Le droit pénal de l’époque contemporaine
Quelles sont les justifications du droit de punir ?
Section 1 : Les débats doctrinaux autour de la fonction de punir
Il y a au moins 4 écoles.
I - Utilitarisme et conception théologie de la peine
Jeremy Bentham né
en 1748 mort en 1832, juriste
britannique, père de la doctrine utilitariste qui voit donc le jour à la
fin du 18eme siècle.
Il part de ce principe : les individus ne conçoivent leurs intérêts que
sous le rapport du plaisir et de la peine. Bentham est sans doute
influencé par la philosophie sensualiste de Condillac (citer
à l’exam le prof kiffe). Il cherche à maximiser leur plaisir exprimé par le
surplus de plaisir sur la peine. Chaque
individu a un calcul hédoniste qui vise à maximiser son plaisir. Chaque
acte possède des effets négatifs et des effets positifs et l’intérêt de
l’individu est de réaliser des actions qui lui apportent le plus de plaisir.
Dès 1881 cette
doctrine prend le nom d’utilitarisme.
La peine c’est un moyen négatif, comme l’écrit
Bentham, c’est un moyen vil, qui
répugne à la générosité humaine. Mais la peine peut être élevée au premier rang des bienfaits
quand on la considère non pas comme un acte de vengeance mais comme un sacrifice
indispensable au salut commun et là, la peine devient utile puisqu’elle
permet le salut.
L’utilitarisme va être critiqué par
Emmanuel Kant pour qui le droit de punir n’a d’autre fondement que
la loi rationnelle qui oblige pour chaque infraction à établir une peine. La peine selon Kant
se justifie par sa seule valeur rétributive et non pas des considérations
sociales voir d’amendement individuel. Il
ne s’agit pas de réintégrer le criminel, mais de réparer, de rétribuer. La seule raison et la seule mesure de la
peine pour Kant c’est l’infraction.
L’autre critique de
l’utilitarisme est faite par l’école des providentialistes contre-révolutionnaires qui est illustrée par Joseph de Maistre
et Louis de Bonald qui sont des nostalgiques de l’Ancien Régime favorables
à un pouvoir monarchique inspiré par Dieu. Ils vont replacer la justice
pénale dans une perspective théologique. Le juge est un instrument de la
providence divine et la loi pénale est au service de la loi de Dieu.
Ce sont un peu les idéologues du mouvement Ultra qui s’illustre à partir de la restauration et qui est
réactionnaire. Au début du règne de Charles X, chef des ultras, les conceptions
théologiques de Maistre et Bonald vont inspirer la loi du 20 avril 1825 qui restaure l’incrimination du sacrilège. C’est une vision un
peu restrictive de ce crime, mais on prévoit quand même une condamnation à mort
si les faits ont lieu en public. C’est une loi excessive et anachronique et
surtout on revient sur la laïcisation du droit pénal. C’est une loi qui ne sera
jamais appliquée mais qui a provoqué des tôlées.
Kant et Maistre et Bonald sont opposés politiquement mais
ils peuvent être rapprochés et vont développer l’école de la justice dite absolue.
Pour ces auteurs, le droit de punir repose sur les exigences de la justice d’où
le nom école de la justice absolue. Lorsqu’une
infraction a été commise, la justice a été bafouée et la peine qui sanctionne
l’auteur de l’infraction doit assurer l’expiation du crime. Visiblement,
Kant et Maistre sont sur la même longueur d’onde sur ce point. Là où les
analyses diffèrent c’est au sujet de la définition même de la justice.
Pour Emmanuel Kant,
la justice doit être confondue avec l’ordre moral qu’il faut faire
respecter. C’est au pouvoir politique qu’il incombe de faire respecter cet
ordre moral. Pour Joseph de Maistre et
Bonald, le pouvoir politique n’est que le représentant temporel de la
providence divine, on retrouve un peu certaines conceptions de l’Ancien
régime : l’infraction est un péché et la peine une pénitence.
Ils se rejoignent encore pour dire que la répression doit
être assurée indépendamment du problème de savoir si elle est utile ou non à la
société. Kant va aller plus loin, il va dire que la répression doit être assurée intégralement
quand bien même son inutilité certaine.
II – L’école éclectique ou néoclassique
L’éclectisme c’est
une théorie générale qui dépasse la question pénale. C’est d’abord un
mouvement littéraire et de pensée qui disserte sur le beau le vrai, le juste,
l’injuste … Il y a aussi une version pénale. Cette école se situe sur l’échelle
des théories de la justice pénale entre Beccaria et l’école de la justice absolue.
Les principaux représentants sont :
-
Guizot qui
a incarné la monarchie de juillet et
suscité la révolution de 1848, il a écrit en 1822 un traité sur la peine de
mort en matière politique. Il s’est trompé politiquement mais pas sur la peine
de mort, et il est plutôt abolitionniste.
-
Pelegrino Rossi qui écrit en 1829
un traité de droit pénal. C’est un des précurseurs du droit
constitutionnel.
-
Hortolon est
un toulonnais qui a beaucoup écrit en droit pénal mais pas seulement.
Cette école essaie de réaliser la synthèse entre les idées
pénales de l’Ancien droit et les idées pénales de la révolution, elle veut
promouvoir l’idée d’une continuité. « Punir ni plus qu’il n’est juste, ni plus qu’il n’est
utile », c’est une combinaison de l’utilité sociale et de la
justice morale. Pour parvenir à une
justice juste, il est nécessaire de l’individualiser selon ce mouvement. Tous
les hommes sont libres mais par contre tous ceux qui commettent le même délit
ne sont pas identiques. Cette école néoclassique estime qu’il faut
apprécier tout ce qui permet d’individualiser les hommes, il faut s’intéresser à leur passé, aux circonstance de l’infraction, à
leur personnalité, à leur sexe. C’est aussi une manière de dire que la
responsabilité pénale doit s’apprécier de manière concrète, ça suppose un pouvoir
d’adaptation de la peine reconnue au juge. C’est aussi une école qui
dénonce la rigidité ou l’étroitesse du système des peines.
Outre le fait qu’elle doit être individuelle, la peine pour
être juste ne doit pas être trop lourde, on voit revenir le principe de la modération des peines.
La peine doit aussi être utile, il faut adapter son aspect rétributif, c’est le
retour des penseurs de droit canonique. C’est un mouvement qui va aussi
accompagner le raisonnement sur l’enfermement.
L’idée est aussi que le
pouvoir de créer de incriminations reconnu à l’Etat doit être limité. Rossi illustre cette tendance dans son traité de droit
pénal et il va raisonner sur trois choses : le meurtre, l’usure et le duel. Le
meurtre doit être incriminé car sa répression est utile à la société et
moralement juste, en revanche la répression de l’usure, sur elle peut être
utile n’est pas juste, le duel s’il paraît juste de la sanctionner, il est
totalement inutile de le faire, il n’est que peu dangereux pour la société.
Cette école néoclassique est défendue par des gens qui sont
au pouvoir, elle a donc exercé une influence sur le droit positif. Le code
pénal de 1810 envisage le délinquant comme un être purement abstrait, après
1810 on essaie de la réforme : grande loi de 1832 qui est une refonte du code pénal.
Le mouvement législatif qui suit cherche un adoucissement de la répression et
un objectif d’individualisation de la sanction.
La loi du 28 avril 1832 supprime la marque au fer rouge,
l’ablation du poing, la peine du carcan, elle va correctionnaliser certains
crimes. Elle met en place le système des circonstances
atténuantes dans toutes les catégories d’infraction. Adoucissement.
Cette école a des influences
sur la seconde république abolit la peine de mort en matière politique,
aussi sur la grande
réforme de 1863 allant vers un
adoucissement de la répression aussi.
III - Ecole positiviste
C’est une théorie illustrée par Lombroso, Ferri et Garofalo.
Lombroso né en 1836
est professeur de médecine légale à l’université de Turin i lécrit l’Homme criminel en 1876.
Ferri né en 1856
était professeur de droit et avocat à Rome et en 1892 il écrit La Sociologie
criminelle.
Garofalo né en 1852
est magistrat et écrit Criminologie en
1885.
Ce sont tous les trois des disciples d’Auguste Compte créateur du positivisme,
initiateur de la sociologie. C’est devenu la philosophie officielle du second
empire avant que le néokantisme le remplace. La devise du Brésil
« Ordre et progrès » vient d’Auguste compte.
Ça a produit une littérature alourdie par une certaine
religiosité qui a peu à peu disparue pour que les républicains puissent s’en
inspirer.
Ils cherchent à
montrer l’inefficacité de l’école néoclassique en montrait notamment que la
criminalité a presque triplé en France entre 1826 et 1900. Ils critiquent aussi le postulat du libre
arbitre et de la proportionnalité des peines. Ils cherchent à mettre en
place une compréhension nouvelle du phénomène criminel et ensuite à élaborer de
nouveau moyens de lutte contre la criminalité.
Les positivistes vont
expliquer la criminalité et ses mécanismes par deux concepts.
Le premier, c’est le déterminisme.
Montesquieu parlait du déterminisme, il disait que quand il fait chaud c’est le
despotisme, quand il fait froid c’est la démocratie. C’est le résultat
inexorable de causes qui peuvent être exogènes ou endogènes, c’est la négation de la
théorie du libre arbitre.
Lombroso va expliquer
que le crime a une explication anthropologique, la résurgence des instincts
primitifs de l’homme
Pour Ferri
l’explication est sociologique, c’est le résultat du milieu.
Le deuxième c’est l’irresponsabilité
morale du délinquant. Selon eux ça ne sert à rien de raisonner en
matière de culpabilité, de libre arbitre, selon
eux il est déterminé par sa morphologie et son milieu. Lombroso mesure les
crânes pour expliquer la criminalité.
C’est l’Etat qui intervient contre le crime, mais
l’intervention de l’Etat repose sur la notion d’état dangereux du délinquant. Pour
Lombroso, la délinquance c’est un microbe social, une maladie.
Pour reconnaître les symptômes de la maladie, Ferri va
diviser les criminels en 5 catégories, les 3
premiers groupes sont composés de délinquants à éliminer :
-
Les criminels nés : ils portent les
stigmates anatomiques, physiologiques et psychologiques qui permettent de les
distinguer.
-
Les criminels aliénés : on les
reconnaît physiquement et parce qu’ils sont fous
-
Les criminels d’habitude :
récidivistes incorrigibles contre lesquels il n’y a plus rien à faire.
Les deux derniers groupes doivent être traités :
-
Les criminels occasionnels
-
Les criminels passionnels
Ça n’explique pas qu’un criminel né parfois puisse de
manière accidentelle tuer quelqu’un et même pour des motifs compréhensibles. Un
serial killer peut tuer sa femme parce qu’elle l’a trompé, ça ne relève pas de
la perversité, mais de l’occasion et de la passion.
Ils ont élaboré une politique criminelle privilégiant la
défense de la société et pour se faire il faut un système propre à éradiquer le
danger criminel en utilisant les mesures préventives que Ferri appelle les substituts pénaux.
C’est l’intervention avant toute
infraction.
L’exemple célèbre donné par Ferri est celui d’une rue obscure où se commettent des
infractions : il faut instaurer un éclairage violent. Les
néoclassiques auraient mis en place des rondes de police. Les positivistes sont
prédisposés à ce qui est scientifique et technique.
Ils vont préconiser la réglementation de la consommation
d’alcool, la destruction de taudis, la construction d’écoles, la recherche
scientifique.
Outre cette politique préventive, ils ont imaginé
d’appliquer aux criminels plusieurs types de mesures de sureté ou de défense. Par
exemple, Garofalo préconise pour les
meurtriers qui agissent par cupidité la peine de mort ou l’enfermement dans un
asile d’aliénés. Pour les meurtriers qui agissent par vengeance, il
préconise la relégation dans une île. Pour ceux qui tuent par légitime défense,
il préconise l’éloignement de là où vivent les parents de la victime. Pour les
voleurs occasionnels, il préconise qu’on leur interdise d’exercer une
profession jusqu’à ce qu’ils aient complètement réparé leur préjudice.
Le côté péremptoire de cette doctrine a suscité les
critiques. Pour l’opinion publique, cette école fait du délinquant une sorte de
mécanique déterminée. Ça apparaît comme une atteinte à l’âme humaine. L’aspect
scientifique des positivistes refoule les préceptes moraux ou religieux. On a
aussi reproché les conséquences qu’ils
ont tiré de leur état dangereux.
Le positivisme a permis de nombreux progrès, tout n’est pas à
jeter, mais il faut trier.
Ils sont aussi à l’origine d’une science nouvelle : la
criminologie. Il n’en reste pas moins que Lombroso, Ferri et Garofalo ont
inspiré de nombreux pénalistes.
IV - Les écoles de la défense sociale
Le courant de la défense sociale connaît plusieurs expressions.
Ce sont des écoles qui rejettent le postulat déterministe, qui reprennent quand
même l’idée d’état dangereux de l’individu et qui se montrent partisanes de
sanctions à durées indéterminées. On est dans la promotion d’une certaine
sévérité.
Gramatica est le
principal penseur. Il est avocat à Gênes et publie Principes de défense
sociale. Il rejette
les concepts d’infraction et de délinquant. Selon lui, l’infraction se fonde sur l’appréciation
objective d’un dommage, or seul importe le sujet. Le sujet doit être considéré
comme un homme qu’il fut resocialiser et pas comme un délinquant. C’est
pour lui le seul mobile de l’intervention étatique. Il faut mettre en œuvre de
motifs de défense sociale pouvant intervenir avant comme après le délit. Ces mesures de défense
sociale qui doivent être l’unique
type de réaction de l’Etat doivent s’exécuter partout sauf en prison, ce qui
revient à dire que Gramatica est favorable à la disparition des peines.
C’est révolutionnaire puisque ça remet tout en cause.
Il propose une action politique tournée vers une hygiène sociale
absolue. Ses idées ont suscité des réserves très importantes, son concept d’antisocialité est très
flou alors que l’infraction c’est très concret. La peine permet de se garder de
l’arbitraire … C’est pour ça que ses
adeptes français tout en reprenant certaines idées, ont construit une doctrine
très différente.
Marc Ancel né en 1902 est un magistrat président à
un moment donné d’une chambre à la Cour de cassation et il va publier La défense sociale.
L’idée de Marc Ancel et son école est que ce qui importe est la défense de
l’individu, encore plus que la défense de la société. On va considérer le criminel comme un individu en cours de
resocialisation. Aussi il faut écarter tout préjugé, donc pas de déterminisme,
même le libre arbitre n’est pas considéré, l’idée est que la justice pénale est
une justice humaine dont l’action va impliquer la mise en œuvre de toutes les
ressources qu’offrent les sciences de l’homme. Cette version française de la
défense sociale on l’appelle la défense sociale nouvelle. Elle intègre l’idée
qu’il faut étudier
la personnalité de chaque délinquant. C’est une doctrine qui est
tout à fait antagoniste avec le positivisme. La peine est envisagée comme une
sorte de traitement thérapeutique qui va permettre au condamner de retrouver
les valeurs morales qu’il a perdu.
Il faut s’intéresser à l’homme concret et oublier toute considération
de rétribution, d’expiation voire même de vengeance. C’est cette
doctrine qui va entraîner le développement des expertises médicales. Le
magistrat ne peut pas agir seul, il faut des experts, des médecins, des psychologues, des psychiatres …
Ce qu’on a reproché à cette doctrine c’est peut-être de refouler l’idée de responsabilité morale,
on a l’impression que les tenants de la défense sociale nouvelle ont oublié la
notion de faute et ils se refusent à porter un jugement de valeur sur la
conduite du délinquant. C’est cette école qui donne les tendances à la déjudiciarisation.
Cette déjudiciarisation du droit pénal est un peu à la mode dans certaines
doctrines actuelles.
Section 2 : L’évolution du droit pénal au 19eme siècle
I – Le mouvement pénitentiaire
C’est une des grandes questions du 19eme siècle : la
prison. Avant la révolution et la refonte
du droit pénal, la peine d’enfermement n’existe pas. Ça va produire des
débats intéressants et quelque part, ceux qui s’intéressent à la prison sont
animés par une pulsion charitable. En France, les premiers à s’intéresser à la question de la prison et aux
conditions d’enfermement appartiennent au mouvement du
catholicisme social. C’est l’idée d’une peine pénitence, une peine
médicinale qui vise à soigner l’âme, c’est les gens de l’église qui
s’intéressaient à ça. Au 19eme l’idée
est que l’enfermement du condamné doit déboucher sur son amendement, la prison
doit être réparatrice. Comment arriver à ce but alors que les bagnes à
l’époque de Napoléon qui mélangent toutes les catégories de condamnés ne sont
que des foyers de corruption et de propagation de la criminalité.
En 1819 on va créer la
société royale
des prisons, créée par Delessert
un banquier et par un aristocrate qui est le duc de la Rochefoucauld-Liancourt. Ce dernier a découvert aux USA le système
de l’enfermement individuel cellulaire et souhaite faire adopter ce système en
France pour mettre un terme au bagne corrupteur. C’est 20 ans avant le voyage de Tocqueville qui part pour les mêmes
raisons. Cette société royale des prisons s’intéresse à tout le système
carcéral français et il y a quand même des avancées qui lui sont dues. On lui
doit par exemple la généralisation des
commissions de surveillance dans les maisons d’arrêt. On lui doit aussi une
quantité de rapports et de projets qui permettent à l’historien du droit pénal
de savoir ce qui se passe dans les prisons à partir de 1820.
A partir de 1830, on est dans la période de la philanthropie
pénitentiaire. C’est à cette époque que Tocqueville et Beaumont. C’est à
cette période qu’ils font leur tournée aux USA plus précisément en Pennsylvanie
pour étudier le système pénitentiaire
qui préconise l’enfermement cellulaire. Pour Tocqueville c’est plutôt ses
écrit politiques qui vont faire sa gloire.
On a une véritable volonté à partir de ce moment de mettre
en place une hygiène
pénitentiaire, l’hygiénisme pénal. On est à cette époque à peu
près au début de la révolution
industrielle et on a l’apparition d’une classe ouvrière qui vit dans des
conditions déplorables.
L’idée aussi est que la
société civile doit contrôler les prisons. Dans ces ouvrages qui mettent en
scène les conditions de vie dans les prisons, on voit que le condamné prend la figure d’une victime de la
société, de la prison elle-même, soumis à des souffrances de toutes
natures, notamment celles qui sont le fait de la brutalité des gardiens.
Une partie de la littérature spécialisée commence à
véhiculer ce genre d’idées qu’on retrouve de nos jours, l’un des grands moments
du système pénitentiaire, c’est le second empire. C’est une période où au plan
pénal on a des réalisations et des expérimentations. Ca tient peut-être à la
nature autoritaire du régime ou peut-être pas. Au niveau des réalisations, le second empire
est le grand moment de la réorganisation du système pénitentiaire. On fait de l’administration pénitentiaire
une direction ministérielle appart entière ce qui montre que le problème
devient préoccupant.
On découpe la France pénitentiaire en circonscriptions, on place des directeurs à la tête de chacune, on
installe une prison centrale et on commence à mettre en place une organisation de la fonction publique
pénitentiaire, une pyramide.
C’est aussi le moment des expérimentations : l’aventure des
prisons ouvertes corses. On a ouvert trois pénitenciers agricoles
donc celui de Casabianda dans lesquels on a installé des détenus qui répondaient à deux critères : qui avait commis une
infraction à caractère sexuelle et qui étaient d’origine rurale. L’expérience a été concluante, c’est un
système assez satisfaisant qui a permis d’amender certains criminels, ce qui
est allé à l’encontre de cette expérimentation est une épidémie de malaria qui
a tué les détenus.
On a aussi tenté toujours en Corse de mettre en place des centres pour jeunes
détenus. On commence à s’intéresser à la criminalité des jeunes et notamment des mineurs. On a eu des mutineries d’une ampleur telle qu’on a dû
fermer tous les centres. C’est aussi le second empire qui expérimente les chantiers extérieurs.
On expérimente aussi une idée qui vient d’Irlande (sous
domination Anglaise à l’époque) : dans les prisons centrales à côté des
quartiers dits de régime normal, on œuvre des quartiers d’isolement qu’on appelle
aussi d’amélioration ou d’amendement.
En 1872, on a une
commission parlementaire qui se met en
place dans le but de mettre en place la prison cellulaire. Ça abouti au
vote de la loi
du 5 juin 1875 qui établit la prison
cellulaire mais dans les seules maisons d’arrêt. Les prisons sont
sous la responsabilité des conseils généraux et il faut attendre une loi de 1893 pour que l’ensemble des départements
adoptent ce système. L’idée est de mettre en place des cellules vastes,
éclairées, chauffées … Ca entraîne la construction des prisons qui sont encore
en fonction de nos jours. Depuis on a un peu oublié que l’amélioration doit
être constante.
II – L’individualisation de la peine
C’est aussi une des questions qui se posent au cours du
19eme. Le code pénal n’a réintroduit l’arbitraire des juges qu’a minima et
uniquement dans le domaine correctionnel. On a une loi du 25 juin 1824 qui cherche à desserrer cette étroitesse. Ça permet
aux juges d’assises de reconnaître des circonstances atténuantes à
certains criminels. Les jurys ne sont pas concernés par la réforme, seuls les
magistrats peuvent en reconnaître et donc on continue de pratiquer des
acquittements abusifs parce que le jury pèse.
La loi du 28 avril 1832 va
plus loin, elle va étendre le jeu des
circonstances atténuantes à l’ensemble des infractions, c’est au jury de
déclarer s’il y en a ou pas, et ça permet à la justice pénale de retrouver
un peu la dimension
circonstancielle qui est la sienne
avant 1789. Ça refoule cette pratique des acquittements scandaleux. On peut
dire que cette loi du 28 avril 1832 réalise en France deux réformes assez
significatives sur le régime des peines, d’un côté, elle va supprimer les
supplices comme la peine du carcan, la marque au fer rouge,
l’ablation du poing … D’un autre côté, elle tempère la rigueur des peines en généralisant à l’ensemble des infractions le
système des circonstances atténuantes. Désormais, on avance vers
l’individualisation de la peine.
Il suffit de lire les travaux préparatoires des
parlementaires qui indiquent clairement l’orientation qu’on veut donner à cette
réforme. Le principe utilitaire reste la
source des incriminations, par contre, on
va le compléter par un principe moral qui se manifeste par l’atténuation
des pénalités. La
réforme de 1832 permet aussi une justice plus efficiente et plus efficace. On
frappe moins fort mais on punit mieux et plus surement.
III – Adoucissement des peines et dépénalisation
Depuis 1815, la
tendance est incontestablement à l’adoucissement au moins relatif de la
répression. La législation le montre, la doctrine et la jurisprudence
aussi. L’élément le plus significatif est le recul régulier de l’application de
la peine de mort. La loi de 1832 révise
dans le sens de l’atténuation tout l’arsenal des peines. C’est la volonté
de Louis
Philippe qui considère que le code de 1810 n’était plus en harmonie avec
l’esprit de l’époque et donc la
France se devait d’être à la tête des nations civilisées en donnant l’exemple
de l’humanisation des peines.
Ce qui interroge c’est qu’il n’y ait pas d’abolition de la peine de mort.
Il y a un courant abolitionniste à
l’époque, on a notamment un personnage qui s’appelle Charles Lucas, criminaliste réputé de l’époque et inspecteur général des prisons entre
1830 et 1855. On a quand même réduit son champ d’application, on a supprimé la possibilité de la peine
capitale pour 9 incriminations parmi lesquelles la fabrication de fausse
monnaie, la contrefaçon du sceau de l’Etat, le complot contre le roi non-suivi
d’attentat. La peine de mort n’est censée être conservés que pour des crimes tellement atroces que leur énormité
semble en justifier l’application.
Le second empire
revient un peu vers la sévérité : la loi du 13 mai 1863 est une autres
des grandes réformes, elle va correctionnaliser certains crimes. L’allègement
n’est qu’apparent, en fait, la correctionnalisation s’explique par le souci
qu’ont les pouvoirs publics de réagir contre l’indulgence excessive des jurys et donc l’idée qui domine est que mieux vaut un
jugement qui prononce le maximum de la peine correctionnel par un tribunal
correctionnel qu’un arrêt de la Cour d’assise complètement édulcoré par l’admission de toutes sortes de circonstances
atténuantes. C’est plutôt dans le sens d’une répression accrue.
En 1864 la mort civile est abolie et il fait voter la loi
du 25 mai 1864 qui supprime
le délit de coalition. Ça concerne les ouvriers qui désormais ont le
droit de se coaliser, ce n’est pas l’autorisation du syndicalisme, qui apparaît
en 1884. C’est quand même un régime qui va en sens contraire du temps.
IV – La question de la récidive
Là aussi ce n’est pas très nouveau, la question se pose
depuis l’Ancien Régime. On a notamment beaucoup lorgné du côté de la Grande Bretagne depuis la fin du 18eme siècle, les britanniques ont
trouvé la manière de résoudre la question de la récidive, ils expédient les condamnés dans leurs possessions coloniales les plus
lointaines notamment l’Australie.
Depuis 1563 et le
traité de Paris, on a perdu le Canada, il reste quand même les îles à
sucre, la réunion (qui ne s’appelait pas comme ça)... Le code pénal de 1791 prescrit d’envoyer les
récidivistes dans des territoires à coloniser. Il va falloir
attendre car on a du mal à mettre en œuvre la colonisation. Il faudra attendre
le second empire et la fermeture des
bagnes métropolitains en 1854 pour envisager la déportation dans des bagnes outremer en Guyane
et en Nouvelle Calédonie.
L’idée qu’on va mettre en avant c’est d’améliorer l’homme
par la terre et la terre par l’homme. La loi de 1854 qui détermine cela ne
concerne pas au premier chef le problème de la récidive, c’est une manière d’écarter du territoire métropolitain les plus
dangereux. Il y a une influence des positivistes là-dessus. Même s’ils ne sont
pas récidivistes, ça permet de faire baisser le taux de récidive.
La loi de 1885 est,
elle, dirigée explicitement contre la récidive. L’idée est d’adapter la
sanction non-pas à la gravité du crime mais à la personnalité du criminel et
donc la loi de 1885 rend la relégation
outremer automatique après un certain nombre de délits ou de crimes, donc de
récidive, bien entendu en fonction de la gravité des infractions qui ont
été répétées, réitérées.
René Beranger critique
cette loi, pour lui, elle ne prévient rien du tout, pour lui il faut prendre le
problème en amont, il est le père de la loi du 26 mars 1891 qui
introduit le système du sursis. Il va distinguer selon les délinquants
primaires et les délinquants d’habitude. Pour les délinquants primaires, selon
la gravité de l’infraction, il faut instituer un sursis à l’exécution de la
peine et il faut en de récidive automatiquement révoquer ce sursis. Ça donne la
loi du 26 mars 1991, mais c’est une loi qui a l’effet inverse, qui aggrave le
régime de la récidive, en donnant une chance pour une première infraction, la
récidive est plus lourdement condamnée. C’est une loi qui a été un succès. On a à peine 5 % des sursis
prononcés qui ont été révoqués pour récidive.
V – Le jury criminel
C’est une conquête de la révolution, une adaptation du système de
common law, et c’est donc le système qui s’applique à partir de la
révolution française et de la refonte du droit pénal. C’est un système
critiqué : les jurés
sont pris parmi les notables et on pense qu’ils vont rendre une justice de
classe, politique et partiale. C’est une critique des milieux socialistes
voire républicains. A l’inverse, les
magistrats eux-mêmes critiquent l’incapacité des jurys à rendre une justice
régulière et prévisible. En regardant les archives on se rend compte que ce
n’est pas conforme à la vérité.
A partir de 1832, on va se rendre compte que les jurys, qui ne
sont pourtant pas révolutionnaires, n’hésitent pas à utiliser fréquemment les
circonstances atténuantes pour éviter
de prononcer la peine de mort ou des peines de perpétuité. On s’aperçoit que
jusque dans les années 1870, la peine de mort et la perpétuité sont en recul.
On s’aperçoit que les jurys mettent pleinement à profit leur pouvoir
d’arbitrage et qu’ils cherchent à
dépasser l’application mécanique du code de 1810 pour tenter d’individualiser
les sanctions. Ils réservent des peines d’élimination (peine de mort,
prison à perpétuité, prison à temps …) aux délinquants véritablement
irrécupérables.
Il y a une stricte séparation entre les jurys et la Cour. Pourtant le président de la Cour d’assises
n’hésite pas à entrer dans la chambre des délibérations pour informer les jurés
des peines encourues, ce qui montre que ces notables peuvent entendre
certains arguments. Cette pratique est
officiellement légalisée en 1908, tout au long du 19eme on a des magistrats
pro qui arrivent à alerter les jurés qu’en face il y a un individu pas
forcément de leur classe sociale entre leurs mains.
Autre fiction démentie par les archives : l’instabilité des
décisions. A l’époque ce sont toujours
les mêmes qui sont jurés et donc se constitue une véritable mémoire judiciaire,
on a l’impression que ce sont des formations permanentes et donc on assiste à
des redditions de décisions régulières au point qu’on a pu parler des jurisprudence des Cours d’assises, il n’y a pas
d’instabilité.
C’est une grande prudence qui les anime, ils ont peur des
conséquences et sont donc très prudents sur le système des preuves, on est
sous l’empire de l’intime conviction et l’intime conviction c’est un peu comme
la croyance, il faut s’en méfier, et ces jurys sont très frileux avec l’intime conviction. Pour prononcer la peine de
mort, ils ont besoin de certitude et lorsqu’ils prononcent la peine capitale,
c’est que la culpabilité du prévenu leur paraît objectivement hors de doute. Ça
donne des Cours d’assises moins répressives. Entre 1826 et 1830, les Cours
d’assises jugeait à peu près 5300 affaires par an. Entre 1906 et 1910, plus que
2300, ça ne change rien, on a toujours une tendance à l’adoucissement des peines
et le jury criminel n’y est pas pour rien.
VI – La justice pénale des mineurs
Il a fallu attendre la fin du 18eme siècle pour voir
apparaître l’idée
d’excuse de minorité, c’est une idée reprise par le code pénal de 1791 et on retrouve cette idée dans le
code de 1810. Les deux codes vont fixer à 16 ans l’âge
de la majorité pénale. Les mineurs constituent une catégorie pénale
à part, on aurait peut-être pu aussi l’évoquer pour les femmes.
La prise en compte de l’âge revient à mettre en avant la
question du discernement. Si on ne traite pas un mineur de la même manière
qu’un adulte c’est parce qu’on estime qu’il manque de discernement et donc que
l’on peut limiter ou mettre en avant des raisons qui limitent sa
responsabilité. On avance l’idée que le mineur doit être condamné à une peine réduite,
qu’il ne peut pas exécuter une peine dans une maison centrale ou une maison
d’arrêt mais dans une maison de correction. S’il a agi avec discernement, on va
le traiter de cette manière par contre s’il
s’avère qu’il a agi sans discernement et qu’il est comparable à un aliéné, ce
n’est plus une peine qui va lui être infligée mais une mesure de police propre
à rectifier son éducation.
Il n’existe pas d’établissements appropriés et donc les mineurs qui
sont coupables de faits délictueux vont dans des prisons d’adultes.
C’est l‘initiative privée qui va
développer les sanatoriums, maisons de correction et d’enfermement pour les
mineurs. On assiste à la mise en place d’institutions spécialisées. On a
toute une sorte de philosophie à la fois paternaliste, philanthrope,
religieuse. On estime que ces établissements devraient permettre un retour à la
vie rurale. On a aussi des propositions d’établissements avec une discipline
militaire.
Toutes ces réalisations trouvent leur couronnement dans la loi de 1850 sur
l’éducation et le patronage des jeunes détenus. Elle prévoit la mise en place dans les prisons de cartiers
distincts pour les mineurs mais aussi la création d’établissements spéciaux
sous la forme de colonies agricoles où les détenus mineurs vont recevoir
une éducation professionnelle, morale et religieuse.
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