On parlera de la Constitution en tant que règle de droit.
Il existe plusieurs approches de la constitution. Ce terme existe dans le
langage courant. La constitution de quelque chose. Lorsqu’on évoque par exemple
avec une constitution du corps humain ou d’un atome, ou d’une Constitution d’un
Etat, il est évident qu’on ne parle pas de la même chose. Cependant, dans les 3
exemples cités, on voit bien que l’on veut désigner par l’emploi de ce terme un
certain nombre d’éléments qui vont « constituer », c’est-à-dire
créer, établir quelque chose, fonder quelque chose… Bref, on a à faire dans les
3 cas à des éléments qui vont former un tout.
Le problème est que l’hétérogénéité du terme « constitution »
est également présente en droit. Lorsqu’on parle par exemple des statuts d’une
association, des statuts d’une société commerciale. On vise, bien entendu, un
ensemble de règles, de règles de droit, qui ont permis leurs créations. Des
règles qui vont permettre de déterminer ces modalités d’organisation ou de
fonctionnement.
Quand on parle de Constitution, c’est encore différent. On ne parle que
de la Constitution de l’Etat. Et pas du traité constitutif d’une organisation
internationale. C’est la raison pour laquelle le prétendu traité de 2005 qu’on
a voulu mettre en place a été rejeté par les français, parce qu’un traité
international n’est pas une Constitution, et inversement. C’est ce qu’on
appelle un oxymore. Parler de Constitution de l’Europe, c’est un non-sens sur
le plan juridique, parce que l’Union européenne n’a pas de Constitution, parce
que l’Union européenne n’est pas Etat, l’Union européenne n’a pas la
souveraineté.
On parle de Constitution d’un Etat, par exemple la
Constitution de 1958 est la Constitution française. Cela ne veut pas dire que
l’Union européenne n’est pas constituée. Elle est constituée, mais non pas sur
la base d’une Constitution, mais de traités internationaux. En première
approche, on entendra par Constitution un sous-ensemble déterminé du système
juridique, c’est-à-dire des normes ou des règles qui présentent certaines
spécificités. Par conséquent, là où l’on rencontre ces spécificités, quelque
soit le système juridique considéré, on pourra, effectivement, parler de
Constitution, quelque soit par ailleurs la manière de nommer ou de désigner les
choses. En République fédérale d’Allemagne, la Constitution s’appelle
« loi fondamentale ». Inversement, là où ces éléments feront défaut,
on ne parlera pas de Constitution. Par exemple, l’Organisation Internationale
du Travail, qui est une organisation internationale, a pour fondement
juridique, un traité international qui porte le nom de Constitution. On appelle
cela la Constitution de l’OIT. Mais cela est complétement différent de la
Constitution de la Vème République, ou de la loi fondamentale de la
République allemande. Cerner le concept de Constitution est important, et pour
cela on va procéder en 3 temps. On va d’abord montrer ce que sont les rapports
entre Constitution et pouvoir politique, puis les rapports entre Constitution
et règles de droit, et on terminera par une distinction classique, celle qui
oppose Constitution matérielle et Constitution formelle.
Section 1 : Constitution et pouvoir politique
Section 2 : Constitution et normes
Section 3 : Constitution matérielle et Constitution formelle
Section 1 : Constitution et pouvoir politique
Le pouvoir
politique se définit très simplement comme l’autorité qu’exerce au nom de
l’Etat du peuple dans un système démocratique ceux que l’on nomme les gouvernants.
Le pouvoir
politique constitue la forme la plus élaborée mais aussi la plus complexe des
manifestations de l’autorité générale. On sait que l’autorité existe dans toute
les formes d’organisation sociale. Dans n’importe quel groupement humain, la famille,
le clan, une entreprise, il y a, très simplement, des individus qui sont
habilités à commander à d’autres individus. Ces derniers sont obligés d’obéir.
La double relation de commandement et d’obéissance est de l’essence-même du
pouvoir politique. Pouvoir, parce qu’on a à faire à un phénomène d’autorité,
politique, parce que ce phénomène s’exerce dans cette institution particulière
qu’est l’Etat, c’est-à-dire ni plus ni moins cette forme spécifique
d’organisation sociale, c’est-à-dire qui assure au pouvoir sa permanence, sa
durée. C’est pourquoi on parle couramment de l’Etat comme forme
d’institutionnalisation du pouvoir politique. L’Etat est le pouvoir politique
incarné dans une institution, donc le pouvoir politique institutionnalisé. Le
pouvoir politique n’est pas autre chose qu’un phénomène d’autorité parmi
d’autres. Sa particularité, son trait de caractère premier, c’est qu’il
s’exerce aujourd’hui dans l’Etat, ce qui va impliquer une différenciation entre
les gouvernants d’une part, et les gouvernés d’autre part. De ce phénomène
d’autorité, comment arrive-t-on à l’idée de Constitution ? L’idée est
assez simple. On peut le résumer par un choix binaire. Ou bien le pouvoir
s’exerce uniquement par la force, par la conquête, et le maintien au pouvoir du
ou des plus forts, avec tous les risques de déviance que l’on connait. Ou bien
le pouvoir est encadré par le Droit, c’est-à-dire par des règles qui vont
définir comment il s’acquiert ou se conquiert, comment il s’exerce, comment il
se transmet, et comment il se perd. On peut encore aller plus loin pour
préciser, dans les temps anciens, mais aussi dans un certain nombre de pays
politiques autoritaires, le pouvoir politique est attaché à la personne-même
des gouvernants, qu’ils soient chefs religieux, de chefs militaires… On parle
de personnalisation du pouvoir, ou de patrimonialisation du pouvoir. Il en a la
propriété exclusive. Dans ce cas-là, la plupart du temps, le pouvoir cesse avec
la mort de son titulaire, ou son éviction par la force, aux termes parfois
d’une lutte sanglante. Aujourd’hui, c’est fort heureusement la règle générale,
il n’en est plus ainsi. Le pouvoir politique est dissocié de la personne des
gouvernants. Précisément, dans ce cadre institutionnalisé, qui est à l’œuvre
depuis le XVIème siècle en Europe, c’est à la Constitution que
revient, en première intention, le soin d’établir et de fixer les règles en
vertu desquelles le pouvoir s’acquiert, s’exerce, se transmet. Il y a donc, en
quelque sorte, un mouvement continu, entre l’apparition du pouvoir politique,
son incarnation dans l’Etat, et la Constitution qui l’organise. En s’incarnant
dans l’Etat, et en étant encadré, c’est-à-dire illimité par la Constitution, le
pouvoir va se « juridiciser ». Il devient un objet de droit, un objet
régit par le droit. Autrement dit, d’un pouvoir de fait, il devient un pouvoir
de droit, ce qui va, évidemment, contribuer grandement à asseoir sa légitimité,
c’est-à-dire son acceptation et son respect par les gouvernés. La volonté et la
nécessité d’inscrire dans la Constitution les règles de dévolution du pouvoir
politique a connu une expansion remarquable à partir du XVIIIème
siècle. C’est dans les faits, à partir du siècle des lumières, que s’est imposé
l’idée, proprement révolutionnaire, de substituer aux pratiques ancestrales
existantes des règles écrites dans un document officiel appelé
« Constitution », venant encadrer et limiter le pouvoir par avant
absolu des monarchies régnantes. Ce sont ainsi les penseurs libéraux comme
Rousseau, Voltaire, Montesquieu, John Locke, qui ont réussi, contre les
monarchies absolues dans l’Europe, à imposer le point de vue selon lequel le
mode d’exercice et de dévolution du pouvoir doivent être fixés une fois pour
toute dans le texte fondamental qu’est la Constitution.
Section 2 : Constitution et normes
Commençons par poser une affirmation. Le nom propre de Constitution est
par essence un phénomène juridique, c’est-à-dire un objet d’étude engendré et
en même temps appréhendé par le Droit. En ce sens, la Constitution n’est pas
seulement un instrumentum, un texte, un symbole. Elle est aussi une norme. C’est
la raison pour laquelle le concept de normes est un préalable qu’il faut
aborder pour connaitre le concept juridique de Constitution.
§1 Normes et normes juridiques
A)
Normes générales
Les normes en général, c’est la donnée fondamentale du droit. La donnée
fondamentale du droit, c’est la norme. Elle se définit comme la signification
apportée à un genre d’énoncés. Par exemple, l’énoncé article 8 de la
Constitution de 1958 « le Président de la République nomme le
Premier ministre » a pour signification normative que non
seulement le Président de la République peut choisir son Premier ministre, mais
qu’en plus, il peut discrétionnairement mettre fin à ses fonctions. Il y a le
texte qui est énoncé, et la norme qui est l’interprétation de l’énoncé. C’est
la donnée fondamentale du Droit. L’énoncé débouche sur une norme, mais une
norme est distincte d’une norme, elle est la signification particulière de cet
énoncé. Si on va plus loin, dans les énoncés que nous utilisons dans la vie courante,
la science du langage 2 types d’énoncés distincts :
-
D’un côté, les énoncés
descriptifs : ils servent à décrire quelque chose. Par exemple, il fait
soleil. Il pleut. Il est toujours vrai ou bien faux. On appelle ces énoncés des
énoncés véri-fonctionnels.
-
De l’autre, les énoncés
prescriptifs, c’est-à-dire des énoncés qui ont pour objet de rendre
obligatoire, interdit ou permis un certain nombre de comportements humains. Par
exemple, il est interdit de fumer dans l’amphithéâtre. Il oriente un comportement
humain. Dans la Constitution de 1958, il est prévu que la loi organique peut,
exceptionnellement, permettre de déléguer le droit de vote. C’est un énoncé qui
permet quelque chose. A la différence des énoncés descriptifs, ces énoncés ne
sont ni vrais, ni faux. C’est la raison pour laquelle ces énoncés sont
qualifiés de prescriptifs, mais cela ne veut pas dire que s’ils ne sont pas
respectés, cela ne veut pas dire qu’ils sont faux. Cela veut simplement dire
qu’ils ne sont pas respectés ou qu’ils ont été violés. Tel est le propre des
énoncés normatifs. Ce sont des énoncés prescriptifs.
Deuxième particularité de la norme, aucun énoncé d’un énoncé prescriptif
ne peut être déduit d’un énoncé descriptif. Autrement dit, il n’est pas
possible de faire dériver une norme de quelque chose qui n’est pas normatif. Il
n’est pas possible de faire dériver une norme d’un fait. Une norme ne peut
logiquement dériver que d’une autre norme, c’est-à-dire que par exemple, on ne
peut pas déduire qu’il est interdit de fumer sur l’idée que fumer nuit à la
santé. D’un point de vue logique, c’est impossible. On sait que beaucoup de
lois sont des lois de circonstances, c’est-à-dire des lois qui résultent de
fait.
Le droit, la norme juridique, ne peut trouver son fondement logique que
dans une autre règle de droit. Et au sommet de ces règles de droit figure, en
droit interne, la Constitution.
ð 28/02/2019
Une norme peut spécifier un objet de manière différente, une norme peut
être individuelle lorsque son destinataire est une personne, ou au contraire,
une personne peut être générale. Elle s’adresse à tous.
B)
Normes juridiques
Les normes juridiques sont une espèce du genre norme. Les normes
juridiques font partie du genre norme en général. Mais les normes juridiques
sont tout à fait particulières.
On sait que les normes juridiques ne sont pas assimilables aux autres
normes. Il y a des normes morales, il y a des normes religieuses, et il y a les
normes juridiques. Pourquoi mettre l’accent sur les normes juridiques ?
Selon Hantz Kelsen « le droit est un ordre de la conduite
humaine, c’est-à-dire un ensemble de règle juridiques qui régissent le
comportement des individus ». En cela, l’ordre juridique est un
ordre social, mais un ordre social très différent de ce que peuvent d’autres
ordres sociaux, tel l’ordre moral, ou l’ordre religieux par exemple. Et donc,
les ordres moral et religieux sont des ordres normatifs, parce qu’ils régissent
les comportements humains, mais ils ne sont en rien comparables au droit.
Ce qui distingue le droit des autres ordres normatifs, c’est son aspect
coercitif, ou son caractère contraignant à l’égard des comportements humains.
C’est son caractère contraignant à l’égard des comportements humains
« déviants ». En ce sens que si certains comportements sont indésirables,
le droit va réagir par un ordre de contrainte, et parce que Weber appelait le
recours à la force légale. Le recours à la force légale est basé lui-même sur
une règle de droit, sur une norme, sur quelque chose de normatif au sens
juridique du terme. Et c’est ici toute la différence. Bien sûr, la violation de
la règle morale ou religieuse entraine une contrainte, mais qui n’est pas de
même nature. On peut dire par exemple que l’interdiction de tuer est une
interdiction religieuse ou morale. Et en cela, l’interdiction de tuer est bien
une règle contraignante. Mais la différence c’est que la contrainte morale
n’est pas extérieur à celui qui la suit ou l’enfreint, la personne-même qui
décide de suivre cette morale, c’est elle qui s’oblige à la suivre. A l’inverse,
l’obligation juridique est extérieure à la personne qui en est destinataire,
elle échappe à ceux qu’elle vise. Même chose si on se tourne du côté de la
contrainte religieuse. Elle procède de la volonté divine. Sa violation peut
entrainer un châtiment. Mais ceci est le résultat au fond que d’une croyance
personnelle, c’est la foi qui commande la règle et la crainte du châtiment.
C’est la foi qui commande le respect et la crainte du châtiment. Au contraire,
la norme juridique s’impose en-dehors de toute croyance, de toute volonté
personnelle. Je peux bien m’opposer à la sanction, mais si je suis coupable,
est-ce que je peux vraiment m’opposer ?
Si on prend un exemple très simple, le contrat en droit civil par
exemple. On sait qu’en vertu de 1134 du Code civil, les parties au contrat ont
l’obligation d’en respecter les stipulations. Les stipulations contractuelles
lient les parties. Mais cela ne résulte pas des volontés des cocontractants. Le
contrat est une norme, mais il doit être respecté en vertu d’autres normes
qu’il dispose.
Allons jusqu’au bout du raisonnement. Même les Etats n’échappent pas à
cette distinction entre normes juridiques et les autres normes. Parce que même
dans ces Etats il existe une norme de droit positif qui est non religieuse,
selon laquelle il faut se conformer. La preuve en est, c’est qu’une personne
non croyante séjournant dans cet Etat doit se conformer à ces règles.
Le droit est fondé sur un principe, qui est le principe d’autorégulation,
et c’est une spécificité propre au droit. Le droit présente cette particularité
qui est de régler, en quelque sorte, lui-même sa propre production ou
existence. Autrement dit, le droit, même s’il subit factuellement voire
idéologiquement, l’influence de facteurs extérieurs, est un système clôt et
indépendant. Cela signifie 2 choses :
-
L’existence d’une norme
non-juridique, par exemple une norme religieuse ou morale, ne peut pas être le
fondement d’une norme juridique. bien sûr, cela est valable dans les Etats où
il y a une distinction tranchée entre l’Etat et la religion. Par exemple, ce
n’est pas parce que la loi divine ou la morale interdit de tuer que le Droit
doit l’interdire également. C’est 2 choses différentes. Le fait que le droit
interdise l’homicide est une donnée contingente. Autrement dit, l’interdiction
dont il s’agit ne trouve absolument pas sa cause dans une règle morale.
Inversement, ce n’est pas parce que la religion ou la morale interdit
l’adultère entre époux que le droit doit ériger l’adultère en infraction
pénale. Il est toujours une violation de la règle religieuse et morale, mais le
droit a cessé d’ériger l’adultère en délit.
-
Des éléments factuels ne
peuvent pas être la cause d’une norme juridique. Autrement dit, la cause
logique de la norme juridique réside dans autre chose que dans la norme morale
ou religieuse. En termes très simples, on dira qu’une norme juridique ne peut
exister que si elle trouve son fondement dans une autre norme du système. Pour
illustrer le propos, on peut se poser une question simple : comment
pouvons-nous identifier quelque chose comme étant du Droit alors qu’autre chose
qui lui ressemble ne serait pas du Droit ? Quel est, en d’autres termes,
le critère de la juridicité ? Et, on peut partir d’un exemple très simple,
quelle est la différence entre un huissier qui délivre une injonction de payer
et, à défaut, procède à la saisie d’un bien d’un côté, et d’autre part d’un
voleur qui va s’emparer d’un IPhone X sous la menace d’une arme ? Pour
répondre à cette question, il faut donc un critère objectif et fiable. Pour
identifier une norme juridique, pour dire qu’on a bien à faire à une norme de
droit, on a besoin d’un critère d’appartenance. Et comme on l’a vu, une norme
juridique, ou la normativité en général, ne peut pas être déduit de prémisses
descriptifs. Une norme juridique ne peut exister, c’est-à-dire être qualifiée
de tel, s’il n’existe une autre norme qui va lui conférer cet aspect. En d’autres
termes, le critère de la juridicité ne peut être lui-même un critère juridique.
Ce critère est la validité. La validité d’une norme ne peut donc avoir d’autres
fondements que la validité d’une autre norme. Si on revient à notre exemple,
l’injonction de l’huissier est une norme juridique, parce qu’elle s’appuie sur
une autre norme valide. Au contraire, l’action du voleur n’est pas juridique.
Ce n’est pas du Droit, et c’est même contraire au Droit, c’est un fait de
violence.
On voit bien qu’il existe un lien, c’est-à-dire un rapport, entre les
normes d’un même ordre juridique. Les normes de ce système sont valides, parce
qu’elles sont produites selon les conditions posées par d’autres normes. Cet
ordre est donc organisé, structuré selon un principe qui est le principe de
hiérarchie des normes. Et c’est la Constitution qui en est à la fois le
fondement de cet ordre juridique, et le sommet. La Constitution est au sommet
de la hiérarchie des normes.
§2 Constitution et hiérarchie des
normes
Précisons d’emblée une chose : la Constitution est au sommet de la
hiérarchie des normes de l’ordre juridique de l’Etat. Dans l’ordre juridique
interne, dans l’ordre juridique étatique, la Constitution est au sommet de la
hiérarchie des normes. On dit qu’elle est l’ordre suprême. La Constitution va
fixer la manière dont sont organisés les rapports normatifs, c’est-à-dire les
relations entre les différentes normes du système.
A)
La Constitution est la norme suprême de l’ordre juridique étatique
Le fondement. C’est la Constitution qui est à l’origine de l’ordre
juridique étatique. C’est elle qui créé, institue l’Etat. Et même sous l’Ancien
Régime c’était le cas, mais les normes n’étaient pas écrites. Inversement, seul
un Etat dispose d’une Constitution. Fondement encore, parce que c’est en
partant de la Constitution que l’ordre juridique est structuré de manière
cohérente. C’est encore la Constitution qui réalise l’unité de cet ordre, et
qui va déterminer le système des sources du Droit en vigueur dans l’ordre
juridique interne. On dit pour cela que la Constitution est la source des
sources du Droit. Très simplement parce qu’elle constitue le fondement de
validité de toutes les autres normes de l’ordre juridique étatique. Même pour
le droit international, c’est la Constitution. Pour l’introduction du droit
international au droit interne, la Constitution est un point de passage obligé.
La suprématie de la Constitution, en droit interne, est clairement et
fermement affirmée en droit positif français, c’est-à-dire par la jurisprudence
des juridictions françaises, et en particulier par les juridictions suprêmes
que sont le Conseil Constitutionnel, le Conseil d’Etat et la Cour de cassation.
Chacune de ces juridictions étant le sommet de l’ordre juridictionnel
constitutionnel, administratif, et judiciaire. Cette suprématie s’applique à
l’égard de toutes les normes de droit interne. Les lois, les règlements, les
contrats, les arrêts et jugements, actes juridiques internes. C’est la raison
pour laquelle il existe, notamment, un contrôle de constitutionnalité de la
loi, exercé en France par le Conseil Constitutionnel, qui va permettre, très
simplement, de priver de validité les lois contraires à la Constitution. Mais
il ne faut pas oublier non plus que la suprématie de la Constitution s’exerce
aussi dans l’ordre juridique interne, à l’égard des règles extra étatiques,
comme les lois internationales, et les normes européennes. Bien sûr, il ne faut
pas exagérer ces risques de conflits. Pourquoi ? Parce que très simplement
la Constitution a prévu les choses. Et pour un certain nombre de conflits,
lorsque le juge est en présence d’une norme interne et d’une norme
internationale qui se contredise, il peut puiser dans la Constitution. Il y a
des solutions dans la Constitution. La plus célèbre d’entre elles se situe dans
l’article 55 de la Constitution : lorsque surgit un conflit entre un
traité international et une loi française, la loi européenne ou internationale
doit prévaloir sur la règle législative contraire. Que devra faire le
juge ? Il appliquera la norme européenne, parce que la Constitution lui
fournit cette solution de conflit de normes. Lorsqu’il y a un véritable soucis,
c’est lorsque surgit un conflit entre la Constitution et une norme européenne.
Le juge tient alors son pouvoir du peuple. Si le juge s’aventurait à déclarer
la Constitution contraire au Droit, il scierait la branche sur laquelle il est
assis. Lorsque la question lui a été posée de savoir quel texte appliquer
(Constitution ou norme européenne ?), le juge écarte la règle
internationale. Par exemple, la chose s’est passée en Nouvelle-Calédonie. Il y
a des référendums successifs qui ont été organisés pour mener le territoire à
l’indépendance. La question s’est posée de savoir qui peut participer à ce
référendum. Il faut éviter que l’arrivée de métropolitains sur le territoire de
Nouvelle-Calédonie ne vienne tout bouleverser. En
1998 a eu lieu un référendum d’autodétermination. Il y a une métropolitaine qui
est installée là-bas depuis 1990. Elle va à la mairie pour s’inscrire pour
pouvoir voter. On lui dit non, parce que la réforme qui empêche les
métropolitains arrivés après 1988 de voter. Du coup, elle a fait un recours.
Elle demande son annulation. C’est un recours pour excès de pouvoir devant le juge
administratif. On est en présence, devant le juge administratif, d’un conflit
ouvert, d’un conflit frontal, entre la Constitution et la CEDH. L’affaire va
jusqu’au Conseil d’Etat. Le Conseil d’Etat statut dans un arrêt d’assemblée du
30 octobre 1998. C’est l’arrêt Sarran. Il statut et dit en termes très simples
« la suprématie conférée par l’article 55 de la Constitution au traité,
et accords internationaux en vigueur dans l’ordre juridique interne ne
s’appliquent pas dans l’ordre juridique interne ». L’affaire n’est
pas terminée pour autant, parce que les requérants ont été devant la CrEDH.
La Cour de cassation et le Conseil Constitutionnel n’ont pas dit autre chose
dans l’ordre juridique interne. La Constitution est au sommet de la hiérarchie
des normes.
B)
Les rapports normatifs : validité et force dérogatoire
Il existe en effet 2 types de rapports entre les normes juridiques :
-
Le premier correspond aux
rapports de production qu’on appelle validité.
-
Le second est celui du
rapport selon la force dérogatoire.
Cette distinction va permettre d’ordonner, de structurer, d’agencer des
normes en fonction de leur place dans la hiérarchie des normes. La première
concerne la validité de la norme. L’autre se rapporte à l’application des
normes.
La validité va permettre de décider quelles sont les règles qui
existent en tant que normes juridiques, et évidemment, la validité permet de
dire quelles sont les normes qui ne sont pas du système. La validité va
permettre de préciser à quel système appartient la norme considérée. Par
exemple, le Code civil français regroupe un ensemble de normes valides en
France. En ce sens, elles font parties de l’ordre juridique français. Une norme
est valide si elle a été créée, produite, selon les conditions fixées par une
autre norme. Si une norme N1 détermine les conditions de validité d’une norme
N2, alors la norme N1 sera hiérarchiquement supérieure à la norme N2. Et donc
il est important de comprendre ce qu’on entend par les conditions de validité.
Ça signifie, très simplement, en application de la norme N1, il existera une
norme N2, si et seulement si certains actes ont lieu selon certaines
procédures. Par exemple, la Constitution de 1958 définit les actes successifs
et la procédure suivant lesquels une loi N2 deviendra une loi, c’est-à-dire une
norme valide. Dans notre exemple, N1 est supérieure hiérarchiquement à N2. La
Constitution est supérieure à la loi.
On voit bien cependant que le système présente une faille. Si, en effet,
on dit qu’une norme est valide en fonction de cette qualité d’être valide par
une autre norme, il faut aussi rechercher la validité de notre norme N1. Il
arrivera donc un stade où cette recherche devient impossible, parce qu’il
n’existe pas de norme posée. Alors, pour maintenir la cohérence de la construction,
il faudra donc que l’existence, la validité de la première norme soit, non pas
posée, mais supposée.
La validité va permettre, une fois définie, de se distinguer de la
conformité. Cette distinction est en effet essentielle pour 2
raisons :
-
La première raison, c’est
que les conséquences attachées à la distinction sont essentielles.
-
Y compris dans la doctrine
française, les 2 notions sont confondues.
On sait que la validité permet de savoir si une norme existe, si elle est
valide. Autrement dit, validité est synonyme d’existence. Tandis que la
conformité permet de savoir si une norme n’est pas contraire avec ou à une
autre norme. La conformité est synonyme de respect, non-conformité est synonyme
de contradiction.
En voici une conséquence : une norme valide peut très bien ne pas
être conforme à une autre norme, c’est-à-dire exister tout en étant
non-conforme à une autre norme. Une norme valide peut ne peut pas être conforme
à une autre norme. Comment cela est-il possible ? Une norme valide est
toujours, par hypothèse, conforme aux normes de production. Mais, de l’autre
côté, la loi peut donc franchir ces étapes, et donc elle est valide, mais elle
peut avoir des dispositions qui sont contraires, c’est-à-dire non conformes.
Cette situation se vérifie à des milliers et des milliers de cas chaque jour.
Bien sûr, les 2 exigences peuvent, fort heureusement, et dans la plupart des
cas correspondre. Une loi peut avoir été adoptée dans le respect des conditions
de procédures fixées par la Constitution, et de ce point de vue, être valide et
entrer en application. Et en même temps, en regardant son contenu, on
s’aperçoit qu’elle ne contrevient pas aux normes de la Constitution. Mais,
évidemment, c’est l’autre situation qui nous intéresse, c’est-à-dire celle
d’une norme valide, mais dont le contenu s’avère, donc s’expose a posteriori
contraire à la Constitution. Il en ira de même par exemple si une loi en
vigueur, donc valide, contenait un article qui, par exemple, exigerait que
toutes les manifestations à venir des gilets jaunes soient autorisées.
En réalité, voici une seconde conséquence de la distinction : pour
que validité et conformité correspondent, pour que la loi soit à la fois valide
et conforme, il faut corriger le défaut de non-conformité. Il faut prévoir un
mécanisme qui permette une alternative : soit d’éliminer la faute de la
validité, soit de faire application de la règle qui est, selon le droit en
vigueur, de prévalence sur la règle contraire. C’est la force dérogatoire qui
va permettre de régler l’épileuse question (mais constante) des conflits de
normes valides.
La technique de la force dérogatoire va permettre d’apporter une réponse
à deux questions :
-
Comment éliminer de l’ordre
juridique en vigueur des règles de Droit que l’on veut éliminer ou
remplacer ?
-
Comment régler un conflit
entre 2 normes valides ?
Le principe de la force dérogatoire va fournir la réponse à ces 2
questions, mais de manière différente. A la première question, la force
dérogatoire va répondre que le Droit va fixer non seulement les conditions de
sa production, mais également les conditions de sa propre destruction. Les
normes en vigueur peuvent être détruites, c’est-à-dire être privées de
validité, donc d’existence. Par abrogation ou l’annulation des normes. C’est ce
qu’on appelle la privation de validité. Mais attention à ne pas confondre les
2. Disons-le de manière simple : l’annulation a des effets plus radicaux
que l’abrogation. Les 2 techniques s’équilibrent. L’annulation signifie que la
norme est supprimée rétroactivement, c’est-à-dire depuis qu’elle est entrée en
vigueur, depuis son origine, depuis sa prise d’existence. L’annulation, par
hypothèse, est rétroactive. On fait comme si la norme qui a été frappée n’a
jamais existé. Par l’abrogation au contraire, la norme cesse d’exister
seulement pour l’avenir. Une loi peut abroger une autre loi, ce qui signifie
que la loi abrogée cessera d’exister et d’être applicable à compter du moment
où la deuxième loi (loi abrogative) entrera en vigueur.
On retrouve ces distinctions dans les décisions du Conseil
Constitutionnel. Lorsque saisi par une QPC, le Conseil Constitutionnel est
amené à déclarer qu’une loi est contraire à la Constitution. Soit il peut
déclarer que la loi inconstitutionnelle est abrogée à compter de la publication
de sa décision, soit abrogée à une date ultérieure qu’il fixe. Et enfin, il
peut donner à sa déclaration d’inconstitutionnalité un effet rétroactif, en
supprimant dans le passé tout ou partie des effets que la loi a déjà produit.
On voit que dans ces 2 exemples (abrogation/annulation), la destruction
par une norme d’une autre norme, par annulation ou abrogation de celle-ci, peut
être décidé soit par le même organe qui a décidé la norme, soit par le
Parlement lui-même, soit par le peuple, le législateur pouvant soit abroger la
loi soit l’abroger et la remplacer par une loi nouvelle. Ainsi, prendre 2
exemples ;
-
Si on introduit un recours
pour excès de pouvoir devant juge administratif pour lui demander d’annuler un
acte administratif par exemple, en raison de la violation de disposition
législative ou constitutionnelle, le juge pourra, si le recours est recevable
c’est-à-dire admissible, et fondé, annuler l’arrêté préfectoral et ce avec un
effet rétroactif
-
Si on saisit le Conseil
Constitutionnel, il pourra utiliser les 3 options qu’on a précédemment décrit.
A la seconde question, c’est-à-dire comment résoudre un conflit de normes
valides ? La force dérogatoire va répondre en recourant à d’autres
principes, qu’est le principe de primauté ou de prévalence. On comprend bien en
effet que 2 normes contradictoires dans leur contenu peuvent être certes
valides, mais ce dont on est sûr, c’est qu’elles ne peuvent pas s’appliquer
simultanément à la même situation. Il y a conflit de normes lorsque 2 normes
prétendent régir la même situation en y apportant des réponses opposées. Il faut
donc que l’une s’applique, et pas l’autre. Mais après tout, principe de
prévalence n’élimine pas la première possibilité, c’est-à-dire destruction par
norme d’une autre norme. Le juge va se servir de la hiérarchie des normes.
Qu’est-ce qu’il va faire ? Il va appliquer la norme qui est supérieur à
l’autre, si cette dernière est contraire, dans son contenu, à la première.
Ne pas opposer rapport de production et, évidemment, prévalence et
primauté. Mais surtout ne pas confondre primauté et hiérarchie des normes. On
dira que la norme supérieure (selon le rapport de production) prévôt sur la
norme inférieure. Prenons un exemple. Revenons à la Constitution de 1958.
L’article 55 énonce que les traités internationaux ont une autorité supérieure
aux lois. L’article 55 s’analyse comme une règle de solution de conflit de
normes. Le traité international est supérieur aux lois dans la hiérarchie des
normes. C’est ce qu’on appelle, dans le syllogisme, le prémisse. Si une loi est
contraire au traité international, elle ne doit pas s’appliquer. La loi
contraire au traité est déclarée inapplicable au litige.
ð 07/03/2019
Section 3 : Opposition entre Constitution formelle et
Constitution matérielle
Cette distinction va nous permettre de parachever notre définition de la
Constitution. De ce point de vue, toute Constitution présente un aspect
matériel et un aspect formel. La distinction est assez simple. Selon l’approche
matérielle, c’est le contenu qui est attaché à la Constitution. Qu’est-ce
qu’elle contient ? Le critère formel, quant à lui, fait appel au régime
juridique qui s’applique à la Constitution. Comment est adopté et révisé une
Constitution ? Quelle est la procédure applicable ? C’est une
distinction classique, très ancienne en Droit, mais qui donne lieu à une distinction,
selon qu’on adopte un point de vue empirique ou normatif. Ce n’est pas que l’un
soit meilleur de l’autre, les 2 points de vue se complètent, et se rejoignent
partiellement.
§1 Les 2 approches :
conception normativiste et conception empirique
Les 2 points de vue adoptent, admettent la distinction entre Constitution
matérielle et Constitution formelle, mais ne lui donne pas la même portée.
A)
La Constitution empirique
Selon cette approche, la Constitution au sens matériel se définit l’ensemble
des règles les plus importantes de l’Etat. Dans toute constitution matérielle,
on retrouve 3 composantes :
-
La détermination de la forme
de l’Etat (Etat unitaire, ou Etat fédéral, ou Etat régional)
-
La distribution ou la
répartition des pouvoirs entre les organes institués, qu’on appelle aussi les
pouvoirs publics, c’est-à-dire qui fait quoi ? Ce qui va permettre de
distinguer, selon cette répartition, les différents régimes politiques (régime
parlementaire, régime présidentiel, monarchie, République…).
-
Toute Constitution ajoute
les droits et libertés des individus.
Quant à la Constitution au sens formelle, elle y voit l’ensemble des
règles de Droit dont la procédure d’adoption et de révision est différente de
celle prévue pour aux lois ordinaires. Autrement dit, selon cette Constitution,
la forme constitutionnelle, ce qui est produit selon la formalisation
constitutionnelle, correspond à une ou plusieurs procédures renforcées pour les
règles qui vont figurer dans la Constitution. L’explication n’est pas sans
poursuivre un objectif. Cette différence ente la forme législative et
constitutionnelle est censée rendre la Constitution plus stable. On pense que
la Constitution étant plus difficile à réviser, elle sera plus stable, et donc
elle sera plus protégée, elle sera plus protégée des soubresauts politiques. La
Constitution est l’œuvre d’un pouvoir en particulier, qu’on appelle le pouvoir
constituant. Tandis que les autres normes sont adoptées par des pouvoirs
constitués, c’est-à-dire des pouvoirs qui sont subordonnés au pouvoir
constituant. Autrement dit, et si on reprend notre problématique, ce sont des
pouvoirs qui sont hiérarchiquement inférieur, situés en-dessous du pouvoir
constituant. Les actes qu’ils vont prendre sont des actes qui seront
subordonnés à la Constitution. C’est cette distinction entre la Constitution
d’une part, et les autres normes, appelées normes infra constitutionnelles, qui
conduit logiquement à prévoir un contrôle de constitutionnalité, pour garantir
le respect de la Constitution, par les autres pouvoirs.
Mais cette distinction comporte certains défauts, dont le plus visible
est sans doute l’imprécision de la Constitution matérielle. Quand on dit que
doit figurer dans la Constitution les règles les plus importantes de l’Etat,
qu’est-ce qui est important, qu’est ce qui est moins important ? On veut
renvoyer par là à l’organisation politique dans l’Etat. Mais le concept de
pouvoir politique est plus ou moins indéterminé. Et donc, il faut un critère
plus précis, plus opératoire, que propose la conception normativiste.
B)
La conception normativiste
On dispose déjà de plusieurs éléments qui se rattachent à cette
conception. On sait que cette conception a été défendue par Kelsen, et reprise
par l’école qu’il a créé (l’école de Vienne). L’école de Vienne est la
fondatrice de cette approche normativiste.
Selon cette approche, on sait que la Constitution est une norme suprême.
Elle est au somme de l’ordre juridique interne. En ce sens, elle est le
fondement de validité de l’ensemble des autres normes juridiques internes.
La Constitution est la norme qui règle la production des autres
production de l’ordre juridique, et en particulier celles des lois. En ce sens,
tout ordre juridique a nécessairement une Constitution, qu’elle soit écrite
comme en France, ou qu’elle soit non écrite comme au Royaume-Uni. Il faut
ajouter que cet ordre juridique ne peut être qu’un ordre juridique étatique.
Cet ordre juridique ne peut être non pas seulement parce qu’un Etat peut être
doté d’une Constitution, mais surtout parce que seuls les ordres juridiques
étatiques reposent sur une norme suprême, parce qu’elle est suprême, prend le
nom de Constitution. En effet, aucune norme qui se situe au-dessus de la
Constitution ne règle la production de la Constitution. Seul la Constitution
règle sa propre production. Et c’est la raison pour laquelle elle est suprême.
La Constitution est suprême parce qu’elle est la seule norme de l’ordre
juridique à décider elle-même la production des normes qui la révise. Et c’est
aussi la raison pour laquelle les normes qui créent une organisation
internationale, comme l’Union européenne par exemple, ne peuvent pas être
considérée comme des Constitutions, parce que le fondement de leur validité
repose sur d’autres normes qui vont leur conférer cette qualité. Ainsi,
s’agissant des traités qui ont créé l’UE, on ne peut pas les qualifier de
Constitution de l’Union européenne, parce qu’il leur manque la souveraineté. Ce
sont les Etats qui ont la capacité de les modifier, et pas l’Union européenne
en tant que telle. La prétendue Constitution de l’Union européenne n’est pas
suprême. En plus, même si du point de vue du droit européen international, les
normes européennes sont considérées comme supérieurs aux Constitutions, elles
ne définissent absolument pas comment sont produites les normes
constitutionnelles.
On voit cependant que le critère de l’importance que privilégie la
conception empirique se retrouve en partie dans la conception normativiste. En
effet, la Constitution, selon l’approche normativiste, on va retrouver dans
cette fonction des matières que l’on considère traditionnellement
constitutionnelles du point de vue de leur contenu. Donc, c’est la Constitution
qui va instituer ces organes, et c’est elle encore qui va déterminer leurs
compétences respectives pour édicter des lois, leurs relations entre ces
organes. Si on poussa davantage l’analyse, on remarquera que c’est encore la
Constitution qui règle les principes de l’organisation territoriale. Au final,
c’est encore la Constitution matérielle, selon la conception normativiste et
empirique, inclure dans ses domaines de prédilection la protection des droits
et libertés fondamentaux. Donc il y a autant de points communs que de
différences selon les 2 approches. Cependant, la Constitution au sens
matérielle n’a, en soi, aucun statut normatif particulier. On sait ce qu’elle
contient, mais pas comment elle est produite, et surtout protégée. Pour le
savoir, il faut formaliser la Constitution, c’est-à-dire montrer selon quelle
procédure le droit constitutionnel est créé.
C’est là qu’intervient la Constitution au sens formel. La ligne
directrice nous est donnée par Carré de Malberg. Il dit que la caractéristique
d’une Constitution est d’être une loi possédant une puissance renforcée. La
notion de Constitution ne se trouve réalisée qu’à cette condition. On doit
s’appuyer ici sur des critères de forme, de procédures. On dira qu’il y a forme
constitutionnelle dès lors qu’il existe une procédure spécifique et renforcée
de production normative. Pour bien comprendre les choses, il faut se référer au
droit positif, c’est-à-dire à l’analyse des éléments qui figurent dans la
Constitution, et en particulier aux dispositions qui contiennent la révision de
la Constitution. Donc, pour savoir ce qui fait la forme constitutionnelle dans
la Constitution de 1958, il faut se référer aux dispositions du titre 16.
Autrement dit, la forme constitutionnelle est indissociable de la procédure de
révision.
§2 Les composantes juridiques et
politiques de la Constitution
A)
Les composantes juridiques
De ce point de vue-là, la Constitution est le produit de règles à la fois
écrites, et non écrites. Inconditionnellement, il peut y avoir des Constitution non écrites, des Constitutions
coutumières. La Constitution est de plus en plus souvent précédée d’une
déclaration. Aujourd’hui, la question de la valeur juridique du préambule des
Constitutions n’est pratiquement plus disputée, à l’instar de qu’a pu décider
le Conseil Constitutionnel à propos du Préambule de la Constitution de 1958.
Aux règles écrites s’ajoutent des règles non écrites, même dans le cadre d’une
Constitution écrite. Autrement dit, une Constitution n’est pas un texte inerte,
c’est un texte vivant, vivifié par la pratique. C’est cette pratique qui est à
l’origine des règles coutumières. Les règles coutumières, que l’on peut définir
comme l’ensemble des règles résultant des concordances d’une pratique
constante, auquel les pouvoirs publics acquiescent, ce qui va leur conférer une
valeur juridique. Selon une distinction classique en droit, la coutume peut
être interprétative ou supplétive. La coutume interprétative va servir à
interpréter une disposition de la Constitution qui est soit ambiguë, ou encore
qui prête à plusieurs interprétations possibles. Par exemple, la coutume va
permettre de lever une incertitude. Le Conseil Constitutionnel a par
exemple considéré dans sa décision en 2012 que les termes figurant à l’article
49 – 3 alinéa 1er de la Constitution avaient une acception analogue.
Ou encore, alors même que la disposition serait claire, et apparemment non
sujette à interprétation, le juge peut considérer qu’une norme peut être sujet
à interprétation. Par exemple l’article 27 de la Constitution impose le vote
personnel de chaque parlementaire. Le Conseil Constitutionnel a interprété que
cette disposition ne s’opposait pas au droit de déléguer ses droits.
La coutume supplétive va permettre de combler les lacunes du texte. La
coutume va compléter la Constitution. Par exemple, la Constitution de la IIIème
République ignorait l’institution du Président du Conseil. Autre exemple,
lorsque des élections législatives ont lieu, la règle coutumière veut que le
chef du gouvernement en place présente sa démission et la démission de son
gouvernement au chef de l’Etat. Autre exemple, il est interdit pour un
ministre, durant un Conseil des ministres, de prendre des notes.
B)
Les composantes politiques
« Aucune Constitution n’est restée tel qu’elle a été faite »
(Napoléon 1er). Des conventions de la Constitutions, qui sont
différentes de la coutume, dans le sens du nombre de précédents est indifférent
à la formation de la Convention de la Constitution. Par exemple, sous la Vème
République, c’est une convention de la Constitution que celle qui veut que le
Président de la République puisse, à sa guise, révoquer le Premier ministre. Ce
qui fait la différence entre une convention de la Constitution et la coutume,
c’est que la convention de la Constitution ne créé par du Droit.
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