§1 Les limites légales
S’agissant des limites légales, certaines normes ont pour objet de protéger un
intérêt personnel, individuel, d’autres ont pour objet de protéger des valeurs supérieures
et notamment un ordre public de direction. (distinction ordre public de direction / ordre
public de protection).
A) Les limitations fondées sur les incapacités
L’exercice du commerce est dangereux car il met en péril le patrimoine de celui qui
l’exerce notamment parce qu’il peut subir une faillite à savoir un redressement voire une
liquidation judiciaire. C’est pourquoi la loi protège les incapables. Les règles concernent
tout à la fois aux mineurs et aux majeurs protégés.
1- Les mineurs
S’agissant des mineurs, l’exercice du commerce était autrefois interdit aux mineurs
même émancipés. ((Émancipation —> s’affranchir des règles de la représentation légale)).
L’émancipation donne la capacité civile aux mineurs âgés de 16 à 18 ans de plein droit ou
sur décision du juge. Auparavant il fallait avoir la capacité commerciale càd pour exercer
le commerce, il fallait a minima avoir 18 ans. Il y avait de nombreux pb pratiques
notamment lorsque le mineur héritait par ex d’un fonds de commerce. C’est pour cela
que l’on a reconsidéré les règles. Ce sont souvent les pb de la pratique qui induisent une
reconsidération des règles (cf adage latin qui signifie des faits surgit le droit).
Ajd il faut distinguer deux situations ((« là où la loi distingue, nous nous devons de
distinguer »)) : le mineur émancipé et le mineur non émancipé.
Eu égard au mineur non émancipé, depuis la loi du 15 juin 2010 relative à l’EIRL
(E individuelle à responsabilité limitée), le juge des contentieux de la protection (avant
juge des tutelles) au moment de l’émancipation ou le président du tribunal judiciaire
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après l’émancipation peuvent autoriser un mineur émancipé à être commerçant. Ca
résulte de la combinaison de deux art : 413-8 du Code civil et L121-2 du Code de
commerce.
—> l’émancipation ne suffit pas à elle seule pour autoriser l’exercice du commerce. Il faut
une autorisation spéciale du juge.
S’agissant du mineur non émancipé, il ne peut être commerçant parce qu’il ne
peut agir que par représentation de son ou ses administrateurs légaux, voire de son
tuteur. L’article 509 alinéa 3 du Code civil interdit expressément, directement au tuteur
d’exercer le commerce en représentation de la personne protégée. Ni le mineur non
émancipé, ni le représentant ne peuvent exercer le commerce. Le mineur non émancipé
ne peut donc acquérir la qualité de commerçant. Ceci a beaucoup d’importance et
d’incidence pratique. PAS COMPRIS ÇA : Le mineur non émancipé ne peut être inscrit
au RCS et peut refuser la compétence du TComm. Comme il n’est pas commerçant, il ne
subit pas non plus le principe de la liberté de la preuve (contre lui il faudra prouver par
écrit) et en même temps n’est pas soumis au principe de la solidarité commerciale
(compétence, preuve, solidarité).
Si le mineur non émancipé a au moins 16 ans, il peut en revanche être autorisé par
ses administrateurs légaux à créer une société mais à créer une société unipersonnelle ou
une E individuelle à responsabilité limitée. Comme la resp ici est limitée, il n’engage pas
tout son patrimoine. L’idée de répondre de ses dettes sur l’ensemble de son patrimoine
c’est le droit de gage général càd que le créancier peut se satisfaire (satisfaction du
créancier) pour le paiement de sa dette sur n’importe quel bien qui compose le
patrimoine du créancier, voir art 2284 du Code civil. L’art 388-1-2 du Code civil autorise
le mineur de moins de 16 ans à accomplir seul les actes d’administration
nécessaires à la création et à la gestion de l’E. L’autorisation du ou des
administrateurs légaux ne peut être générale càd que doivent être précisés notamment au
moyen d’une liste, d’un inventaire les actes que le mineur pourra accomplir.
(( Le patrimoine c’est l’ensemble de biens qui permet d’exister juridiquement, l’ensemble
de biens de la pers qui est mis en mouvement sur la scène juridique (ensemble des
créances et des dettes).
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On peut réaliser 3 types d’actes sur le patrimoine : actes de la vie courante —> actes
qui n’ont aucune influence sur notre patrimoine ou influence très très relative sur notre
patrimoine (appréciation nécessairement subjective qui dépend du niveau de vie que l’on
a) ; actes d’administration (= actes de conservation) —> conserver, garantir la
consistance du patrimoine, il s’agit de gérer en personne raisonnable son patrimoine (ex :
souscription police d’assurance) ; actes de dispositions —> acte grave pcqu’il va
modifier la consistance du patrimoine soit en changeant sa masse avec un gain ou une
perte patrimoniale, soit en modifiant la nature d’un bien (par ex : passer d’un bien en
nature à un bien pécuniaire = vente d’un bien ; autre ex : donation). ))
2- Les majeurs protégés
Eu égard au majeur protégé, le Code de commerce est taiseux sur ce point. Dans
les actes de la vie civile, le majeur sous tutelle doit être représenté de manière continue. Il
ne peut donc être commerçant, cf art 509 du Code civil qui dispose que « le tuteur ne
peut même avec une autorisation (…) exercer le commerce ou une profession libérale au
nom de la personne protégée. »
S’agissant du majeur sous curatelle il a besoin d’être controlé de manière continue
dans les actes importants de sorte que se pose de manière légitime la question de sa
capacité à exercer le commerce. La 1ère civ de la Cour cas dans un avis en date du 18
décembre 2011 n°18-70011 dit que dans la mesure où aucun texte n’interdit à la
personne sous curatelle d’exercer le commerce, cette dernière peut être
commerçante mais elle devra toutefois être assistée de son curateur pour accomplir les
actes les plus graves càd les actes de disposition (ex : vente d’un fonds de commerce).
S’agissant du majeur sous sauvegarde de justice, il conserve l’exercice de ses
droits et seuls les actes lésionnaires ou excessifs pourront le cas échéant être
reconsidérés. Ceci porte atteinte frontalement aux impératifs de sécurité et de certitude
qui sous-tendent le droit des affaires.
B) Les limitations fondées sur des considérations d’intérêt général
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Les limitations fondées sur des considérations d’intérêt général peuvent tenir aux
catégories de personnes ou liées à la nature de l’activité.
1- Limitations d’intérêt général qui tiennent à une catégorie de personnes
Ici on envisage 3 séries de mesures : les incompatibilités, les interdictions
d’exercice et les autorisations d’exercer (le commerce).
• Les incompatibilités
Les incompatibilités visent à empêcher une catégorie de personnes à exercer le
commerce parce que cela nuit à l’absence de profits et aux intérêts portés par l’autre
profession exercée.
Sont concernés en théorie les parlementaires, les magistrats, les militaires et les membres
d’une profession libérale. Sont concernés aussi les fonctionnaires, en effet depuis une loi
du 20 avril 2016, il est en principe interdit au fonctionnaire de cumuler avec une activité
privée lucrative à temps plein, en revanche il peut avec le statut de micro entrepreneur
exercer des activités non commerciales (plein d’exceptions à ce principe).
En cas de violation d’une règle d’incompatibilité, l’intéressé risque une sanction
disciplinaire (on dit toujours de l’avertissement à la révocation), il risque aussi une
sanction pénale. A titre de sanction, il peut se voir appliquer la théorie du commerçant
de faits = appliquer toutes les obligations liées au statut de commerçant sans pouvoir
bénéficier d’un quelconque droit lié à ce statut. On va donc le limiter dans les moyens de
preuve, en matière de règles de compétence (TComm etc) et solidarité…
• Les interdictions
Les interdictions visent à protéger le monde des affaires de la présence dont le
passé est obscur. L’interdiction peut tout d’abord résulter du prononcé d’une peine
complémentaire par les tribunaux liée aux crimes ou aux délits commis (par ex :
interdiction d’exercer le commerce peut être complémentaire à un crime contre
l’humanité, au vol, à toute atteinte à l’intégrité physique ou psychique des personnes ou
encore en matière d’escroquerie ou de blanchiment). Il s’agit d’une possibilité offerte au
juge pénal, elle n’est plus automatique donc il doit la motiver et elle peut être définitive ou
temporaire mais si elle est temporaire, elle ne peut excéder 15 ans, cf art 131-27 alinéa 2
du Code pénal. Cette interdiction d’exercer le commerce est envisagée de manière
expansive. Ce n’est pas seulement l’interdiction d’exercer directement le commerce, il
s’agit non seulement de l’interdiction d’exercer, de diriger ou de contrôler à titre
quelconque directement ou indirectement pour son propre compte ou pour le compte
d’autrui une E commerciale, industrielle ou toute autre société commerciale —> il ne
s’agit pas de l’interdiction sèche d’exercer le commerce mais on interdit de l’exercer par
l’intermédiaire de qq’un —> on vise ici les sociétés de personnes physiques ou les
sociétés écran
Par ailleurs, l’ouverture d’une procédure collective ou plus précisément l’ouverture
d’une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire à
l’encontre d’un commerçant personne physique ou d’un dirigeant de société n’a pas pour
conséquence directe d’interdire l’exercice du commerce.
!!Seulement, si celui-ci a commis des fautes graves de gestion notamment lorsqu’il
a continué à exploiter une E déficitaire ou lorsqu’il a dissimulé tout ou partie de l’actif, le
tribunal pourra prononcer sa faillite personnelle laquelle entraîne une interdiction de
diriger, administrer, gérer une E commerciale, industrielle ou toute autre société
commerciale.
De même, en cas de fraudes fiscales, notamment en cas de fraude en matière
d’impositions directes, de TVA mais également de taxes liées à la publicité foncière, le
tribunal pourra prononcer à l’encontre du commerçant qui a commis ces infractions une
interdiction d’exercer le commerce qui ne peut dépasser 3 ans.
Il s’agit ici d’une véritable sanction parce que dans une telle hypothèse, si la personne
condamnée bien qu’interdire d’exercer le commerce, exerce le commerce, elle pourra se
voir infliger le statut de commerçant de fait càd qu’on lui opposera toutes les obligations
liées au statut de commerçant mais elle ne pourra pas se prévaloir des droits liés au
statut de commerçant (preuve, compétence et solidarité des dettes commerciales).
• Les autorisations
L’autorisation concerne les étrangers qui souhaitent exercer le commerce. Il faut ici
distinguer entre l’étranger ressortissant de l’UE et l’étranger ressortissant d’un Etat tiers.
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Eu égard au premier (ressortissant de l’UE), celui-ci jouit a priori de la même
liberté d’entreprendre que le national. On s’appuie sur le TFUE et tout particulièrement on
fait référence à la liberté d’établissement art 49 du TFUE et la libre prestation de
service art 56 du TFUE —> généralement il y a un glissement vers les mêmes droits que
les nationaux.
S’agissant de l’étranger hors UE, il faut ici distinguer entre deux hypothèses.
Si l’étranger qui souhaite exercer le commerce veut résider en France, il doit être titulaire
d’une carte de résident qui est valable 10 ans et qui est renouvelable de plein droit. Cette
carte le dispense de l’accomplissement de toute autre formalité pour exercer le
commerce.
Si au contraire, l’étranger ne veut pas résider en France, il doit obtenir une carte de séjour
temporaire qui est valable 1 an et qui est renouvelable mais cette carte doit l’autoriser à
exercer l’activité et pour qu’il ait cette autorisation, il doit satisfaire à plusieurs obligations
: l’activité économique doit être économiquement viable càd pérenne et surtout l’activité
doit être conforme à notre ordre public, tout particulièrement aux règles de sécurité et
salubrité publique.
Il faut signaler que le statut du commerçant ressortissant d’un Etat tiers se
rapproche de celui du commerçant ressortissant d’un EM de l’UE. En effet, depuis une loi
du 2 janvier 2014, le commerçant ressortissant d’un Etat tiers n’a plus de déclaration à
effectuer en préfecture. Petite exception : le ressortissant d’un Etat tiers est parfois
soumis à cette obligation de déclaration en préfecture lorsque l’Etat tiers l’exige pour les
ressortissants français et ce en vertu de la condition de réciprocité.
2- Limites d’intérêt général qui tiennent à la nature de l’activité
Le type d’activité, la nature de l’activité peut justifier des limites à la liberté
d’entreprendre. Ce sont des activités qui sont en lien avec l’exercice d’un monopole
public. C’est tout particulièrement le cas dans des activités dites sensibles car liées à des
fonctions régaliennes de l’Etat et notamment à des activités dans le domaine de la police,
de la justice ou encore en matière de monnaie, d’énergie, ou d’activité de transport
(activités ferroviaires par ex). Sous l’influence de l’UE, la plupart de ces monopoles
tendent à être reconsidérés sur le fondement de la libre concurrence et sur le fondement
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de la libre prestation de service (pour ça qu’en matière ferroviaire arrivent des sociétés
privées).
D’autres activités, outre les monopoles, sont soumises à autorisation administrative. C’est
le cas des officines de pharmacie où pour exercer et vendre des médicaments il faut être
titulaire d’un diplôme d’Etat de docteur en pharmacie. Est également soumise à
autorisation la vente de boissons alcoolisées (alcools forts —> licence 4), les salles de
vente (enchères) ou encore certaines usines de production de produits dangereux.
L’implantation de grandes surfaces commerciales est également soumise à autorisation
et les règles de l’aménagement commercial constituent des limites qui entravent l’accès
aux activités commerciales.
§2 Les limitations conventionnelles
Elles résultent de l’application de clauses de non concurrence par lesquelles une
des parties s’engage à ne pas exercer pendant une certaine durée une activité qui puisse
entraver l’exercice du commerce de l’autre partie.
En droit commercial et en droit des affaires plus largement, les clauses de non
concurrence sont très importantes et donc très fréquentes. Elles sont très fréquentes
dans les contrats de cession de fonds de commerce et à cette occasion le cédant
s’engage à ne pas créer de fonds de commerce qui pourrait concurrencer le fonds de
commerce vendu. Ces clauses de non concurrence sont soumises à des conditions de
validité mais par exemple la clause ne doit pas anéantir complètement la liberté
d’entreprendre de son débiteur de sorte qu’elle doit être nécessairement limitée. Cette
limitation peut être matérielle (par ex relative à tel type d’activité ou relative à tel secteur,
temporelle —> ne peut pas être indéfinie dans le temps et elle peut être géographique
(càd dans une zone territoriale déterminée et cette zone ne doit pas être trop étendue).
En toute hypothèse, ces limitations sont appréciées souverainement par le juge du fond
qui est toutefois tenu par le contenu de l’accord donc il faut être très précautionneux
dans la rédaction des clauses (le support dans le contrat c’est l’instrumentum). La clause
ne doit donc pas avoir pour effet de supprimer toute possibilité pour le débiteur d’exercer
raisonnablement son activité professionnelle. Cette clause va voir un intérêt càd qu’elle
doit être indispensable à la protection de l’activité du créancier et de sa clientèle.
((Ex : vente d’un fonds de commerce de boulangerie, ne peut pas mettre de clause
d’interdiction d’ouvrir un salon de coiffure)).
Enfin, la clause doit être proportionnée et elle est parfois soumise au respect d’autres
exigences au premier rang desquelles figure l’exigence d’une contrepartie et notamment
l’exigence d’une contrepartie financière —> on interdit d’exercer telle activité moyennant
la somme de X. Il s’agit d’arrêts de principe de la chambre sociale de la Cour cas en date
du 10 juillet 2002. En l’absence de contrepartie, la clause est considérée comme
nulle en ce domaine. Lorsque la clause est considérée comme valide, toute violation
pourra donner lieu à revendication légitime de son créancier, il pourra demander la
cessation de l’activité mais aussi la réparation de tous les préjudices qu’il aura
éventuellement subi sur le fondement de l’art 1240 du Code civil, droit commun de la RC
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