L’APPORT DU FONDS DE COMMERCE EN SOCIETE DROIT COMMERCIAL

L’APPORT DU FONDS DE COMMERCE EN SOCIETE
Vente et apport en société sont deux opérations de même nature. Elles emportent toutes deux cession du fonds à titre onéreux. Seul le mode de rémunération diffère. La contrepartie est représentée dans la vente par un prix (l'équivalent monétaire). Dans l'apport en société elle est représentée par des parts sociales ou par des actions. L'apport en société d'un fonds de commerce permet de répondre à des préoccupations diverses dont notamment celle de développer l'affaire du commerçant individuel ou encore celle de limiter sa  responsabilité et lui permettre de  soustraire son patrimoine personnel aux risques de l'exploitation. La jurisprudence se montre à cet égard assez libérale. Le propriétaire du fonds de commerce peut résilier le bail qui le lie au propriétaire des murs , faire de son fonds un apport à une société nouvellement créée et se faire restituer le fonds après dissolution de ladite société pour l'exploiter dans le même local en vertu du nouveau bail conclu entre la société dissoute et le propriétaire des murs[1].
L'apport du fonds de commerce peut être fait soit à une société que le commerçant crée spécialement à cet effet, soit à une société déjà existante. La société peut être aussi bien une société de personnes qu’une société de capitaux, une société unipersonnelle ou une société pluri-personnelle.
Mais une telle opération risque de dépouiller les créanciers de l'apporteur de leur garantie dans la mesure où la contrepartie n'étant pas un prix, ils ne pourront faire ni opposition ni surenchère du sixième. C'est ce qui justifie l'adoption par le législateur dans l'article 228 C.C. de dispositions spéciales à l'apport d'un fonds de commerce à une société. Elles concernant la publicité de l’opération (§ 1) , l’inscription  des créances (§2) et l’option des associés (§3).

§1 . Publicité
La publicité est, en principe, la même que celle requise lorsqu'il s'agit d'une vente. Les termes de l'article 190 C.C. sont à cet égard non équivoques : toute cession telle que définie à l'article 190 sera publiée. La publication doit être faite dans un quotidien et au journal officiel. Ceci vaut pour le cas où l'apport est fait à une société déjà constituée. Mais cette règle semble recevoir exception lorsque la société à laquelle l'apport du fonds de commerce a été fait est nouvellement constituée. Dans ce cas la publicité de l'acte constitutif de société, étant obligatoire, elle  semble suffisante[2]. Mais encore faut-il que l'acte de société, les statuts, qui constate l'apport contienne toutes les mentions requises par l'article 190 C.C. sous peine des sanctions qui frappent leur omission ou leur inexactitude[3].

§.2 - l'inscription des créances
L'article 228C.C. distingue selon qu'il s'agit d'une société déjà constituée ou d'une société nouvellement constituée.
Dans la première hypothèse les créanciers non inscrits de l'associé qui a fait apport du fonds  à la société doivent faire une déclaration au greffe du tribunal de situation du fonds dans les quinze jours de l'acte d'apport au journal officiel. En revanche, lorsqu'il s'agit d'une société nouvellement constituée tout créancier de l'associé qui a fait l'apport doit dans les quinze jours de la publication de l'acte de société déclarer au greffe du tribunal dans lequel le dépôt de l'acte a eu lieu, sa qualité de créancier et le montant de sa créance.
Cette procédure spéciale dite de "déclaration de créances" a pour but de protéger les créanciers de l'apporteur. Elle a, d'un autre  côté, pour effet de porter à la connaissance des coassociés le passif grevant éventuellement le fonds.

§3. L'option des associés
Dans les quinze jours qui suivent l'expiration du délai de déclaration les associés peuvent demander en justice soit l'annulation de l'apport, s'il s'agit d'une société déjà constituée, soit l'annulation de la société si c'est le cas d'une société nouvellement formée. Le juge dispose à cet égard d'un pouvoir d'appréciation pour prononcer ou non la nullité[4].
Si les associés ne demandent pas la nullité dans le délai ou si celle-ci n'est pas prononcée, la société est tenue solidairement avec le débiteur principal (l'apporteur du fonds de commerce) du paiement du passif déclaré dans le délai imparti et dûment justifié. On estime dans ce cas que la société acquiert le fonds de commerce comme une universalité[5].
Si le commerçant peut céder son fonds de commerce, il peut aussi choisir d’en confier l’exploitation à un tiers au moyen d’un contrat de location gérance.



[1] Cass. civ. n° 3644 du 21 jan. 1982 RJL 1983 n°3 p.92
[2] *** cass.civ.n° 2423 du 17 fév. 1982 B.I, 1982 , 381. Dans cet arrêt la cour de cassation ne se réfère pas à l'article 190 cc mais elle admet clairement , en application des articles 179, 189, cc , 205 et 220 coc, que la publicité des statuts suffit pour rendre l'apport en société du fonds de commerce opposable aux tiers.
[3] Comp. Pédamon, Op. cit., n°282.
[4] De Juglart et Ippolitio, Op.cit., n°219.
[5] De Juglart et Ippolito, Op.cit., n°219.
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