LE REGIME PARTICULIER DES ACTES MIXTES
L'acte est
mixte en ce qu'il occupe une position médiane entre le droit civil et le droit
commercial. Il est civil pour l'une des parties, commercial pour l'autre. Mais
la qualité des parties est sans importance en ce que l'acte mixte peut réunir
deux commerçants mais il ne sera commercial qu'à l'égard de celui qui agit dans
le cadre de son activité commerciale.
A l'égard du
commerçant qui agit pour les besoins de sa vie domestique ; c'est un acte
civil. Peu importe aussi si l'acte est accompli par le commerçant à titre
principal ou à titre accessoire ; l'acte est civil à l'égard de son
vis-à-vis non - commerçant. Par ailleurs, la mixité ne concerne pas que les
engagements volontaires, elle s'étend même aux engagements extra-contractuels.
Il y a cependant des actes qui ne sont jamais concernés par la mixité : ce sont
les acte de commerce par la forme : la lettre de change est toujours un acte de
commerce quelle que soit la qualité de celui qui la crée ou participe à sa
circulation.
Les actes
mixtes n’obéissent pas à un régime uniforme. Les éléments du droit positif
permettent parfois d’appliquer tour à tour le droit civil et le droit
commercial. Ce sont les solutions dualistes
(Section I). D’autres fois on appliquera les mêmes règles (civiles ou commerciales)
au non commerçant et au commerçant. Ce sont les solutions monistes (Section
II).
SECTION I : LES SOLUTIONS DUALISTES
Le dualisme
consiste à appliquer les règles de droit commercial à celui pour lequel l'acte
est un acte de commerce et à appliquer les règles de droit civil à celui pour
qui l'acte est civil, (application distributive du droit civil et du droit
commercial). Aucun texte de portée générale n’autorise un tel procédé. Des
textes spéciaux permettent de retenir le régime distributif dans certaines
modalités d'exécution des engagement et plus particulièrement la détermination
du taux (article 1100 du COC) et le
calcul des intérêts (article 1099 al. 2 et 3) où le législateur distingue
clairement entre matière civile et matière commerciale.
Concernant d’autres situations,
les textes ne sont pas aussi clairs. Ainsi en est-il en matière de preuve. La
question est de savoir comment doit s’organiser le système des preuves lorsque
le litige oppose un commerçant à un non commerçant ? Faut-il soumettre les
deux au droit civil ou au droit commercial ? faut-il appliquer à chacun
son droit et selon quels critères ?
Lorsque le commerçant agit
contre un non commerçant , aucune règle ne l’autorise à l’actionner devant une
juridiction spéciale, bien au contraire. A l’appui de ses prétentions il doit
apporter la preuve de ses allégations. Aucune règle ne prévoit la possibilité
d’appliquer un régime dérogatoire. L’article 478 COC n’admet la preuve
testimoniale qu’entre commerçants. Si la prétention du commerçant a pour objet
un engagement dont la valeur dépasse ou égale 1000 dinars il est tenu d’en
apporter la preuve par écrit. Il devrait en être de même pour le non commerçant
qui agit contre le commerçant. Cependant lorsqu’il dispose que les engagements
commerciaux se prouvent par les différents moyens qu’il a énumérés l’article
598 CC impose de distinguer entre commerçant et non commerçant. A moins de
considérer que le contrat n’est commercial que lorsque toutes ses parties sont
commerçantes. Or tel n’est pas le cas et le contrat est commercial du moins du
côté de la partie commerçante. S’agissant d’un contrat commercial du côté du
commerçant, le non commerçant peut prouver par tous les moyens. Envisagé du
côté du non commerçant c’est un contrat civil et le commerçant doit prouver
selon les règles du droit civil.
De tous ces éléments on peut
déduire que ces solutions tiennent compte de la qualité du défendeur à la
preuve . (On doit distinguer entre
demandeur à l'action et demandeur à la preuve, défendeur à l'action et
défendeur à la preuve). Si la preuve est faite contre le commerçant, par un non
commerçant , la qualité du défendeur à la preuve (commerçant) implique que le
particulier puisse appuyer ses prétentions par tous les moyens : témoignages, factures,
correspondances. Il suit la loi commerciale, loi de celui contre lequel il
prouve. Ainsi dans un prêt consenti à un commerçant par un non commerçant, tous les moyens de preuve
sont admis lorsque c'est le non commerçant qui prétend l'existence de ce prêt.
A l'inverse
lorsque le défendeur à la preuve est un non commerçant, le principe distributif
veut que le commerçant apporte sa preuve selon les règles du droit civil, la
loi de celui contre lequel il agit. S'il s'agit d'un engagement dont la valeur
de l'objet égale ou dépasse les 1000 dinars le commerçant doit prouver par
écrit.
Ce système est contraignant
pour le commerçant. Il se justifie par le déséquilibre supposé entre commerçant
et non commerçant. Il est cependant critiquable en ce qu’il soumet un seul acte
à deux régimes différents. C’est pourquoi les solutions unitaires semblent préférables.
SECTION II : LES SOLUTIONS UNITAIRES
Il s'agit d'appliquer le mêmes
règles soit civiles soit commerciales sans tenir compte de la qualité des partenaires
à l'acte. L'unité commande d'abord les règles de la compétence. Lorsque
le litige oppose un commerçant à un non commerçant, c'est le tribunal de
première instance et non la chambre commerciale qui est compétent.(sauf
exception comme pour les litiges qui opposent le commerçant à un non commerçant
en matière de contrat de nantissement de l’outillage industriel). La solution
est différente en droit français où le particulier qui poursuit un commerçant
peut l'assigner soit devant le tribunal civil soit le tribunal de commerce
tandis que le commerçant ne dispose pas de cette option.
Les règles
de droit civil s'appliquent par ailleurs à quelques modalités d'exécution
des contrats : l'imputation des paiements, la capitalisation des intérêts et
les sanctions de l'inexécution.
La coexistence des solutions
dualistes et de solutions unitaires empêche à notre sens d'évoquer l'existence
d’un principe et d'exceptions à ce principe. Il y a une sorte de casuistique
qui donne matière à réflexion sur l'opportunité du maintien des actes mixtes
qui mène à des distinctions artificielles, souvent difficiles à résoudre.
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