Il faut préciser les critères, les
caractères distinctifs, de telle sorte qu’on puisse proposer une définition
fiable afin de permettre de le distinguer d’autres régimes de droits.
Section 1 : position du problème
Section 2 : les différentes
acceptions de l’Etat
Section 3 : les éléments
constitutifs de l’Etat
Section 1 : position du problème
§1 Plusieurs dénominations, un seul et même concept
L’Etat prend plusieurs dénominations
selon les pays. « Bunt »
signifie l’Etat fédéral en Allemagne. La République est souvent, en France,
assimilée à l’Etat. Dans tous les cas, on a bien à faire à un Etat, même si en
Allemagne ou aux Etats-Unis, il s’agit d’Etats fédéraux, alors que la France
est un Etat unitaire. Au-delà des dénominations, il y a un seul et même
concept. La France, au même titre que la principauté d’Andorre, est un Etat.
Qu’est ce qui fait alors que la principauté d’Andorre, la France, l’Etat du
Vatican soient des Etats ? A l’intérieur des Etats, il existe des entités
qu’on appelle Etats. Ces Etats font parties d’un ensemble plus vaste. Tout Etat
fédéral est en quelque sorte une addition d’Etats, on les appelle Etats fédérés
(« States » aux Etats-Unis, « Provinces » au Canada,
« Cantons » en Suisse). Au-delà de la manière de nommer, ce peut être
la même chose qu’on désigne. Est-ce que, par exemple, la Californie, qui est un
Etat fédéré, est comparable d’un point de vue juridique à l’Etat fédéral que
constitue les Etats-Unis ? La réponse est négative. Autre exemple, la
France, il existe des cantons, qui sont des divisions administratives du
territoires. Tandis qu’en Suisse les cantons désignent des Etats fédérés, que
composent l’Etat fédéral. Officiellement, on l’appelle confédération. La
réponse à toutes ces questions va dépendre des critères de distinction.
§2 L’Etat et les autres sujets de droit
L’Etat est un sujet de droit, mais un
sujet de droit à part. Il se distingue de tous les autres sujets de droit
existants. Le droit international comme le droit interne ont, l’un et l’autre,
affirmé cette particularité.
En droit international, on rencontre
une pluralité de sujets de droits, parmi lesquels l’Etat, mais aussi d’autres
sujets de droit, comme l’ONU, l’Union Européenne, l’OMC…
Seul l’Etat présente une originalité
par rapport aux autres organisations internationales. C’est la souveraineté.
Selon le droit constitutionnel, ou
encore le droit administratif, il existe une multitude d’entités qui reçoivent
la qualification de personne morale de droit public. Les départements, les
régions… On les appelle comme cela puisque leur régime juridique relève d’un
droit particulier, d’un droit dérogatoire au droit privé, qu’on appelle droit
public.
Aucune de ces entités ne peut
rivaliser avec l’Etat, d’un point de vue du droit, puisque l’Etat les domine
toutes. Si bien que dans le cadre du droit interne, tous les autres sujets du
droits, toutes les collectivités qui existent dans l’Etat lui sont subordonnés,
parce que lui seul disposent de qualités que les autres n’ont pas.
Section 2 : les différentes
acceptions du concept de l’Etat
Le terme est polysémique.
Il y a d’abord une approche
géographique du concept d’Etat. Selon cette conception, l’Etat est une entité
abstraite qui se superpose à des régions naturelles. Il correspond à la
localisation dans l’espace terrestre d’une population déterminée. Mais ce n’est
pas toujours le cas. Il existe des cas où il y a des référents, principalement
religieux, comme l’Iran. Ou même des référents historiques, comme le
Burkina-Faso.
L’approche sociologique s’appuie sur
l’idée que c’est une collectivité humaine stabilisée, dans laquelle la
contrainte est monopolisée.
Enfin, selon la vision actuelle, le
terme Etat va désigner soit le système juridique dans son ensemble, soit une
collectivité territoriale globale. Dans le premier cas, l’Etat se confond avec
l’ordre juridique interne. Dans le second cas, l’Etat est une entité qui
englobe tout l’espace territorial, maritime et atmosphérique.
§1 L’Etat en tant qu’ordre juridique global
L’Etat va désigner ici un système
juridique comme l’ensemble des règles de droit applicable sur tout le
territoire déterminé par des frontières. En France par exemple, les lois de la
République s’appliquent sur l’ensemble du territoire de la Métropole et sur les
territoires dits ultra-marins. La loi doit ainsi s’appliquer de la même manière
partout en France : dans les régions, les départements, et les communes de
métropoles. La loi s’applique aussi dans l’ensemble des collectivités
d’outre-mer qui sont les régions d’outre-mer, les départements d’outre-mer, les
communes d’outre-mer, et des TAAF.
Si certaines collectivités
territoriales de la République bénéficient d’un statut juridique particulier,
qui va tenir compte de leur statut particulier, les règles spéciales qui les
concernent sont néanmoins des règles imputables à l’ordre juridique dans son
ensemble. Par exemple, c’est la loi qui prévoit un statut juridique particulier
pour la collectivité territorial de Corse. C’est la Constitution du 4 octobre
1958 qui prévoit des règles pré rogatoires sur le territoire de la
Nouvelle-Calédonie.
§2 L’Etat comme collectivité territoriale
On désigne l’Etat comme une entité
qui couvre un territoire, dans sa totalité, qui va comporter elle-même des
composantes, qui vont constituer autant de collectivités assises sur une partie
du territoire. Un exemple de cette définition est donnée par l’article 114
alinéa 1er de la Constitution italienne « la République se compose des
communes, des provinces, des villes métropolitaines, et de l’Etat ».
Ce qui signifie que si c’est l’Etat qui distribue les compétences, qui répartie
les pouvoirs entre lui-même et les autres collectivités territoriales, et
éventuellement entre ces dernières, l’Etat lui-même ne va se réserver
l’exercice de certaines compétences. L’Etat fédéral est une collectivité territoriale
globale, qui englobe tout le territoire, y compris celui des Etats fédérés.
Section 3 : Les éléments
constitutifs de l’Etat
Si tous les Etats, quel qu’ils
soient, peuvent être déterminés, comme une collectivité territoriale globale,
il n’y a pas de différence entre les Etats-Unis et la France.
tous n’ont pas la même structure territoriale. Certains sont des Etats unitaires, d’autres sont des Etats composés (comme les Etats fédéraux). Cependant, tous les territoires ont en commun de comporter 3 éléments sans lesquels il n’y a pas d’Etat possible, qui doivent simultanément exister. Ce sont des critères cumulatifs. Ils sont :
tous n’ont pas la même structure territoriale. Certains sont des Etats unitaires, d’autres sont des Etats composés (comme les Etats fédéraux). Cependant, tous les territoires ont en commun de comporter 3 éléments sans lesquels il n’y a pas d’Etat possible, qui doivent simultanément exister. Ce sont des critères cumulatifs. Ils sont :
-
Le territoire ;
-
La population ;
-
La souveraineté.
§1 Le territoire
Le territoire va correspondre à
l’assise géographique de l’Etat. Le principe est simple, et il est affirmé à
l’identique par le droit constitutionnel et le droit international. Pas d’Etat
sans territoire, à telle enseigne que l’Etat disparait s’il est privé en
totalité de son territoire. Le territoire de l’Etat est délimité par des
frontières, à l’intérieur desquelles l’Etat va pouvoir exercer sa souveraineté.
Considérons qu’un peuple ou une nation peut exister en tant que telle, mais il
ne peut se constituer en Etat que s’il dispose d’un territoire. C’est toute la
difficulté que rencontre certains peuples comme les Kurdes ou les Palestiniens.
Les Palestiniens sont représentés par l’autorité palestinienne qui a été
reconnue par l’ONU.
Le territoire de l’Etat peut être
plus ou moins étendu. Il faut bien prendre en considération que le territoire
de l’Etat, sur le plan du droit, va au-delà des emprises terrestres, et
comprend également les territoires maritimes aériens. Le territoire français en
fait un des plus étendu au monde. Ainsi, au territoire métropolitain, s’ajoute
la superficie la DOM ROM, plus les collectivités à statut particulier. Soit au
total, plus de 670 000 km2. Ce qui est intéressant, 16 000
km de côtes. Cet espace maritime comporte 3 éléments :
-
La mer territoriale ;
-
La zone contiguë ;
-
La zone maritime.
L’Etat est délimité par des
frontières.
ð 24/01/2019
Le plus important du point de vue
juridique est que l’Etat est délimité par des frontières. Des frontières
terrestres, maritimes et aériennes. Ces frontières sont fixées par le droit
international, souvent après des négociations. Le plus souvent, aujourd’hui, ce
sont des négociations bilatérales, c’est-à-dire d’Etat à Etat. Mais ce n’est
pas toujours le cas dans certaines hypothèses. Il y a la conférence de Berlin
(1885) a vu les puissances européennes, qui ont dépecé l’empire ottoman. La
conférence de Berlin a vu les puissances européennes, quelques Etats, se
partager le continent africain. Les frontières vont définir le cadre juridique
dans lequel l’Etat exerce les compétences exclusives, c’est-à-dire des pouvoirs
qu’il est le seul à mettre en œuvre, sans ingérence d’autres Etats, ou sujets
de droit. En ce sens, le territoire de l’Etat constitue à la fois un titre
juridique qui fonde l’exercice des compétences des autorités qui agissent au
nom de l’Etat, et, en même temps, la limite physique, matérielle et juridique à
l’exercice des compétences des autorités de l’Etat. 2 principes essentiels du
droit international :
-
Le principe de souveraineté de l’Etat
-
Le principe de non-ingérence dans les affaires étrangères.
Cette compétence a une double
dimension : compétence territoriale et compétence personnelle. C’est le
droit romain qui nous a légué cette distinction. La compétence rationnée loci
ou compétence personnelle. La compétence territoriale signifie que l’Etat a le
pouvoir en vertu de la compétence territoriale afin de régir le statut
juridique de son propre territoire, et de décider de toutes les conséquences
juridiques de tous les faits juridiques qui s’y déroulent. L’Etat a compétence
pour réprimer cette infraction et punir les auteurs de l’infraction, même s’ils
ont la nationalité d’un autre Etat. Autre exemple, la France est compétente en
vertu de sa compétence territoriale pour décider du sort des migrants qui se
situent dans un bateau naviguant dans ses eaux territoriales. C’est la raison
pour laquelle certains Etats ont pu refuser d’accueillir l’Aquarius. Ces Etats
ont fait prévaloir leur souveraineté territoriale contre leurs obligations
humanitaires prévues par le droit internationale. La question qui se pose est
celle de savoir si l’Etat a le droit de refuser d’accueillir un bateau de
migrants. En vertu des conventions qui s’appliquent dans ces domaines, l’Etat a
l’obligation de porter secours à ceux qui se trouvent dans son espace maritime.
Search and risk you (convention). Si
le refus de porter secours à des personnes qui ont lancer un appel de détresse
en mer sont contraire au droit international. Même si ces textes révèlent une
certaine ambiguïté. Mais tout dépend de la localisation du bateau. Selon que le
bateau se trouve dans les eaux territoriales ou les eaux internationales, des
règles différentes s’appliquent. Dans les eaux internationales, un principe
coutumier veut que les navires les plus proches portent immédiatement secours
aux victimes en cas de danger. C’est quand le bateau se trouve dans les eaux
territoriales que le droit est un peu plus mouvant. Quand un bateau rentre dans
les eaux territoriales d’un Etat, c’est sa position qui va déterminer quel pays
va intervenir. En vertu des conventions internationales, chaque pays a une zone
de recherche. Cependant, il y a des zones communes de recherches, et les pays
se renvoient la balle. Selon la convention de 1982 sur le droit de la mer, les
navires de tous les Etats jouissent du droit de passage inoffensif dans la mer
territoriale. Le passage est inoffensif tant qu’il ne porte pas atteinte à la
paix, au bon ordre ou à la sécurité de l’Etat côtier. Toute la question est
alors de savoir quels sont les faits qui constituent l’atteinte à la paix, à
l’ordre ou à la sécurité de l’Etat. Ces atteintes peuvent concerner la menace
de son intégrité territoriale. La convention termine enfin que on entend par
passage, se rendre dans les eaux intérieures ou les quitter, le mouillage dans
un corps peut être rendu nécessaire dans un cas de détresse ou dans un cas de
force majeure. On voit bien que l’assistance en mer des passagers pourrait
être, sur ce fondement, refuser, si la situation d’urgence n’est pas avérée.
Dans ce contexte, le haut-commissariat des nations unies pour les réfugies
(HCR) a assimilé le manque de nourriture à un impératif humanitaire urgent.
Force est de constater est qu’ici, et que dans bien des cas, 2 principes vont
se heurter : le principe de souveraineté d’un Etat d’un côté, et de
l’autre, le respect de ses engagements internationaux en vertu du droit
international.
Il y a la compétence personnelle de
l’Etat. La compétence personnelle, comme son nom l’indique, est celle qui
s’exerce à l’égard des personnes physiques ou morales. Par exemple, l’Etat a le
pouvoir de régir la situation de ses nationaux, c’est-à-dire de fixer leur
statut juridique, où qu’ils se trouvent, même lorsqu’ils se trouvent à
l’étranger, à condition que l’Etat respect la compétence territoriale des
autres Etats. Mais la compétence personnelle est tout de même très importante.
Par exemple, la question du mariage de 2 français à l’étranger est régie sur le
fond par la loi française. Il faut néanmoins souligner que le développement
d’internet a quelque peu modifié cette perception du territoire. On dit que le
territoire de l’Etat est inviolable. Il est protégé par un principe dit de
l’intégrité territoriale, en vertu duquel le territoire de l’Etat est, dans ses
frontières, sont protégées de toute forme d’intrusion venant de l’extérieur.
C’est ce que rappelle avec force l’article 2 paragraphe 2 des Nations Unies
« les membres de l’organisation s’abstiennent dans leurs relations
internationales de recourir à la menace ou à l’emploi de la force soit contre
l’intégrité territoriale ou à l’indépendance politique de tout Etat ».
De son côté, ce principe est repris par la Constitution de 1958 rappelle dans
son article 5 « le Président de la République est le garant
de l’intégrité de son territoire ». Ces principes sont mis à mal
par l’utilisation débridée d’Internet, qu’on a vu apparaitre dans le cadre
d’apparition du principe de cyber frontières. C’est le cas par exemple des
attaques régulières de sites à partir d’Etats, comme la Chine ou la Russie.
§2 La population
Un Etat ne peut exister sans
population. Là encore, on va voir que les termes choisis sont importants. Il
faut préciser ce qu’on entend par population.
A) La notion de population
On peut dire que là où le territoire
est la substance matérielle ou physique de l’Etat, la population est en quelque
sorte sa substance humaine. L’Etat va se définir parce qu’il est une
collectivité humaine, pas seulement une collectivité territoriale. C’est
une institution un groupe plus ou moins nombreux d’individus, sédentarisés dans
un territoire, solidaire entre eux. L’existence d’une population est une donnée
consubstantielle à l’Etat, mais c’est une donnée relative. On a vu que des
Etats peuvent exister sur un très petit territoire. On parle à ce propos de la
principauté d’Andorre, de Monaco… C’est la même chose pour la population. Une
population très faible ou très mouvante n’est pas un obstacle à la construction
d’un Etat. Si un Etat disparait complétement, comme en cas de génocide, ou si
elle émigre en totalité (diaspora du peuple juif), l’existence d’un Etat
devient impossible. Ou alors il cesse d’exister s’il n’a plus de population. A
contrario aussi, le fait que les juifs soient plus nombreux en dehors qu’à
l’intérieur d’Israël n’empêche pas celui-ci d’exister en tant qu’Etat.
L’existence d’une population palestinienne, même disséminée entre plusieurs
pays, mais néanmoins implantée dans les territoires, notamment de Kazha, est un
élément suffisant pour lui permettre de revendiquer l’existence d’un Etat,
alors même qu’il n’y a pas encore d’Etat palestinien. A partir de ces prémices,
le concept de population peut s’aborder de plusieurs manières.
Dans un sens large, le concept d’Etat
comprend la totalité des habitants vivant et travaillant sur le territoire de
l’Etat. Elle ne peut pas inclure les étrangers séjournant en France. Le critère
de solidarité, d’homogénéité qui doit caractériser la population. La preuve
inverse est apportée par le cas des nationaux de l’Etat considéré, lorsque
ceux-ci ont émigrés dans un pays étrangers. Ils sont bien pris en compte de la
population de l’Etat. Ainsi, les français établis hors de France font partis de
la population de l’Etat français, et, à ce titre, ils participent à la vie
politique française en votant.
Au sens étroit, la population s’entend
comme l’ensemble des individus rattachés de façon stable à un Etat donné par un
lien juridique. Ce lien juridique, c’est ce qu’on appelle le lien de
nationalité. Suite de quoi, la population comme élément constitutif de l’Etat
doit se comprendre comme l’ensemble des nationaux de l’Etat ou encore comme
l’ensemble des ressortissants de cet Etat, entendus comme tous ceux qui
possèdent sa nationalité. On parlera ainsi de ressortissants français,
espagnols… C’est ce lien de nationalité qui va fonder la compétence personnelle
de l’Etat, et qui va l’autoriser à exercer certains pouvoirs sur ses nationaux,
quelque soient le lieu où ils se trouvent.
B) Population et peuple
La population, c’est-à-dire
l’ensemble des personnes qui habitent dans un territoire donné. La définition
de peuple est plus restreinte. Le droit fasse parfois appel au concept de
population, mais en lui donnant une signification qui correspondre à une
certaine réalité. Le droit lui donne une signification qui correspond à une
réalité précise. Ainsi, la Constitution de 1958 évoque « les
populations d’outre-mer » pour désigner les habitants notamment
des départements d’outre-mer comme la Guadeloupe, la Martinique, la Guyane,
Mayotte. La Constitution va conférer à ce concept de population des conséquences
juridiques précises. Lorsqu’un territoire appartenant à la République veut se
séparer de la France, la Constitution autorise cela, mais exige « que les
populations intéressées soient consultées par référendum et donnent leur accord
pour quitter la République ». En 2009, on a consulté la population de
Mayotte par référendum pour savoir si elle était d’accord si le département de
Mayotte devienne indépendant.
En revanche le peuple fait appel à
une notion plus précise. Par exemple lorsqu’on parle du peuple français, cela a
une signification plus précise. Le concept de peuple français est inscrit
dans la population, et c’est une notion juridique et politique. Cela a des
conséquences importants sur le plan constitutionnel. Pour préciser les choses,
on dira que le concept politique et juridique de peuple, et en particulier de
peuple français, est utilisé par rapport au concept de citoyen ou de
citoyenneté. Et dans ce sens précis, il désigne un ensemble d’individus, les
citoyens qui disposent de cet attribut qui est la citoyenneté. Il faut donc
partir de la définition de citoyenneté pour comprendre celle de peuple.
C) Peuple et citoyenneté
La Constitution de
1958, la citoyenneté se définit par un double critère :
-
La nationalité
-
Le droit de vote
Sont des citoyens
français sont ceux qui ont la nationalité française. La citoyenneté se confond
ici avec la nationalité. Mais si la citoyenneté et la nationalité sont deux
notions interchangeables, pour autant, elles ne se confondent pas. D’abord,
parce que la théorie politique, et le droit positif, vont attribuer au concept
de citoyenneté un sens plus étroit que le concept de nationalité. On peut dire,
que pour être citoyen il faut être français. Mais un français n’est pas
forcément citoyen.
Le citoyen c’est celui
qui est titulaire et dispose de ce qu’on appelle la jouissance et l’exercice
des droits civils et politiques. Sont par conséquent exclus de la catégorie des
citoyens ainsi définie, certains personnes de la nationalité française, comme
les mineurs, parce qu’ils ne peuvent pas voter. De même, sont privés de leurs
droits de vote des personnes à la suite d’une condamnation. Le cas des
personnes condamnées pénalement relève des questions nombreuses, comme celle de
savoir si on peut empêcher à un détenu de voter ? Jusqu’au milieu du XIXème
siècle, le détenu n’avait aucun statut juridique. Aujourd’hui, sous
l’influence de la montée en puissance des droits fondamentaux constitutionnels
et proclamés au niveau international et européen, toute personne détenue en
prison, à condition d’avoir la nationalité française, peut se prévaloir de
droits fondamentaux, comme le droit à une vie familiale, le droit à la santé,
le droit à la liberté de religion, et le droit de vote. Donc aujourd’hui en
France, les détenus, comme l’ensemble des citoyens, peuvent normalement voter
où l’on voit que le statut de détenu se limite grosso modo à une privation de
la liberté d’aller et venir. La condamnation pénale et la prison, c’est la
privation de liberté. On ne saurait admettre, qu’au nom de la privation de
liberté, d’autres droits soient mis en cause. Depuis 1994, ce droit de vote des
détenus est reconnu, depuis l’entrée en vigueur du nouveau Code Pénal.
Auparavant, la privation des droits privés et politiques était automatiquement
attachée à la condamnation pénale. Chaque peine doit être adaptée à la
situation personnelle de l’individu. Entre la jouissance et l’exercice, il y a
souvent un décalage. C’est le cas du droit de vote aujourd’hui. Le droit de
vote n’est quasiment pas exercé par les intéressés. En 2014, lors des élections
municipales, un peu plus de 500 détenus ont pu voter par procuration, et 54 ont
pu voter par délégation de sortie. On a essayé de résoudre cette difficulté,
parce qu’il faut la résoudre, parce que le droit de vote n’est pas seulement un
droit fondamental constitutionnel, c’est aussi un droit fondamental protégé par
les textes constitutionnels internationaux. Le défaut de conditions d’exercice,
si elles sont défaillantes, peut mener à une condamnation de la CrEDH. Dans ce
sens plus restreint, on reconnaitra comme citoyen tous ceux qui ont le droit de
désigner par un vote, ou dans le cadre d’un référendum, ou dans le cadre d’une
élection, ceux qui vont être chargés de gouverner. Par extension, on dira que
le citoyen c’est aussi celui qui a le droit de se présenter à une élection,
c’est-à-dire d’être élu par les autres citoyens. Voter et participer à une
élection d’une part, être élu d’autre part.
-
Le droit de vote
-
L’éligibilité
L’électorat, c’est le
citoyen actif, celui qui participe à l’élection ou au vote. L’éligibilité vise
le citoyen passif, celui qui se présente à l’élection pour être élu par les
autres citoyens. On dispose, en droit, d’une définition du citoyen plus précise.
Le citoyen, en droit constitutionnel plus précisément, c’est celui qui dispose
de l’électorat et de l’éligibilité.
D)
La nation
Partons de cette idée
simple pour comprendre le concept de nation. L’Etat est, comme nous l’avons
souligné, une collectivité humaine. Elle n’est pas un agrégat, une addition
d’individus indifférenciés, pour faire Etat, pour constituer un Etat. Il faut
encore que ces individus présentent entre eux des liens de solidarité qui font
une communauté singulière, une communauté distincte par rapport à d’autres
communautés. Il faut, en d’autres termes, qu’ils constituent une nation. Si
bien qu’on entendra par nation un groupement humain dans lequel les individus
sont unis par un certain nombre de liens matériels et spirituels, une langue commune
par exemple, des traditions, une même religion, une histoire… Bref, une
destinée commune. Une nation est distincte d’autres groupements nationaux.
Cependant, cette définition ne nous dit pas les facteurs qui résident à
l’apparition d’une nation. Ils sont complexes. Plusieurs définitions se sont
opposées à cette idée. Il existe, comme on va le voir, une association de
principes très étroite entre Etat et nation, ce que traduit le concept
Etat-nation.
Plusieurs conceptions
se sont fait jour par rapport à l’idée de nation. 2 grandes conceptions
continuent de s’opposer. La première conception est la conception allemande,
fondée sur ce qu’on appelle le déterminisme. Une nation est le résultat d’une
conjonction d’éléments objectifs : la langue, la religion, l’idéologie, la
race. La conception française est beaucoup plus ouverte, plus universaliste,
elle est défendue par Renand de Coulange. Elle est fondée sur le volontarisme. Une
nation, c’est une mentalité. Renand dira « c’est un vouloir vivre
collectif ». 3 éléments se combiner :
-
Evènements historiques, qu’ils soient heureux, ou qu’ils
soient malheureux (guerres, attentats), qui contribuent à ce qu’un auteur
appelle à constituer à forger une « âme nationale »
-
La communauté d’intérêts, de niveau de vie, de protection
sociale.
-
Le fait que malgré les différences de croyances, les
différences de choix politiques, les différences de niveaux sociales, ou
intellectuels, on va réagir de la même manière face à certains évènements.
La conception
objective a conduit dans l’histoire à des déviations majeures, notamment par l’avènement
d’un racisme d’Etat, tel fut le cas de l’Allemagne nazie. Les éléments
objectifs peuvent conduire à des résultats inverses. Il en va de même pour
cette autre conception objective, qu’est le critère linguistique. Et pourtant,
si cette idée de nation est présente à travers le concept d’Etat-nation, la
nation fait l’objet de contestation. Elle fait l’objet d’une remise en cause,
sous l’influence de facteurs d’origine extérieurs, plutôt qu’à cause de
facteurs intérieurs. Dans un sens plus technique, mais tout aussi révélateur,
on assiste dans la période récente à une confrontation de la nation au
terrorisme, qui conduit le législateur à renforcer les dispositions du Code
Civil relatives à la déchéance de la nationalité française.
Le lien entre Etat et
nation, deux termes qui sont de nouveaux fréquemment associés, pour un concept
d’Etat nation.
Le terme nation
traduit le fait que toute nation a pour vocation à se constituer un Etat. Dans
l’histoire de l’apparition de l’Etat, la nation a précédé l’Etat et son
apparition. Dans ces conditions, l’Etat n’est que l’aboutissement d’un
processus politique et juridique de centralisation de la nation. L’Etat c’est
la nation politiquement et juridiquement constituée. Est-ce que toute nation
constituée, selon les critères qu’on a identifié, a pour vocation par nature de
devenir un Etat ? Dans les faits, ce n’est pas toujours le cas. Il peut y
avoir dissociation entre l’Etat et la Nation. L’association des 2 termes
s’appuie, en droit, sur la conjonction de 2 principes qui sont à la fois
dégagés par le droit international et par le droit constitutionnel :
-
Le principe de nationalité
-
Le principe des peuples à l’autodétermination
C’est en particulier
ce dernier qui trouve dans le droit constitutionnel de la Vème
République sa manifestation. Son principe est très intéressant.
Le principe de
nationalité puise ses racines dans la Révolution de 1789, avec l’affirmation
pour la première fois du principe de la souveraineté nationale. Article 3 de la
DDHC qui dispose « le principe de toute souveraineté réside
essentiellement dans la nation ». L’idée est que la source du
pouvoir dans l’Etat réside dans la nation et non plus dans la personne du Roi,
et que la nation ne fait que déléguer l’exercice du pouvoir à ses
représentants. Les représentants représentent la nation. Ils incarnent la
nation. Dans l’Etat démocratique, la souveraineté (c’est-à-dire le pouvoir, la
puissance politique) appartient à la nation, et finalement les 2 termes ne vont
faire qu’un. A l’unité de l’Etat correspond l’unité de la Nation. L’Etat est
indivisible, parce que la souveraineté est indivisible, tout comme la Nation
est indivisible. Le concept d’Etat-Nation est née de cette conjonction. Il
exprime au fond la fusion entre Etat et Nation. L’Etat est mis au service de la
Nation dont il est en charge de réaliser les aspirations et les besoins. Le
principe des nationalités qui nait ainsi va ensuite être transposé, repris par
le droit international. Le droit international, par sa portée, va lui donner
une ampleur universelle. Le principe des nationalités va procéder, dans le
prolongement de la Révolution, d’une association très étroite entre
souveraineté et Etat. Cette association exige que pour que la souveraineté
devienne effective, chaque Nation ou peuple a le droit de se constituer en un
Etat indépendant. L’Etat-Nation, en droit international, est donc un Etat
souverain, et un Etat souverain est un Etat indépendant, c’est-à-dire un Etat
égal en droit aux autres Etats. 2 conséquences en découlent :
-
Il doit, en principe, y avoir autant d’Etat que de
Nations. Dans le prolongement de ce premier principe, les frontières d’un Etat
doivent logiquement correspondre à celles d’une Nation. Il en résulte aussi que
si un Etat comprend plusieurs Nations, un démembrement de l’Etat.
-
Tandis qu’inversement, si une Nation est éparpillée
entre plusieurs Etats, elle doit posséder, en vertu du principe des
nationalités, le droit de refaire son unité nationale au sein d’un seul et même
Etat. Pourtant, l’évolution contemporaine, le droit international et
constitutionnel ne vont pas jusqu’à imposer qu’à un seul Etat corresponde une
seule Nation. A minima, c’est-à-dire selon un principe basique, mais très
réducteur, là où un Etat comporte des Nations, le droit international et
constitutionnel exigent que mes minorités nationales soient protégées. De fait,
les exemples d’Etats multinationaux sont légions : la Russie, la Chine, de
nombreux Etats africains. S’agissant de ces derniers, le concept de Nation
n’est le plus souvent qu’une fiction, parce que les Etats surgissent de la
décolonisations ne sont que des agrégats d’ethnies incluses par les
colonisateurs. Et là, l’Etat a précédé la Nation. C’est tout à fait paradoxal,
parce que les africains développement un nationalisme exacerbé, mais ce sont
des Etats sans nations.
Le XIXème
siècle a été qualifié à juste titre du Nationalisme européen, et c’est à
Napoléon 1er que l’on doit sa promotion dans toute l’Europe. La
Grèce, libérée du jour ottoman en 1828 – 1830, l’héritage napoléonien encore
qu’est celui de l’Allemagne et de l’Italie dans le deuxième moitié du XIXème
siècle. Ce principe des nationalités a donné lieu à de nouvelles revendications
au XIXème siècle.
Le droit des peuples à
l’autodétermination. Comme son prolongement, le principe est tellement
important que l’on a pu voir en lui un principe indérogeable en droit
international. Rappelons-le, c’est sur ce fondement du droit des peuples à
l’autodétermination, au XIXème siècle a vu la délivrance de certains
Etats. Le principe trouve aussi son prolongement dans la Constitution de 1958.
La Constitution de 1958 reconnait, sous certaines conditions, un droit
constitutionnel à la sécession. Le préambule de 1958, qui formule le principe
de libre détermination des peuples. C’est la même norme qui est énoncée. Le
droit à l’autodétermination des peuples s’infère dans sa décision du conseil
Constitutionnel du 30 décembre 1975, relative à l’indépendance des iles des
Comores (article 53 alinéa 3 de la Constitution de 1958 dispose « nulle
cession, nul échange, nulle adjonction de territoire n’est valable sans le
consentement des populations intéressées »). Le Conseil
Constitutionnel a considéré que le terme cession pouvait être considérée comme
couvrant les cas de sécession, c’est-à-dire la cessation de l’appartenance d’un
territoire déterminé à la République. C’est sur cette base juridique qu’à
partir de 1960 la plupart des colonies d’Afrique ont pu accéder à
l’indépendance et devenir des Etats-Nation. Le droit de sécession n’a pas pour
autant disparu. Il ne s’est pas achevé avec le processus de décolonisation. Néanmoins,
le principe de libre détermination des peuples rencontre certaines limites, non
seulement dans le cadre de la Constitution de 1958, mais aussi dans le cadre du
droit international. Il se déduit en effet de la décision du 9 mai 1991 rendue
par le Conseil Constitutionnel relative à la Corse que ce droit est reconnu par
la Constitution aux seules populations des territoires d’outre-mer. Cela exclu
les collectivités territoriales dites métropolitaines. En réalité, le droit
international va distinguer 2 situations :
-
Celle de la décolonisation d’un territoire distinct
géographiquement du territoire national
-
La sécession proprement dite dans le cadre d’un
territoire qui est contiguë
ð 31/01/2019
Parfois, la pratique
montre que les deux termes sont dissociés. Il peut y avoir une discordance
entre la nation et l’Etat. Cela se vérifie dans 2 hypothèses :
-
L’Etat existe mais la nation ne peut pas exister. Ça
se vérifie dans les pays issus de la décolonisation, notamment en Afrique, où
l’Etat a précédé la nation, parce que c’est finalement le colonisateur qui a
plaqué la colonisation Etat sur des entités et des populations qui ne
constituaient pas encore une nation. Dans ce cas-là, on peut parler d’un Etat
clé en mains, c’est-à-dire un Etat qui est repris des sociétés existantes.
-
La nation dissociée, ou la nation éclatée. Cela est dû
à des vicissitudes historiques, des guerres. Des situations dans lesquelles où
la nation peut être dissociée par des frontières. On peut encore citer le cas
de la nation macédonienne. Cette nation macédonienne est éclatée entre la
Grèce, la Bulgarie, et l’ex-Yougoslavie.
-
La nation ou les nations fédérées, ou autrement dit,
les nations regroupées dans un Etat multinational. Comme la Russie.
Le droit international
ou le droit constitutionnel ne se désintéressent pas à ces situations. Le droit
international ne regarde pas d’un bon œil le phénomène de la sécession. Ils
agissent, l’un et l’autre, d’une manière indirecte, en essayant de protéger les
minorités nationales. Ca va être une protection sous forme de reconnaissance de
droits. Ce sont des droits collectifs. Ces droits peuvent être de plusieurs
natures. Il existe ainsi, dans le cadre européen, une convention qui protège,
qui reconnait les droits des populations utilisant des langues régionales
minoritaires. La France n’a pas ratifié cette convention, parce que dans sa
tradition historique, elle est hostile, en droit, compte tenu de l’exigence de
l’unité du peuple, à la reconnaissance des droits des minorités dans son ordre
juridique.
§3 La souveraineté
Il n’y a d’Etat
possible, sous réserve que les 2 autres éléments réunis, que celui s’incarne
dans un pouvoir politique durablement établi, c’est-à-dire un pouvoir capable
d’assurer la continuité de la vie de la nation, et d’imposer ses décisions
prises par les gouvernants à tous sur l’ensemble du territoire. En droit, ce
pouvoir politique organisé est celui qui jouie de l’exclusivité des
compétences, c’est-à-dire du pouvoir de prendre des décisions dans un certain
nombre de secteurs clés de la vie sociale, de la vie de la
nation (économie, finances, relations internationales, défense, justice,
etc…), sans lesquels l’indépendance de l’Etat, et donc son existence-même,
seraient compromises. C’est à l’ensemble de ces prérogatives que correspond la
souveraineté de l’Etat, qui est à distinguer de la souveraineté dans l’Etat.
A)
La souveraineté de
l’Etat
La souveraineté est le
trait distinctif de l’Etat. C’est ce qui fait son identité propre. C’est une
qualité est une qualité qui lui appartient en propre et qui le distingue de
toutes les autres personnes physiques ou morales, soit en droit interne, soit en
droit international. Cette théorie de la souveraineté est ancienne, elle est typiquement
française, elle a été élaborée au XVIème siècle. Cette théorie a été
élaborée par un penseur par Jean BODIN, dans un ouvrage demeuré célèbre Les Six Livres de la République
(1576). Il s’agit à l’époque d’affirmer l’indépendance de l’Etat français qui
est en train de naitre, vis-à-vis à la fois à l’extérieur de l’Eglise, qui est
à l’époque très puissante et qui défaisait les monarchies en Europe, et à
l’intérieur à l’égard des seigneurs féodaux. Si bien que dans ces premiers
linéairement historiques, la souveraineté est apparue comme un mot synonyme
d’indépendance, de liberté pour l’Etat, signifiant que l’Etat à l’intérieur de
ses frontières comme en-dehors de ses frontières, n’est assujetti ou contraint
en droit par personne, aucune autre entité. L’Etat ne souffre d’aucune
concurrence, ni à l’intérieur, où il domine tous les sujets, ni à l’extérieur,
qui n’est assujetti de personne. L’indépendance veut dire encore que l’Etat est
libre de décider comme il l’entend à l’intérieur de ses frontières
d’entreprendre. Il jouit, en droit, à ce titre d’une puissance de commandement,
c’est-à-dire d’un pouvoir de décision sans égal. Ce pouvoir de décider, qui
s’exécute par le biais des gouvernants, et vont agir au nom de l’Etat, est un
pouvoir à la fois de droit initial et inconditionnel. Un pouvoir de droit,
c’est un pouvoir qui est fondé sur la règle de droit. Un pouvoir également
initial, en ce sens que l’Etat est à l’origine de l’ordre juridique en vigueur
à l’intérieur de ces frontières, au point que l’on a vu précédemment que l’Etat
est un ordre juridique. C’est de l’Etat procède toutes les règles de droit qui
constituent, qui structurent l’ordre juridique interne. L’Etat en vient à se
confondre avec cet ordre juridique. Enfin, c’est un pouvoir inconditionné,
parce qu’il ne dépend d’aucun ordre pouvoir quant à son existence et quant à
l’exercice de ses compétences qui sont les siennes. En effet, en ce sens, on
dit que l’Etat est le maitre de ses compétences, c’est-à-dire qu’il va définir
lui-même quels sont ses pouvoirs, et étant libre et indépendant, ça veut dire
qu’il peut librement augmenter ou restreindre ses compétences. Un auteur
allemand, qui est le professeur JELLIENK, a résumé la situation en affirmant
« l’Etat a la compétence de la compétence », ce qui
signifie, parce qu’il est souverain, l’Etat peut augmenter ses compétences ou
les réduire. Il peut décider, concrètement, de réguler telle ou telle matière,
et de laisser le soin de le faire à d’autres. Par exemple, l’Etat peut
librement décider de déléguer ses compétences à une autre entité, c’est-à-dire
de transférer l’exercice de ses pouvoirs à un autre sujet de droit. Cette
situation-là, très fréquente dans le monde actuel, n’est pas incompatible avec
la souveraineté de l’Etat, parce que c’est l’Etat qui décide de le faire, et
personne d’autre ne peut l’y obliger. Une telle possibilité de délégation ou de
transfert de compétences, de pouvoir se constate aussi bien dans l’Etat qu’à
l’extérieur de l’Etat. Par exemple, à l’intérieur du cadre étatique, l’Etat va
pouvoir déléguer l’exercice de certaines compétences à des collectivités
infraétatiques. Ce phénomène de délégation, de transfert de compétences, prend
le nom de décentralisation. Par exemple, en matière d’enseignement, l’Etat a
délégué aux communes la compétence de s’occuper des écoles primaires. Tandis
qu’il a délégué aux départements la compétence de s’occuper de l’enseignement
secondaire. Ces compétences leur ont été déléguées, transférées par l’Etat. Dans
ce domaine de l’enseignement, l’Etat n’a pas tout « abandonné » aux
collectivités locales. C’est par exemple lui et lui-seul qui va s’occuper des
programmes scolaires et universitaires, et qui va par exemple aussi gérer la
carrière des fonctionnaires de l’Education Nationale, et le Ministère de
l’Enseignement Supérieur et de la Recherche qui va s’occuper des professeurs
d’université.
A l’extérieur du cadre
étatique, cela se vérifie. Un constat de départ est essentiel : l’Etat est
contraint de respecter le droit international. Ce sont des normes qui
s’imposent à l’Etat. L’Etat qui doit s’obliger de se contraindre aux normes
internationales est souverain. S’agissant des normes internationales, de la
coutume, des traités internationaux, l’Etat est à l’origine de ces sources.
L’Etat peut librement décider de se lier ou non par un traité international.
Conclusion : un Etat n’est jamais obligé de ratifier un traité
international. Et lorsqu’il a ratifié le traité international, il doit
respecter le droit international et donc les traités auxquels il est parti. Il
peut dénoncer les traités internationaux. Ce cas de l’Union européenne est
assez intéressant, car on sait que la France a accepté, par la voie de traités
qu’elle a signé, de transférer à l’Union européenne certaines de ses
compétences. L’Union européenne, par l’intermédiaire de ses organes, de ses
institutions, va pouvoir prendre certaines décisions à la place des Etats qui
la composent. Ces décisions vont s’appliquer de plein droit en France,
c’est-à-dire qu’elles vont être automatiquement intégrées dans les sources de
droit interne, et constituer par conséquent des règles invocables et
applicables devant les tribunaux français par exemple, même si la France a voté
contre l’adoption de ces instances au niveau de l’Union européenne. Il faut
donc relativiser l’expression « c’est la faute de Bruxelles ! ».
Pourquoi cette situation de transfert de compétences avec les pouvoirs de
compétences n’est pas contraire à la France ? Tous les mécanismes
européens ont été institués en vertu de traités internationaux, que les Etats
ont librement accepté de signer, comme ils auraient pu ne pas le faire. Ainsi,
le projet de Constitution européenne adoptée par les chefs d’Etats et Gouvernements,
en 2004, a été rejetée par la France en 2005, et plus particulièrement parce
que le peuple français consulté par référendum ont dit « non ».
Le résultat a été que ce traité international n’a pas pu entré en vigueur. Il a
suffit que 2 pays rejettent le traité pour qu’il n’entre pas en vigueur. Le
Brexit qui est en cours à l’heure actuelle est la preuve que le Royaume-Uni est
un Etat souverain, puisque lié jusqu’ici par les normes européennes depuis
1972, il décide de quitter l’Union européenne par référendum en 2017. Ce qui
montre, en définitive, que dans le cadre de l’Union européenne, la France comme
d’autres Etats est un Etat souverain. C’est comme cette participation de la
République à l’Union européenne, et transfert de compétences qu’elle a accepté,
sont prévues par la Constitution française. C’est ce que prévoit l’article 88 –
1 de la Constitution du 4 octobre 1958.
La conclusion qui
s’impose est la suivante : que ce soit dans le cadre du droit
international ou de l’Union européenne, la République peut transférer des
compétences, et ceci est compatible avec la Constitution française qui a prévu
cette possibilité. Mais la République reste un Etat souverain, la Constitution
n’autorise pas n’importe quel transfert, ce qui veut dire que la Constitution
pose des limites qu’il faut respecter, et donc si un traité européen ou
international franchit ces limites, alors il peut être déclaré contraire à la
Constitution parce que contraire à l’exercice de la souveraineté nationale, et
pour qu’il entre en vigueur, ce qui est toujours possible, il faudra d’abord
réviser la Constitution. Ce qui veut dire que le dernier mot appartient à
l’Etat, parce qu’il est souverain.
La souveraineté est
synonyme pour l’Etat de liberté, d’indépendance, dans le respect du droit
existant. Elle ne se limite pas qu’à cet aspect. On peut en effet voir aussi la
souveraineté comme, non pas la qualité d’une puissance, mais comme la somme des
compétences qui appartiennent à un Etat. Il s’agit d’un qualificatif de
puissance, et une substance, c’est-à-dire un ensemble de compétences exercé par
l’Etat. On pourrait que cette souveraineté substance va compléter la
précédente. Et donc on dira que la souveraineté c’est à la fois une puissance
suprême, c’est-à-dire libre et indépendante à l’intérieur comme à l’extérieur
de ses frontières, et la souveraineté est, en outre, toutes les compétences
exercées par l’Etat. De ce second point de vue, la souveraineté se verra
considérée comme l’ensemble des compétences les plus importantes exercées par
l’Etat : faire la loi, rendre la justice, maintenir l’ordre et la sécurité
sur le territoire, établir des relations diplomatiques avec les autres Etats,
conclure avec eux des traités internationaux, prévoir pour financer le budget
de l’Etat des prélèvements fiscaux… l’une des plus importantes, qui est la plus
symbolique, est celle qui consiste d’user de la force pour défendre le citoyen
et le territoire. L’énumération n’est pas exhaustive. Quelque soit les matières
qui relèvent de la compétence de l’Etat, on s’aperçoit que l’Etat est d’abord
un sujet qui prend des décisions dans un certain nombre de domaines de la vie
sociale. Si on ferait le poids de ces différentes décisions, il est
incontestable que faire la loi, rendre la justice, maintenir l’ordre et la
sécurité sur le territoire, sont beaucoup plus importantes. Ces compétences
seront tellement importantes qu’on parle de droits régaliens. On considère, à
juste titre, qu’un Etat qui en serait privé, un Etat qui transférerait à un
autre sujet des compétences dans ces domaines, se priverait d’un attribut
essentiel de sa souveraineté. C’est la raison pour laquelle le Conseil
Constitutionnel a jugé que l’abandon du franc français au profit de l’euro
était contraire à la Constitution, parce que, précisément, le transfert à
l’Union européenne (à la Banque Centrale Européenne) de la compétence en
matière monétaire était contraire, était attentatoire à la souveraineté de
l’Etat. Par conséquent, la Constitution ne permet pas cela. Elle permet le
transfert de compétences qui ne sont pas régaliens, mais dès qu’on touche à un
domaine régalien, la souveraineté est affectée. Avant de s’engager dans cette
voie, il faut d’abord réviser la Constitution. C’est ce qui a été fait, ce qui
a permis à la France de s’engager après révision de sa Constitution dans
l’Union économique et monétaire. Par conséquent, si on veut, dans ce
domaine-là, récupérer nos billes, dénoncer les traités et sortir de l’Union
européenne.
B)
La souveraineté dans
l’Etat
On peut, pour
comprendre l’articulation entre les deux concepts, se demander comment est-ce
qu’on passe de la souveraineté de l’Etat à la souveraineté dans l’Etat. Ce sont
les 2 faces d’une même pièce, donc indissociables. La réponse est, ce n’est pas
la même chose. Donc comment les distingue-t-on ?
On sait que le pouvoir
politique, donc la faculté de prendre des décisions au nom des gouvernés,
s’incarne dans une institution qui est l’Etat. L’Etat, c’est le pouvoir
politique institutionnalisé. Les décisions, qui vont être prises par les
gouvernants, vont être imputées à l’Etat. On peut attaquer l’Etat. C’est le
fait que toutes les entités de l’Etat agissent en son nom. On sait aussi que
cette institution est dotée d’un attribut, d’une qualité incomparable : la
souveraineté. D’où l’expression de souveraineté de l’Etat.
Changeons de point
d’observation. Au lieu de regarder l’Etat de l’extérieur, regardons-le de
l’intérieur, pour voir s’exerce le pouvoir politique, avec le cadre étatique.
D’où provient le pouvoir politique ? Quelle est la source du pouvoir dans
l’Etat ?
La question est de
savoir d’où provient le pouvoir des gouvernants. De la réponse à cette question
découlera la réponse à la précédente qui est proche mais différente. Qui
confère le pouvoir politique aux gouvernants ? Autrement dit, quel est
l’organe ou le corps politique qui est le souverain dans l’Etat ?
C’est-à-dire quel est celui qui confère le pouvoir aux gouvernants ? C’est
le souverain dans l’Etat. C’est donc bien une question différente de la
première. On se demande donc ici qui détient au fond le pouvoir suprême dans
l’Etat et confère aux organes institués par la Constitution pour les gouvernés.
Il n’y a qu’une réponse possible.
On peut apporter
plusieurs réponses sur le plan théorique. Tout dépend d’abord de ce qu’on
appelle la nature du régime politique, c’est-à-dire ses caractères essentiels.
Si on a à faire à un régime autoritaire, comme une dictature, dans lequel le
pouvoir appartient à un seul qui va gouverner par la force qui est à la fois la
source et l’incarnation du pouvoir. On peut aussi dire que le pouvoir vient de
Dieu. Le Roi était le représentant de Dieu sur la Terre.
En revanche, si on se
place dans un Etat démocratique, il n’y a qu’une réponse possible. Le pouvoir
vient du peuple, au sens défini plus haut, c’est-à-dire que le pouvoir vient
des citoyens eux-mêmes. Dans un Etat démocratique, le souverain, c’est le
peuple. Le peuple est le souverain dans un Etat démocratique. Lui-seul est la
source du pouvoir qu’il va attribuer aux gouvernants. On peut résumer avec une
formule « le pouvoir vient d’en bas, et pas d’en haut ». 2
conceptions se sont néanmoins opposées, la première a donné lieu à la théorie
de la souveraineté nationale théorisée par Sieyès par un ouvrage paru en 1789 Qu’est-ce que le tiers-état ?
L’autre conception était défendue par Rousseau dans son Contrat Social, c’est la théorie populaire.
La théorie de la
souveraineté nationale. La souveraineté n’appartient pas au peuple, mais à la
nation. C’est un corps politique collectif, indivisible, distinct des individus
qui composent ce corps politique. L’article 3 de la DDHC, et l’article 3 de la
Constitution de 1958 sont le reflet de cette conception. L’objectif que
poursuit cette théorie est double :
-
Il faut d’abord retirer le pouvoir au Roi, sans pour
autant le confier à la masse indivisible des citoyens. Mais ne l’oublions pas,
c’est la bourgeoisie qui a fait la Révolution à l’époque, elle est minoritaire.
La bourgeoisie se méfie du peuple, car on ne sait pas comment ce dernier peut
décider. On se méfie donc du Roi et du peuple. La bourgeoisie invente la
théorie nationale pour éviter que la Révolution lui échappe. Il faut trouver un
juste milieu. Pour atteindre cet objectif, on va dire que le pouvoir appartient
à la nation, qui est une pure fiction juridique, une invention abstraite. On
sait qu’une personne morale ne peut pas vouloir par elle-même, il faut qu’elle
agisse par des représentants. Elle ne peut pas par elle-même décider. Il faut
que la nation soit représentée, c’est-à-dire que la nation désigne des députés,
des représentants, qui vont gouverner au nom de la nation. Et donc, le point
d’aboutissement du raisonnement, c’est que la souveraineté nationale va
conduire à l’aboutissement d’un système particulier, qui a traversé les
siècles. Un système politique particulier, qu’on appelle le régime
représentatif. Et comme on est en démocratie, on va parler de démocratie
représentative. Et on va le mesurer à travers les conséquences juridiques. les
conséquences juridiques sont les suivantes : pour exercer sa souveraineté,
la nation doit en déléguer l’exercice à des députés à une assemblée
représentative qu’on appellera un Parlement ; selon cette conception, ceux
qui votent, les citoyens électeurs qui vont élire leurs représentants, mais ils
n’exercent pas un droit individuel, mais une fonction publique, qui est, par
conséquent, un fonction publique qui peut être réservée au plus qualifié, au
plus méritant ; le suffrage, c’est-à-dire le vote peut être confié à une
partie des citoyens seulement. Le suffrage n’est pas forcément universel, il
peut être restreint. On parlera de suffrage restreint ou censitaire, parce
qu’il est fondé sur une unité de cens, qui sert à calculer l’impôt, et on en
réservera en conséquence l’attribut aux plus fortunés. Les plus fortunés sous
la Révolution sont l’aristocratie et la bourgeoisie. Dans la théorie de la
souveraineté nationale, les élus représentent non pas un électeur qui les ont
désigné. Dans la théorie de la souveraineté nationale, les élus représentent
l’ensemble de la nation. Le mandat électif sera, pour cette raison, de mandat
représentatif, par opposition au mandat impératif. L’article 27 de la
Constitution de 1958 le prohibe de manière absolue, le mandat est
essentiellement représentatif. Le député est libre vis-à-vis des électeurs,
durant tout le temps que s’exerce son mandat. Il ne peut recevoir aucune
directive, aucune injonction de la part de ceux qui les ont élu. Il les
rencontre qu’à la fin de son mandat. Ce n’est pas usurper le sens des mots que
de dire aujourd’hui que la crise des gilets jaunes traduit une crise de la
souveraineté, qui s’appuie sur la théorie de la souveraineté nationale.
Rousseau défend dans
son Contrat Social que la
souveraineté appartient à tout le peuple, et plus précisément, à chaque
individu qui le compose. Pour faire simple, chaque citoyen est détenteur d’une
part de la souveraineté. La souveraineté appartient à chacun. Supposons que
l’Etat soit composé de 10 000 citoyens. Chaque membre de l’Etat aura pour
sa part la 10 000ème partie du pouvoir. Si on se situe sur le
plan des conséquences, la souveraineté populaire a des conséquences opposées à
celles de la souveraineté nationale : 1) chaque citoyen, lorsqu’il vote,
exerce un droit individuel qui lui est propre et exclusif, dont il ne peut
être, sauf pour raison grave, être dépossédé. Si c’est un droit, le citoyen est
libre de l’exercer ou non. Par conséquent, la question du vote obligatoire
soulève des problèmes. La souveraineté postule le suffrage universel,
c’est-à-dire le droit de vote, sinon à tous, au plus grand nombre de citoyens.
2) la souveraineté populaire appelle, ou à tout le moins, autorise le mandat
impératif, c’est-à-dire que l’élu est sous étroite surveillance de ceux qui
l’ont fait élire. Les électeurs pourront lui adresser des injonctions. Ils
auront un droit de surveillance. La logique du mandat impératif, c’est, dans la
théorie de la souveraineté populaire, la révocation de l’élu. C’est le droit de
mettre fin avant terme à l’exercice du mandat si les citoyens, si les électeurs
ne sont pas satisfaits des décisions de leurs députés. 3) la souveraineté
postule un type de régime politique particulier, qu’on appelle la démocratie
directe. Le gouvernement du peuple par le peuple et pour le peuple. Ce qui est
la devise de la République actuelle. On voit bien que cette forme de
gouvernement est tout de même difficile à mettre en œuvre. On débouche sur
quelque chose d’impraticable. Et qu’on doive au final, et malgré tout, s’accommoder
d’une certaine forme de représentation.
C)
Les formes
d’exercice de la souveraineté
Les 2 conceptions sont
opposées, non seulement dans leurs principes, mais également dans leur
réalisation concrète. Si on s’appuie sur la théorie de la souveraineté
nationale, on va mettre en place une démocratie dite représentative. Si on
prône la souveraineté populaire, alors on va adopter la démocratie directe. En
réalité, ni l’une ni l’autre ne se sont pleinement appliquée dans toutes leurs
conséquences. C’est une forme intermédiaire de régime politique, qui mélange un
peu les 2 régimes politiques, et dont la démocratie semi-représentative est la
plus répandue.
ð 07/02/2019
Dans la réalité, c’est
la démocratie représentative qui l’a emporté. Certains régimes politiques,
comme par exemple celui de la IIIème République en France (1870 –
1940), qui a été qualifié de régime ultra représentatif. Un régime ultra
représentatif, dans le monde contemporain, comme peut l’être le Royaume-Uni.
On les appelle ainsi
car ils concentrent tous les pouvoirs, toutes les décisions dans les mains des
représentants sans que le peuple ne soit consulté. Cette dérive se vérifie
aussi en partie sous la Vème République, régime politique ambigu
dans lequel le pouvoir est concentré est concentré entre les mains du Président
de la République. C’est une cause de la crise actuelle.
Depuis longtemps déjà,
on a donc essayé, notamment en France, de faire la synthèse entre la démocratie
représentative et la démocratie directe, en mettant en place une sorte de
régime intermédiaire entre la démocratie représentative et démocratie directe
qu’on appelle démocratie semi-représentative ou démocratie semi-directe
Reprenons les différents termes. Prenons la démocratie représentative. La démocratie représentative part du postulat que le peuple ne peut pas décider tout à tout moment. Le peuple ne peut pas décider seul, parce qu’on considère qu’il n’est pas apte à le faire, parce que, dans les sociétés modernes, dans les Etats modernes, certaines questions, certains problèmes, sont trop complexes pour être décidés par le peuple, et qu’il n’a pas les connaissances suffisantes, éclairées pour régler ces problèmes. Il faut donc que le peuple désigne des représentants compétents pour cela, d’où le régime représentatif et la démocratie représentative. Les citoyens vont participer au pouvoir politique en désignant des représentants, et en même temps, permettre aux élus de décider de prendre les décisions nécessaires au nom du peuple. D’où l’association démocratie représentative.
La démocratie directe.
Elle est à l’opposé. Dans ce système, le peuple doit prendre lui-même les
décisions, de prendre toutes les décisions. Il discute et il vote les lois,
sans déléguer ce droit à des représentants, il prononce des décrets, il prend
des actes réglementaires… Bref, il décide de tout à tout instant. La démocratie
directe est, selon la formule bien connue, le gouvernement du peuple par le
peuple et pour le peuple. L’idée séduisante, séduit les représentants français,
qu’elle est inscrite dans la Constitution de 1958. Alors que le régime de la Vème
République n’est pas fondée sur la démocratie directe. C’est une vision
utopiste, parce qu’on ne peut mettre en œuvre que dans des pays où la
population est très peu nombreuse. Elle est impraticable dans un pays très
peuplé. Ce qui ne veut pas dire qu’elle ne peut pas être pratiquée, mais elle
sera appliquée à l’échelon local, là où la population est plus restreinte, par
exemple dans les communes. Rousseau faisait ce constat un peu amer dans une
phrase qui est très connue « s’il y avait un peuple de Dieux, alors il se
gouvernerait démocratiquement ». Pourtant, historiquement, on a
connu des systèmes de démocratie directe, comme en Grèce. C’est la raison pour
laquelle la Grèce est qualifiée de berceau de la démocratie. Les assemblées de
citoyens se rassemblaient pour prendre des décisions, voter des lois… Pourtant
le système avait ses limites : seuls les citoyens d’Athènes avaient le
droit de siéger et de voter. Les autres non. Plus proche de nous dans le temps,
la Suisse a pratiqué le système des assemblées populaires, mais dans des
cantons de montagnes très peu peuplés, mais cela est tombé progressivement en
désuétude. Il reste que la Suisse a une pratique assidue du référendum. Il y a
chaque année en Suisse des référendums. Le développement récent des moyens de
technologies et de communication a remis au goût du jour l’idée de
e-démocratie. En Suisse par exemple, on pratique le vote par Internet. Chez
nous, on a expérimenté Internet pour le recours aux contributions. Evidemment,
parmi ces contributions, la fiscalité revient très souvent. Assez loin derrière
aussi le référendum d’initiative populaire.
Le compromis. C’est la
démocratie semi-directe. C’est la forme de gouvernement intermédiaire entre
démocratie directe et démocratie représentative. Comme son nom l’indique, ce
type de gouvernement s’appuie sur un recours plus fréquent au peuple sur les
décisions à prendre. Les risques de ce système sont connus. Les élus
constituent très vite une élite qui va s’ériger en classe dominante, et finit
par constituer une classe de citoyens minoritaires, coupés du peuple, qui
décide de tout, sans l’accord du peuple. La démocratie semi-directe va
s’efforcer de corriger cela, en mettant en place un certain nombre de
techniques empruntées à la démocratie directe. Il demeure représentatif, mais
on y introduit des mécanismes qui vont faire directement appel au peuple. Le
référendum est la technique la plus connue, mais encore faudrait-il voir assez
clair, et il faut distinguer 4 types de référendum :
-
Le référendum constituant. Le référendum constituant permet
soit d’adopter une nouvelle Constitution, soit de réviser une Constitution
existante. Le peuple est donc le pouvoir constituant.
-
Le référendum « véto ». Il va donner aux électeurs un droit
de véto, c’est-à-dire un droit de s’opposer à certains textes que le Parlement
vient d’adopter.
-
Le référendum abrogatif. Dans le prolongement du deuxième,
le référendum abrogatif va permettre aux citoyens de demander l’abrogation de
lois en vigueur, c’est-à-dire la perte de validité pour l’avenir d’un texte de
lois adopté par le Parlement et qui est appliqué.
-
Le référendum législatif, qui permet à une fraction du corps
électoral de demander l’adoption d’un texte législatif. Il va permettre au
peuple de demander l’adoption d’un texte. Le peuple est donc le législateur.
Dans un référendum, le
résultat va donc conditionner l’adoption d’un texte ou la suite à donner à un
processus. Par exemple, le peuple va pouvoir adopter directement une loi comme
cela était le cas lorsqu’en 1962, le général de Gaulle a fait voter par le
peuple une loi constitutionnelle, modifiant le mode d’élection du Président de
la République, afin de le faire élire au suffrage universel direct. Dans le
cadre de l’article 11 de la Constitution de 1958, les citoyens peuvent
également être consultés par référendum pour autoriser le Président de la
République à ratifier un traité international. Dans les 2 cas cités à titre
d’exemple, les citoyens doivent répondre par « oui » ou par « non ».
On dit que pour cette raison-là, le référendum impose un choix strictement
binaire. On voit que la faille du référendum. Il peut y avoir détournement du
choix du peuple. De fait, la pratique du référendum sous la Vème
République est faible. Depuis 1958, 9 consultations référendaires ont eu lieu.
La dernière a eu lieu en 2005, et le peuple s’est prononcé contre la
ratification établissant un traité pour l’Europe. C’est là qu’on voit que le
choix binaire est radical dans ses applications. Le peuple ayant dit « non »
au traité européen, celui-ci n’a jamais pu entrer en vigueur. En pratique, sous
la Vème République, finalement, le recours au référendum n’est
possible que dans 2 situations :
-
Soit pour réviser la Constitution ou pour en adopter
une nouvelle
-
Soit pour faire adopter un texte de lois
Dans le premier cas on
parlera de référendum constituant, et dans l’autre cas on parlera de référendum
législatif. Le Président de la République soumet au peuple un projet de loi d’autorisation
de modification du traité, donc c’est toujours une loi. On sait que les sujets
sur lesquels porte le référendum en France est très encadré. Cela peut
concerner l’organisation des pouvoirs publics, et les réformes dans les
domaines de la politique, économique, social ou environnemental, et l’adoption
de traités internationaux.
On sait également qu’a
été introduit en 2008 un nouveau type de référendum, un référendum d’initiative
partagé, qu’il ne faut pas confondre avec le référendum d’initiative citoyen.
Ce qui nous intéresse ici, c’est que la pratique du référendum sous la Vème
République fait de cet instrument un mécanisme très délicat à utiliser. En
France, on n’a pas la culture du référendum comme en Suisse. Ces difficultés
sont de plusieurs ordres :
-
Tout d’abord, on s’aperçoit que dans la pratique que
les réponses données par le peuple sont souvent inattendues. Réponses souvent à
contrecourant de ce qui ont posé la réponse. Il y a un premier risque, c’est de
mettre en porte à faux le pouvoir politique en place.
-
Le référendum peut être dangereux s’il n’est pas
encadré, parce que les électeurs peuvent laisser s’exprimer dans les urnes des
réactions parfois violentes, des réactions parfois irrationnelles qui peuvent
aller à l’encontre de l’idée de progrès, voire mettre en danger la démocratie.
-
Une autre difficulté vient du risque de manipulation
de l’opinion des électeurs lors du référendum. Dans la pratique actuelle,
notamment en France, parce que les personnes qui posent la question sont le plus
souvent à l’origine du référendum. En clair, ce sont celles qui sont au pouvoir
qui posent la question. Le risque, c’est qu’elles s’efforcent, selon la
question, d’orienter la question. L’idée qu’il y a derrière, c’est que tout
dépend de la manière dont la question est posée. En 1981, les citoyens de la
province du Québec au Canada ont dû répondre par « oui » ou par « non »
à la question suivante « voulez-vous que le Québec devienne un Etat
indépendant ? » (en résumé). Le Québec a formulé la question
en ces termes, car l’une des stratégies est de formuler la question pour
orienter vers l’une des deux réponses. C’est effectivement ce que révélait la
question posée de façon subliminale. L’accent est mis sur l’égalité des
peuples. Ensuite, l’accent est mis sur l’idée de souveraineté du Québec,
c’est-à-dire la souveraineté internationale, donc l’indépendance du Québec par
rapport au Canada. Très clairement, l’indépendance c’est donc la cessation du
Québec vis-à-vis du Canada. De l’autre, on ne voulait pas effrayer les
Québécois sur les conséquences de cette indépendance. En somme, la question tel
qu’elle était libellée, débouchait sur une proposition équilibrée, susceptible
d’entrainer un vote favorable, ménageant à la fois l’association avec le Canada
tout en étant indépendant. Une autre stratégie est le vote bloquée. L’idée
consiste à forcer l’adhésion à une mesure qui n’est pas très populaire en
l’associant à une idée qui, elle, est populaire. Par exemple « êtes-vous
pour ou contre les choux de Bruxelles tous les jours à la cantine ? »
ou bien « êtes-vous pour ou contre les choux de Bruxelles et le
steak/frites ? ». Le cas s’est illustré en 1998 au Portugal.
Le gouvernement portugais qui est à l’origine d’un référendum a voulu organiser
celui-ci pour demander au peuple de se prononcer sur la ratification d’un
traité européen (traité d’Amsterdam). La question posée est la suivante « êtes-vous
d’accord pour que le Portugal continue à participer à la construction de
l’Union européenne dans le cadre du traité d’Amsterdam ? ».
Très simplement, le traité d’Amsterdam modifie le traité de Maastricht qui
lui-même avait modifié les traités de 1957. En associant 2 éléments
complétement distincts, le gouvernement donne ou accrédite le sentiment qu’il
n’y a qu’en ratifiant le Traité d’Amsterdam qu’on puisse rester dans l’Union
européenne. Autre exemple, celui du général de Gaulle en 1969, où, c’est une
première, le référendum avec vote bloqué est en réalité triple. Un référendum,
3 sujets, 3 réponses possibles, mais 1 seul résultat. Voici la question « approuvez-vous
le projet de loi soumis au peuple français par le Président de la République,
relatif à la création de régions et à la rénovation du Sénat ? ».
Il y a la question des régions, il y a la réforme du Sénat, et le maintien ou
non du général de Gaulle. Comment éviter les manipulations ? Plusieurs
pays comme la Suisse ou les Etats-Unis ont mis au point, depuis plusieurs
décennies d’ailleurs, des règles pour que les questions soient plus précises et
plus objectives. L’une de ces règles est fondée sur le principe dit d’unité de
matière. L’unité de matière, d’où la difficulté du référendum à réponses
multiples. L’unité de matière, c’est-à-dire l’idée que si plusieurs
propositions sont soumises à un vote lors d’un même référendum, il faut
qu’elles aient entre elles un lien direct. C’est-à-dire que les sujets traités
soient en réalité proches ou connexes. En matière de référendum, surtout si on
s’adresse au peuple, il ne faut pas mélanger les sujets, donc pas de cavaliers
législatifs. Contrairement aux Etats-Unis et à la Suisse, il n’existe aucun
texte, aucune loi pour encadrer la question référendaire. Autrement dit, le
gouvernement, en réalité le Président de la République, fait un peu ce qu’il
veut à travers la question posée. S’il existe, en nombre très limité, des
décisions du Conseil Constitutionnel sur ce point, force est de constater que
sa jurisprudence est floue, une fois n’est pas coutume, parce que c’est souvent
le cas, puisqu’il se contente d’exiger que la question soit claire et loyale.
Dernière solution pour éviter les manipulations, il consiste à faire que la
question ne soit pas posée écrite par les partisans du « oui »
ou les partisans du « non », mais par les 2. C’est ce
qu’il s’est passé en 2014 en Ecosse, lorsque s’est tenu un référendum. Un
référendum sur l’indépendance de l’Ecosse pose une double difficulté. La
difficulté était double, parce que pour qu’un référendum existe, se tienne en Ecosse,
il faut, parce que l’Ecosse fait partie du Royaume-Uni, un accord de l’Ecosse
et du Royaume-Uni. Seconde difficulté, l’Ecosse est gouvernée par les partis
nationalistes, c’est-à-dire les partis qui veulent que l’Ecosse soit
indépendante. Le référendum que réclame la Première ministre écossaise ne s’est
pas encore tenu. Alors qu’au Royaume-Uni, conservateur, est plutôt unioniste.
Donc ils sont contre l’idée que l’Ecosse devienne un Etat indépendant. Pour
mettre d’accord les 2 camps, une commission électorale mixte paritaire a été
chargée de rédiger la question, composée d’indépendantistes ou de nationalistes
d’un côté, et d’unionistes de l’autre. La question est devenue « l’Ecosse
doit-elle être un pays indépendant ? ».
-
Le risque de confusion entre référendum et plébiscite.
Le risque est d’autant plus fort que le plébiscite est un moyen très prisé par
les régimes autoritaires ou populistes, voire par les dictatures. Pour
distinguer les 2 notions, chose qui n’est pas facile, on fait appel à une
notion qui est simple. Dans le référendum, la réponse doit ou devrait
uniquement dépendre de la question posée, et exclusivement de celle-là. Mais on
voit le problème, le problème c’est que la question posée est souvent posée par
les gouvernants en place, et c’est là où le glissement peut s’opérer. Au
contraire, dans le plébiscite, la réponse est donnée d’abord en fonction de
l’auteur de la question. C’est souvent ce qui s’est passé sous la Vème République.
C’est la raison pour laquelle l’une des voies qui a été expérimentée, ce serait
justement de dissocier la pratique du référendum des gouvernants en place,
c’est-à-dire en permettant aux citoyens de prendre l’initiative, indépendamment
des gouvernants.
No comments:
Post a Comment