciaux

S’agissant de la compétence territoriale du Tcomm, on se réfère bien souvent au
tronc commun des règles procédurales établies par le code de procédure civile. Par ex,
par principe le Tcomm compétent est celui du lieu du domicile du défendeur
conformément à l’article 42 du code de procédure civile. D’autres règles procédurales
peuvent être appliquées en fonction du contentieux considéré. Par exemple, le
demandeur peut également saisir le Tcomm du lieu de livraison effectif de la chose ou
encore le Tcomm du lieu d’exécution de la prestation en matière contractuelle ou en
matière délictuelle le tribunal du lieu de survenance de réalisation du dommage, c’est l’art
46 du code de procédure civile qui le prévoit.
Il est possible toutefois de prévoir une clause attributive de compétence territoriale, c’est
l’article 48 du code de procédure civile qui le prévoit mais il faut respecter deux
conditions cumulatives posées par le texte.
- Première condition : il faut que cette clause soit convenue entre des personnes
ayant toutes contracté en qualité de commerçant et pour les besoins de leur
commerce.
- Seconde : il faut qu’elle ait été prévue, spécifiée de manière très apparente dans
l’acte afin qu’elle puisse être opposée à la partie contre laquelle on entend la faire
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jouer. C’est la sécurité juridique ici —> accessibilité intellectuelle (=intelligibilité) et
matérielle, cf décision Cristau du cc de 2003.
Si l’une de ces conditions est manquante, défaillante, la clause est réputée
non écrite. Il faut préciser que l’article L721-8 du code de commerce issu de la loi du 6
août 2015 a introduit les Tcomm spécialisés, ils sont compétents pour les procédures
collectives (prévention, redressement, liquidation) qui bénéficient à des débiteurs
importants càd employant plus de 250 salariés et dont le bénéfice net est de 20M d’€ ou
dont le chiffre d’affaire est d’au moins 40M d’€.
—> Ces critères valent pour une E ou pour un groupe de société à condition que l’une
des sociétés détient un pouvoir de contrôle et de direction sur la société en déconfiture
(qui va mal). Il existe plusieurs juridictions spécialisées et notamment les Tcomm de
Bobigny, de Bordeaux, de Dijon, Evry ou encore Marseille et Paris.
Les grands principes de la procédure civile s’appliquent devant les Tcomm avec
certaines particularités tenant aux spécificités des Tcomm et notamment la simplicité de
la procédure puisque les débats peuvent avoir lieu devant un juge unique ou encore la
faveur accordée, primauté accordée à l’oralité. Il faut savoir que depuis le 1er janvier
2020, la représentation par avocat devient obligatoire devant le TComm y compris
en référé lorsque le montant du litige excède 10,000€.
Enfin, le Tcomm est compétent en premier et dernier ressort lorsque le
montant du litige est inférieur à 4,000€ et il est compétent en premier ressort lorsque
le montant du litige est supérieur à 4,000€.
!!Premier et dernier ressort = insusceptible d’appel mais on peut exercer un pourvoi en
cassation ou Cour européenne.

Section II. Le règlement non-judiciaire
Les litiges commerciaux empruntent parfois des voies extra juridictionnelles
notamment pour faire face à des exigences de célérité (rapidité) et de confidentialité. Le
détour par l’arbitrage permet en effet un gain de temps et donc aussi plus de
confidentialité.
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§1 Les modalités du recours à l’arbitrage
Aux termes de l’article L721-3 alinéa 2 du code de commerce, les parties
peuvent convenir (= convention donc need aborder les conditions générales relatives
aux conventions —> droit commun des contrats) de soumettre à l’arbitrage les
contestations relevant de la compétence des Tcomm (matérielle et territoriale). A cela,
il faut ajouter que le code de procédure civile précise que la convention d’arbitrage peut
se réaliser selon deux modalités : la clause compromissoire (avant le litige) et le
compromis d’arbitrage (ex post, après le litige).
La clause compromissoire : clause par laquelle les parties à un contrat s’engagent à
soumettre à l’arbitrage les litiges relatifs à ce contrat, art 1142 alinéa 2 du code
procédure civile. ((memento droit civil Brigitte S)) Puisqu’il s’agit d’un contrat, la clause
doit avoir été acceptée et tout particulièrement elle doit avoir été acceptée par la partie
à laquelle on l’oppose. La clause compromissoire ne peut jamais jouer contre une partie
(partie litigante) qui n’aurait pas contracté dans le cadre de son activité professionnelle.
La clause de manière générale est admise entre commerçants, elle est admise entre
professionnels libéraux, entre les artisans, entre les agriculteurs mais elle ne peut jamais
être contractée par un consommateur pour défendre ses intérêts pcq celui-ci est toujours
présumé parti faible. Ex de mécanisme du protection de consommateur qui a migré dans
le droit commun : l’obligation d’information, 1123 code civil.
Le compromis d’arbitrage : convention par laquelle les parties à un litige déjà né
soumettent celui-ci à l’arbitrage, art 1442 alinéa 3 du code de procédure civile. Le
compromis d’arbitrage est un processus généralement favorisé y compris lorsque le
processus judiciaire est déjà engagé. La réforme de la procédure civile depuis la loi du 23
mars 2019 et le décret du 11 décembre 2019 favorisent la possibilité de recourir à ces
modes alternatifs de règlement des différends y compris lorsque l’action judiciaire est
engagée. Outre le compromis, lorsque l’action judiciaire est engagée, on peut faire appel
à un conciliateur.

Qu’il s’agisse d’un compromis ou d’une clause compromissoire, la sentence doit
observer certains principes procéduraux et notamment l’arbitre cherche à observer avec
la plus grande rigueur le respect du contradictoire ou encore l’égalité des armes. Il a le
pouvoir d’ordonner certaines mesures et tout particulièrement des mesures
conservatoires parce qu’elles servent à la conservation des preuves, à garantir l’intégrité
des preuves. Il peut ordonner aussi certaines mesures qui nécessitent un éclairage savant
particulier et notamment une mesure d’expertise. Il faut savoir que l’arbitre peut
également auditionner les parties et l’arbitre ou le tribunal arbitral à la différence du juge
professionnel, traditionnel peut statuer en amiable composition, en équité lorsqu’il
prend en considération des éléments non juridiques pour neutraliser l’application de la
règle de droit. Le juge pénal a pu par le passé et peut parfois statuer en équité càd qu’il
neutralise l’application pure et dure du droit et finalement met à mal la règle selon laquelle
duralex salex. On cite souvent l’affaire du bon juge Magnaud qui en 1898 face à une
infraction de vol consommée càd face à la soustraction frauduleuse de la chose d’autrui
au sens de l’article 221-3 du code pénal, il a dit « les circonstances particulières de
l’espèce (à savoir la mère de famille dans le besoin) justifient la non application du
quantum de la peine. » Le juge civil a pu le faire, par ex la théorie de la révision pour
imprévision contenue à l’article 1195 du code civil est issue de considérations d’équité.
((Dictionnaire de la culture juridique chez Puf)).
La sentence arbitrale est rendue après délibération secrète à la majorité des
voix. Elle doit être motivée et signée de tous les arbitres, si on ne motive pas la
décision ça équivaut à un dénis de justice, art 4 du code civil. Il faut savoir qu’à la date
de la décision, la sentence a autorité de la chose jugée relativement à la contestation
qu’elle tranche. Elle peut être assortie de l’exécution provisoire qui est quasi de principe
depuis le 1er janvier 2020, loi de mars 2019 a tout changé. Contrairement aux décisions
des juges étatiques, la sentence arbitrale n’a pas force exécutoire et donc si l’une des
parties n’exécute pas de manière volontaire la sentence et bien l’autre ou les autres
parties doivent saisir le juge de l’exécution du tribunal judiciaire pour solliciter l’exequatur
(c’est l’ordali —> s’en remettre au jugement de Dieu). L’exequatur en procédure civile,
c’est solliciter du juge de l’exécution la force exécutoire d’une sentence arbitrale mais
aussi d’une décision étrangère. Ceci ne vaut pas pour toutes les décisions rendues au
sein de l’UE.
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§3 Les voies de recours
Par principe, la sentence arbitrale n’est pas susceptible d’appel sauf volonté
contraire des parties comme on est dans le cadre d’un contrat. Si il y a donc volonté des
parties, un recours est possible devant la CA qui statue alors en droit ou en amiable
composition (parallélisme des formes si l’arbitre a statué en amiable compo). Toute
clause contraire qui empêcherait un tel recours est considérée comme réputée non
écrite. Il faut savoir que le code de procédure civile, art 1492 prévoit 6 cas d’annulation
de la sentence arbitrale en appel. Donc il est impossible de déroger à cette disposition
qui est considérée comme une disposition d’OP. PAS COMPRIS
Premier cas d’annulation : le recours en annulation est ouvert si le tribunal arbitral ou
l’arbitre s’est déclaré à tord compétent ou incompétent.
Deuxième cas : recours en annulation est ouvert si le tribunal arbitral a été irrégulièrement
constitué (irrégularité formelle).
Troisième cas : recours en annulation est ouvert si le tribunal arbitral ou l’arbitre a statué
de manière non conforme à l’ordre de mission qui lui a été confié. Soit pcqu’il n’a pas
répondu à toute la mission (infra petita) soit pcqu’au contraire il a dépassé la mission
(ultra petita).
Quatrième cas : sentence arbitrale peut être annulée en appel lorsque le principe du
contradictoire n’a pas été respecté.
Cinquième cas : la sentence peut être annulée si elle est contraire à l’OP.
Sixième cas : art 1492, la sentence arbitrale peut être annulée si elle n’est pas motivée, si
elle n’est pas datée, si elle ne comporte pas le nom du ou des arbitres qui l’ont rendue, si
elle ne comporte pas la signature de tous les arbitres ou enfin si elle n’a pas été rendue à
la majorité des voix.


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