La participation à l’infraction en Droit pénal

La participation à l’infraction  

La notion de participation étend les énoncés de faits légaux. Les articles 24-27 du code pénal s’appliquent généralement à tous les articles de la partie spéciale. La réalisation d’une infraction constitue en effet parfois une entreprise regroupant diverses personnes, personnes qu’il faut alors classer selon le degré de participation. Toutes ces circonstances forcent donc les législateurs à établir deux grandes distinctions : la participation principale et la participation secondaire (ou accessoire). La participation principe englobe trois types de personnes : les auteurs, les coauteurs et les auteurs médiats. La participation secondaire concerne l’instigation et les cas de complicité.

L’auteur et le coauteur :

Le code pénal ne définit ni l’auteur ni le coauteur. L’auteur est celui qui a la maîtrise des événements. Selon le tribunal fédéral, l’auteur est celui qui intentionnellement joue un rôle déterminant lors de la prise de décision, de la planification et de l’exécution dune infraction. On voit donc au travers de cette définition que l’auteur n’est pas supposé accomplir personnellement tous les éléments constitutifs de l’infraction, ni même y prendre personnellement part. Ainsi, le parrain de la Mafia, qui n’apparaît jamais en personne mais qui maîtrise le déroulement des opérations, est un auteur (et donc pas seulement un instigateur ou un complice). La notion de coauteur reprend cette même définition et l’applique à des cas où il y a plusieurs auteurs. Il est parfois cependant difficile de distinguer le coauteur du complice. Il convient donc de présenter une liste de critères qui permettent de déterminer le degré de participation de chacun :
- Des personnes qui procèdent à une répartition des tâches, participent à une entreprise criminelle sont coauteurs. Il existe entre eux une maîtrise de fait et leurs actes sont nécessaires à la réalisation de l’infraction.
- Celui qui a lui-même accompli l’ensemble des éléments constitutifs de l’infraction est coauteur et non complice. On dit que les coauteurs ont l’animus auctoris, la volonté d’agir directement. Par contre, les complices ont l’animus socii, la volonté de s’associer.
- Celui qui joue un rôle clé lors de l’exécution de l’infraction est coauteur même s’il n’a pas participé à la prise de décision. L’accord entre les coauteurs suffit.
- Celui qui n’a pas participé à la décision ou qui ne la reprend pas à son compte après coup, et qui ne partage pas les mobiles caractéristiques de l’infraction n’est pas coauteur.
- Celui qui ne participe qu’à la planification et à la prise de décision n’est pas coauteur, à moins que sa position face aux autres participants lui confère une autorité qui garantit que ses instructions soient suivies sans même qu’il intervienne (cas du parrain de la Mafia).
- L’intérêt personnel dans la commission de l’infraction peut être un critère : le complice se contente d’une rémunération fixe pour ses services alors que le coauteur est rétribué selon une participation au gain.
- Le complice rend un service ponctuel et relativement secondaire. Il offre des renseignements précieux, fournit les moyens pour commettre l’infraction, aide à emporter le butin, mais ne s’intéresse par contre pas à l’infraction dans son ensemble.

L’auteur médiat :
Dans la catégorie de la participation principale, on parle également d’auteur médiat. L’auteur médiat n’agit pas directement (il n’est donc pas auteur lui-même au sens matériel) mais il utilise une personne pour commettre l’infraction à sa place. Il arrive en effet fréquemment qu’une personne utilise un ou plusieurs individus pour accomplir les éléments constitutifs d’une infraction. Ces derniers sont souvent de bonne-foi ou n’ont pas conscience de commettre une infraction, leurs actes ne sont pas intentionnels. La personne qui agit à l’arrière plan par contre a une vue d’ensemble de la situation et agit intentionnellement, il est auteur médiat. Ainsi, si un homme envoie son enfant voler, l’enfant est précisément auteur du vol. Toutefois, on considère que l’homme qui a utilisé son enfant pour commettre une infraction est un auteur médiat.
Afin de faire accomplir les éléments constitutifs de l’infraction, l’auteur médiat se sert de personnes qui n’ont pas conscience de l’illicéité de leurs agissements, ce sont véritablement des instruments humains. Dans certains cas, l’auteur médiat se sert aussi de son pouvoir de persuasion né d’une autorité due à son poste hiérarchique au sein d’une organisation diverse (cas du supérieur de l’armée ou également cas du parrain de la Mafia). Par contre, lorsque l’auteur médiat contraint un tiers à accomplir à sa place certains actes qui constituent une infraction, la personne sous contrainte n’est pas punissable (faits justificatifs). On considère en effet que la personne sous contrainte vit une sorte d’état de nécessité licite, puisqu’elle doit choisir entre sacrifier son propre bien juridique (intégrité corporelle ou vie dans le cadre d’une menace) ou sacrifier le bien juridique que l’auteur médiat lui demande de violer. De même, la contrainte absolue exercée par l’auteur médiat affecte la formation de la volonté de la personne qui commet les actes incriminés, on peut donc dire qu’il lui manque l’intention criminelle. De manière générale on peut résumer les choses de la manière suivante : celui qui ne saurait être auteur d’un délit parce qu’il lui manque une qualité particulière donnant à cette infraction le caractère de délit propre ne peut pas être auteur médiat. Une telle personne ne peut alors être qu’instigatrice ou complice et profite en plus d’une atténuation de la peine (art. 26 CP).
La différence entre la personne utilisée par l’auteur médiat et la personne instiguée réside dans la volonté de l’auteur réelle (auteur qui commet l’infraction). Dans les cas d’instigations, l’instigateur parvient à faire naître chez l’instigué une volonté délictuelle. Par contre, la personne utilisée par un auteur médiat est juste utilisée, sans que sa conscience ou sa volonté n’intervienne. En outre, il ne faut pas qualifier la personne qui agit sous les ordres d’un auteur médiat d’auteur immédiat. Cette notion n’a en effet pas véritablement de sens car la personne utilisée ne peut être punie pour une infraction intentionnelle. On pourrait uniquement lui reprocher sa négligence.

L’instigation 

L’instigateur (art. 24 CP) est celui qui décide quelqu’un à commettre un crime ou un délit. Il s’agit de celui qui donne à l’auteur l’idée de passer à l’acte. Toutefois, contrairement à l’auteur médiat ou au coauteur, l’instigateur ne contrôle pas directement le déroulement des opérations. Il n’a donc pas la maîtrise de fait qui caractérise le coauteur. L’instigateur peut convaincre en corrompant, en menaçant, en argumentant ou en convainquant. Par contre, si quelqu’un, par la violence ou par la force, oblige un tiers à commettre une infraction, ce-dernier ne peut être considéré comme instigué car il ne dispose pas de la volonté criminelle. Les pressions physiques ne sont donc pas considérées comme des instigations. L’instigateur a la conscience et la volonté d’utiliser les moyens nécessaires pour déterminer quelqu’un à commettre une infraction et la volonté que ce dernier commette l’infraction. L’instigué, lui, agit également avec la conscience et la volonté. On ne peut donc pas instiguer quelqu’un à commettre une infraction par négligence. En outre, il n’est pas possible d’instiguer des personnes « prédestinées » à commettre des infractions, comme les tueurs à gage par exemple. L’instigation doit donc être une corruption criminelle.


 L’instigateur est punissable parce qu’il est responsable de la création de la volonté délictuelle dans l’esprit de l’instigué. La peine prévue dans la répression du crime, du délit ou de la contravention commis par l’auteur (l’instigué) lui est donc applicable (art. 24 I CP). L’instigateur joue donc un rôle causal en convainquant l’auteur. Par contre, si l’auteur instigué n’avait pas besoin de cette inspiration criminelle et qu’il avait déjà de lui-même décidé de passer à l’acte, on ne peut envisager qu’une tentative d’instigation (art. 24 II CP). Il faut en outre que l’instigateur tente de persuader une personne précise de commettre une infraction déterminée. Tel n’est pas le cas si la personne incite publiquement à commettre une infraction (art. 259 CP). De plus, tenir des propos imprudents qui décideraient quelqu’un à commettre une infraction peut entraîner la responsabilité pénale (négligence) même si celui qui les exprime n’a pas voulu ce résultat. Enfin, si l’instigué va plus loin que ce que l’instigateur lui demandait, l’instigateur n’est pas responsable, sauf à titre de négligence. Ainsi, si Pierre instigue Joseph à blesser Marie et que ce dernier tue finalement Marie (sans que Pierre le veuille ou imagine par dol éventuel la mort de Marie), Pierre n’est pas directement responsable de la mort de Marie. 

La complicité :

Le complice (art. 25 CP) est celui qui prête intentionnellement assistance à l’auteur d’une infraction. Contrairement à l’instigation qui reste punissable en matière de contravention (art. 104 CP), la complicité (tout comme la tentative) n’est punissable qu’en matière de crime ou de délit (art. 105 II CP), sauf en cas de dispositions contraires et explicites de la loi. De plus, contrairement encore une fois à l’instigation, la tentative de complicité n’est pas punissable. Le complice qui échoue dans sa tentative d’assistance et qui, objectivement, ne facilite dès lors pas la commission de l’infraction n’est donc pas punissable. En revanche, instigation et complicité sont consommées dès que l’auteur débute l’exécution de l’infraction. Cela est logique puisque l’instigateur comme le complice n’ont pas pour but de tout mettre en œuvre pour que le résultat se produise, ils sont respectivement là pour provoquer l’infraction ou pour prêter assistance à l’auteur. 

La manière dont le complice prête assistance importe peu. La complicité englobe toute contribution subsidiaire qui tend à faciliter la commission de l’infraction. Il faut donc un comportement constitutif d’une infraction. On distingue la complicité physique, qui comprend toutes les formes de soutien matériel, de la complicité psychique, qui concerne l’aide intellectuelle (conseils, renseignements utiles, plans géographiques) ou le soutien moral qui tend à conforter l’auteur dans sa décision. Le complice peut en outre agir à n’importe quelle phase de la réalisation de l’infraction.

Il est également possible d’être complice par omission. L’assistance à l’infraction consiste alors en l’omission d’empêcher le résultat. Cela n’est punissable que lorsqu’il existe un devoir de garant. Un tel devoir a notamment été admis pour les parents à l’égard de leurs enfants mais n’existe pas de manière générale, même pas pour celui qui apprend qu’une infraction sera commise par un tiers. La preuve de la causalité de l’assistance prêtée à un tiers est parfois difficile à apporter. Si un homme prête à son ami une arme à feu et que celui-ci s’en sert pour abattre son épouse, il n’est pas facile de savoir s’il est complice du meurtre. Selon l’article 260quater CP, celui qui met à disposition (ou procure sous une quelconque forme) une arme à un tiers, alors qu’il devait présumer qu’elle servirait à commettre un crime ou un délit est punissable. Ce même article (subsidiaire par rapport à d’autres sanctionnant d’éventuelles infractions plus graves) frappe aussi celui qui a échappé à une condamnation en tant que complice, si par exemple la preuve de sa connaissance spécifique du projet criminel du tiers n’a pas pu être apportée. Pour des raisons similaires, l’article 305ter CP punit les professionnels du secteur financier s’ils omettent de faire preuve de vigilance dans l’identification de l’ayant droit économique de fonds déposés. On voit donc qu’il existe des dispositions qui permettent de punir des personnes qui n’auraient pas pu être directement punies pour complicité. 

La favorisation :
La favorisation est une forme d’aide qui intervient après la réalisation de l’infraction. On ne peut donc pas parler de participation. Celui qui favorise n’a donc pas véritablement promis à l’auteur de l’aider. Le législateur a toutefois prévu certains cas de favorisation directement dans le code pénal et ce afin de mieux protéger certains biens juridiques. Ainsi, le recel (art. 160 CP), l’entrave à l’action pénal (art. 305 CP), le blanchiment d’argent (art. 305bis CP) ou le défaut de vigilance en matière d’opérations financière et de droit de communication (art. 305ter CP) sont des infractions autonomes de favorisation. Un acte de favorisation ne peut donc être puni que lorsque les éléments constitutifs d’une telle infraction spéciale sont réunis. 

La punissabilité des participants :

En ce qui concerne la punissabilité des participants, il faut préciser que la qualité d’auteur absorbe celle ce participant et que la qualité d’instigateur absorbe celle de complice. Cela signifie par exemple que celui qui instigue des tiers à perturber la circulation routière (art. 237 CP) et participe lui-même à la manifestation n’est punissable que comme auteur. Comme vu auparavant, chaque coauteur répond de ce qu’il a fait avec intention. Le même principe s’applique aux instigateurs et aux complices. Différents cas de figure sont possibles :
- L’auteur instigué ou assisté commet une infraction plus grave que celle qu’avaient prévue les autres participants. Dans ce cas, ces derniers ne répondent alors que de ce qu’ils ont su et voulu (arts. 12-13 CP).
- L’auteur a été instigué à un homicide ou reçoit pour ce faire l’aide d’un complice mais décide finalement de ne commettre que des lésions corporelles graves. L’auteur commet donc une infraction moins grave. L’instigateur sera puni pour tentative d’instigation de meurtre alors que le complice ne sera punissable que pour complicité de lésions corporelles graves (la tentative de complicité n’est pas punissable). 
- L’auteur commet un aliud (un acte dont il n’était à l’origine pas question). L’instigateur reste punissable pour tentative d’instigation alors que le complice n’est lui pas punissable. 
Les circonstances réelles et personnelles :

Une autre problématique concerne la prise en compte des circonstances accessoires qui ne caractérisent que certains participants à l’infraction. Il faut alors déterminer la portée de ces circonstances pour savoir si elles s’appliquent à tous ou seulement à la personne directement concernée. L’article 27 CP précise que les circonstances personnelles qui augmentent, diminuent ou excluent la punissabilité ne doivent être retenues qu’à l’égard de celui qu’elles concernent (principe de l’accessoriété limitée de la participation. L’auteur mineur répond donc selon les dispositions applicables aux mineurs alors que le complice adulte répond selon le droit pénal des adultes. L’auteur qui commet un meurtre passionnel est puni sur la base de l’article 113 CP alors que l’on applique à son complice l’article 111 CP car il a agi sans lesdites émotions. 

Au contraire des circonstances personnelles, les circonstances réelles s’appliquent à tous les participants car elles ne concernent pas la culpabilité des participants mais les circonstances objectives de réalisation de l’infraction et son degré de gravité. On peut citer comme exemple la gravité des lésions corporelles (art. 122 CP), l’âge de la victime par rapport à l’article 187 CP (mise en danger du développement de mineurs) ou encore la faible valeur de l’élément patrimonial ou la moindre gravité du dommage causé dans les cas d’infractions contre le patrimoine (art. 172ter CP). 
Ces questions de circonstances prennent une certaine importance dans les cas de délit propre. En effet, la qualité de l’auteur joue alors un rôle important (fonctionnaire, médecin, professionnel du secteur financier). Dans ce genre de cas, la loi prévoit des peines plus ou moins sévères si l’auteur a agi avec une certaine qualité (art. 26 CP). Il faut alors déterminer si la fonction d’un des participants est une circonstance qui s’étend ou non à tous les participants. La doctrine établit une distinction entre les délits propres purs et les délits propres mixtes. En cas de délits propres mixtes, les circonstances sont alors personnelles et ne concernent donc que l’intraneus (la personne ayant la qualité particulière). Par contre, en cas de délits propres purs, les circonstances sont réelles et s’appliquent donc également à l’extraneus (le participant n’ayant pas la qualité particulière). La qualité de fonctionnaire est notamment une circonstance réelle. L’extraneus n’est en outre jamais punissable en tant que coauteur mais toujours en tant que complice ou instigateur. L’article 26 CP tranche ces questions en fixant que le participant à un délit propre pur ou mixte répond toujours du même délit que l’auteur principal mais profite d’une atténuation de la peine. 

 La participation nécessaire :
Il existe encore des infractions qui prévoient directement la participation dans leur énoncé de fait légal. La rixe par exemple (art. 133 CP) prévoit directement la participation au combat. Pour qu’une bagarre soit une rixe, 3 personnes doivent y participer et mettre en danger la vie d’autrui. De même, la notion de mutinerie (art. 311 CP) nécessite la présence de plusieurs personnes. Dans ces deux cas, on ne peut donc pas parler de participation puisque l’infraction est une infraction de groupe. Ces diverses infractions punissent des comportements collectifs, pour lesquels la participation est nécessaire. Il faut donc distinguer la participation nécessaire (mentionnée dans les énoncés de faits légaux) de la participation criminelle (art. 24-27 CP). Il faut enfin encore parler des cas de participation nécessaire où la loi ne vise à punir que l’un des participants. C’est notamment le cas du meurtre sur demande de la victime (art. 114 CP), de l’assistance au suicide (art. 115 CP), de l’escroquerie (art. 146 CP) ou des actes d’ordre sexuel avec des enfants (art. 187 CP). Dans tous les cas, la loi entend protéger la victime qui ne peut être punissable pour avoir participé à sa propre victimisation. Il est en effet logique qu’on ne punisse pas la personne qui demande directement à un tiers de la tuer.

1er cas :
Quatre amis, Arnaud, Benoît, Christian et Damien, décident de commettre un cambriolage. Pendant que Damien fait le guet, Arnaud et Benoît pénètrent dans l’appartement de la victime et s’emparent d’un coffre-fort. Arnaud le perce et laisse Benoît ramasser l’argent. Christian, qui a conduit ses amis en voiture, les attend à quelque distance, prêt à démarrer.
Il s’agit de l’article 139 CP, le cambriolage. Le cambriolage n’est pas un terme juridico-pénal, il s’agit d’un terme utilisé pour spécifier un vol avec violation de propriété. Selon l’énoncé de fait légal élargi (par l’article 24 CP), Benoît serait l’unique auteur puisque c’est lui qui dérobe l’argent. Toutefois, même si Arnaud, Christian et Damien ne réalisent pas le comportement incriminé, ils sont coauteurs. Ils ont effet tous eu un rôle suffisamment important pour que leur action soit nécessaire à l’exécution de l’infraction. Tous ont l’animus auctoris car ils décident de commettre un vol. De même, si un tiers, Joseph, avait fourni des informations ayant servi à réaliser le cambriolage, il serait également considéré comme un coauteur. En outre, l’infraction débute dès que le premier coauteur agit. Ainsi, lorsque Damien commence à surveiller le voisinage, l’infraction débute. 

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