LE PROBLEME DES OPERATIONS DES SOCIETES COMMERCIALES PAR LA FORME

LE PROBLEME DES OPERATIONS DES SOCIETES COMMERCIALES  PAR  LA FORME

         Avant son abrogation par la loi du 3 novembre 2000 portant promulgation du code des sociétés commerciales l’article  15/1° du code de commerce prévoyait que  les sociétés par actions et les sociétés à responsabilité limitée  « ont la qualité de commerçant.» L'article 48 alinéa 2 décidait de soumettre la société anonyme quel qu'en soit l'objet au droit commercial. L'activité de ces sociétés n'avait aucune influence sur cette qualification ; elles pouvaient avoir un objet civil, mais elles étaient toujours des sociétés commerciales. Ainsi, elles pouvaient avoir pour objet une activité agricole (loi n° 69-56 du 22 septembre 1969 relative à la réforme des structures agricoles, telle que modifiée par la loi n° 88-18 du 2 avril 1988 , et la loi  n° 89-43 du 8 mars 1989 relative à l’exercice des activités agricoles par les sociétés anonymes) ou professionnelle (avocats). Une disposition similaire n'existait pas pour la société à responsabilité limitée. Mais le recours à  l'analogie permettait d’aboutir à l’application de la même solution étant donné que comme les sociétés anonymes les sociétés à responsabilité étaient considérées par l’article 15 C.C. des sociétés commerciales par la forme. Avec  le code des sociétés commerciales la solution jadis propre aux sociétés anonymes est devenue la même pour toutes les sociétés commerciales par la forme. L’alinéa 1er  de l’article 7 de ce code précise en des termes non équivoques que « toute société commerciale quel que soit son objet est soumise aux lois et usages en matière commerciale ».

A quoi sert cette commercialité formelle des sociétés ? La question se pose particulièrement concernant les sociétés commerciales par la forme à objet civil.
 Deux opinions s’opposent. Pour la première, la commercialité par la forme n’a d’autre but que de soumettre ces sociétés aux obligations de commerçants (obligations fiscales, comptables, etc.). Elles ne peuvent prétendre aux droits qui sont reconnus à ces derniers. Ainsi , une société commerciale par la forme et à objet civil ne pourrait pas prétendre au bénéfice de la loi sur les baux commerciaux. Cette opinion a pour elle l’argument du texte de l’article 7 du code des sociétés commerciales qui emploie le verbe soumettre. Ces sociétés sont soumises au droit commercial. La soumission n’est pas synonyme de bénéfice. On ne saurait donc les assimiler aux commerçants d’une manière totale.
Or ce serait là pour la seconde opinion un motif de discrimination contraire à la nature des choses. Il faut partir de la distinction entre commerçant personne physique et commerçant personne morale pour réfuter l’argument de la première opinion. Si le commerçant personne physique a une double vie qui autorise à distinguer les actes de sa vie professionnelle des actes de sa vie civile, il n’en est pas e même pour les sociétés commerciales qui ne sont créées que pour un seul objet, celui de faire le commerce (Ripert ; 309). Aussi, leurs actes sont-ils toujours des actes de commerce. Ainsi donc, même si elle a un objet civil comme l’exploitation agricole par exemple, ses actes sont commerciaux . Il n’en est autrement qu’exceptionnellement. A titre d’exemple une société anonyme de promotion immobilière est commerciale par la forme mais le législateur soumet ses actes au droit civil (art. 4 de la loi de 1990 sur la promotion immobilière).

Cette solution semble en harmonie avec le droit français pour lequel  sont commerciales à raison de leur forme et quel que soit leur objet, les sociétés et non collectif, les sociétés en commandite simple, les sociétés à responsabilité limité et les sociétés par actions (art. 1er al. 2 de la loi n°66-527 du 24-7-1966). Ce texte est le fruit d'une longue évolution qui commença avec la déconfiture de la société Canal de Panama, société par actions à objet civil . C'est ce qui la fit échapper à la faillite. De grands dommages en ont résulté pour les tiers. Par une loi du 1er août 1893 le législateur français a pallié cette défaillance, en retenant la commercialité formelle des sociétés par actions. Un loi du 7 mai 1925 avait étendu cette solution aux S.A.R.L. et enfin la loi de 1966 l'a généralisée au sociétés de personnes. La volonté du législateur était de pouvoir soumettre aux procédures collectives de droit commercial toutes les sociétés importantes même si elles ont objet civil.
Telle n’est pas la solution dans notre système. Seules en effet les SA et les SARL  sont commerciales par la forme. Les sociétés de personnes à savoir les sociétés en commandite simple, les sociétés en non collectif ne le sont pas. Elles ne sont commerciales que lorsqu'elles ont pour objet l'une des activités énumérées à l'article 2 du C.C.
        
         Il peut paraître regrettable que même avec la promulgation du code des sociétés commerciales le droit tunisien n'ait pas connu la même évolution que celle que le droit français a connue. Il convient toutefois de remarquer que le but consistant à soumettre les sociétés commerciales aux procédures collectives du droit commercial  a été partiellement réalisé ( en ce sens que  la faillite demeure une sanction réservée aux commerçants) par la loi du 17 avril 1995 qui ne distingue pas entre sociétés civiles et sociétés commerciales lorsqu’il s’agit de mettre en œuvre la procédure de redressement des entreprises en difficultés économiques.

         Quant à la compétence de la chambre commerciale, la commercialité par la forme ne semble pas d'une utilité particulière puisque le texte (l'art. 40/7° CPCC) ne distingue pas entre sociétés commerciales par la forme et sociétés commerciales par l'objet . De même, la distinction entre société commerciales et sociétés civiles semble ici dépassée dans le mesure où ladite chambre connaît des litiges relatifs au redressement et à la faillite des entreprises qui connaissent des difficultés économiques.

         Par ailleurs on s’interroge si la commercialité  par la forme rejaillit sur les actes que ces sociétés accomplissent pour leur existence et sur les actes relatifs à leur constitution ou leur dissolution . La réponse est importante pour la détermination de la compétence de la chambre commerciale. Le législateur a apporté des éléments de réponse. La chambre commerciale connaît des litiges relatifs à la constitution, la direction, la dissolution ou liquidation des sociétés sans distinction entre sociétés par la forme ou par l’objet.


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