La
politique et la religion
La religion et
la morale font également partis des moyens utilisés par le pouvoir politique,
dans sa fonction créatrice d’ordre. Le pouvoir politique est fréquemment à la
recherche du soutien populaire ou du soutien des églises, et cela pose un vrai
problème. En principe, la politique doit être séparé de la religion. Les
rapports entre les églises et l’Etat vont de la séparation totale de principe à
la reconnaissance d’une église dominante, c’est le cas par exemple en Arabie Saoudite. Deux pays sont marqués par une
tradition de religion dominante, c’est le cas de l’Italie et l’Angleterre, parfois même intégré à l’appareil de l’Etat. En Italie, cette domination a
été tout à la fois sociologique, institutionnelle et même politique. Tandis
qu’en Angleterre le
statut officiel de l’église anglicane donnait à celle-ci une influence
prépondérante, par rapport à la religion catholique. La position de l’église
anglicane, à l’époque, notamment l’Angleterre, a permis à cette église d’être comme étant l’un des
piliers du système politique et constitutionnel britannique.
Aujourd’hui, la situation de
l’église anglicane n’est plus la même, bien que le monarque, ou encore la reine
demeure toujours le chef ou la chef. En revanche, en Italie, l’église catholique, par son histoire,
son implantation géographique, son monopole, a exercé également une influence
prédominante, mais, sa relation avec l’Etat italien moderne s’est placé d’abord
sous le signe du conflit.
C’est la raison pour laquelle,
lors de la rédaction de la constitution de l’Italie, de 1947, les constituants vont chercher, en quelque
sorte, à concilier la tradition de séparation de l’église et de l’Etat, voulu
par les pères de l’unité italienne, c’est-à-dire une église libre, dans un Etat
libre. D’où la formulation de l’article 7 de la Constitution qui affirme, de manière assez
solennelle, que l’Etat et l’église catholique sont chacun, dans son ordre,
indépendant et souverain. En Allemagne,
les rapports Etat/église sont à la fois caractérisé par le pluralisme religieux,
et surtout la transformation de l’équilibre entre les différentes confessions
après la Seconde Guerre Mondiale. A la différence de la France, un lien juridique et financier
important persiste encore entre l’Etat et les églises. C’est le cas également
en Belgique, les
églises sont financées par la commune. En France, longtemps le problème des relations entre
l’Etat et l’église catholique dominaient, de façon presque exclusive, la vie
politique. On pouvait d’ailleurs considérer la religion catholique comme étant
la religion d’Etat.
Mais d’une manière générale, la
religion a joué un rôle fondamental dans l’élaboration de la politique des
Etats. En effet, elle a été étroitement associée à la politique. En France, comme dans la plupart
des pays occidentaux, par exemple, les
fondements de la société civile ont une origine religieuse. La religion
chrétienne a été un facteur d’intégration dans la plupart des Etats, et
d’ailleurs, lorsqu’il y a eu des conflits, dans de nombreux Etats, ce sont les
représentants religieux qui ont joué un rôle très important. S’agissant de la France, les rapports entre la
religion et la politique ont souvent été conflictuel. Pour certains auteurs,
comme Joseph de Maistre,
la religion catholique devait avoir une supériorité absolue sur la politique. Pour
d’autres auteurs, en revanche, comme Machiavel, Montesquieu,
Hobbes, Rousseau, la politique doit, en
principe, être dans son rôle, sa fonction sociale. Et enfin, on a un autre
courant qualifié de « radical »,
qui critique, de manière très ferme, la religion, car selon ce courant, elle
est à l’origine de l’aliénation de l’homme, et c’est ce courant qui préconise
la disparition totale de la religion, tout en proposant ce qui est contradictoire,
la création d’une nouvelle religion, d’inspiration laïque, adapté aux besoins
de la société industrielle et scientifique.
Ce que l’on peut dire, c’est que
le comportement politique est également influencé par le mode de relations
qu’entretienne les églises avec la société. Tantôt, les églises se cantonnent
dans un strict rôle religion, en évitant toute concurrence avec l’Etat, mais
tantôt aussi, elles bâtissent une véritable contre-société, en réaction à
l’intervention d’un Etat, dont elles récusent la légitimité et la politique. En
dépit des relations étroites entretenues par les églises et leur Etat
respectif, on observe, de nos jours, une baisse considérable de l’influence
sociale et idéologique des églises.
Et enfin, il y a un dernier
courant, qualifié de « libéral »,
qui préconise la séparation stricte de la religion et la politique, afin
d’éviter tout conflit. Selon ce courant, la religion apparait, de plus en plus,
comme une affaire personnelle qui n’a rien avoir avec les institutions
politiques, c’est-à-dire avec la politique. En d’autres termes, la pratique
religieuse relève de la vie privée de chacun, et ce courant est représenté par Benjamin Constant. Il est
vrai que de Machiavel à
Gramsci, la plupart des
grands penseurs politiques modernes, ce sont interrogés sur les rapports,
souvent conflictuels, entre la religion et la politique, en apportant, à ce
problème complexe, des réponses plus ou moins élaborées, généralement très
différentes et parfois radicalement opposées.
D’une manière schématique, s’agissant
de l’Europe, on peut distinguer
plusieurs conceptions qui se sont manifestées entre le XVIème
et le XXème siècle. Parmi ces
conceptions, la première qui reste marquée par la chrétienté médiévale consiste
à affirmer la supériorité absolue de la religion sur la politique, et surtout à
subordonner, étroitement, la seconde à la première. Elle est illustrée par les réformateurs protestants, notamment Luther et Calvin, et par des penseurs
catholiques comme Bossuet
et Joseph de Maistre
qui s’opposent d’ailleurs aux précédentes. La deuxième conception affirme au
contraire la primauté de la politique sur la religion, et donc la soumission de
celle-ci à celle-là, en réduisant la religion à sa fonction sociale, ou même à
un simple moyen de gouvernement. Elle est adoptée par Machiavel et Montesquieu, mais avec une certaine prudence, et systématisée
par Thomas Hobbes et
par Jean-Jacques Rousseau.
Et la troisième conception qui
peut être qualifié de libéral, consiste à séparer strictement la religion de la
politique, pour éviter tout conflit entre elles, et maintenir chacune dans son
domaine propre. D’abord, esquissé par John Locke, elle est ensuite développée par les pères du
libéralisme politique, c’est-à-dire Benjamin Constant et Alexis de Tocqueville. A partir du XIXème siècle,
une dernière conception apparaît, qui est résolument critique à l’égard de la
religion et surtout de son rôle dans la société. Et ce courant était représenté
par certains socialistes et utopiques, Saint-Simon ou Auguste
Comte qui vont contester, de manière radicale, les formes religieuses
traditionnelles et proposer une nouvelle religion d’inspirations laïques. Mais,
par rapport à ces diverses théories relative à des relations entre les
religions ou la religion de politique, Benjamin Constant occupe une place particulièrement importante et
originale, pourquoi il
se distingue des autres ? Benjamin Constant est l’un rares penseurs politiques modernes,
c’est le seul qui s’est intéressé sérieusement au phénomène religieux, et de
manière méthodique, ce théoricien politique était préoccupé, pratiquement toute
sa vie, par les questions religieuses. Il est d’ailleurs le premier penseur
politique à proposer une théorie élaborée sur la séparation stricte de la
religion et de la politique, en réclamant, en proposant une entière liberté
religieuse, et en soulignant l’incompétence du pouvoir politique dans ce
domaine. Benjamin Constant
propose une séparation radicale, stricte, il a refusé toute alliance entre la
religion et le pouvoir. En effet, pour Benjamin Constant, la religion et l’Etat sont deux choses
parfaitement distinctes, parfaitement séparées, dont la réunion ne peut que dénaturer
l’une et l’autre.
En conséquence, Benjamin Constant est
totalement opposé à l’idée d’une religion d’Etat ou encore soutenu par le
pouvoir, car dit l’auteur, la religion ne doit en aucune manière être
dépendante de l’autorité politique. La séparation de la religion et de la
politique était déjà préconisée par John Locke, c’est dire que Benjamin Constant n’a fait que reprendre et
développé l’idée de John Locke.
En définitive, la plupart des pays occidentaux ont opté pour la séparation de
la religion et de la politique, même s’il existe encore de nombreux Etats au
monde qui ignorent cette séparation au nom du principe de laïcité, c’est la loi
de 1905 qui a posé ce principe.
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