Section 1 : La refonte révolutionnaire
C’est le principe de la tabula rasa.
§1 – La DDHC de 1789
C’est le premier monument juridique de l’époque
contemporaine. Il y a beaucoup d’incidences concernant le droit pénal.
A – Les cahiers de doléance
Louis XVI et Néquerre son principal ministre décident de
réunir les états généraux (qui datent de 1302) qui n’ont pas été réunis depuis
longtemps. Les trois ordres qui vont se réunir doivent élire des députés mais
aussi rédiger des cahiers de doléance.
Concernant les cahiers du tiers Etat, est-ce qu’ils sont véritablement le reflet de la voix populaire ? Ce
n’est pas si sûr car les cahiers de base qui sont rédigés dans le cadre des
paroisses qui reflètent la voix du peuple français sont réécrits au niveau du
baillage (circonscription judicaire), synthétisés par des juristes qui
appartiennent à la partie haute du tiers état. Ces notables qui interviennent
sont nourris par le philosophie des lumières. Ce qu’on va voir arriver à
Versailles c’est une synthèse remaniée en fonction de l’influence des philosophes
des lumières.
Ce qui ressort c’est la nécessité de la rédaction d’un code pénal retenant les principales infractions et les peines correspondantes, on est sur le problème
de la légalité
des infractions et des peines. Cette requête, c’est le rejet de
l’arbitraire, victoire de Montesquieu et Beccaria.
Vient ensuite la condamnation des lettres de cachet. Le pouvoir
royal peut prendre une lettre de cachet à l’encontre d’un individu, on peut
l’arrêter et l’embastiller (le mettre en prison) et le détenir de manière
totalement arbitraire. Mirabeau a été
victime de lettre de cachet qui l’ont emmené au château d’If. C’est le
signe de l’absolutisme de la monarchie. Mais ça n’a rien à voir avec
l’arbitrium judicis. La grande majorité de ces lettres sont prises à la demande
des familles, c’est le père de Mirabeau qui demande la lettre de
cachet (c’est un exemple). Ceux qui intègrent les lettres de cachet dans
l’arbitrium judicis ont confondu l’arbitraire des juges avec l’arbitraire
administratif, l’administration ne décide pas en équité, les magistrats oui.
Quelques cahiers dans cette veine allèguent aussi le modèle anglais de l’habeas corpus.
Il apparaît en 1679.
C’est une série de garanties judiciaires au profit du justiciable qui garantit
sa sureté vis à vis du système judiciaire. Révolution anglaise en 1689 Bill of Rights.
L’influence anglaise est également manifeste dans beaucoup de propositions, ce
qui prouve que les cahiers de doléance
ne sont pas le reflet des exigences de la population française mais bien le
reflet de l’idéologie de la classe éclairée de l’époque (bourgeoisie française).
On souhaite que l’instruction des procès soit publique, qu’elle se fasse comme
en Angleterre en cas de crime, sous le contrôle des citoyens (jury), on
souhaite qu’elle soit plus simple, que la procédure soit plus rapide et que
tout accusé puisse être assisté d’un défenseur à l’occasion de toutes les
étapes du procès, qu’il puisse contredire les témoins …
Le clergé écrit des cahiers à contre-courant des idées des
lumières. Il va demander une punition renforcée des délits religieux
notamment. Le Clergé souhaite qu’on puisse grâce à la justice pénale lutter contre les progrès de l’impiété et
contre le libertinage. Enfin, concernant les peines, outre le principe de
légalité, les cahiers demandent qu’elles soient strictement personnelles et
qu’on confisque la confiscation des biens qui est une peine accessoire.
Beccaria souhaite l’égalité
devant la peine de mort et qu’elle soit réservée aux crimes les plus
graves. L’idée qui va être retenue est que tous les condamnés à mort doivent être décapités.
B – Le droit pénal dans la DDHC
20 et 26 août 1789, la part du droit pénal y est
très importante (11 articles sur 17 y
touchent directement ou non). Les dispositions pénales qui sont contenues
dans le texte de la déclaration sont destinées à contrer directement la justice
pénale d’Ancien Régime. La déclaration sur ce plan là est une machine de guerre
dirigée contre l’ancienne justice.
La DDHC c’est d’abord une critique de l’arbitraire dans son sens
premier de partialité et d’injustice, c’est l’arbitraire royal qui est
visé, l’arbitraire des juges va être jugé comme le reflet de l’arbitraire royal
et il va être déconsidéré.
Ensuite ce sont les privilèges qui sont
rejetés, or la société est faite de privilège au sens étymologique de lex privata (la loi privée). Ils sont
devenus synonymes de faveurs injustifiées et d’avantages inadmissibles. Les
individus sont libres et égaux en droit et il ne peut plus y avoir de
privilèges. Tout le monde est soumis à un droit nouveau, la loi qui est la source unique du droit. Le nouveau système des
infractions et des peines découle directement de cette philosophie.
L’article 16 de la DDHC évoque
la nécessité de la séparation des pouvoirs. C’est l’héritage de Locke
et Montesquieu, c’est un des nouveaux principes de droit public français. De ce
principe découle donc une définition restrictive de la fonction royale, le roi
n’est plus fontaine de justice, il est le simple chef de l’administration. Il ne nomme plus les juges qui sont élus et
n’a plus le droit de grâce.
L’article 7 est central « nul homme ne peut
être accusé, arrêté ni détenu que dans les cas déterminés par la loi et
selon les formes qu’elle a prescrites, ceux qui sollicitent, expédient,
exécutent ou font exécuter des ordres arbitraires doivent être punis. Mais tout
citoyen appelé ou saisi en vertu de la loi doit obéir à l’instant :
il se rend coupable par la résistance ». Le
principe qui triomphe est celui de la légalité,
les lettres de cachet son illégales, et on est soumis à la loi. Application au domaine judiciaire
de la sureté (une des grandes libertés naturelles, fondamentales
de l’homme et du citoyen). C’est un droit qui est énoncé par l’article 2 de la déclaration. Les
ordres arbitraires sont prohibés. L’article 7 c’est une réponse aux doléances.
Le 23 juin, deux mois
avant, Louis XVI avait aboli les lettres de cachet avec seulement quelques
réserves, la déclaration abolit complètement.
Le 14 juillet, prise de la bastille, c’est l’irruption du peuple
dans le processus révolutionnaire, c’est très symbolique, on a
trouvé 7 prisonniers dans la bastille qui est le symbole des lettres de cachet.
Deux étaient fous, d’autres étaient là parce que les familles l’avaient
demandé. On les a libérés sans condition.
Les arrestations sont placées sous le contrôle de la loi.
Désormais, le pouvoir gouvernemental ne peut plus ordonner que des arrestations
légales. Seul le pouvoir judiciaire pourra disposer dans des cas précis
déterminés par le pouvoir législatif de la liberté des citoyens.
Article 9 précise les modalités de l’arrestation
« Tout homme étant présumé innocent jusqu'à ce qu'il ait été déclaré
coupable, s'il est jugé indispensable de l'arrêter, toute rigueur qui ne serait
pas nécessaire pour s'assurer de sa personne doit être sévèrement réprimée par
la loi. ». Il a été rédigé par Duport et montre bien que la question
importante à l’époque concerne les précautions
à prendre lors des arrestations, au passage la présomption
d’innocence est consacrée. C’est un principe
qui n’est pas répandu avant la révolution mais qui vient quand même de loin,
c’est une idée fondamentale de la doctrine depuis longtemps mais qui n’a pas
été appliquée par les praticiens du droit. La
torture avait pour effet d’altérer la présomption d’innocence.
La DDHC ne contient rien sur le droit de la
preuve, c’est bizarre après qu’il y ait eu les procès
scandaleux.
L’apport
principal est la légalité des délits et des peines : on ne peut être puni
que si une loi le prévoit. Seule la loi peut créer des motifs d’accusation
c’est à dire définir des incriminations. C’est une idée qui se rattache à une
certaine conception de la liberté et à une définition précise de l’acte
législatif.
Article 4 : « La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne
nuit pas à autrui :
ainsi, l'exercice des droits naturels de chaque homme n'a de bornes que celles
qui assurent aux autres membres de la société la jouissance de ces mêmes
droits. Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la loi ». C’est l’influence de Montesquieu qui avait écrit « la liberté c’est pouvoir
faire tout ce que les lois permettent ». Montesquieu
est revendiqué par les constituants mais pas Rousseau, selon lui les hommes
sont libres mais ils sont soumis à la loi naturelle dans l’état de nature et on
aurait tort de croire que la liberté peut se passer de règles.
Dans la déclaration, les constituants établissent que la loi n’a le droit de
défendre que des actions nuisibles à la société.
Art 10 et 11, la liberté peut toujours être limitée par la loi pour
des raisons d’ordre public. Le
nouveau droit pénal ne peut plus incriminer les délits religieux, d’opinion …
Mais elles ne sont possibles que dans le cadre de la loi.
Art 8 :
La légalité des peines « La
loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et
nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée
antérieurement au délit, et légalement appliquée. » c’est l’extinction de
l’arbitraire des juges, les peines sont fixées par la loi en fonction de la seule
nécessité sociale. La DDHC pose la non rétroactivité de
la loi pénale
Les
constituants n’ont pas détaillé les peines ils sont se sont contentés de dire
qu’elles sont égales pour tous.
La colonne vertébrale
de la DDHC c’est l’article 6 : « La loi est l'expression
de la volonté générale. Tous les citoyens ont droit de concourir
personnellement, ou par leurs représentants, à sa formation. Elle doit être la
même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse. Tous les citoyens
étant égaux à ses yeux sont également admissibles à toutes dignités, places et
emplois publics, selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de
leurs vertus et de leurs talents ». Il n’y a rien au dessus de la loi quand elle est l’expression de la volonté
générale, ce n’est pas la somme des volontés particulières, c’est la somme
des volontés civiques. La loi est infaillible si élaborée par la volonté générale,
c’est le légicentrisme qui fait du parlement le pouvoir le plus important.
Être libre c’est obéir à la loi.
§2 – La refonte des juridictions pénales
Loi des 16 et 24 août 1790, refonte du système
judiciaire. L’organisation mise en place s’écarte du schéma de l’Ancien régime.
Innovation de taille : la distinction entre la justice civile et la
justice pénale. Les constituants ont adopté une organisation qui se veut
presque géométrique, ça doit être simple.
3 degrés de
juridictions pénales :
-
Tribunal de police municipale composé par des administrateurs
municipaux, compétent pour les infractions
mineures, amende maximale de 500 livres et emprisonnement de 8 jours au plus.
L’appel des décisions de ce tribunal
doit être interjeté devant le tribunal
de district qui est un tribunal civil (pas normal).
-
Tribunal de police correctionnelle c’est
un juge civil qui devient juge pénal : le juge de paix. 2 assesseurs
qui n’ont qu’une voie consultative. Relèvent de ce tribunal les délits qui
peuvent être sanctionnés d’une peine qui peut aller jusqu’à 2 ans de prison et là encore, l’appel doit être porté devant le tribunal de district.
Pour ces deux tribunaux, la mise en œuvre de l’action publique incombe à la victime, au juge, ou
au citoyen qui participe à la justice.
-
Tribunal criminel départemental,
procédure très compliquée pour préserver la liberté individuelle. L’action est
déclenchée par un particulier ou par le juge lui-même sans intervention du
ministère public.
o
L’instruction préparatoire : elle est réalisée sous la
conduite du juge de paix (inventé par la
révolution, à la fois juge civil, correctionnel et d’instruction)
o
La mise en accusation : prononcée par un jury d’accusation
constitué de 8 citoyens tirés au sort qui siège au sein du tribunal de
district.
o
Le jugement : il a lieu devant le tribunal criminel (niveau
départemental) et ce tribunal comprend des juges, un président qui est élu, des
juges des tribunaux de districts et un jury de 12 membres.
La procédure est compliquée mais les constituants pensaient
que c’était une garantie des libertés individuelles.
On a mis en place le jugement par les pairs qui est une des
garanties selon les constituants de la liberté individuelle. Les juges sont
élus par les citoyens, encore une garantie.
Un accusateur mène la procédure orale, publique et contradictoire face à l’accusé.
Les jurés prononcent la culpabilité en se fondant sur leur intime conviction.
Tout le système probatoire et notamment de preuve légale de l’ancien régime a
été évacué. Le procureur du roi qui est le seul membre du tribunal à être nommé
par l’exécutif requiert l’application de la loi et donc la sanction prévue par
les textes.
On a vu des acquittements scandaleux, le jury estimant que le taux de la peine est trop haut, préfère
acquitter. C’est une des premières dérives. C’est le juge automate qui ne peut plus apprécier les circonstances de l’infraction. Le
problème de la légalité fait qu’un
voleur de pommes est condamné à la même peine qu’ils soit poussé par la faim ou
pas une perversité.
On crée un tribunal de cassation (c’était le conseil du roi avant) détaché
de l’exécutif créé par la loi des 27 novembre et 7 décembre 1790 composé de 42 juges
qui ont exercé depuis plus de 10 ans (4 à 6 ans pour les autres tribunaux :
les juges sont
les mêmes que sous l’ancien régime), la mission de ce tribunal (le mot Cour renvoie à la monarchie). Il
veille à l’observation de la loi par les
juridictions inférieures, il n’est pas là pour trancher les litiges, il peut
casser les jugements et renvoyer devant un autre tribunal.
§3 – Le code pénal de 1791
Les constituants voulaient tout codifier. Pourtant, les assemblées révolutionnaires n’ont
jamais pu accoucher d’un code civil. Le code pénal a pu être codifié. Il
naît le 25
septembre 1791, élaboré par le comité de législation criminelle de
la constituante. Il va énoncer les principes de la DDHC notamment de légalité.
Il est un peu construit comme les
vieilles lois barbares, il contient la liste exhaustive des infractions et la
liste exhaustive des peines correspondantes.
Ont disparu les délits religieux (hérésie, sacrilège, blasphème, suicide,
homosexualité). Ils disparaissent au profit d’infraction politiques nouvelles.
On transforme la lèse-majesté en lèse
nation, on a l’atteinte à la sureté de l’Etat, et conspiration contre la
liberté de français.
Les peines restent exemplaires, elles doivent servir à
protéger la société mais aussi à l’amendement du criminel. C’est pour
cela que dans le code pénal, on
privilégie les travaux forcés, l’emprisonnement, au détriment de la peine
capitale. La question de la peine de mort a suscité de nombreux débats. Beaucoup de constituants ont repris les
arguments de Beccaria, Robespierre par exemple.
On a redéfini la peine de mort, c’est la simple privation de la vie sans qu’aucune
torture ne soit exercée contre le condamné. Pour ce qui est de
l’exécution de la peine de mort, le code pénal a démocratisé la décapitation par la guillotine.
Ce système est trop rigide et cela va conduire les jurys à
prononcer des non lieus pour ne pas avoir à appliquer des peines qu’ils jugent
trop sévères.
§4 – La justice révolutionnaire
On est dans une phase libérale, on essaie d’adapter le
régime parlementaire et on cherche un régime libre (contrôlé par les citoyens).
La guerre intervient et la révolution va se radicaliser avec le 10 août 1792, le peuple prend d’assaut les
tuileries, le roi est enfermé. Mise en place de la convention nationale,
guerre contre l’Europe, contre la Vendée.
La république Jacobine se met en place, ce qui domine
désormais c’est la nécessité du salut public et ça va entrainer la mise en
place d’une justice politique très
différente, on
ne va pas respecter la DDHC. C’est la thèse des circonstances.
C’est une justice d’exception qui
juge en dehors de procédures légales, phénomène
typiquement français. En France on n’imagine pas de soumettre le contentieux politique
aux mêmes juridictions que le contentieux ordinaire. On soumet le
personnel politique et administratif à d’autre modes de règlement, on crée les Cours de la république pour juges
les hommes politiques. Tout le contentieux politique est sorti des juridictions
ordinaires.
Ce sont les tribunaux
de la table de marbre, le connétable, l’amiral, les justices consulaires,
certaines chambres des comptes qui sont tout à fait ordinaires, ce qu’on juge
justice d’exception n’a rien d’extraordinaire. Ce n’est que la
justice retenue qui est peut-être la justice d’exception.
Avec la guerre, la justice va devenir une forme accessoire
du gouvernement révolutionnaire. Cette forme accessoire se distingue par la
mise en place d’une législation d’exception et de juridictions d’exception.
Très vite les membres des assemblées ont forgé une catégorie
des suspects,
ils n’ont commis aucun crime précis mais leur attitude ou ce qu’on peut en
penser compromet la révolution. Les premiers suspects sont les prêtres
réfractaires. Les prêtres qui
refusaient de prêter serment sur la constitution civile du clergé du 12 juillet
1790.
En 1793, la
convention nationale a tenté de cadrer juridiquement la notion de suspect
et donc sont
réputés suspects tous ceux que l’on présume hostiles à la république.
Les prêtres, les nobles, les émigrés et leurs parents, les étrangers qui n’ont
pas fait de déclaration de séjour, doivent être incarcérées jusqu’à la paix. La
mise en œuvre de ces mesures de sureté publique incombent à des comités de
surveillance dans lesquels on va trouver des patriotes, ils sont dotés par la
loi du pouvoir d’appréhender les suspects. On
estime qu’entre 1793 et 1794, on a entre 300 000 et 800 000 personnes arrêtées.
Toujours au niveau de la législation d’exception, la
convention vote la procédure de la mise hors la loi. Lorsqu’on est mis hors la loi et
lorsqu’on est arrêtés, on est soumis à une vérification
d’identité et on est immédiatement exécuté. Elle vise les opposants armés à la révolution, les
insurgés de Vendée, les fédéralistes, ceux qui arborent la cocarde blanche, les
aristocrates, ceux qui exercent des fonctions publiques dans les territoires
occupés par les étrangers (collabos), les émigrés capturés, les prêtres.
C’est cette procédure
qui va être utilisée pour se débarrasser de Robespierre et ses amis, car
elle exonère du passage devant une juridiction.
On s’est vite rendu compte que les tribunaux pénaux mis en
place en 1790 n’étaient pas en mesure d’assurer la répression politique. Dès
mars 1793, la convention décide d’installer des juridictions d’exceptions dont
la principale est le tribunal révolutionnaire de Paris. On a aussi
toutes les infractions précédentes et une série d’infraction économiques, tous
les membres du tribunal sont gérés par l’assemblée, il y a une ingérence du
politique dans le judiciaire. Au début on conserve les bases de la
procédure criminelle ordinaire, très vite, le tribunal statue sans observer les procédures,
l’accusé n’est plus interrogé, c’est le
tribunal qui décide de l’audition des témoins, pas d’avocats, les jurés peuvent
décider d’arrêter le procès et de se prononcer. Il n’y a que deux
sentences : l’acquittement ou la mort.
Ce tribunal révolutionnaire de Paris devait bénéficier d’un
monopole de la répression politique, mais une seule juridiction ce n’est pas
suffisant, on a donc créé d’autres
instances de ce type, à Toulon par exemple.
Il faut ajouter les tribunaux criminels départementaux à qui sont confiées certaines affaires
révolutionnaires et ils jugent
révolutionnairement. Les études ont montré des résultats très disparates, dans certains départements personne n’a été
condamné à mort.
Il y a eu entre 17 000 et 40 000 exécutions par les juridictions
d’exception.
§5 – Le droit pénal du directoire
C’est la période qui va de 1795 à 1799. Application de la
constitution de l’an III. Le 25 octobre 1795, la convention accouche d’un nouveau code
pénal, le code de Brumaire an
IV appelé aussi le code des délits et des peines qui est en fait une
reprise du code pénal de 1791 mais on
multiplie les garanties en faveur des accusés et on renforce les droits de la
défense.
Ça n’empêche pas que pendant la période du directoire, on va
assister à de nombreuses entorses aux principes établis par la révolution,
la DDHC auxquels on essaie de revenir. Une période instable sur le plan
politique caractérisé par de nombreux
coups d’Etat jusqu’à Napoléon. Cette agitation politique explique qu’on ait
pris quelques libertés, quand on parle des droits de la défense, ils existent
bien dans le code de Brumaire, en
pratique, on utilise des procédures d’exceptions. C’est ce qu’on fera pour
Babeuf.
Renforcement de la répression pénale : loi du 15 mai 1997 qui punit de
mort les coupables de vol à main armée et leurs complices et loi du 18 janvier
1798 peine de mort contre coupables de vol à main armée sur les routes et
dans les maisons. On a des bandes qui sillonnent la campagne, c’est le
temps des chauffeurs qui mettent les
pieds des gens dans la cheminée pour savoir où est caché le magot.
Une affaire a défrayé la chronique et est symptomatique de
cette augmentation de la criminalité mais aussi de renforcement de la
répression pénale. C’est l’affaire du courrier de Lyon. Ça concerne une
diligence qui doit amener le courrier de Paris à Lyon qui transporte des fonds.
L’argent est volé et les agents sont assassinés. A l’issue de l’enquête par les
gendarmes dont les moyens ont été très renforcés, on a arrêté 6 hommes parmi
lesquels Lesurques. A l’issu d’un procès très rapidement instruit et sans
respecter les garanties, 4 de ces 6
hommes sont condamnés à mort dont Lesurques et sont exécutés. Il n’y avait
plus de droit de grâce depuis 1789. Les trois complices ont jusque sur
l’échafaud assuré que Lesurques était innocent. Quelques mois après, le juge Daubenton a décidé de reprendre
l’affaire et la nouvelle enquête a abouti à l’arrestation d’un 7eme homme
Dubosc qui ressemblait physiquement à Lesurques. On n’a jamais pu prouver
l’innocence ou la culpabilité de Lesurques qui est devenu le symbole de
l’erreur judiciaire.
Section 2 : Le droit pénal Napoléonien
§1 – Les réformes napoléoniennes
Avec l’avènement du régime de napoléon Bonaparte, le
consulat puis le premier empire, on s’aperçoit que la séparation entre la
justice civile et la justice pénale n’est plus aussi tranchée que dans la
période précédente. Jusqu’en 1808, les juges de paix sont investis de la simple
police, ils prennent la place des tribunaux municipaux. Le tribunal
d’arrondissement va se charger de la matière correctionnelle. Reste le tribunal
correctionnel qui lui est compétent pour les affaires les plus graves et qui
siège toujours dans le cadre du département. Les deux jurys, d’accusation et de
jugement, sont conservés, mais désormais, c’est le ministère public qui est à
l’origine des poursuites pénales.
En 1808 on a la promulgation du code de procédure criminelle
qui va entraîner pas mal de bouleversements. En 1810, on a un nouveau code pénal.
A partir de 1808, on modifie l’organisation de la procédure, les maires vont
retrouver des compétences de simple police dans les communes où il n’y a pas de
juge de paix leurs décision ainsi que celles des juges de paix sont
susceptibles d’appel devant les tribunaux d’arrondissements. Les recours
dirigés contre les tribunaux d’arrondissement vont être portés devant un autre
tribunal d’arrondissement et plus devant le tribunal criminel départemental, on revient un peu à
l’appel circulaire.
Les tribunaux
criminels sont supprimés et on institue les cours
d’assises en 1808. Elles ne siègent
pas de manière permanente et sont composées de magistrats qui sont prix dans
les cours d’appel, dans les tribunaux d’arrondissement.
Autre nouveauté : le
jury d’accusation est supprimé au profit d’une chambre des mises en accusation qui est en fait une
section de la Cour d’appel. La liste des jurés est dressée par le préfet
qui quand il dresse la liste des jurés va faire appel à des notables. La sentence rendue
par la Cour d’assises n’est pas susceptible d’appel et donc la
cassation est la seule voie de recours offerte avec éventuellement si la peine
de mort est prononcée la grâce du chef de l’Etat. Retour du droit de grâce rappelle l’ancien
régime, comme le nom de Cour.
On assiste à une reprise en main de la justice criminelle.
La période est instable, on a une criminalité importante, des oppositions
politiques, des résidus de chouannerie et des complots. Il y a notamment un
complot royaliste en 1801 qui se traduit par un attentat qui cherche à tuer
Bonaparte et qui va le pousser à mettre en place un système répressif beaucoup
plus important.
Mise en place en 1801 des tribunaux criminels
spéciaux qui sont véritablement des
juridictions d’exception statuant sans
jury, il statue en dernier ressort et sans possibilité de cassation. On a
panaché les magistrats, il y a des juges
civils accompagnés de juges militaires. Ils sont compétents pour l’activisme politique,
ils poursuivent les opposants, mais aussi pour
les affaires de faux en écriture publics notamment. Ces tribunaux rendent
assez peu de décision politiques et s’occupent
plutôt soit des affaires de faux soit des délits de contrebande et comme
d’habitude on a de très grandes
variations selon les départements.
A côté de ça, on a mis en place des conseils de guerre qu’on appelle aussi des commissions militaires pour des cas particuliers. Le duc d’anguin qui a été enlevé en
Allemagne qui serait l’héritier de la royauté (des bourbons) va être jugé par
une commission militaire et fusillé.
Ce qui caractérise cette justice d’exception c’est une procédure
expéditive sommaire avec peu de garanties de la défense.
On est en guerre depuis 1804. Des bandes criminelles se
constituent de ceux uqi ne veulent pas aller au service militaire.
Le tribunal de
cassation est réorganisé à partir de 1799 et en 1804 comme
on passe dans un régime impérial, le tribunal de cassation devient la Cour de cassation.
Il est composé par 48 membres nommés à
vie par le Sénat, sur présentation du chef de l’Etat. On l’a organisé en 3 sections :
la section des requêtes (qui filtre les pourvois), la section civile, et la section criminelle qui elles jugent. Au-delà,
ses compétences n’évoluent guère.
Elle obtient un pouvoir disciplinaire sur la magistrature et tranche les
questions de compétence entre les tribunaux judiciaires.
§2 – Les codes pénaux impériaux
Le code d’instruction criminelle de 1808 associe les
procédures monarchiques et les procédures révolutionnaires.
La part de l’Ancien
régime va se retrouver dans la phase d’instruction, dans le premier temps qui est l’instruction préparatoire. Elle est
caractérisée par le secret et par une procédure inquisitoire (ça rappelle
l’ordonnance de 1670).
La phase d’instruction
définitive et de jugement est davantage influencée par le droit révolutionnaire,
on va y retrouver un mode accusatoire et surtout la présence d’un jury de
jugement
Le nouveau code pénal en 1810 consacre définitivement la
distinction entre crimes, délits et
contraventions. Il maintient les principes
révolutionnaires de légalité des incriminations, de non rétroactivité de la loi
pénale, par contre en matière correctionnelle, le juge obtient le droit de pouvoir déterminer
la peine entre un minimum et un maximum qui
sont fixés par la loi mais qui redonnent quand même au juge une certaine
autonomie. Retour de l’arbitrium judicis ?
Ce nouveau code pénal est extrêmement sévère et certains pensent que Bonaparte voulait revenir à
l’ordonnance de 1670. On l’a surnommé le code de fer. Le
champ d’application de la peine capitale est
élargie par rapport au code de 1789. Ce qui est vrai c’est que la peine capitale peut être corrigée par le
droit de grâce qui a été rétabli en 1801 au profit du premier consul. On a quand même rétabli une mutilation, l’ablation du poing qui est une peine accessoire de la peine capitale
lorsqu’elle est prononcée contre les parricides. On a également rétabli la marque au fer rouge pour les récidivistes, ça permet de contrôler la population
pénale, c’est aussi une mesure d’ordre social. Dans le code de 1810 c’est la peine accessoire pour toutes les
peines perpétuelles ou à temps. C’est valable pour les peines
d’emprisonnement ou pour les travaux forcés. Enfin, le code rétablit comme peine
accessoire pour certains crimes et notamment les crimes politiques, la
confiscation des biens.
Ce qui traduit aussi la sévérité du code de 1810 est le fait
que la tentative
est punie par les mêmes peines que le crime consommé. Tout ça
s’explique par le fait qu’il y a à l’époque des impératifs de la conservation
sociale. Il s’agit s’assurer la stabilité sociale mais aussi de défendre les
propriétaires, le vol redevient un acte
grave comme sous l’Ancien régime.
Le code de 1810 c’est aussi un instrument politique au
service du pouvoir et de l’ordre public. Dans l’esprit des partisans du régime,
l’ordre public est identifié au respect
du pouvoir. « Chaque minute que je passe sur cette île me dépouille de
ma peau de tyran » dit Napoléon sur St Hélène.
On va incriminer les
complots contre le chef de l’Etat, le pillage des biens publics, la
désobéissance envers l’autorité publique, l’association illicite, la trahison,
l’entente avec l’ennemi, les réunions illicites pour protéger la sureté de
l’Etat.
L’Etat napoléonien a créé le livret ouvrier, c’est une sorte de
passeport, on sait quelles ont été ses embauches … C’est un document de police
qui permet à l’Etat et aux services de l’Etat de contrôler cette population ouvrière déjà
considérée comme dangereuse et instable.
Au cours de la période, il va y avoir quand même un assouplissement du
principe de légalité. Ça vient du CE créé en l’an 8 (1799) qui dès sa
mise en place a toujours critiqué l’étroitesse du système de la légalité qui ne
permet au juge de ne condamner que d’après des dispositions légales. Pour
autant, malgré les critiques qui émanent du CE, Bonaparte ne va rien toucher au
régime des incriminations qui reste strictement soumis au principe de légalité.
Pour ce qui est de la légalité des peines, c’est la part du système de légalité
qui a entraîné le plus de critiques. On voit l’assouplissement pas l’introduction du maximum et du minimum
pour fixer la peine.
On a toujours beaucoup
de mal à dégager une jurisprudence, si on ne peut pas arbitrer, on ne peut
pas créer de jurisprudence. C’est une critique qui va être répétée jusqu’à la
chute de Bonaparte, il va falloir
longtemps pour revoir les circonstances aggravantes et atténuantes.
En 1827 Locré, un membre du CE dira en parlant des
codes de 1808 et 1810 ils ont « substitué
l’arbitraire de la loi à l’arbitraire des juges ».
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