LA FORMATION ET LA PREUVE DES ACTES DE COMMERCE

: LA FORMATION ET LA PREUVE DES ACTES DE COMMERCE

         Si la formation des actes de commerce emprunte largement au régime de droit commun (§. 1) , leur preuve obéit à un régime plus spécifique (§.2) .

§. 1- LA FORMATION DES ACTES DE COMMERCE

         Les conditions de validité des contrats civils s'appliquent dans leurs grands traits aux contrats de la vie commerciale. On tiendra cependant compte des règle spécifiques au consentement (A) à la capacité (B) et à la forme des actes (C).

A- Consentement
        
         En droit civil le silence ne vaut pas acceptation. La règle est prévue dans un souci de protection de celui qui n'a pas manifesté son accord pour rentrer dans un rapport contractuel. En droit commercial c'est la règle inverse qui s'impose en raison des contraintes de la vie des affaires. Cette solution ressort du texte de l'article 29 du C.O.C.  Deux manifestations du silence peuvent, d’après ce texte, engager le destinataire de l’offre. Dans la première, lorsqu'une réponse d'acceptation n'est pas exigée par l'usage du commerce le contrat est parfait dès que l'autre partie en a entrepris l'exécution. C'est là une première solution : elle est conditionnée par l'existence et la preuve d'un usage qui veut que l’acceptation résulte du silence si le destinataire de l’offre en a entrepris l’exécution. La  deuxième solution est plus simple : l'absence de réponse vaut consentement lorsque la proposition se rapporte à des relations d'affaires déjà entamées entre les parties. Dans le premier cas, le commencement d'exécution  établit, en présence d'une usage de ce sens, l'acceptation ; dans le second cas, il n'est même pas nécessaire qu'un commencement d'exécution existe.

         B- CapacitE
        
Les monde des affaires, des échanges et de la compétition exige des compétences particulières dont les mineurs ne sont pas dotés. C’est pour cette raison que le législateur a prévu des règles destinées à les en protéger. L'article 6 du C.C. dispose dans cet esprit que "tout mineur, de l'un et de l'autre sexe, âgé de dix-huit ans accomplis, ne pourra exercer le commerce ou être réputé majeur quant aux engagement par lui consentis pour faits de commerce, s'il n'a obtenu l'émancipation absolue".

Le mineur peut bénéficier d'une émancipation. Elle lui est accordée par le juge. Elle ne peut intervenir que s'il a atteint l'âge de quinze ans révolus. Elle peut être retirée par le juge en cas de besoin. Elle peut être restreinte ou absolue .

         Le mineur non-émancipé ne peut pas exercer des actes de commerce même isolés. L'article 10 du C.O.C. permet au mineur  lui- même et à son tuteur d'agir en nullité contre l'acte qu'il a souscrit alors même qu’il  a utilisé des manœuvres frauduleuses pour amener l'autre partie à croire à sa qualité de commerçant. Il demeure cependant obligé à concurrence du profit qu'il a retiré de l'obligation (art. 10 al. 2 C.O.C.), c'est-à-dire à mesure qu'il a employé ce qu'il a reçu en dépenses nécessaires ou utiles ou lorsque la chose existe encore dans sa patrimoine (art. 13 C.O.C).

        
 L’alinéa  2 de l’article 153 du code du statut personnel prévoit en outre que le mineur âgé de 17 ans devient majeur par le mariage quant à la gestion de ses affaires civiles et commerciales.

         Le mineur qui ne bénéficie que d'une émancipation restreinte, et celui qui n'a pas eux atteint l'âge de 18 révolus même s'il a obtenu une émancipation absolue (à moins qu’il ne soit marié) ne peuvent exercer le commerce. Ils ont le même statut que le mineur non émancipé. Seuls le mineur ayant l’âge de 18 ans révolus et bénéficiant d'une émancipation absolue et le mineur marié âgé de 17 ans révolus peuvent exercer le commerce.

         Ces solutions relatives à la capacité sont à compléter par l'art. 273 C.C. d'après lequel les lettres de change souscrites par des mineurs non-commerçants sont nulles à leur égard, sauf les droits respectifs des parties, conformément à l'art. 13 du C.O.C.

C- La forme

         On a souvent affirmé que les impératifs de rapidité et de souplesse de la vie des affaires commandent un recours atténué au formalisme. L'acte de commerce n'est assujetti à aucune forme. La solution est en parfaite harmonie avec le principe de la liberté des preuves en droit commercial. On notera cependant quelques exceptions. Ainsi en est-il du formalisme qui entoure la lettre de change. Si le titre ne comporte pas les mentions obligatoires prévues par l'art. 269 C.C. il ne vaut pas comme lettre de change. Il en est de même pour le formalisme qui entoure la vente du fonds de commerce.
         Ces exceptions ont tendance à se  multiplier. Et on peut noter que les lois les plus récentes, en matière de vente à tempérament par exemple, confirment la tendance formaliste : la forme est dans tous ces cas une condition de validité de l'acte.

§.2 - LA PREUVE DES ACTES DE COMMERCE

         En matière commerciale la preuve est libre. C'est un principe (A) dont découlent des conséquences(B).

A) Le principe de la libertE de la preuve

         Le droit civil adopte le système de la preuve pré-constituée. C'est la preuve écrite. L'article 473 C.O.C. interdit la preuve par témoins lorsque la valeur de l’engagement dépasse ou égale 1000 dinars. Il n'est reçu aucune preuve par témoins  contre et outre le contenu de l'acte et encore qu'il s'agisse d'une somme inférieure à 1000 dinars.

         Une telle rigueur ne semble pas convenir aux relations commerciales dont le succès dépend de la rapidité de leur dénouement. C’est ce qui impose le recours à un système plus souple. La liberté de la preuve en matière commerciale semble avoir été retenue depuis le code des obligations et des contrats. L'article 478 de ce code prévoit en effet que la preuve testimoniale est recevable entre commerçants dans les affaires où il n'est pas d'usage d'exiger des preuves écrites. Le texte apporte une dérogation à l'art. 474 c o c  qui n’admet pas le preuve testimoniale  contre et outre le contenu des actes dont la valeur dépasse 1000 dinars.

         Avec l'article 598 C.C. le législateur consacre le principe de la liberté des preuves en matière commerciale. D’après ce texte, les engagements commerciaux se constatent par différents moyens qui vont de l'acte authentique aux témoignages et présomptions en passant par les correspondances, les factures et les livres des parties. Sur un texte quasi-similaire, l'article 109 CC. Fr., la jurisprudence française a érigé le principe de la liberté de la preuve en matière commerciale. Notre jurisprudence en a fait de même (Cass. civ. n°56/1290 du 27/10/1960, B. 105 ; Cass. civ. n°9261 du 7/3/1973, B.I., 84. )

Le principe a pour signification essentielle que tous les moyens de preuve sont admis. Or si tel est le cas quelle serait la valeur de l'énumération de l’art. 598 C.C. ?  Dire qu'elle est limitative ôterait à l'affirmation du principe toute sa consistance. Dire qu’elle est indicative, ferait d’elle une énumération inutile. En réalité, la formulation de ce texte est tellement large qu'on ne saurait dire qu'elle est limitative. En évoquant les présomptions dans le cas où le tribunal croira devoir les admettre le législateur dote le juge d'un large pouvoir d'appréciation et par conséquent de mise en application du principe de la liberté de la preuve. Les présomptions sont des indices au moyen desquels le juge établit l'existence de certains faits inconnus, il ne doit les admettre que si elles sont graves et précises ou bien nombreuses et concordante et que si elles sont confirmées par le serment de la partie qui les invoque. Ceci est de nature à démontrer que le concept de liberté ne signifie pas pouvoir discrétionnaire du juge, mais que les moyens de preuve sont toujours remis à l'appréciation du juge qui doit respecter les exigences de la motivation légale de ses jugements.
Le problème peut se poser toutes les fois que la preuve qu’on se propose de faire n’a pas de support écrit. En évoquant par exemple "la correspondance", le législateur n'a pas exigé qu'elle doive avoir nécessairement un support écrit et le juge peut parfaitement recourir aux présomptions.

         La difficulté s’est posée notamment concernant les procédés modernes de communication développés par l'informatique.  Mais la loi n° 57 du 13 juin 2000 modifiant et complétant certaines dispositions du code des obligations et des contrats est venue lever définitivement le doute sur l’admissibilité des moyens de preuve qui sont apparus suite au développement de ces moyens de communication. Ainsi, s’il n’était reconnu d’après l’article 470 COC  à la copie la même valeur que celle de l’original que si elle est certifiée conforme par l’officier public, le même texte reconnaît depuis sa réforme en 2000 la même valeur aux copies réalisées selon des procédés techniques qui procurent toutes les garanties de leur conformité à l’original. L’alinéa 3 de l’article 471 nouveau du COC répute copie fidèle et durable « toute reproduction de l’original qui entraîne une modification irréversible du support matériel tels que le microfilm ou la microfiche ou tout autre procédé d’archivage électronique ou optique ». Avec l’article 453 le législateur reconnaît la signature électronique  qui consiste dans l’utilisation d’un procédé d’identification fiable garantissant le lien entre ladite signature et le document électronique auquel elle se rattache. Ainsi, le document électronique est reconnu. Il fait preuve au même titre qu’un acte sous seing privé.(art.453 bis).
Toute cette évolution a prépare le terrain sur le plan juridique au développement du commerce électronique. (La loi du 9 août 2001 sur les échanges et le commerce électronique.
Avec la réforme de 2000 le législateur tient compte de l’évolution technologique en même temps qu’il consacre une nouvelle manifestation du rapprochement entre droit civil et droit commercial.
          
B- CONSEQUENCES DU PRINCIPE

         Le principe de la liberté de la preuve ne concerne pas que les actes de commerce. La formule de l'article 598 C.C. est générale, elle vise "les engagements commerciaux" ce qui couvre aussi bien les engagements d'origine volontaire (contrats et engagement unilatéraux) que ceux d'origine non-volontaires (délits, quasi-délits, quasi- contrats). Encore faut-il rappeler cependant que l’application de ce régime concerne essentiellement les engagements volontaires seuls qui bénéficient de ce régime , étant donné qu’en en matière civile, les engagements non volontaires sont soumis par principe au système de la preuve libre. C’est pourquoi la formule de la version arabe de ce texte nous paraît plus adéquate lorsqu’elle ne vise que les « contrats commerciaux ».
         La principe de la liberté de la preuve s'applique quelle que soit la qualité du partenaire du commerçant. Autrement dit, ce principe fonctionne aussi bien lorsque les deux parties à l'acte sont commerçantes ou lorsque l'une d'elles seulement l'est.  C'est là une autre différence entre le droit tunisien et le droit français qui depuis 1980 a limité l'application du principe de la liberté de la preuve aux cas où les deux parties à l'acte ont la qualité de commerçant.
          
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