Les modes alternatifs de règlement des conflits en Droit Française


Section 1 : Les modes alternatifs de règlement des conflits.

La loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice favorise les modes alternatifs de règlement des différends. Ce mouvement en faveur de ces modes, a été renforcé par une importante loi de programmation de la justice 2018-22 et par une loi de réforme de la justice du 23 mars 2019, mais dont l’article 3 élargit le domaine de recevabilité de certaines demandes à l’exercice préalable d’une tentative de règlements à l’amiable.
17/09/19
Le juge devrait pouvoir à tout moment de la procédure renvoyait les partis devant un conciliateur. Autre point important, la loi de modernisation de la justice vient de renforcer le développement des modes de résolution dématérialisé de la résolution amiable des différends. S’il n’y a pas de sécurité juridique, il n’y a pas d’Etat de droit.
I- La transaction
C’est l’article 2044 du Code Civil qui définit la transaction. La transaction est le contrat par lequel les partis règlent amiablement leurs litiges et s’interdisent une action en justice (ester en justice) sur le point ainsi résolu. La transaction peut être relative à une contestation déjà née ou à naître. Comme tout contrat, la transaction obéit à un certain formalisme, elle doit, en tout état de cause, être l’occasion pour les partis de procéder à des concessions réciproques. Par exemple, lorsque la transaction se déploie dans un contrat de travail, le juge exige que le salarié, par le biais de la transaction, obtienne toujours plus que ce auquel il peut avoir droit par le simple jeu de la loi, par exemple, si la loi prévoit que dans cette situation l’employé a droit à 10 000euros d’indemnité, et bien la transaction devra nécessairement aboutir à lui octroyer un montant supérieur. Les concessions réciproques accordées dans le cadre d’une transaction ne doivent pas être symboliques ou encore dérisoires. Une fois signée, la transaction acquiert, comme un jugement, l’autorité de la chose jugée (c’est l’idée que l’on ne peut plus contester la décision, notamment ayant épuisé toutes les voies de recours). L’appel a en principe deux effets :
-          Cause rejugée en fait et en droit, il s’agit de l’effet dévolutif.
-          Être à nouveau entendu en droit, il s’agit de l’effet suspensif.
II- La conciliation
La conciliation suppose l’intervention d’une tierce personne. Il y a toujours, en droit, deux possibilités de caractérisation du tiers, on peut être ce que l’on appelle « le tiers intéressé » et on peut être « un tiers totalement étranger » à l’affaire, que l’on appelle « les penitus extramei. » La conciliation fait intervenir un tiers, en principe, les juges sont compétents pour régler le litige, mais, dès 1978, il est apparu nécessaire de désengorger les tribunaux, notamment pour des affaires dont le montant du litige est minime. On a voulu recentrer l’office du juge sur des affaires plus importantes, cela on le doit aux romains. On applique ici l’adage « de minimis non curat praetor », cela signifie « des affaires minimes, le juge se ne préoccupe point. » Cet adage n’est pas toujours valable, par exemple, nous avons déjà noté que dans le cadre d’un conflit qui oppose deux propriétaires séparés par un mur mitoyen, et bien, l’empiètement même minime, de quelques millimètres, peut justifier d’une action en justice (elle a duré 8 ans). Un autre exemple : dans le cadre du contrat de travail, un salarié vient travailler en short, son patron lui dit que ce n’est pas possible, qu’il y a une atteinte aux règlements intérieur, il est licencié, et bien on va jusqu’à la Cour de cassation pour savoir si la liberté de se vêtir est une liberté fondamentale (contrat de travail).
Depuis 1978, les pouvoirs publics ont mis en place des conciliateurs pour régler les petits litiges. Les conciliateurs ne sont pas des magistrats, ils sont cependant nommés par ordonnance du premier président de la Cour d’appel sur proposition du juge d’instance et après avis du procureur général (il représente l’intérêt général, l’intérêt de la société, l’ordre public). Les conciliateurs doivent avoir, à minima, 3 ans d’expérience dans le domaine juridique. Ils sont bénévoles et ils sont tenus à une obligation de confidentialité. Par ailleurs, le conciliateur ne juge pas, il est seulement un intermédiaire qui tente de trouver une solution, elle intervient notamment pour des litiges qui concernent des petites dettes dans le cadre d’un contrat de consommation, il s’agit alors, par exemple, de proposer un échéancier pour honorer la dette. Parfois aussi, le conciliateur est institutionnel, c’est-à-dire qu’il est prévu dans un texte dans certains domaines (contrat relatif à l’énergie). Il faut savoir que la loi de programmation 2018-2022 est la loi de réforme de la justice du 23 mars 2019, reconnaissent « la conciliation en ligne. »
III- La médiation
Il s’agit, ici, de la médiation judiciaire (extra judiciaire : en dehors de toute juridiction civile), qui est consacré par une loi du 8 février 1995. La médiation judiciaire est définie par l’article 131-1 du Code de procédure civile, cet article dispose « s’il est possible pour le juge de désigner une tierce personne afin d’entendre les partis et de confronter leur point de vue », l’article ajoute « pour leur permettre de trouver une solution au conflit qui les oppose. » La confrontation des points de vue permet le respect du principe du contradictoire qui découle des exigences du procès équitable, qui figure à l’article 6 paragraphe 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. La médiation se limite, en principe, au droit dont les partis ont la libre disposition, par exemple, elle ne peut concerner l’état des personnes. La médiation peut être conventionnelle, dès lors qu’elle n’a pas donné lieu à la saisine du juge (affaire K.A contre Belgique sur le sadomasochisme, Cour européenne, droit au respect de la vie privée, article 8 de la CEDH). Le domaine de la médiation est largement étendu de nos jours, par exemple, la médiation s’est considérablement développée en matière de litiges de consommation, c’est une ordonnance du 20 août 2015. La loi Macron du 6 août 2015 a élargi/étendu la médiation en matière de contrat de travail. En effet, cette loi est venue renforcer le domaine d’intervention du bureau de conciliation et d’orientation. Enfin, il faut savoir que la médiation a même été introduite devant les tribunaux administratifs, en effet, deux arrêtés de mars 2018 consacre la médiation obligatoire pour tous les litiges de la fonction publique de l’éducation nationale et pour la fonction publique territoriale.

La médiation se développe aussi en matière familiale, c’est-à-dire dans des domaines où normalement les partis n’ont pas la libre disposition de leurs droits, notamment en matière d’autorité parentale. Mais il faut savoir que dans ces domaines particuliers, la médiation est écartée, et tout particulièrement lorsqu’il est constaté que des violences ont été commises.
IV- L’arbitrage
Les partis au litige peuvent, pour des raisons qui tiennent à la durée et à la confidentialité de la procédure, décider de ne pas soumettre leur différend aux juridictions étatiques, mais à une justice privée. Il est ici envisagé les modalités du recours à l’arbitrage, la sentence arbitrale et les voies de recours.
A- Sur les voies de recours à l’arbitrage
Il faut savoir que l’article L721-3 alinéa 2 du Code de commerce, dispose que les partis peuvent convenir de soumettre à l’arbitrage, les contestations qui relèvent, normalement, de la compétence des tribunaux de commerce. Le Code de procédure civile précise à l’article 1442 que la convention d’arbitrage peut prendre deux formes : il peut s’agir d’une clause compromissoire (avant le litige) ou d’un compromis d’arbitrage (après le litige). La clause compromissoire peut être défini comme la clause par laquelle les partis à un contrat s’engagent à soumettre à l’arbitrage les litiges qui pourraient naître relativement à ce contrat, c’est l’article 1442 alinéa 2 du Code de procédure civile. La clause compromissoire doit à peine de nullité avoir été acceptée par la partie à laquelle on l’oppose. En outre, la clause compromissoire ne peut être opposée à la partie qui n’aurait pas contracter dans le cadre de son activité professionnelle, la clause est donc admise dans les litiges entre commerçants, dans les litiges entre artisans, dans les litiges entre agriculteurs, dans les litiges entre professionnels libéraux. La clause ne peut pas être opposée à un consommateur, car, en effet, ce dernier n’agit pas dans le cadre de son activité professionnelle.
B- Le compromis d’arbitrage
Le compromis d’arbitrage peut être défini comme la convention par laquelle les partis à un litige déjà né décident de soumettre ce litige à l’arbitrage, c’est l’article 1442 alinéa 3 du Code de procédure civile. Il faut savoir que les partis peuvent recourir à l’arbitrage à tout moment, y compris à l’occasion d’une instance déjà engagée devant une juridiction étatique.
C- La sentence arbitrale
Quel que soit la convention d’arbitrage, clause compromissoire ou compromis d’arbitrage conclut entre les partis, l’arbitre ou le tribunal arbitral doit respecter les principes directeurs du procès, au premier rang desquel, c’est le respect du contradictoire. C’est le fait d’apporter les arguments pour confirmer totalement ou partiellement les dires de son adversaire/contradicteur. Il peut notamment se faire communiquer les éléments nécessaires à la recherche de la solution ou ordonner aux partis de la faire. Le cas échéant, le juge pourra ordonner aux partis de s’exécuter sous astreinte, c’est-à-dire une indemnité punitive qui est généralement due par jour de retard.
L’arbitre est censé appliquer des règles de droit, mais parfois, il peut être appeler à statuer en amiable composition, et là, il n’applique plus seulement le droit, mais se réfère à l’équité, c’est-à-dire à des éléments moraux, des éléments de valeurs, qui peuvent neutraliser totalement ou partiellement l’application de la règle de droit. Pour comprendre ce qu’est l’équité, on fait souvent référence à l’affaire dite « du bon juge Magnaud. » Dans cette affaire, une mère de famille avait été poursuivi pour le vol de denrées alimentaires pour subvenir aux besoins de ses enfants. Ici, on fait face à un vol. Et face à une infraction constatée, le juge doit sanctionner, il doit donner le tarif de la violation de la loi pénale. Dans le cadre de cette affaire, le juge avait constaté/caractérisé le vol, mais avait considéré que les circonstances particulières de cette affaire, et tout particulièrement l’état de nécessité dans lequel se trouvait cette famille le conduisait à ne pas donner de sanctions.
24/09/19
La sentence est rendue après des délibérations secrètes, et à la majorité des voix. En matière de majorité, il y en a deux types :
-          La majorité relative
-          La majorité absolue
Elle doit être motivée (elle peut faire grief : c’est-à-dire qu’elle peut porter atteinte à nos intérêts). A la date à laquelle elle est prononcée, la sentence a autorité de la chose jugée sur ce qu’elle tranche. Mais contrairement aux décisions d’un juge étatique, elle n’a pas de force exécutoire, et donc pour pouvoir la faire exécuter, notamment lorsque l’une des deux parties s’y oppose, il faut saisir le juge du tribunal de grande instance, que l’on appelle « le juge de l’exécution. » Le tribunal de grande instance va devenir le tribunal judiciaire à partir du 1er janvier 2020, et le tribunal judiciaire c’est la fusion du tribunal d’instance et le tribunal de grande instance. Si l’une des parties refuse d’exécuter la sentence, l’autre peut en obtenir l’exécution forcée en ayant saisi le juge de l’exécution afin qu’il rende « une décision d’exéquatur » (c’est une procédure par laquelle le bénéficiaire d’un jugement arbitral ou d’un jugement étranger entend lui voire conférer force exécutoire sur le territoire français). S’agissant des voies de recours, la sentence arbitrale n’est pas, en principe, susceptible d’appel sauf volonté contraire des parties. Dans ce cas, s’il y a recours, ce recours est porté devant le Cour d’appel qui peut statuer en droit ou en amiable composition (intégrer des éléments factuels statués en équité : l’affaire du bon juge Magnaud). « Le juge n’est que la bouche de la loi » Montesquieu dans « L’esprit des lois. »
Toutefois, il est toujours possible, même si les parties ne veulent pas, de former un recours judiciaire en annulation de la sentence arbitrale. Ce recours a lieu devant la Cour d’appel et toutes clauses contraires seraient réputées non-écrites. Les cas d’ouverture du recours en annulation sont posés à l’article 1492 du Code de procédure civile. Cet article dispose que le recours en annulation est ouvert que si l’on se trouve dans les 6 hypothèses :
-          Lorsque le tribunal arbitral s’est déclaré à tort compétent ou incompétent.
-          Lorsque le tribunal arbitral a été irrégulièrement constitué. On fait référence à l’impartialité ou la possible partialité du juge. Elle fait référence à l’article 6 paragraphe 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, relatif aux exigences du procès équitable. La partialité peut être objective (liée à la fonction) ou subjective (liée à la personne).
-          Le tribunal arbitral a statué sans se conformer à la mission qui lui avait été confié.
-          Le principe de la contradiction n’a pas été respecté.
-          La sentence est contraire à l’ordre public. L’ordre public est une manière de concrétiser le respect du droit objectif dans les relations juridiques particulières, c’est-à-dire dans les exercices et dans la mise en œuvre de nos droits subjectifs. De manière traditionnelle, lorsqu’on fait référence à l’ordre public, on vise 3 éléments :
§  La sécurité, la sureté
§  La salubrité
§  La tranquillité
Ces 3 composantes de l’ordre public s’appuient sur une disposition, c’est le Code général des collectivités territoriales, et plus précisément l’article L2212-2 du Code général de collectivités territoriales, qui définit les pouvoirs de police du maire. Dans le ressort de sa commune, le maire est une entité administrative qui dispose de nombreux pouvoirs qui sont de deux ordres : des pouvoirs de police administratif général et des pouvoirs de police administratif spécial. Par exemple, au titre des pouvoirs de police administratif général, le maire peut s’opposer à la manifestation dite du « lancé de nain », commune Morsang sur Orge et Aix-en-Provence.
-          La sentence peut être annulée si elle n’est pas motivée, si elle ne comporte pas de dates, si elle ne comporte pas le nom du ou des arbitres qui l’ont rendu, si elle n’est pas signée, et enfin, si la sentence n’a pas été rendu à la majorité des voix.

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