Les règles applicables à la maîtrise d’ouvrage publique en droit français


§ 1 — Les règles applicables à la maîtrise d’ouvrage publique

Une notion est très importante en droit de l’immobilier, celle de maîtrise d’ouvrage, ou de
maître de l’ouvrage. Le maître de l’ouvrage est celui pour le compte duquel les travaux sont
réalisés, qui prend l’initiative de l’acte de construire. En droit privé, le maître d’ouvrage n’est
contraint par aucune règle particulière, il peut ainsi tout déléguer à des partenaires (qui vont
faire les choix à sa place, qui vont aussi supporter à sa place les responsabilités liées à ces
choix), c’est le régime de la liberté contractuelle.
En droit public, le maître d’ouvrage ne dispose pas de cette liberté :
1/ Il doit obligatoirement remplir un certain nombre de missions (pas de délégation totale) ;
2/ S’il entend passer un contrat pour faire réaliser des travaux, il est limité dans sa liberté de
choix de son cocontractant.
Deux textes importants limitent la liberté du maître d’ouvrage public : la loi MOP du 12
juillet 1985 et la réglementation marchés publics (applicable aux marchés publics de travaux),
issue de textes régulièrement modifiés. Ces textes sont désormais codifiés dans un code de
la commande publique (qui résulte d’une ordonnance du 26 novembre 2018 pour la partie
législative, et d’un décret du 3 décembre 2018 pour la partie réglementaire) ; ce code est
entré en application le 1er avril 2019 : il définit ce que sont les contrats de la commande
publique, donc des contrats destinés à satisfaire les besoins de la personne publique (pour
les travaux, les marchés publics de travaux et les contrats de concession), il précise les
règles de procédure qui doivent aboutir au choix du cocontractant, et il contient également
des éléments concernant l’exécution des contrats (l’exécution financière – les délais de
paiement, la sous-traitance, la modification du marché, sa résiliation). Le livre V du code
(art. L. 2410 et s.) est consacré à la maîtrise d’ouvrage publique.
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La loi MOP de 1985 (reprise dans le code, avec une codification à droit constant) avait pour
objectif de restaurer la qualité des constructions publiques, que l’on estimait médiocres,
parce que mal garantie par le droit en vigueur. La faute en était imputée à la propension des
maîtres d’ouvrage public (pour qui les ouvrages étaient réalisés) de « se défausser » de
certaines de leurs missions essentielles sur des opérateurs (privés notamment) qui étaient
peu soucieux des intérêts publics. La loi avait donc pour objectif d’encadrer la liberté des
maîtres d’ouvrages publics jugés trop laxistes (qui laissaient à des partenaires le soin de
définir la conception de l’ouvrage, par exemple…). Il fallait également tirer les conséquences
de la loi de décentralisation de 1982 qui a eu pour conséquence de multiplier les situations
dans lesquelles les collectivités locales étaient « bâtisseurs », donc d’encadrer juridiquement
cette faculté, et qui mettait fin à la « tutelle technique » exercée par l’Etat.

Le principal moyen (pour encadrer la liberté des personnes publiques) a consisté à limiter la
possibilité pour les personnes publiques de transférer ou de déléguer à des tiers leurs
fonctions de maître d’ouvrage (art. 2411-1 CCP : les maîtres d’ouvrage public « sont les
responsables principaux de l’ouvrage. Ils ne peuvent déléguer cette fonction d’intérêt général… »).
La loi reconnaît donc un noyau dur de la maîtrise d’ouvrage (6 attribution, art. L. 2421-1 : le
maître d’ouvrage public a compétence exclusive pour prendre les décisions relatives à la
détermination de la localisation de l’ouvrage, la définition du programme – quels sont les
besoins à satisfaire, les contraintes : insertion dans le paysage, qualité, fonctionnalité -, la
détermination de l’enveloppe financière prévisionnelle, le choix du processus de réalisation
de l’ouvrage). Des tempéraments sont néanmoins admis à ce principe (d’une interdiction
générale qu’elle pose aux maîtres d’ouvrage public de se démettre de leurs fonctions) : la loi
autorise la délégation de certaines de leurs fonctions, en dressant une liste limitative des
fonctions qui peuvent être déléguées à des maîtres d’ouvrage délégués, qui sont en fait des
mandataires (au départ, dans la loi d’origine, ces délégataires étaient aussi en nombre limité,
ils faisaient partie de catégories de prestataires triés sur le volet – d’autres personnes
publiques ou du secteur para public, comme des SEM à capitaux publics majoritaires, des
organismes privés d’HLM, dont on pouvait penser qu’ils étaient, eux aussi, attachés au souci
des intérêts publics ; donc, le système d’origine était à la fois cohérent et protecteur, mais
cette cohérence a été affectée par des positions prises par le CJUE : cette dernière a
considéré que la loi ne pouvait pas limiter le nombre des bénéficiaires de ces contrats de
MO délégués – ils ne pouvaient pas être réservés aux seuls nationaux – et qu’il fallait en
outre procéder à une mise en concurrence pour l’attribution de ces mandats de MOP -
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CJCE, 20 octobre 2005, Commission c/ France ; d’où l’adoption de l’ordonnance du 17 juin
2004 qui a modifié le système, et qui permet désormais à tout professionnel de l’immobilier,
public ou privé, d’exercer une délégation de MOP – même si est prévue une incompatibilité
entre le mandat de MOP délégué et les missions de maîtrise d’œuvre, de réalisation des
travaux ou de contrôle technique).

Une garantie de qualité des équipements a disparu, même si cette qualité peut être assurée
par la procédure de mise en concurrence.

La détermination de la maîtrise d’ouvrage public (dans quels cas un maître d’ouvrage public
est tenu de respecter les exigences de cette loi MOP) est aussi importante, car elle empêche
la personne publique d’avoir recours à des contrats immobiliers de droit privé (dans le cadre
desquels la maître d’ouvrage est privée : ex. des achats en ayant recours au contrat de vente
en l’état futur d’achèvement, dont le régime juridique est fixé par le code civil).
L’autre texte important pour les travaux réalisés sous maîtrise d’ouvrage publique, pour
satisfaire les besoins des personnes publiques, est la réglementation marchés publics,
désormais codifiée dans le code de la commande publique, qui est un texte qui impose la
mise en concurrence des entreprises qui ont vocation à réaliser ces travaux, qui organise les
procédures de cette mise en concurrence, et qui fixe quelques règles d’exécution de ces
contrats.

L’appel d’offres est la procédure de droit commun, avec l’identification de l’offre
économiquement la plus avantageuse. Elle s’organise à partir d’une publicité de l’intention de
passer contrat, par la collectivité intéressée, puis d’une mise en concurrence des offres
déposées sur la base de critères de choix, publiés, non discriminatoires ; deux règles
complémentaires : l’interdiction de tout contact entre les candidats et le pouvoir
adjudicateur – pas de négociation -, et le principe de l’intangibilité de l’offre une fois déposée.
Il est néanmoins possible de ne pas suivre cette procédure de droit commun que constitue
l’appel d’offres, en fonction du montant du marché (en dessous de 40 000 € - exonération
des règles de publicité et de mise en concurrence ; en dessous de 5,350 M pour les marchés
public de travaux, les marchés peuvent être passés en procédure adaptée, donc en laissant la
possibilité d’introduite de la négociation, et sans devoir respecter le formalisme de l’appel
d’offres), en fonction de la complexité des travaux (on admet un dialogue possible, pour
améliorer les offres : procédure de dialogue compétitif), ou en fonction de certaines

circonstances (dans lesquelles la mise en concurrence est inutile ou inadéquate, mais par la
négociation : cas de la procédure négociée sans publicité ni mise en concurrence).

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