Peine de mort et justices d’exception


Peine de mort et justices d’exception


I –Le débat sur la peine de mort


Il y a à partir de 1815 au sortir de la période révolutionnaire et napoléonienne un recul progressif de la peine de mort. C’est une constatation. Certainement il faut y voir l’impact du mouvement abolitionniste. Victor Hugo écrit en 1829 Les derniers jours d’un condamné. Charles Lucas écrit en 1827 Le système de la justice pénale en général et de la peine de mort en particulier ??. Guizot condamne la peine de mort au plan politique.

En 1848, la peine de mort est abolie en matière politique. C’est un débat récurrent tout au long du siècle. Si on s’intéresse au débat parlementaire, on va s’apercevoir que dans tous les régimes, on a des propositions qui sont faites à la chambre des députés, au Sénat, visant à l’abolition de la peine de mort et certains parlementaires n’hésitent pas à reposer la question régulièrement. On profite parfois des lois de finance pour supprimer les crédits alloués au bourreau et donc il ne peut plus travailler.

Entre 1906 et 1908, on est presque prêts. Deux choses se conjuguent : une victoire des radicaux aux législatives qui dans leur programme se présentent comme abolitionnistes, et puis on a l’élection à la présidence de la république d’un radical qui s’appelle Armand Fallières. On sort de l’affaire Dreyfus et on est dans un mouvement très républicain qui mène un combat anticlérical. Le président a peu de pouvoir mais il a le droit de grâce et il est abolitionnisme convaincu, il va gracier systématiquement tous les condamnés à mort jusqu’en 1907 Albert Soleilland tue une petite fille après l’avoir violée, la met dans une malle et la dépose à la consigne dans une gare parisienne. Contre toute attente et malgré les campagnes de presse virulentes, on va assister à un échec de l’abolition au plan parlementaire, et Fallières va céder et se mettre à refuser des grâces. Les radicaux n’ont pas tenu le choc sous les assauts de l’opinion publique et Fallières a fini lui aussi par capituler.

On sait que le droit de grâce est une résurgence de l’Ancien régime, est-ce compatible avec un régime de souveraineté nationale ? Est-ce qu’un individu seul peut accorder ou refuser la grâce ? On va demander l’avis de tout le monde et on va faire une appréciation concrète des circonstances propres au condamné, le président est soumis à des avis et au-delà de ça, il est soumis aux oscillations de l’opinion publique, ce qui fait que la grâce présidentielle, c’est aussi une mesure politique.

Ce qui va faire capituler le gouvernement radical et Fallières, c’est le retour d’une criminalité sauvage, il y a les affaires des fameux apaches. Ce sont les chauffeurs du Nord et de la Drôme, on a un phénomène de criminalité en bande organisée.

II – L’ancrage d’une tradition : la justice pénale d’exception


C’est une tradition très française que de confier la justice des crimes politiques par des juridictions d’exception. Cette tradition apparaît à partir de la révolution et c’est une tradition à laquelle la plupart des régimes vont adhérer. Soit on a les tribunaux d’exception ad hoc comme les Cours prévôtales de la restauration soit on a aussi une justice d’exception créée pour juger le personnel politique, Hautes Cour de justice.

En 1815 Napoléon est vaincu, les bourbons reviennent au pouvoir. Situation de grande violence « la terreur blanche » et il est question de régler les comptes entre républicains et bonapartistes. Le gouvernement essaie de canaliser cette violence. C’est dans ce contexte qui vont apparaitre les Cours prévôtales par la loi du 20 décembre 1815. Elles seront supprimées en 1818, il y en a une dans chaque département, elles connaissent des faits de sédition politique (arborer une cocarde tricolore, chanter la marseillaise, mettre un drapeau tricolore à sa fenêtre) et de rébellion armée. On leur a aussi donné des compétences pas très politiques, par exemple les crimes commis par les vagabonds relèvent des cours prévôtales, la fausse monnaie aussi, la contrebande, les vols commis par les militaires en activité ou récemment démobilisés. En 1815, l’armée de Napoléon est en cours de démobilisation et ça ressemble à du contentieux de droit commun et il y a un conflit de compétence.

La composition de la Cour est intéressante : un président, 4 magistrats du tribunal d’instance du département et un prévôt (un militaire). En 1815, on a eu un mal fou à trouver un officier supérieur qui acceptait de jouer ce rôle. On s’est donc rabattu sur les gendarmes, la plupart du temps c’est le chef de gendarmerie. Elles statuent de manière exceptionnelle, elles ne suivent pas la procédure de droit commun, il n’y a pas d’avocats (garanties de la défense limitées) et il n’y a pas de recours possible, on peut simplement implorer la grâce royale. Ça a très mal marché et ça a laissé un très mauvais souvenir. La plupart des cours ont traité d’infractions qui n’ont rien de politique et ça a été un fiasco total. Au retour des libéraux modérés en 1817 on songe à les supprimer. En tout elles ont jugé entre 1500 et 3000 affaires.

Les commissions mixtes du second empire de 1852. Napoléon vient de faire son coup d’Etat, il y a quelques manifestations insurrectionnelles et donc le 3 février 1852 on n’est pas encore passés à l’empire mais on a une constitution nouvelle et les trois ministères créent une commission mixte, déjà il y a une entorse parce qu’une circulaire du 3 février 1852 étant une circulaire ne pouvait pas créer de juridiction. Elles ont pour but de statuer dans les plus brefs délai sur le sort de tous les individus compromis dans les mouvements insurrectionnels ». La Commission mixte qui va être départementale sert à réprimer l’opposition politique qui s’est manifestée après le coup d’Etat, on va aussi aller dans la magistrature, dans les services publics pour juger tous les opposants au régime. Outre la question de la légalité de l’institution, la nature est douteuse : tribunal ou simple commission administrative ? Les commissions mixtes elles-mêmes vont le dire, on parle d’inculper, on utilise le mot statuer et on utilise aussi le terme condamner.

Elles sont composées du préfet, du procureur de la république ou d’un substitut et d’un officier supérieur, si possible l’officier commandant les troupes dans le département. Se retrouvent le pouvoir militaire, administratif et judiciaire. Quand on mélange ces pouvoirs au sein d’une juridiction, on est dans une juridiction hybride et c’est bizarre. Dans les colonies on utilise le droit colonial qui est une synthèse entre le droit métropolitain et le droit d’Ancien Régime. Ces commissions mixtes sont surnommées le juge sans figure parce qu’on ne les voit pas, le condamné n’est pas là, et ils rendent des décisions, ils ont traité autour de 15 000 dossiers avec notamment des condamnations à la déportation. Bien entendu ce sont des juridictions d’exception qui utilisent une procédure exceptionnelle.

Deuxième tendance, la chambre haute, le tribunal politique qui réserve un traitement particulier aux hauts fonctionnaires et membres du gouvernement. Depuis la constitution du 3 septembre 1791, quasiment tous les régimes ont prévu une juridiction spéciale destinée à connaître des crimes et délits politiques. Généralement on appelle ces juridictions spéciales des hautes cours de justice. Parfois on transforme la chambre haute législative en haute Cour de justice. La chambre des pairs joue le rôle de haute Cour de justice, le Séant aussi plus tard.

Elles sont compétentes pour les infractions commises par le personnel politique et les hauts fonctionnaires, tous ceux qui cherchent à renverser le régime mis en place. Une juridiction aussi spéciale doit au début compenser l’absence de responsabilité politique de l’exécutif devant les assemblées. C’est ce qui prévaut dans les constitutions de la révolution où on n’a pas véritablement un régime parlementaire parce qu’on n’a pas de responsabilité politique des ministres. Quand il n’y a pas de collège ministériel il n’y a pas véritablement de parlementarisme. Les constitutions impériales ne connaissent pas vraiment la responsabilité, l’acte de 1815 un peu plus mais c’est très mal défini.

L’affirmation du parlementarisme entre 1814 et 1848 fait émerger le couple responsabilité dissolution, mais pour autant, l’affirmation du parlementarisme n’entame pas l’idée qu’une juridiction spéciale doit s’intéresser aux délits et aux crimes politiques. On a historiquement deux grands exemples : la chambre des pairs de la restauration et le sénat de la 3eme république.

La chambre des pairs commence très fort parce que son premier procès est celui du Maréchal Né qui a rejoint Bonaparte au lieu de servir Louis 18. On l’appelle le brave des braves, c’est le plus grand soldat de France, on va le juger pour haute trahison, et comme il est pair de France et que Louis 18 l’avait confirmé, il va être jugé par la chambre des pairs. En plus de ce procès, on aura 5 affaire qui n’ont pas de grand intérêt à part en 1820 où on va juger Louvel qui vient d’assassiner le duc de Berry, futur roi potentiel. Ils sont tous les deux condamnés à mort et exécutés. La Cour des pairs fait le travail de la Cour d’assises sauf qu’en tuant le duc de Berry, Louvel a commis un crime qui relève de l’Etat parce qu’il a tué l’héritier au trône et la compétence de la chambre des pairs est déclarée pour ce genre d’infractions. En tout 6 procès.

Sous la monarchie de juillet, il y a 17 affaires. La première c’est le procès des ministres de Charles X, le 25 juillet 1830, Charles X prend 4 ordonnances liberticides, il rétablit la censure, refait la loi électorale, dissout la chambre, interdit des journaux… Ce sont ces 4 ordonnances qui suscite la révolution des trois glorieuses qui aboutit à la mise en place de la monarchie de juillet. On veut juger les ministres qu’on estime responsables de l’insurrection parisienne de 1830, on les juge du 15 au 21 décembre 1830 et ont tous condamnés à de très fortes peines de prison, voir perpétuelles. En 1835 affaire Fiesky, il va commettre un attentat qui fait 18 morts, ça visait le roi, on estime que c’est une atteinte à la sureté de l’Etat, il est condamné à mort et exécuté. En 1840 un certain Darmès qui lui veut tuer le roi, il tire sur le roi avec une carabine qui explose, le roi n’a rien mais c’ets l’intention qui compte. Finalement sur les 17 affaires, il n’y en a qu’une qui correspond à ce qu’on attend de ce type de juridictions.

Le Sénat de la 3eme république, c’est l’article 9 de la loi du 24 février 1875 qui dit que « le Sénat peut être constitué en Cour de justice pour juger soit le président de la république soit les ministres et pour connaître des attentats commis par la sureté de l’Etat ». On avait une haute Cour de justice sous le second empire, mais elle a laissé un si mauvais souvenir qu’on préfère laisser à nouveau au pouvoir législatif la compétence. La loi du 5 juillet 1875 précise que la mise en accusation du président et des ministres relève de la compétence de la chambre des députés. Qu’il s’agisse de protéger la république ou de juger le personnel politique, la Cour se réunira 10 fois, en 1889 le procès du général Boulanger, 1899 Desroulèdes (affaire Dreyfus, Dreyfus a été jugé par un conseil de guerre) est jugé, en 1918 Martin Malvi est un ministre à qui on reproche des propensions défaitistes et un pacifisme qui n’est pas de mise pendant la guerre, 1919 Joseph Caillot, sa femme a tué le directeur du journal le Figaro et ça a ruiné sa carrière politique, il est jugé pour malversation financière.

On prend beaucoup de précaution pour soustraire certaines infractions à la justice de droit commun et ce n’est pas sûr que ce soit justifié par rapport aux principes républicains.

La bête du Gévaudan est un fait divers qui dure pendant 3 ans en Lozère, on a des attaques visiblement perpétrées par de animaux et des victimes qui sont plutôt des enfants et des femmes, les hommes ont été attaqués mais jamais tués. Il y a quand même presque 130 morts. De fait divers ça passe à la plus grosse affaire criminelle de France. Très vite on va passer d’une affaire locale à nationale puis internationale. La presse dont une caisse de résonnance formidable, la France est en conflit avec certains pays d’Europe qui se moquent de Louis 15 qui n’arrive pas à faire tuer cette bête. Alors qu’on a cette sauvagerie, les autorités restent persuadées qu’il s’agit de loups, on tue des loups mais on ne tue pas la bête. On va envoyer le porte arquebuse du roi qui finit par tuer un gros loup assez loin de la zone, on dit que l’affaire est terminée. On finit par dire que la bête c’est un gros loup. Mais on a des témoins qui ont vu des attaques et au vu de tout ça il s’avère que c’est impossible d’imputer ça au loup. Très vite, les signes de l’intervention humaine sont envisagés. C’est une affaire criminelle et pas un fait divers. Bien entendu la terre du Gévaudan est une terre très catholique et très superstitieuse, on croit au loup garou, aux sorcières … On est au 18eme siècle, on a la philosophie des lumières qui restaure l’idée que l’être humain est bon et perfectible, on relègue dans les ténèbres tous les animaux sauvages qu’on associe à la sauvagerie. Voilà pourquoi il n’y a pas véritablement d’enquête judiciaire, aucun apothicaire n’a vérifié si les enfants n’avaient pas subi des violences sexuelles. Tous ces indices et témoignages ne sont pas pris au sérieux, c’est le signe d’un poids des idées sur l’opinion publique, ça ne peut pas être un homme. On s’est rendu compte après que des affaires ressemblent étrangement au siècle précédent et où il y avait de véritables enquêtes des magistrats. Ils tombent sur des serial killers.

Plusieurs questions de cours (3 ou 4), pas de réflexion à mener ou d’organisation de la reddition des connaissances, pas de plan, d’introduction, restituer les connaissances. Question précises sur un passage précis du cours.

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