Les juridictions internationales en Droit Française


Section 2 : Les juridictions internationales
                Leurs fonctions sont distinctes de celles des juridictions étatiques. En effet, les juridictions internationales n’ont pas les mêmes pouvoirs, généralement, les juridictions internationales ont une compétence matérielle limitée, cantonnée, encadrée par un texte. Néanmoins, elles ont une influence considérable, car les juridictions nationales sont tenues, obligées de prendre en considération les décisions rendues par les juridictions internationales, et tout particulièrement les décisions prises par ce que l’on appelle « les juridictions régionales », à savoir notamment la Cour européenne des droits et l’homme et la Cour de justice de l’Union européenne. A coté de ces juridictions nationales, il existe des juridictions internationales dites « universelles. »
I- Les juridictions à vocation universelle
                On s’intéresse ici à la Cour internationale de justice et à la Cour pénale internationale.
Tout d’abord, la Cour internationale de justice est la seule juridiction à caractère universel et à compétence générale (cela signifie que l’organe visé a compétence toutes les fois qu’un texte particulier ou encore un texte spécial ne prévoit pas la compétence particulière d’une autre juridiction ou encore d’une juridiction qui serait spécialement instituée pour, c’est-à-dire une « juridiction Ad Hoc »). En droit, on dit que les lois spéciales dérogent aux lois générales. A chaque fois qu’un texte spécial est prévu, le texte général s’efface. Toutes les fois où le texte spécial ne s’applique pas, on en revient à la compétence de la loi générale. La Cour internationale de justice est l’organe judiciaire principal de l’ONU. En vertu de l’article 2 du statut de la Cour internationale de justice, la Cour est un corps de magistrats, indépendant, élus, sans égard à leur nationalité, parmi les personnes jouissant de la plus haute considération morale et qui réunissent les conditions requises pour l’exercice dans leurs pays respectifs des plus hautes fonctions judiciaires, ou qui sont des jurisconsultes (par exemple, des professeurs de droit), posés, c’est-à-dire possédant une compétence notoire. Il faut savoir que la Cour est composée de 15 juges permanents, élus pour 9 ans renouvelable. Ce sont des magistrats élus par les deux instances de l’ONU, à savoir le Conseil de sécurité et l’assemblée générale. L’article 38 du statut nous indique que la compétence de la Cour est de trancher « les litiges internationaux conformément aux règles du droit international. » Et tout particulièrement la Cour est compétente pour trancher des litiges qui sont spécialement (existence d’un texte particulier) prévus par la charte des Nations-Unis. Ainsi, la Cour internationale de justice, en vertu de ce texte, est compétente lorsqu’il s’agit de l’interprétation d’un traité, elle est compétente pour se prononcer sur la réalité de tout fait que s’il était établi constituerait la violation d’un engagement international. De même, la Cour est compétente pour se prononcer sur la nature ou l’étendu de la réparation due pour la rupture d’un engagement international. Néanmoins, la Cour est limitée dans son office, sa mission, pourquoi ? Car elle est soumise aux principes de consentement, c’est-à-dire qu’un Etat ne peut y être attrait, conduit que s’il y a au préalable consenti. Néanmoins, la Cour a pu parfois se prononcer dans des domaines particulièrement sensibles contre des Etats qui n’y avait pas consenti. On mentionne traditionnellement une affaire en date du 27 juin 1986, le cas dit « affaires militaires et paramilitaires au Nicaragua », dans laquelle était en cause la violation des droits de l’homme.



01/10/19
La Cour pénale internationale a été créé par le traité de Rome, et elle est entrée en vigueur le 1er juillet 2002, 123 Etats y ont adhéré. Elle est la première juridiction pénale internationale permanente et à vocation universelle (toutes les fois où un texte particulier ne prévoit pas une compétence, voire des compétences spécifiques), après les tribunaux spécialisés qui ont pu exister sur la sphère internationale, il s’agissait notamment du tribunal de Nuremberg, le tribunal pour l’ex-Yougoslavie ou encore le tribunal pénal pour juger des crimes commis au Rwanda. La Cour pénale internationale est composée de 18 juges, élus pour 9 ans, leur mandat n’est pas renouvelable. Elle a compétence pour juger de certains crimes et notamment des crimes contre l’humanité, des crimes de génocide, des crimes de guerre et des crimes d’agression, tout cela est prévu par l’article 5 du statut. On précise que l’on entend par crime de guerre ici, les violations de convention internationale applicable aux conflits armés internationaux, mais aussi les violations de coutumes internationales qui s’applique en la matière.
II- Les juridictions à vocation régionale
                Les juridictions à vocation régionale concernent l’application du droit de l’Union européenne par la Cour de justice de l’Union européenne (siège au Luxembourg), mais aussi par le tribunal de l’Union européenne que l’on va appeler ici « le système judiciaire de l’Union européenne. » Il s’agit aussi de l’application de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales par la Cour européenne des droits de l’homme qui siège, elle, à Strasbourg.
A- Le système judiciaire de l’Union européenne
Il faut savoir qu’avant le traité de Lisbonne, la Cour était une institution commune aux trois communautés européennes, depuis elle est la Cour de l’Union européenne. Le système judiciaire de l’Union européenne est composé de deux juridictions :
-          La Cour de justice de l’Union européenne
-          Le tribunal de l’Union européenne
Auparavant, il existait le tribunal de la fonction publique, mais ce tribunal crée en 2004 a cessé ses fonctions le 1er septembre 2016, et ses compétences ont été transféré au tribunal de l’Union européenne. La Cour de justice de l’Union européenne est composée de 28 juges depuis l’adhésion de la Croatie au 1er juillet 2013, et il y a 11 avocats généraux qui sont indépendants et nommés d’un commun accord par les Etats membres. Ils sont désignés pour 6 ans, renouvelable par moitié tous les 3 ans. Les juges et les avocats généraux sont choisis parmi des personnalités nationales qui possèdent des compétences notoires et bien souvent qui ont occupé d’autres fonctions juridictionnelles. Il existe d’ailleurs un comité chargé de donner son avis sur l’adéquation du profil proposé au fonction envisagée, c’est l’article 255 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE).
Il existe 3 types d’avis qui sont susceptibles d’être rendu en matière administrative :
-          L’avis facultatif : on n’est pas obligé de le prendre, mais on n’est pas obligé de le suivre
-          L’avis obligatoire : on est obligé de le prendre, mais on n’est pas obligé de le suivre.
-          L’avis conforme : on est obligé de le prendre et on est obligé de le suivre.
Le président de la Cour de justice de l’Union européenne est désigné par les juges pour une période renouvelable de 3 ans. Les avocats généraux ont pour mission « d’apporter en toute indépendance et impartialité leur position sur les affaires qui sont soumises à leur étude. » Les juges du tribunal de l’Union européenne sont nommés comme ceux de la Cour, c’est-à-dire pour un mandat de 6 ans, renouvelable, eux aussi peuvent être indépendant et correspondre au profil sollicité.
Les juges sont au nombre de 45, depuis juin 2017, et depuis le 1er septembre 2019, il y a 2 juges par Etats-membres. La répartition des compétences entre la Cour et le tribunal repose sur l’idée de transférer l’examen des cas complexes au tribunal. Pour les affaires complexes, le tribunal siège dans une formation particulière, il siège en assemblée plénière, et lors de cette assemblée il y a un avocat général qui est présent. D’ailleurs, le tribunal est ce que l’on appelle « la juridiction de droit commun » pour tous les recours introduit par les particuliers. Il est possible de faire un recours contre une décision rendue par le tribunal de l’Union européenne dans un délai de 2 mois, qui couvre le délai, à compter du jour où la décision est rendue. Ce recours est exercé devant la Cour de justice de l’Union européenne qui ne se prononcera que sur les questions de droit, et non pas sur les questions de fait. On parle de « règles de computation de délai. » Le premier jour est dit « dies a quo », et le dernier jour est dit « dies ad quem. » La Cour de justice de l’Union européenne assure le respect du droit dans l’interprétation et l’application des traités constitutifs. L’interprétation peut être notamment « téléologique » (c’est le but), elle peut être « praeter legem » (dans le sens de la loi), elle peut être aussi « contra legem » (contre la loi). L’interprétation peut être « fortiori » lorsque l’on va plus loin que le texte.
La Cour de justice veille au respect du droit par les institutions, mais également par les Etats-membres qui doivent respecter les engagements pris. Il existe différent recours qui permettent d’assurer ce respect du droit par la Cour de justice de l’Union européenne. Il y a tout d’abord les recours directs contre les institutions ou contre les Etats-membres, et il y a aussi les questions préjudicielles qui sont posées par les juridictions nationales des Etats-membres à la Cour, c’est l’article 234 du traité. La question préjudicielle est importante puisqu’elle permet d’assurer une forme de collaboration entre les juridictions nationales et la Cour de justice. En droit interne, il existe un mécanisme qui pourrait être rapproché de la question préjudicielle, c’est la question prioritaire de constitutionnalité (QPC). C’est le mécanisme par lequel lorsqu’à l’occasion d’une instance, se pose une question sur la conformité à la Constitution d’une disposition législative, il est possible de saisir le Conseil constitutionnel afin qu’il se prononce sur cette conformité. Ces deux mécanismes, à savoir QPC et question préjudicielle ont été jugé compatibles entre eux. Dans une décision QPC du Conseil constitutionnel du 22 juin 2010, décision Melki. L’idée de solliciter l’avis d’une instance supérieure permet d’éviter les divergences d’interprétation, et donc permet d’avoir ce que l’on appelle une « interprétation uniforme » des textes.
B- La Cour européenne des droits de l’homme
                La Cour siège à Strasbourg, elle se compose de 47 juges, la nomination des juges à la Cour européenne est une décision politique. En général, le mode opératoire est le suivant : chaque Etat parti propose une liste de 3 juges établie, classée par ordre de préférence. Les candidats sont souvent les professeurs de droit ou des magistrats, par exemple, depuis 2011, le magistrat français André Potocki, issu de la Cour de cassation, siège à la Cour européenne. Jusqu’à l’entrée en vigueur le 1er juin 2010 du protocole numéro 14, les juges étaient élus pour 6 ans renouvelable. Désormais, les juges sont élus pour 9 ans non renouvelable avec une limite d’âge posée à 70 ans.
Au sein de la Cour européenne, il existe plusieurs formations :
-          Le juge unique. Le juge unique est le juge qui est chargé de déclarer la requête recevable, c’est-à-dire sur la recevabilité de la demande. Il s’agit donc d’un filtre qui a été mis en place avec l’entrée en vigueur avec le protocole numéro 14 du 1er juin 2010. Pour se prononcer sur la recevabilité, le juge unique est assisté de rapporteurs, et en cas de difficulté, il peut solliciter l’avis de chambre ou du comité. Il s’agit de limiter les erreurs.




-          Les comités de juges. Les comités sont composés de 3 juges, avant l’entrée en vigueur du protocole numéro 14, ils étaient chargés de se prononcer sur la recevabilité de la requête. Mais depuis l’entrée en vigueur du protocole numéro 14, les comités peuvent déclarer la requête recevable et se prononcer sur le fond, dès lors qu’il n’y a aucune difficulté manifeste sur l’application du droit, et/ou dès lors qu’il existe une jurisprudence bien établie.
-          Les chambres. Elles sont composées de 7 juges, il s’agit d’une formation de droit commun (la juridiction qui a compétence toutes les fois qu’un texte particulier n’attribut pas compétence spéciale à une juridiction désignée : tribunal Ad Hoc) de la Cour européenne.
-          La Grande chambre. C’est une formation solennelle que l’on peut rapprocher de l’assemblée plénière, elle se compose de 27 juges, elle se réunit lorsqu’est posée une question particulièrement grave ou complexe ou lorsque la Cour entend revenir sur une position qu’elle a déjà prise. Lorsque la Cour entend reversée un revirement de jurisprudence (c’est l’ensemble de décisions relatives à un point de droit déterminé). Une fois l’arrêt rendu par une chambre, il est possible dans un délai de 3 mois de saisir la Grande chambre, mais suivant des conditions bien définies, des conditions posées par l’article 43 de la Convention. On peut, en effet, saisir la Grande chambre après un arrêt de chambre que lorsqu’il y a une question complexe relative à l’interprétation d’une disposition de la Convention ou lorsqu’il y a une grave question d’intérêt général. Il faut savoir que cette possibilité d’exercer un recours est examiné par un collège de 5 juges.
S’agissant de la Cour européenne, il existe 2 types de requêtes permettant de saisir la Cour européenne, il y a les requêtes étatiques et les requêtes individuelles. Tout d’abord la requête étatique. En vertu de l’article 33 de la Convention, tout Etat, que l’on appelle aussi dans le texte « toute autre partie contractante », peut saisir la Cour de tous manquements portés à la Convention ou à l’un de ces protocoles par une autre partie contractante, c’est-à-dire par un autre Etat. Les saisines étatiques sont très rares, jusqu’en décembre 2018, il y en avait 26 saisines, et sur ces 26, il y a eu que 5 arrêts. Il y a à côté de cela, les requêtes individuelles. Elle est visée par l’article 35 de la Convention, qui pose les conditions de recevabilité de la requête individuelle, la Cour ne peut être saisie qu’après l’épuisement de toutes les voies de recours internes. Il faut aussi que ce soit écoulé depuis la décision interne devenue définitive (une décision est dite définitive lorsqu’on ne peut pas ou lorsque l’on peut plus exercer une voie de recours) un délai de 6 mois.
Il faut savoir que la Cour ne peut retenir une requête, lorsque cette requête est anonyme ou encore lorsque cette requête est essentiellement la même qu’une requête précédemment examinée par la Cour ou déjà soumise à une autre instance internationale d’enquête, et si elle ne contient pas de faits nouveaux. De même, la Cour déclare irrecevable toutes requêtes individuelles lorsqu’elle estime que la requête est incompatible avec les dispositions de la Convention ou de ses protocoles, ou lorsqu’elle est manifestement mal fondée, ou lorsqu’elle est abusive. Enfin, la Cour peut également rejeter la requête individuelle lorsque le requérant n’a subi aucun préjudice important, sauf si le respect des droits de l’homme, garanti par la Convention et ses protocoles, exige un examen de la requête au fond. Au niveau de l’arrêt, la procédure devant la Cour est publique et contradictoire. Les délibérations sont, en revanche, secrètes et doivent être prises à la majorité (relative). La Convention autorise les opinions dissidentes (le point de vue d’un juge qui n’approuve pas la solution adoptée). L’arrêt rendu par la Cour est soumis à une obligation de motivation, les arrêts sont souvent très longs, puisque la Cour se réfère à sa propre jurisprudence, c’est-à-dire à sa propre décision, sans se fermer pour autant la possibilité de revenir sur ses décisions antérieures. Si le droit national ne permet pas d’octroyer au requérant une réparation appropriée, la Cour peut lui octroyer une satisfaction équitable prévue par l’article 41 de la Convention. Il s’agit, le plus souvent, d’une réparation pécuniaire, c’est-à-dire en argent, éventuellement assortie d’intérêt de retard si l’Etat ne se conforme pas à la décision dans un délai déterminé.
08/10/19
La Cour européenne dispose d’une compétence consultative, en effet, le 1er août 2018, le protocole numéro 16 est entrée en vigueur, il instaure une procédure inédite près de la Cour européenne des droits de l’homme. Cette procédure permet aux plus hautes juridictions nationales, c’est-à-dire en France, Conseil d’Etat et Cour de cassation de solliciter un avis, uniquement dans le cadre d’une affaire pendante, c’est-à-dire une affaire en cours devant elles, afin d’interroger la Grande chambre de la Cour européenne sur des questions de principe relatives à l’interprétation ou à l’application des droits et libertés définies par la Convention ou ses protocoles. La réponse de la Grande chambre n’est pas contraignante, et peut être assortie d’opinions séparées. Les Etats doivent désigner les juridictions suprêmes qui peuvent solliciter cet avis, et la France a choisi le Conseil constitutionnel « les sages de la rue Montpensier. » La Cour de cassation a inauguré cette procédure dans une saisine du 5 octobre 2018, à propos de la gestation pour autrui (GPA), la question portant sur la transcription de l’acte étranger à l’égard de la mère d’intention. L’affaire fait suite à l’arrêt Mennesson contre France rendu par la Cour européenne des droits de l’homme le 26 juin 2014. Dans cet arrêt, la Cour reconnaît l’absence d’obstacles à la transcription de l’acte de naissance étranger, dès lors qu’il est conforme à la réalité biologique.
Par conséquent, l’acte étranger recevable sera transcrit s’il mentionne les liens de filiation biologique à l’égard, soit du père biologique, soit à la fois du père biologique et de la mère porteuse. Le 10 avril 2019, la Cour européenne des droits de l’homme a rendu son premier avis consultatif, elle précise que dans cette situation, premièrement, le droit au respect de la vie privée de l’enfant, visée par l’article 8 de la CEDH, requiert/nécessite que le droit interne offre une possibilité de reconnaissance d’un lien de filiation entre cet enfant et la mère d’intention désigné dans l’acte de naissance légalement établie à l’étranger comme étant la mère légale, au sens de la loi ; deuxièmement, le droit au respect de la vie privée de l’enfant, au sens de l’article 8 de la CEDH, ne requiert pas que cette reconnaissance se fasse par la transcription sur les registres de l’état civil de l’acte de naissance légalement établi à l’étranger, elle peut simplement se faire par une autre voie, telle que l’adoption par la mère d’intention à la condition que les modalités prévues par le droit interne « garantissent l’effectivité et la célérité (rapidité) conformément à l’intérêt supérieur de l’enfant. » Le vendredi 4 octobre 2019 la Cour de cassation vient de se prononcer en ce sens (communiqué de presse).

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