PARAGRAPHE 1 : Les biens
Il s’agit de toutes les choses qui nous entoure mais certaines
choses ne reçoivent pas la qualification juridique de bien.
Il faut savoir si l’on a affaire a un bien car on lui applique le
régime juridique des biens : par exemple la propriété, l’indivision,
l’usufruit (au moins deux personnes ont des droits différents sur une chose).
Si l’animal est un bien on lui applique le régime juridique des
biens : auquel cas on lui applique un droit de propriété ? Ou est-ce
quelque chose de différent ?
Depuis quelques temps il existe une définition de l’animal dans le code
civil et celle-ci tient compte de la particularité de la nature de l’animal.
Art 515-14 « l’animal est un être vivant doué de sensibilité. Sous réserve
des lois qui le protègent, l’animal est soumis au régime juridique des
biens ».
Donc même en prenant en compte sa sensibilité, on peut lui appliquer
le régime de la propriété ou de l’indivision par exemple, résultant du
droit des biens
La cour de cassation entretient cette confusion, ce qu’on peut
voir dans l’arrêt de 2015 « affaire du bichon maltais » :
Le propriétaire
d’un bichon agit en réparation pour délivrance non conforme et paiement de
frais vétérinaire contre l’éleveur professionnel a qui il a acheté son bichon
en raison de la découvert d’une catarate héréditaire (trouble de la vision). Au
regard de l’importance des frais engendrés, le vendeur invoque à son profit non
pas le régime juridique des biens mais l’article L.217-9 du code de la
consommation qui permet à l’acheteur d’imposer au vendeur le remplacement du
bien.
La cour de Cassation ne fait pas droit à la demande du propriétaire au
motif que le chien est « un être vivant, unique, irremplaçable. Un animal
de compagnie destiné a recevoir de l’affection sans aucune vocation économique ».
En raison de l’attachement du propriétaire à son chien, ce remplacement est
impossible.
La Cour de Cassationrappelle la spécificité de l’animal en insistant
moins sur l’aspect « droit des biens » donc n’applique pas le régime
du droit de la consommation.
Certains biens ne reçoivent donc pas cette qualification.
DIFFERENTS EXEMPLES :
·
LES AUTORISATIONS DIVERS
Toutes les autorisations, par exemple
les quotas laitiers, de gaz a effet de serre, d’extraction minière, de licence
de taxi… Sont-elles des biens ?
Si c’est qualifié
de biens on applique juridique des biens et notamment le régime ultra
protecteur de la propriété privée
Le quota de
production laitière est un bien ? Si oui on va lui appliquer le régime de
la propriété par exemple. Si un producteur a un droit de propriété sur le quota
laitier il va pouvoir le céder, le vendre, le protéger. Cela correspond à son
droit de propriété.
Mais si le
producteur n’a pas de droit de propriété il ne pourra pas être considéré comme
propriétaire et ne pourra pas le céder contre rétribution.
Dans un arrêt de
la 3eme chambre civile de 2012 la cour de cassation a considéré que les quotas
de référence laitière qui avaient été attribués à un exploitant en sa qualité
de producteur ne constituent que des autorisations administratives non
négociables : donc ne sont pas des biens.
·
EXTRACTION MINIERE
De même pour les autorisations de
recherche minière et notamment l’extraction minière. On a une décision du
Conseil Constitutionnel de 2013 à propos d’une QPC : les autorisation des
recherche minière accordée dans un périmètre défini pour une durée limitée par
l’autorité administrative ne peuvent pas être assimilés à des biens objets de
droit de propriété. On ne peut donc pas les qualifier de biens.
·
LES BIENS INCOPORELS
Les biens incorporels sont les œuvres de
l’esprit, les brevets, les inventions, les base de données, les fonds de
commerce… La question se pose de savoir si cette multitude de biens incorporels
sont soumis au régime des biens ?
Au départ le
régime juridique des biens a été pensé en 1804 et notamment pour des biens
corporels, meubles et immeubles, avec une préférence surtout pour les biens
meubles. (la seule chose qui avait de la valeur était la terre)
Pour autant face a
la prolifération, à leur nombre indéfinis, la question se pose. Est-ce que les
biens incorporels sont soumis ou non au régime des biens tels que conçus dans
le code civil ?
L’auteur d’une œuvre, d’une chanson, a un droit de
propriété sur cette œuvre ?
Il a la possibilité d’en user, d’en jouir, ce qui
sont les qualités du droit de propriété.
L’auteur d’une
œuvre a un monopole d’exploitation, qui rappelle le droit exclusif du droit de
propriété.
Il a également un
droit imprescriptible sur son œuvre, le non-usage n’entraine pas la
perte : le droit ne s’éteint pas même pour une œuvre oubliée.
·
LES MARQUES ET INVENTIONS
On peut aussi
raisonner pour une marque : le créateur d’une marque a un droit dessus,
l’article 713 du code de la propriété intellectuelle dispose que
« l’enregistrement de la marque confère à son propriétaire… ». Il a
donc un monopole d’exploitation qui lui permet d’être le seul a pouvoir
l’exploiter. Il a un droit imprescriptible de propriété. Ce n’est pas parce
qu’il n’use pas de la marque que son droit disparait.
L’inventeur a-t-il
un droit de propriété sur son invention ? En la faisant breveter l’auteur
de l’invention en obtient la propriété ce qui lui permet d’être le seul a
pouvoir l’exploiter et d’empêcher les autres de tenter de l’exploiter.
·
LES CREANCES
Toujours dans les
biens incorporels : le titulaire d’une créance d’une somme d’argent en
est-il propriétaire ? Le titre de créance représente virtuellement une
somme d’argent.
La cour européenne
des droits de l’Homme a une conception plus large que la France : elle traite
les créances comme des biens et leur applique alors le régime juridique des
biens, notamment elle suppose que « chacun a droit au respect de ses
biens ».
Cette large
conception européenne commence a transparaitre, par exemple l’idée d’un droit
de propriété sur une créance transparait par exemple à l’ouverture d’une
succession.
Par
exemple : Les créances font l’objet d’une indivision si le défunt
laisse plusieurs héritiers. (ce qui relève du régime juridique des biens :
cela signifie que ce régime peut s’appliquer aux biens incorporels).
Autre
exemple : à l’ouverture d’une succession, les créances peuvent faire
l’objet d’un usufruit. Là encore l’utilisation d’un mécanisme du régime
juridique des biens montre encore que l’on peut appliquer le régime juridique
des biens à un bien incorporels.
Finalement, on se rend compte que l’on peut appliquer le régime
juridique des biens, ou la propriété, l’indivision… aussi bien aux biens corporels
qu’aux biens incorporels.
LA DISTINCTION
On pourrait vouloir partir d’une grande distinction entre les biens
corporels et incorporels mais ce serait faux : la summa divisio
distingue les biens meubles ou immeubles (article 516 du code civil
dispose que « les biens sont meubles ou immeubles »)
Cette distinction meuble/immeuble est fondamentale car le régime
juridique des biens n’est pas le même selon qu’il s’agit d’un meuble ou d’un
immeuble.
-
La distinction par la
publicité
L’immeuble est susceptible de publicité lorsqu’il sera vendu par
exemple. Il est fixe, attaché à un lien, donc il peut être soumis à une
publicité. Toute modification de sa situation juridique devra faire l’objet
d’une publicité de manière à informer les tiers.
En revanche le meuble n’est pas fixe, donc la publicité ne peut pas
se rapprocher à un lieu déterminé. Ces mutations ne font pas l’objet d’une
publicité sauf si le meuble a un port d’attache : par exemple un bateau,
un avion… Ils sont qualifiés de meuble mais comme ils sont attachés à un port
d’attache il y a une publicité a leur égard.
La première différence importante qui suppose de distinguer meuble et
immeuble est donc la publicité.
-
La distinction par les
suretés
Les suretés sont différentes selon qu’il s’agit d’un meuble ou d’un
immeuble
C’est un droit par lequel le débiteur garanti le paiement de sa
dette, laquelle est susceptible d’être accompagné d’un bien, ce qui va garantir
le paiement de sa dette.
La différence tient aux suretés immobilières et mobilières.
La sureté qui porte sur un immeuble est l’hypothèque : elle ne
dépossède pas le débiteur mais fait l’objet d’une publicité
La sureté qui porte sur un meuble est le gage : elle dépossède le
débiteur de son bien mais ne donne pas lieu à une publicité.
-
La distinction par la
possession
Le possesseur d’un immeuble en devient propriétaire au bout d’un délai
de 30 ans.
Le possesseur d’un meuble en devient immédiatement propriétaire.
-
La distinction par le
tribunal compétent
Le tribunal compétent est différent selon qu’il s’agit d’un
meuble ou d’un immeuble, en effet, si le litige touche un immeuble le tribunal
compétent est celui du lieu de l’immeuble, mais si le litige touche un
meuble le tribunal compétent est celui du lieu du défendeur.
-
La distinction par la
possible (ou non) lésion
Elle est différente selon qu’il s’agit d’un meuble ou d’un immeuble
Seule la vente d’un immeuble est rescindable pour lésion.
A.
LES IMMEUBLES
Un immeuble est un bien qui est rattaché au sol directement et qui
s’élève au-dessus du sol.
L’animal est une catégorie particulière d’immeuble : ce n’est pas
un immeuble par nature car il n’est pas attaché au sol, mais il est affecté à
une exploitation. Par exemple la vache est attachée à l’exploitation agricole.
EXEMPLES POUR ILLUSTRER :
-
Un banc est un immeuble si
il est fixé définitivement au sol.
-
La mine est un accessoire
du sol : c’est un immeuble
-
Ce qui abrite un fond de
commerce est un immeuble, mais si c’est un food-truck alors ce n’est pas un
immeuble. Le fond de commerce est un bien meuble.
-
Les arbres sont des
immeubles.
-
Une péniche aménagée en
logement stationnaire : ce n’est pas un immeuble par nature puisqu’elle
n’est pas attachée au sol définitivement.
Le code civil ne définit pas l’immeuble, il donne immédiatement à
l’article 517 trois catégories d’immeuble : « les biens sont
immeubles ou par leur nature, ou par leur destination, ou par l’objet auquel
ils s’appliquent ».
Est-ce que la volonté, l’imagination des parties pourrait créer une
quatrième catégorie ?
Normalement la volonté a du pouvoir mais la cour de cassation, dans un
arrêt de 1991, rappelle que la nature immobilière est définie par la loi
et que la convention des parties ne peut pas avoir d’incident à leur égard.
1.
L IMMEUBLE PAR
NATURE
C’est le bien qui est fixé au sol, qui ne peut pas être déplacé
et qui n’est pas destiné à l’être. Le critère d’immobilité est très important.
Les articles 518 à 523 donnent une liste un peu désuète des
immeubles par nature : on trouve pèle même : les bâtiments, les
moulins a vent, les arbres, les récoltes sur pied, les canalisations, les
conduits de maison…
Le critère demeure le même : la fixité, l’immobilité, l’attache
au sol.
Est donc immeuble par nature le sol, et ce qui est incorporel au sol :
le sous-sol, la mine, les végétaux, tous les sucs qui nourrissent la terre.
Ce qui s’élève au-dessus du sol est immeuble : les bâtiments, les
édifices (éléments dans lequels l’homme ne peut pas se mouvoir, par exemple un
pont).
Cependant le code civil dit que les tuyau et canalisations sont
immeubles : un radiateur ? Une rampe d’escalier ?
2.
L’IMMEUBLE PAR
DESTINATION
Les articles 524 et 525 dresse une liste des immeubles par
destination : semences, ruches, pressoir, chaudière, cuves, ustensiles,
papeterie…
Cette immobilisation par destination suppose des
conditions : que le meuble et immeuble appartiennent au propriétaire et
que le propriétaire établisse un rapport de destination entre le meuble et
l’immeuble. Cela peut être un lien d’affectation ou d’attache.
Des meubles peuvent donc être affectés à un immeuble, le meuble devient
alors immeuble par destination.
Exemple : le matériel agricole affecté à l’exploitation
d’une ferme.
Le premier critère est donc celui de l’affectation a l’immeuble.
Le deuxième est l’affectation a perpétuelle demeure
Le critère d’attache réside dans le fait que le meuble est scellé dans
l’immeuble et qu’il ne peut plus être enlevé.
Une fresque murale qui a été détachée et vendue a perdu son critère
d’attache de meuble, alors qu’en est-il ? On raisonne dans l’autre
sens : il n’y a plus de lien d’attache donc c’est un meuble.
3.
LES IMMEUBLES PAR
L OBJET AUQUEL ILS S’ATTACHENT
Voir code civil
L’idée est que tous les droits et actions qui touchent un immeuble sont
immobiliers.
La catégorie des immeubles est donc très fermée. Cela veut dire
que chaque fois que l’on ne va pas pouvoir utiliser ce critère, l’objet que
l’on veut qualifier va devenir un meuble.
B.
LES MEUBLES
L’article 527 du code civil dispose que « les biens sont meubles
par nature ou par détermination de la loi ».
La jurisprudence a imaginé une dernière catégorie : les meubles
par anticipation. On va anticiper leur détachement pour les considérer comme
des meubles.
1.
LES MEUBLES PAR
NATURE
L’article 528 du code civil dispose que « sont meubles par
nature les biens qui peuvent se transporter d’un lieu à un autre ».
Il y a donc un critère de mobilité : sont meubles par
nature tous les meubles, animaux, les choses inanimées susceptibles de se
transporter ou d’être transportées.
Cela rappelle l’idée que la catégorie des meubles est une catégorie
ouverte, résiduelle. En effet, tout ce qui n’entre pas dans la catégorie des
immeubles vient se placer dans cette catégorie. Ainsi, tout ce qui n’est pas
immeuble est meuble.
L’intérêt est que la classification est justifiée.
Un ordinateur est un bien meuble mais s’il est affecté a une entreprise
alors il devient un immeuble par destination.
2.
LES MEUBLES PAR
DETERMINATION DE LA LOI
L’article 529 dispose que « sont meubles par détermination de
la loi les obligations, les actions, qui ont pour objet des sommes exigibles.
Les effets mobiliers, les actions ou intérêt des compagnies financières, les
rentes viagères… ».
3.
LES MEUBLES PAR
ANTICIPATION
Cette catégorie est d’origine prétorienne et est le pendant des
immeubles par destination.
Le meuble par anticipation est un immeuble par nature mais que le droit
appréhende comme un meuble car il a vocation a être détaché, a devenir un
meuble dans un avenir prochain.
Le critère de détachement prochain fait que l’on considère directement
la chose comme un meuble.
Par exemple : le bois avant abattage, les produits d’une carrière
avant exploitation…
A coté de cette classification fondamentale il existe des
classifications accessoires.
·
Les choses fongibles
Ce sont des choses qui existent en quantité ou en nombre de façon
interchangeable : par exemple une somme d’argent
·
Les choses non fongibles
Elles sont aussi appelés corps certain, et sont déterminées à l’avance.
Il importe de savoir si il s’agit d’une chose fongible ou non fongible
car le transfert de propriété et des risques est différent.
Pour les choses fongibles cela se fait au moment de leur individualisation
alors que pour les choses non fongibles cela se fait au moment des consentements.
Quant à la charge des risques, elle pèse sur l‘acheteur pour les choses
fongibles et pour les choses non fongibles elle pèse après l’échange des
consentements.
De même la revendication est possible pour les choses non fongibles
alors qu’elle semble impossible pour les choses fongibles.
A titre exceptionnel il est admis que le vendeur puisse revendiquer, en
cas de procédure collective de l’acquéreur, la propriété d’une chose fongible.
Cette revendication permet alors au vendeur de récupérer la propriété d’une
chose fongible qu’il a cédé
Imaginons que plusieurs vendeurs aient vendu une chose fongible :
est ce que le premier qui se manifeste pourra revendiquer la chose ou est est-ce
qu’on va partager équitablement entre les différents vendeurs ?
La cour de cassation a d’abord admis que l’on pouvait revendiquer une
chose fongible (comme du carburant) : plusieurs sociétés vendeuses
tentaient de revendiquer ce carburant, et ce n’est pas le premier revendiquant
qui est récompensé, mais chaque revendiquant (a proportion des quantités qu’il
détient).
·
Il faut distinguer entre
les choses consomptibles et non consomptibles :
Les choses consomptibles se consomment du seul fait que l’on
s’en sert selon leur destination.
Par exemple : les denrées alimentaires, l’argent.
Les choses non consomptibles sont des choses qui résistent à une
utilisation prolongée, qui ne disparaissent pas.
Par exemple : une maison, des voitures.
Si le bien est non consomptible il doit être restitué sous forme
identique alors que si il est une chose consomptible, sa restitution est
impossible, à moins d’en interdire l’usage (puisque la chose disparait dès le
premier usage).
Il faut bien comprendre que même si le tiers détenteur restitue une
chose de même espèce, on ne peut pas parler de restitution identique
(puisqu’il a remplacé la chose initiale par une autre chose de même
espèce) : par exemple il remplace un kilo de pommes par un autre
kilo de pommes ; ce ne sont pas les pommes initiales mais ce sont
« les mêmes » au sens de leur espèce.
·
Les choses déterminées et
non appropriées.
Les choses non appropriéesn’appartiennent à personne.
Par exemple, l’air appartient a tous mais a personne en particulier.
Ce sont aussi les choses qui n’ont pas de maitre, mais sont néanmoins
susceptibles d’appropriation. Parmi les choses sans maitre on peut distinguer
les resnullus, qui n’appartiennent a personne, comme par exemple les
animaux sauvageset lesresderelictae, qui sont les choses abandonnées par
le propriétaire.
Toutes ces distinctions, obligations, sont virtuellement représentées
dans le patrimoine.
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