L’acquisition de la personnalité juridique en Droit Française


Section 1 : L’acquisition de la personnalité juridique
                La personne juridique se superpose à la personne humaine, donc le début et la fin de la vie humaine marque l’acquisition et l’extinction de la personnalité juridique. La question se pose de savoir quand commence la vie humaine ? La science à ses propres réponses, d’après eux, la vie commence dès la fécondation, lorsque deux patrimoines génétiques fusionnent et permettent d’en créer un troisième. Mais pour le droit, ce n’est pas ce commencement de vie humaine qui détermine le début de la personnalité juridique, mais c’est la naissance.
Paragraphe 1 : Le moment de l’acquisition de la personnalité juridique : la naissance
                Tout Homme acquiert, en naissant, la personnalité juridique, c’est le principe dit « de simultanéité », selon lequel un individu accède à la personnalité juridique, à l’instant même où il naît. La naissance est juridiquement distinguée de la procréation du début de vie humaine telle qu’elle pourrait être définie par les scientifiques. La naissance est marquée par l’accouchement de la mère qui constitue un fait auquel la loi attache des conséquences juridiques.
A- Les formalités liées à la naissance
Toute nouvelle personne doit être rapidement connu de l’Etat pour des raisons d’ordre public. C’est pourquoi la naissance doit être déclarée à la mairie du lieu d’accouchement dans les 5 jours qui suivent l’accouchement. Cette règle est prévue à l’article 55 du Code Civil, qui dispose que « Les déclarations de naissance sont faites dans les cinq jours de l'accouchement, à l'officier de l'état civil du lieu. » Si la déclaration de naissance n’est pas effectuée dans ce délai légal, seul un jugement permettra à l’officier d’état civil d’inscrire la naissance dans les registres. Cette déclaration de naissance est très importante pour la simple et bonne raison qu’elle conditionne l’obtention d’un état civil. Et c’est pourquoi cette déclaration de naissance est une obligation légale, prévue à l’article 433-18-1 du Code pénal, qui dispose que « Le fait, pour une personne ayant assisté à un accouchement, de ne pas faire la déclaration prescrite par l'article 56 du code civil dans les délais fixés par l'article 55 du même code est puni de six mois d'emprisonnement et de 3 750 euros d'amende. » Grâce à la déclaration de naissance, l’officier d’état civil va ensuite dresser l’acte de naissance de l’enfant qui comporte un certain nombre de mentions obligatoires qui sont listées à l’article 57 du Code Civil, qui dispose que « L'acte de naissance énoncera le jour, l'heure et le lieu de la naissance, le sexe de l'enfant, les prénoms qui lui seront donnés, le nom de famille, suivi le cas échéant de la mention de la déclaration conjointe de ses parents quant au choix effectué, ainsi que les prénoms, noms, âges, professions et domiciles des père et mère et, s'il y a lieu, ceux du déclarant. Si les père et mère de l'enfant ou l'un d'eux ne sont pas désignés à l'officier de l'état civil, il ne sera fait sur les registres aucune mention à ce sujet. »
B- Les conditions pour que la naissance entraîne l’acquisition de la personnalité juridique
                Le principe c’est que toute personne acquiert, de façon automatique à sa naissance, la personnalité juridique, mais pour acquérir la personnalité juridique, l’enfant doit naître vivant et viable. Cela signifie que les enfants mort-nés ou les enfants nés vivants mais non-viable ne sont pas des personnes au sens juridique. Un enfant né vivant, lorsqu’à sa naissance il respire complètement. La question de la respiration lors de l’accouchement, c’est une question de fait dont la preuve est libre, et donc, la preuve peut être apportée par le témoignage du médecin. La viabilité se définit comme la capacité naturelle de vivre comme l’aptitude à la vie. L’enfant viable c’est celui qui est physiologiquement capable de vivre. La notion de viabilité a été précisé par une circulaire du 22 juillet 1993, circulaire qui est relative à la déclaration des nouveaux nés décédés à l’état civil, et il y est précisé que, conformément aux recommandations de l’OMS (organisation mondiale de la santé), les enfants pesants au moins 500 grammes ou nés après au moins 22 semaines d’aménorrhées, sont présumés viables indépendamment de tous autres critères. De même, tout enfant né vivant est présumé viable même s’il décède peu de temps après. En revanche, un enfant est considéré comme non-viable, bien que né vivant, lorsqu’il est dépourvu d’un organe essentiel à la vie et qu’il est donc nécessairement voué à disparaître. L’enfant qui naît vivant et viable devient juridiquement une personne, il acquiert donc un statut juridique, il accède à la personnalité juridique, il a une identité, un nom, et des droits patrimoniaux comme des droits extra-patrimoniaux. A contrario, l’enfant simplement conçu et l’enfant né sans vie n’ont pas, en principe, la qualité de « personne. »
C- Quel statut pour l’enfant né sans vie ?
                L’enfant mort-né n’a pas la personnalité juridique et ne peut donc être titulaire de droits subjectifs, ce qui est quelque chose qui peut être difficilement entendable par les parents qui l’ont conçu. Et c’est pourquoi, pour prendre en compte la souffrance des parents et la nécessité pour eux de faire leur deuil, le droit a admis la possibilité de réaliser un acte d’enfant sans vie qui est prévu à l’article 79-1 alinéa 2 du Code Civil, qui dispose que « A défaut du certificat médical prévu à l'alinéa précédent, l'officier de l'état civil établit un acte d'enfant sans vie. Cet acte est inscrit à sa date sur les registres de décès et il énonce les jour, heure et lieu de l'accouchement, les prénoms et noms, dates et lieux de naissance, professions et domiciles des père et mère et, s'il y a lieu, ceux du déclarant. L'acte dressé ne préjuge pas de savoir si l'enfant a vécu ou non ; tout intéressé pourra saisir le tribunal de grande instance à l'effet de statuer sur la question. » Cet acte est inscrit sur les registres de décès et il entraîne des conséquences juridiques par le biais de l’acte d’enfant sans vie, les parents peuvent donner à l’enfant un ou plusieurs prénoms, et l’enfant sera mentionner dans le livret de famille. Et cet acte ouvre aussi droit à des droits sociaux comme le congé maternité/paternité, et l’autre droit qui est ouvert, c’est que les parents ont la possibilité de réclamer le corps de l’enfant pour organiser des funérailles, cette disposition est prévue à l’article R1112-75 du Code de la santé publique, qui dispose que « La famille ou, à défaut, les proches disposent d'un délai de dix jours pour réclamer le corps de la personne décédée dans l'établissement. La mère ou le père dispose, à compter de l'accouchement, du même délai pour réclamer le corps de l'enfant pouvant être déclaré sans vie à l'état civil. »
Paragraphe 2 : L’atténuation du principe d’acquisition de la personnalité juridique à la naissance : des droits et une protection accordée avant la naissance
A- L’absence de personnalité juridique avant la naissance
Avant la naissance, l’enfant n’est pas considéré, par le droit, comme étant une personne, mais l’enfant à naître bénéficie quand même d’une certaine protection, protection qui, au plan pénal, est très relative.

1- Une protection sous la qualification d’être humain
                La question du statut juridique de l’enfant avant sa naissance a toujours été discuté par les différents auteurs, et qui a été en plus renouvelé, du fait du développement des PMA. On parle d’embryons pour désigner l’être humain au premier stade de son développement, jusqu’à 8 semaines, et au-delà, on parle de fœtus. L’embryon et le fœtus ne sont pas des personnes au sens juridique, mais l’embryon et le fœtus sont traités et protégés en tant qu’être humain, et ce principe est affirmé à l’article 16 du Code Civil, qui dispose que « La loi assure la primauté de la personne, interdit toute atteinte à la dignité de celle-ci et garantit le respect de l'être humain dès le commencement de sa vie. » L’être humain doit donc être respecter dès le commencement de sa vie. Il existe un principe général de protection de la vie humaine prénatale et on trouve de nombreux exemples de textes, de règles qui protègent l’embryon, notamment aux articles L2151-2 et suivants, du Code de la santé publique. Déjà, la création d’embryons est strictement encadrée, et n’est possible/permise que dans le cadre d’un projet parental (il y a une interdiction de concevoir un embryon à des fins de recherches). Il existe des tempéraments, par rapport à d’autres intérêts contradictoires, comme par exemple, les intérêts de la femme ou les intérêts de la recherche. Il y a 3 atteintes qui peuvent portées atteinte à l’embryon :
§  L’interruption de grossesse qui est possible de façon volontaire jusqu’à 12 semaines, pris en charge par la sécurité sociale, c’est l’article L2212-1 du Code de la santé publique. Il y a même encore une possibilité de mettre fin à la grossesse par le biais de raisons médicales ou thérapeutiques, si la grossesse met en péril la santé de la femme, ou s’il y a une forte probabilité que l’enfant à naître soit atteint d’une affection, d’une particulière gravité reconnue comme incurable au moment du diagnostic.
§  La possibilité de détruire des embryons dans le cadre d’une assistance médicale à la procréation. Les lois de bioéthiques ont permis la destruction des embryons surnuméraires lorsqu’ils ne font plus l’objet d’un projet parental, et ces dispositions ont été jugé constitutionnelles par le Conseil constitutionnel, dans une décision du 27 juillet 1994.
§  C’est la possibilité d’utiliser des embryons à des fins de recherches scientifiques, c’est l’article L2151-5 paragraphe 1 du Code de la santé publique, qui permet que des recherches scientifiques soient menées sur des embryons surnuméraires ou sur des cellules souches embryonnaires, à certaines conditions. En 1994, les lois de bioéthiques avaient posé un principe d’interdiction sur la destruction des embryons. La loi de révision du 6 août 2004 est venue ouvrir une brèche en permettant, à titre exceptionnel, de telles recherches. Et finalement, c’est la loi du 16 juillet 2013 qui a finalement posé un principe d’autorisation des recherches sur l’embryon, mais elles restent encadrées, elles doivent avoir une finalité médicale, il faut démontrer la pertinence scientifique de la recherche, et démontrer qu’elles ne peuvent être faite par un autre moyen utilisant des embryons. Elles ne peuvent portées que sur des embryons conçus « in-vitro », pour lesquelles il n’y a plus de projet parental, et évidemment, le couple, dont les embryons sont issus, doit donner son consentement.
2- Les conséquences au plan pénal de l’absence de personnalité juridique avant la naissance
                Comme l’enfant à naître n’a pas la personnalité juridique, le droit pénal français ne reconnaît pas l’incrimination d’homicide involontaire sur le fœtus, dès lors qu’il n’est pas né vivant et viable. Cette solution a été affirmé par un arrêt rendu par la Cour de cassation en assemblée plénière, c’est un arrêt du 29 juin 2001. Dans cette affaire, une femme enceinte de 8 mois subit un accident de la route à cause d’un chauffeur de camion en état d’ivresse, elle survit mais le fœtus décède. En droit pénal, l’article 221-6 du Code pénal réprime l’homicide involontaire qui est défini comme « le fait de causer la mort d’autrui par maladresse, imprudence ou négligence. » Selon la Cour de cassation, cet article n’est pas applicable au fœtus, et la Cour écarte donc l’homicide involontaire sur un fœtus décédait « in-utéro. »
La Cour européenne des droits de l’homme a considéré que l’Etat du droit français, sur cette question, ne contrevenait pas à l’article 2 de la CEDH (qui concerne le droit à la vie), et la solution a été posé dans l’arrêt du 8 juillet 2004, dit V.O contre France.
B- L’exception : l’adage « infans conceptus »
1- Enoncé de la règle
                Cet adage est une fiction selon laquelle l’enfant simplement conçu est considéré comme né chaque fois qu’il en va de son intérêt. C’est une règle qui nous vient de l’Ancien Droit, et on trouve des traces à l'article 725 et à l’article 906 du Code Civil. Cet adage a été repris par la jurisprudence pour l’étendre à d’autres circonstances que celles qui sont prévues par le Code. Cette règle signifie que l’enfant simplement conçu peut bénéficier d’une personnalité juridique anticipée si l’en va de son intérêt, et à condition qu’à terme, il naisse vivant et viable. Autrement dit, s’il naît vivant et viable, il peut se voir ouvrir de façon rétroactive des droits dès l’instant de sa conception.
2- Les conditions de l’infans conceptus
                Pour que cet adage s’applique, plusieurs conditions doivent être réunies :
§  L’intérêt de l’enfant. Pour que l’enfant simplement conçu bénéficie de la personnalité juridique de façon anticipée, il faut qui l’y trouve un intérêt, exemple, ce sera le cas de l’enfant conçu, pas encore né, dont le père décède au cours de la grossesse, l’enfant pourra obtenir réparation de son préjudice moral alors pourtant qu’il n’était pas né au moment du fait générateur de la responsabilité parce qu’il en va de son intérêt. Un arrêt de la chambre civile, 2ème chambre civile, 14 décembre 2017, n°16-26.687.
§  L’existence d’un enfant conçu. Il faut que l’enfant ait été conçu au moment auquel on voudrait, dans son intérêt, qu’il ait eu la personnalité juridique. La date de la conception étant scientifiquement difficilement démontrable avec certitude, l’article 311 du Code Civil pose une présomption, selon laquelle l’enfant est présumé avoir été conçu pendant la période qui s’étend du 300ème au 180ème jours avant la naissance.
§  La naissance ultérieure d’un enfant viable. Il faut que l’enfant vienne au monde vivant et viable, et il accède alors à la personnalité juridique qui rétroagit au jour de sa conception.
Exemple : Une femme mariée est enceinte de 7 mois, son époux décède dans un accident de la route, l’enfant n’étant pas encore né, il n’a pas la personnalité juridique au moment du décès de son père, donc il ne devrait pas, en principe, pouvoir en hériter. Deux mois plus tard, l’enfant naît vivant et viable, donc il accède à la personnalité juridique et l’adage peut lui permettre de bénéficier de la personnalité juridique de façon rétroactive, car les 3 conditions sont remplies. Il va de son intérêt qu’on le considère comme déjà né au moment du décès pour qu’il puisse obtenir des droits. Il était bien conçu au moment de l’évènement en question, puisque le décès a eu lieu 60 jours avant la naissance (donc après la période de conception de l’article 311). Enfin, l’enfant est bien né vivant et viable.
En résumé, en droit français, la personnalité juridique s’acquiert à la naissance, à condition que l’enfant naisse vivant et viable, si l’enfant naît vivant et viable, l’acquisition de la personnalité juridique, s’il en va de son intérêt rétroagir au jour de sa conception qui est présumé avoir eu lieu durant la période allant du 300 au 180ème jours avant la naissance. Si l’enfant ne naît pas vivant et viable, la personnalité juridique est censée n’avoir jamais existée.

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