Section 3 — La protection contre les dommages de travaux publics
Les travaux publics peuvent donner lieu à deux sortes de contentieux : celui lié à
l’interprétation et à l’application des contrats qui concernent l’exécution des travaux publics
(contentieux contractuel) ; et celui lié à la réparation des dommages de travaux publics, qui
est un contentieux extracontractuel. Cette notion de dommages de travaux publics n’est, là
encore, pas définie par la loi, c’est la jurisprudence du Conseil d’Etat et du Tribunal des
conflits qui permet de connaître l’étendue de cette notion, qui est fonction du lien entre le
dommage et le travail public ou l’ouvrage public.
Le régime juridique de la réparation des dommages de travaux publics obéit à un certain
nombre de règles particulières qui échappent ou dérogent au droit commun de la
responsabilité administrative, pour faciliter l’indemnisation des victimes.
§1 — Les règles de compétence juridictionnelle
A/ Compétence du juge administratif
En cas de préjudice résultant d’un dommage de travaux publics, le principe est celui de la
compétence du juge administratif pour connaître de la demande de réparation formulée par
la victime d’un travail ou d’un ouvrage public. La jurisprudence administrative est marquée,
en la matière, par une conception étendue de sa compétence, à la fois par une interprétation
large du lien de causalité entre le travail public (ou l’ouvrage) et le préjudice subi (donc
même par une inexécution de travaux), et par une « attractivité » de la notion de dommage
de travaux publics ; un certain nombre de litiges ayant un lien avec des travaux publics vont
être rattachés au droit des travaux publics (opérations connexes à des travaux publics,
comme des opérations préliminaires à la réalisation de ces travaux, tels des transports de
matériaux, des contrats de financement, des contrats de maîtrise d’œuvre…).
22
Cette compétence du juge administratif était fondée sur la loi du 28 pluviôse an 8 ;
aujourd’hui, le fondement est jurisprudentiel.
L’action en responsabilité pour dommages de travaux publics a été longtemps particulière
dans la mesure où la victime pouvait directement saisir le juge administratif d’une demande
en dommages-intérêts ; elle n’était pas tenue de lier le contentieux en s’adressant à la
personne publique responsable. En raison de cette exception à la règle de la décision
préalable, le recours contre une personne publique était recevable sans condition de délai
(réserve faite de la prescription quadriennale ; les créances de l’administration ne sont
exigibles que dans les 4 ans qui suivent la date à laquelle la créance sur la personne publique
est née) ; il était donc possible de demander réparation plusieurs mois après le dommage.
De plus, la victime avait la possibilité d’agir sans ministère d’avocat.
Ces éléments de particularités du contentieux des dommages de travaux publics ont pris fin
avec le décret JADE (justice administrative pour demain) du 2 novembre 2016 (avec une
entrée en application au 1er janvier 2017).
B/ Compétence du juge judiciaire
Il existe plusieurs cas dans lesquels la compétence du juge judiciaire resurgit. Sans être
exhaustif, plusieurs hypothèses parmi les plus importantes :
• La loi du 31 décembre 1957 a transféré à la juridiction judiciaire, pour unifier les
contentieux, le contentieux des dommages causés par « un véhicule quelconque », même
lorsque ce véhicule participe à l’exécution des travaux publics, qu’il appartient à une
personne publique et que l’action en réparation est dirigée contre une personne morale de
droit public (par exemple, lorsqu’un dommage est causé par une collision avec un engin de
chantier exécutant un travail public).
La jurisprudence considère comme véhicule tout engin susceptible de se mouvoir au moyen
d’un « dispositif propre », tel qu’un moteur par exemple (sont donc exclus les brouettes, ou
les tondeuses à gazon…).
Il faut néanmoins que le véhicule soit la cause déterminante du dommage ; ce n’est pas le cas
si l’origine du dommage est la mauvaise organisation des travaux, ce que le juge administratif
admet assez largement (accident causé, certes par un véhicule, mais mauvaise surveillance du
chantier, absence de précautions prises…).
• Les dommages causés aux usagers des SPIC. Il existe un bloc de compétence judiciaire, au
profit des usagers des SPIC, même s’ils utilisent des ouvrages publics ou s’ils sont victimes de
dommages de travaux publics. Même si le dommage est causé du fait de l’ouvrage (grâce
auquel le service public fonctionne), le juge va considérer que le dommage est le résultat du
fonctionnement du SPIC (la victime sera indemnisée en tant qu’usager du SPIC – qui utilise
l’ouvrage public, et non en tant qu’usager de l’ouvrage public utilisé par le SPIC). Cette
solution a été fixée dans un arrêt de principe du tribunal des conflits (24 juin 1954, Dame
Galland, req. n° 1453, à propos d’un incendie provoqué par la foudre qui s’est propagée par
le réseau de distribution d’eau ; même si le réseau (ouvrage public) est la cause du dommage,
du fait de l’absence d’un dispositif de sécurité, la compétence est celle du juge judiciaire car
la victime est usager du SPIC, et le dommage est survenu à l’occasion de la fourniture de la
prestation à l’usager) .
Ce bloc de compétence juridictionnelle s’explique aussi parce que le juge estime que les liens
contractuels qui existent entre les SPIC et leurs usagers sont des liens de droit privé ; de la
même manière, même si des litiges sont nés de l’exécution de travaux publics, le juge
judiciaire est compétent dès lors que les parties sont unies par un contrat de droit privé. La
compétence juridictionnelle issue de ces liens contractuels prime sur celle qui résulte de
l’ouvrage public à l’origine du dommage (la compétence suit le fond).
• Le juge judiciaire est toujours compétent en matière de voie de fait, même lorsque le litige
est survenu par la réalisation de travaux publics, ou par l’implantation d’un ouvrage public. Le
juge judiciaire peut ordonner l’interruption des travaux, voire même ordonner la démolition
de l’ouvrage. La réserve est que l’arrêt Bergoend de 2013 a strictement cantonné la notion
de voie de fait, exigeant que le travail public entraîne une extinction du droit de propriété.
Les travaux publics peuvent donner lieu à deux sortes de contentieux : celui lié à
l’interprétation et à l’application des contrats qui concernent l’exécution des travaux publics
(contentieux contractuel) ; et celui lié à la réparation des dommages de travaux publics, qui
est un contentieux extracontractuel. Cette notion de dommages de travaux publics n’est, là
encore, pas définie par la loi, c’est la jurisprudence du Conseil d’Etat et du Tribunal des
conflits qui permet de connaître l’étendue de cette notion, qui est fonction du lien entre le
dommage et le travail public ou l’ouvrage public.
Le régime juridique de la réparation des dommages de travaux publics obéit à un certain
nombre de règles particulières qui échappent ou dérogent au droit commun de la
responsabilité administrative, pour faciliter l’indemnisation des victimes.
§1 — Les règles de compétence juridictionnelle
A/ Compétence du juge administratif
En cas de préjudice résultant d’un dommage de travaux publics, le principe est celui de la
compétence du juge administratif pour connaître de la demande de réparation formulée par
la victime d’un travail ou d’un ouvrage public. La jurisprudence administrative est marquée,
en la matière, par une conception étendue de sa compétence, à la fois par une interprétation
large du lien de causalité entre le travail public (ou l’ouvrage) et le préjudice subi (donc
même par une inexécution de travaux), et par une « attractivité » de la notion de dommage
de travaux publics ; un certain nombre de litiges ayant un lien avec des travaux publics vont
être rattachés au droit des travaux publics (opérations connexes à des travaux publics,
comme des opérations préliminaires à la réalisation de ces travaux, tels des transports de
matériaux, des contrats de financement, des contrats de maîtrise d’œuvre…).
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Cette compétence du juge administratif était fondée sur la loi du 28 pluviôse an 8 ;
aujourd’hui, le fondement est jurisprudentiel.
L’action en responsabilité pour dommages de travaux publics a été longtemps particulière
dans la mesure où la victime pouvait directement saisir le juge administratif d’une demande
en dommages-intérêts ; elle n’était pas tenue de lier le contentieux en s’adressant à la
personne publique responsable. En raison de cette exception à la règle de la décision
préalable, le recours contre une personne publique était recevable sans condition de délai
(réserve faite de la prescription quadriennale ; les créances de l’administration ne sont
exigibles que dans les 4 ans qui suivent la date à laquelle la créance sur la personne publique
est née) ; il était donc possible de demander réparation plusieurs mois après le dommage.
De plus, la victime avait la possibilité d’agir sans ministère d’avocat.
Ces éléments de particularités du contentieux des dommages de travaux publics ont pris fin
avec le décret JADE (justice administrative pour demain) du 2 novembre 2016 (avec une
entrée en application au 1er janvier 2017).
B/ Compétence du juge judiciaire
Il existe plusieurs cas dans lesquels la compétence du juge judiciaire resurgit. Sans être
exhaustif, plusieurs hypothèses parmi les plus importantes :
• La loi du 31 décembre 1957 a transféré à la juridiction judiciaire, pour unifier les
contentieux, le contentieux des dommages causés par « un véhicule quelconque », même
lorsque ce véhicule participe à l’exécution des travaux publics, qu’il appartient à une
personne publique et que l’action en réparation est dirigée contre une personne morale de
droit public (par exemple, lorsqu’un dommage est causé par une collision avec un engin de
chantier exécutant un travail public).
La jurisprudence considère comme véhicule tout engin susceptible de se mouvoir au moyen
d’un « dispositif propre », tel qu’un moteur par exemple (sont donc exclus les brouettes, ou
les tondeuses à gazon…).
Il faut néanmoins que le véhicule soit la cause déterminante du dommage ; ce n’est pas le cas
si l’origine du dommage est la mauvaise organisation des travaux, ce que le juge administratif
admet assez largement (accident causé, certes par un véhicule, mais mauvaise surveillance du
chantier, absence de précautions prises…).
• Les dommages causés aux usagers des SPIC. Il existe un bloc de compétence judiciaire, au
profit des usagers des SPIC, même s’ils utilisent des ouvrages publics ou s’ils sont victimes de
dommages de travaux publics. Même si le dommage est causé du fait de l’ouvrage (grâce
auquel le service public fonctionne), le juge va considérer que le dommage est le résultat du
fonctionnement du SPIC (la victime sera indemnisée en tant qu’usager du SPIC – qui utilise
l’ouvrage public, et non en tant qu’usager de l’ouvrage public utilisé par le SPIC). Cette
solution a été fixée dans un arrêt de principe du tribunal des conflits (24 juin 1954, Dame
Galland, req. n° 1453, à propos d’un incendie provoqué par la foudre qui s’est propagée par
le réseau de distribution d’eau ; même si le réseau (ouvrage public) est la cause du dommage,
du fait de l’absence d’un dispositif de sécurité, la compétence est celle du juge judiciaire car
la victime est usager du SPIC, et le dommage est survenu à l’occasion de la fourniture de la
prestation à l’usager) .
Ce bloc de compétence juridictionnelle s’explique aussi parce que le juge estime que les liens
contractuels qui existent entre les SPIC et leurs usagers sont des liens de droit privé ; de la
même manière, même si des litiges sont nés de l’exécution de travaux publics, le juge
judiciaire est compétent dès lors que les parties sont unies par un contrat de droit privé. La
compétence juridictionnelle issue de ces liens contractuels prime sur celle qui résulte de
l’ouvrage public à l’origine du dommage (la compétence suit le fond).
• Le juge judiciaire est toujours compétent en matière de voie de fait, même lorsque le litige
est survenu par la réalisation de travaux publics, ou par l’implantation d’un ouvrage public. Le
juge judiciaire peut ordonner l’interruption des travaux, voire même ordonner la démolition
de l’ouvrage. La réserve est que l’arrêt Bergoend de 2013 a strictement cantonné la notion
de voie de fait, exigeant que le travail public entraîne une extinction du droit de propriété.
§2 — Les règles de fond
Il faut distinguer, d’abord, selon que le dommage causé par l’existence de l’ouvrage public ou
la réalisation de travaux publics est permanent (inhérent à l’ouvrage) ou accidentel. Cette
distinction est importante car dans la deuxième hypothèse, il faudra tenir compte de la
situation de la victime par rapport à l’ouvrage ou aux travaux à l’origine du dommage pour
déterminer le régime de responsabilité applicable, plus ou moins favorable à la victime
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(usager, tiers ou participant, pour déterminer si l’on applique un régime de responsabilité
pour faute présumée, sans faute ou pour faute prouvée). Or, pour les dommages
permanents, cette distinction de la situation de la victime n’est pas nécessaire, toutes les
victimes étant, le plus souvent, dans la situation de tiers (et même si elle est usager, et que le
dommage est causé par la présence de l’ouvrage public, ou par son fonctionnement, elle a
droit à réparation sans avoir à démontrer l’existence d’une faute… Dans cette situation, la
distinction tiers/ usager n’a pas de sens).
A/ La réparation des dommages permanents
1/ La notion de dommages permanents
Ce sont les dommages causés par un ouvrage public qui n’ont pas de caractère accidentel, ce
qui exclut donc tous ceux qui sont produits par un événement imprévisible ou une erreur
matérielle ou humaine.
On distingue les dommages liés à l’existence d’un ouvrage (le fait de l’ouvrage), au fait
justement qu’il soit mal implanté, mal conçu, et les dommages liés à son exploitation. Dans
les deux cas, la survenance du dommage était prévisible, elle résulte logiquement de son
existence. Le préjudice disparaîtra avec l’ouvrage.
La seule présence d’un ouvrage, et son activité, peuvent en effet causer des dommages, par
des gênes ou des inconvénients de voisinage (des préjudices commerciaux, des troubles de
jouissance avec toutes sortes de nuisance provoquées par un fonctionnement normal de
l’ouvrage, une dépréciation de la valeur des biens). Cette présence de l’ouvrage public, son
fonctionnement, son exploitation, ne sont pas illicites ; pour autant cet ouvrage crée des
nuisances, qui sont d’ailleurs assumées par la personne publique (ex. d’une nouvelle voie
publique qui vient troubler la tranquillité de celui qui habite à proximité ; les riverains d’un
aéroport qui se plaignent des nuisances sonores, même si ces dernières sont dans les limites
de celles autorisées…) ;
Parfois même, c’est l’absence d’un ouvrage public qui est cause de dommages (pour fait de
l’ouvrage), et la responsabilité de l’administration sera recherchée pour ne pas avoir
construit l’ouvrage (par ex. la non réalisation d’un ouvrage d’évacuation des eaux de pluie et
des eaux usées).
2/ Le régime de responsabilité
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La responsabilité de la personne publique est reconnue sur la base du principe d’égalité de
tous devant les charges publiques. Il n’y a pas nécessairement de faute commise par
l’administration, mais dès lors que pèsent sur le particulier des charges anormales et
spéciales, ce dernier doit être indemnisé (parce que ses intérêts particuliers ont été
méconnus pour satisfaire l’intérêt général que remplit toute opération d’exécution des
travaux publics). Il n’a pas à démontrer que l’auteur du dommage a commis une faute, ce qui
facilite l’indemnisation de la victime (qu’elle soit tiers ou usager), mais à établir l’existence
d’un lien de causalité entre l’existence ou le fonctionnement de l’ouvrage et le préjudice.
Il faut donc un dommage à la fois grave et spécial, pour que le droit à réparation soit
reconnu. Un dommage spécial ne doit atteindre que quelques individus en particulier (cela se
mesure au nombre de personnes victimes du même dommage) ; un dommage grave se
mesure par rapport aux sujétions qui peuvent être imposées aux tiers à l’ouvrage au nom de
l’intérêt général (un inconvénient mineur imposé au nom de l’intérêt général n’a pas à être
réparé, il relève de la vie sociale normale ; CE, 24 juillet 1931, Commune de Vic-Fezensac,
p. 860 ). L’appréciation est aisée pour des dommages corporels ou en cas de destruction de
biens ; le juge considèrera que le préjudice est grave et spécial ; c’est plus difficile pour des
troubles de jouissance ou de dépréciation de la valeur du bien (cas de la diminution de
l’ensoleillement du fait de la construction d’un ensemble HLM, ou des nuisances provoquées
par le passage sur un chemin aménagé en surplomb d’une propriété, ou encore le voisinage
d’un terrain de football communal).
Ces troubles se rapprochent des inconvénients de voisinage (notion issue du droit privé),
dont la théorie insiste davantage sur la qualité de riverain pour pouvoir prétendre à une
indemnisation (dès lors que les gênes résultant de la proximité d’un ouvrage public
dépassent les inconvénients normaux de voisinage).
Une durée excessive de travaux peut constituer un préjudice grave (parce qu’elle a
provoqué la fermeture provisoire d’un commerce, une diminution importante des recettes
d’un artisan, de sérieuses difficultés d’accès créant un important préjudice commercial, une
dépréciation importante de la valeur vénale d’une propriété).
B/ La réparation des dommages accidentels
1/ La notion de dommages accidentels
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Un dommage accidentel est un fait ponctuel, passager, qui résulte d’un incident lié à un
travail public ou à un ouvrage public
• Ce dommage peut avoir été causé directement par un travail public, lors de sa réalisation
(électrocution, inondation, chute d’une personne dans un trou, un accident de la circulation
dû à l’état de la route en voie de réfection) ;
• Ce dommage est accidentel lorsqu’il est dû aux conséquences de la réalisation de travaux
publics (par ex., un accident est provoqué par l’affaissement de la chaussée suite au
creusement d’une tranchée pour poser une canalisation, ou par des déblais qui sont restés
sur la chaussée).
• Constitue également un dommage accidentel de travaux publics un dommage provoqué par
l’absence de travaux publics (par ex., les dommages provoqués par des chutes d’arbres
longeant les voies publiques, qui n’ont pas été évacués, ou un défaut d’élagage, ou l’absence
de balisage d’un rocher situé dans une rivière navigable).
2/ Le régime de responsabilité
Le régime de responsabilité pour dommages de travaux publics procède à une
« hiérarchisation » dans la protection des victimes, en prenant en compte leur situation
particulière par rapport au bénéfice qu’elles étaient estimées retirer de l’opération de
travaux publics. Il faut distinguer selon que la victime est participante, tiers à cette opération,
ou encore usager de l’ouvrage.
1. La responsabilité à l’égard d’un participant à une opération de TP, victime d’un
dommage
Le participant peut être défini comme celui qui prend part directement à l’exécution des
travaux publics (par ex. une entreprise sous traitante chargée de réaliser les travaux, un
architecte en visite sur le chantier, les transporteurs qui livrent les matériaux). La
« participation » à un travail public est interprétée assez largement par le Conseil d’Etat, qui
insiste sur son caractère effectif et réel ; ne sont pas soumis au même régime de
responsabilité le participant bénévole et le participant professionnel, lequel est censé à la fois
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tirer un avantage financier et connaître les risques de sa participation à l’exécution d’un
travail public.
Le juge administratif estime que les dommages subis par les participants à un travail public
n’ouvrent droit à réparation que s’il y a faute de l’administration ou de l’entrepreneur. C’est
à la victime d’apporter la preuve de cette faute (les participants qui ont la qualité de salariés
d’un entrepreneur chargé de l’exécution d’un travail public bénéficient de la législation sur
les accidents du travail, et donc, en pratique, d’une réparation forfaitaire automatique, sans
avoir à prouver l’existence d’une faute)
2. La responsabilité à l’égard de l’usager de l’ouvrage public, victime d’un dommage
Est usager de l’ouvrage public celui qui, au moment de la survenance du dommage, utilisait
effectivement l’ouvrage public (ce qui exclut du bénéfice de la qualité d’usager la personne
qui bénéficie de l’ouvrage sans l’utiliser, comme les riverains de la voie publique, dès lors
qu’ils ne franchissent pas le seuil de leur immeuble) ; le dommage doit résulter directement
de l’utilisation de l’ouvrage public ou du travail public (cf les cyclistes ou les piétons, victimes
de la défectuosité de la chaussée qu’ils empruntent, ou de ses accessoires ; les personnes qui
pénètrent dans un bâtiment public, même s’ils n’ont pas pour but d’utiliser le service public
qui y est rendu).
La notion est interprétée extensivement : est également usager de l’ouvrage public l’usager
non autorisé ou anormal (le juge va se fier à la réalité de la situation occupée par la
personne).
Dans certains cas, la situation de la victime peut poser problème, car le régime juridique qui
va s’appliquer à son dommage peut être différent. C’est le cas d’une personne qui subit un
dommage à l’intérieur d’un ouvrage public siège d’un service public. La victime est-elle usager
du service public ou usager de l’ouvrage public ? La distinction est importante. Si la victime
n’est qu’usager de l’ouvrage public, il s’agit d’un dommage de travaux publics, quelle que soit
la nature du service exercé au sein de l’ouvrage (compétence du juge administratif). Si la
victime est usager du service public, et que le service public est un SPIC, la compétence est
celle du juge judiciaire (cf 1954, Dame Galland) ; si le service public est un SPA, la
compétence reste au juge administratif, mais il ne s’agit plus d’un dommage de travaux
publics mais d’un dommage causé par une faute de service. Cette situation a été traitée dans
un arrêt du CE, 24 novembre 1967, Demoiselle Labat, p. 444 : compétence du juge
administratif car la victime de l’effondrement d’une marquise dans une gare, alors qu’elle
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assistait à une fête folklorique, n’était pas usager du service public) ; idem pour un cycliste
blessé par l’abaissement de la barrière du passage à niveau, il est considéré comme usager de
l’ouvrage public (et non usager du SP ferroviaire), donc compétence du juge administratif
(s’il est usager de l’ouvrage public, régime de responsabilité pour faute présumée ; s’il est
usager du SP, régime de responsabilité pour faute prouvée).
Le principe est que la responsabilité de l’administration à l’égard des usagers des ouvrages
publics est une responsabilité pour faute, mais avec faute présumée. Autrement dit, la
victime n’a pas à établir l’existence de la faute, mais seulement la réalité du préjudice qu’elle
a subi ; et l’administration pourra s’exonérer de toute responsabilité si elle prouve qu’aucune
faute ne lui est imputable. Elle devra notamment démontrer que l’ouvrage ne possédait
aucun vice de conception (non respect des règles de sécurité, défaut des garanties requises
de sécurité, emploi de matériaux inadaptés comme des vitrages qui présentent une
résistance insuffisante aux chocs) ou qu’il n’existait aucun « défaut d’entretien normal »
(absence de protection ou de signalisation, absence de soins ou de réparation adéquate). Car
si la personne publique est responsable des dommages que peut causer l’exécution de
travaux publics, elle l’est aussi pour l’inexécution des travaux nécessaires à l’entretien du
bien, pour qu’il soit dans un état permettant un usage conforme à sa destination. Pour éviter
que le défaut d’entretien normal soit trop souvent invoqué, le juge tient compte dans son
appréciation des conditions habituelles de l’utilisation de l’ouvrage ; le juge va, en outre,
apprécier, d’une part le degré de gravité du défaut d’entretien (une saillie ou une excavation
de moins de 5 cm sur la chaussée n’engage pas la responsabilité de l’administration
propriétaire), d’autre part la rapidité de l’intervention (l’administration doit agir dans un délai
raisonnable) ; le défaut d’information des usagers constitue aussi un défaut d’entretien
normal.
La victime d’un préjudice, usager de l’ouvrage public, peut bénéficier d’un régime de
responsabilité encore plus avantageux pour elle, si le dommage provient d’un ouvrage
qualifié d’exceptionnellement dangereux. Dans ce cas, le juge considère qu’elle subit un
risque particulier, et qu’à ce titre, cette victime bénéficie du régime de responsabilité sans
faute (CE, ass. 6 juillet 1973, Ministre de l’équipement et du logement c. Sieur Dalleau, p. 482, à
propos d’une portion de route à la Réunion). Cet arrêt n’a cependant pas fait jurisprudence
(pas d’application positive, à l’exception de cet arrêt Dalleau).
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3. La responsabilité à l’égard du tiers à l’opération de travaux publics, victime d’un
dommage
Le tiers est une personne totalement étrangère à l’ouvrage public ou au travail public. Il peut
d’ailleurs être défini négativement, comme n’ayant ni la qualité d’usager ni celle de
participant, c’est une catégorie résiduelle. Il n’utilise pas l’ouvrage public, et ne bénéficie pas
du travail public (il est riverain d’une voie publique, le propriétaire d’un bien incendié ou
endommagé par le fait d’un travail public ou d’un ouvrage public extérieur), ou utilise un
ouvrage public qui n’est pas celui à l’origine d’un dommage (cas de l’automobiliste qui subit
un accident provoqué par la chute d’un câble électrique).
La victime tiers bénéficie d’un régime de responsabilité particulièrement favorable, sans
faute, fondé sur la rupture de l’égalité devant les charges publiques. Elle n’a pas à rapporter la
preuve de l’existence d’une quelconque faute de l’administration à l’origine du dommage,
mais seulement celle d’un lien de cause à effet entre le dommage qu’elle a subi et le travail
public ou l’ouvrage public. Si le préjudice se révèle grave et spécial (c’est-à-dire limité à un
nombre restreint de personnes et suffisamment grave), il devra être réparé par
l’administration, même sans faute de sa part.
Il existe des cas d’exonération de responsabilité (plus couramment de limitation de
responsabilité), pour l’administration. En matière de responsabilité pour faute et de
responsabilité sans faute, les causes exonératoires sont la force majeure (événement
imprévisible, irrésistible et extérieur aux parties) et la faute de la victime (cause
exonératoire la plus souvent invoquée en matière de dommages de travaux publics).
La force majeure constitue une cause d’irresponsabilité quel que soit le type de
responsabilité et quelle que soit la situation de la victime (car le cas de force majeure vient
affecter le lien de causalité nécessaire entre le fait de l’administration et le préjudice subi). Le
cas de force majeure est rarement admis (pour ne pas priver les victimes de leur droit à
réparation).
Le fait de la victime exonère l’administration de sa responsabilité dans tous les cas ; le plus
souvent néanmoins, il ne s’agit que d’un cas d’exonération partielle, avec un partage des
responsabilités (la faute de la victime peut prendre la forme d’une imprudence, d’une
négligence, d’une acceptation du risque).
Le fait du tiers n’est pas exonératoire. La victime du dommage doit être indemnisée par
l’administration qui peut, ensuite, par une action récursoire, réclamer du tiers qui a
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contribué au dommage le remboursement d’une partie de l’indemnisation versée.
C’est la
règle fixée dans un arrêt de 1976, Ministre de l’aménagement du territoire c/ Berkowitz (accident
mortel d’un automobiliste provoqué par le choc avec un morceau d’une balise de
signalisation qui avait été laissée sur la route par un autre automobiliste ; mais la veuve de la
victime a obtenu indemnisation intégrale du préjudice subi par l’Etat, propriétaire de la voie,
car il y a eu défaut d’entretien normal, l’élément trainant sur la voie aurait dû être enlevé…).
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