Le droit pénal de l’époque contemporaine

Le droit pénal de l’époque contemporaine


Quelles sont les justifications du droit de punir ?

Section 1 : Les débats doctrinaux autour de la fonction de punir


Il y a au moins 4 écoles.

I - Utilitarisme et conception théologie de la peine


Jeremy Bentham né en 1748 mort en 1832, juriste britannique, père de la doctrine utilitariste qui voit donc le jour à la fin du 18eme siècle.

Il part de ce principe : les individus ne conçoivent leurs intérêts que sous le rapport du plaisir et de la peine. Bentham est sans doute influencé par la philosophie sensualiste de Condillac (citer à l’exam le prof kiffe). Il cherche à maximiser leur plaisir exprimé par le surplus de plaisir sur la peine. Chaque individu a un calcul hédoniste qui vise à maximiser son plaisir. Chaque acte possède des effets négatifs et des effets positifs et l’intérêt de l’individu est de réaliser des actions qui lui apportent le plus de plaisir.
Dès 1881 cette doctrine prend le nom d’utilitarisme.

La peine c’est un moyen négatif, comme l’écrit Bentham, c’est un moyen vil, qui répugne à la générosité humaine. Mais la peine peut être élevée au premier rang des bienfaits quand on la considère non pas comme un acte de vengeance mais comme un sacrifice indispensable au salut commun et là, la peine devient utile puisqu’elle permet le salut.

L’utilitarisme va être critiqué par Emmanuel Kant pour qui le droit de punir n’a d’autre fondement que la loi rationnelle qui oblige pour chaque infraction à établir une peine. La peine selon Kant se justifie par sa seule valeur rétributive et non pas des considérations sociales voir d’amendement individuel. Il ne s’agit pas de réintégrer le criminel, mais de réparer, de rétribuer. La seule raison et la seule mesure de la peine pour Kant c’est l’infraction.

L’autre critique de l’utilitarisme est faite par l’école des providentialistes contre-révolutionnaires qui est illustrée par Joseph de Maistre et Louis de Bonald qui sont des nostalgiques de l’Ancien Régime favorables à un pouvoir monarchique inspiré par Dieu. Ils vont replacer la justice pénale dans une perspective théologique. Le juge est un instrument de la providence divine et la loi pénale est au service de la loi de Dieu.
Ce sont un peu les idéologues du mouvement Ultra qui s’illustre à partir de la restauration et qui est réactionnaire. Au début du règne de Charles X, chef des ultras, les conceptions théologiques de Maistre et Bonald vont inspirer la loi du 20 avril 1825 qui restaure l’incrimination du sacrilège. C’est une vision un peu restrictive de ce crime, mais on prévoit quand même une condamnation à mort si les faits ont lieu en public. C’est une loi excessive et anachronique et surtout on revient sur la laïcisation du droit pénal. C’est une loi qui ne sera jamais appliquée mais qui a provoqué des tôlées.

Kant et Maistre et Bonald sont opposés politiquement mais ils peuvent être rapprochés et vont développer l’école de la justice dite absolue. Pour ces auteurs, le droit de punir repose sur les exigences de la justice d’où le nom école de la justice absolue. Lorsqu’une infraction a été commise, la justice a été bafouée et la peine qui sanctionne l’auteur de l’infraction doit assurer l’expiation du crime. Visiblement, Kant et Maistre sont sur la même longueur d’onde sur ce point. Là où les analyses diffèrent c’est au sujet de la définition même de la justice.

Pour Emmanuel Kant, la justice doit être confondue avec l’ordre moral qu’il faut faire respecter. C’est au pouvoir politique qu’il incombe de faire respecter cet ordre moral. Pour Joseph de Maistre et Bonald, le pouvoir politique n’est que le représentant temporel de la providence divine, on retrouve un peu certaines conceptions de l’Ancien régime : l’infraction est un péché et la peine une pénitence.

Ils se rejoignent encore pour dire que la répression doit être assurée indépendamment du problème de savoir si elle est utile ou non à la société. Kant va aller plus loin, il va dire que la répression doit être assurée intégralement quand bien même son inutilité certaine.

II – L’école éclectique ou néoclassique


L’éclectisme c’est une théorie générale qui dépasse la question pénale. C’est d’abord un mouvement littéraire et de pensée qui disserte sur le beau le vrai, le juste, l’injuste … Il y a aussi une version pénale. Cette école se situe sur l’échelle des théories de la justice pénale entre Beccaria et l’école de la justice absolue. Les principaux représentants sont :

-          Guizot qui a incarné la monarchie de juillet et suscité la révolution de 1848, il a écrit en 1822 un traité sur la peine de mort en matière politique. Il s’est trompé politiquement mais pas sur la peine de mort, et il est plutôt abolitionniste.
-          Pelegrino Rossi qui écrit en 1829 un traité de droit pénal. C’est un des précurseurs du droit constitutionnel.
-          Hortolon est un toulonnais qui a beaucoup écrit en droit pénal mais pas seulement.

Cette école essaie de réaliser la synthèse entre les idées pénales de l’Ancien droit et les idées pénales de la révolution, elle veut promouvoir l’idée d’une continuité. « Punir ni plus qu’il n’est juste, ni plus qu’il n’est utile », c’est une combinaison de l’utilité sociale et de la justice morale. Pour parvenir à une justice juste, il est nécessaire de l’individualiser selon ce mouvement. Tous les hommes sont libres mais par contre tous ceux qui commettent le même délit ne sont pas identiques. Cette école néoclassique estime qu’il faut apprécier tout ce qui permet d’individualiser les hommes, il faut s’intéresser à leur passé, aux circonstance de l’infraction, à leur personnalité, à leur sexe. C’est aussi une manière de dire que la responsabilité pénale doit s’apprécier de manière concrète, ça suppose un pouvoir d’adaptation de la peine reconnue au juge. C’est aussi une école qui dénonce la rigidité ou l’étroitesse du système des peines.

Outre le fait qu’elle doit être individuelle, la peine pour être juste ne doit pas être trop lourde, on voit revenir le principe de la modération des peines. La peine doit aussi être utile, il faut adapter son aspect rétributif, c’est le retour des penseurs de droit canonique. C’est un mouvement qui va aussi accompagner le raisonnement sur l’enfermement.

L’idée est aussi que le pouvoir de créer de incriminations reconnu à l’Etat doit être limité. Rossi illustre cette tendance dans son traité de droit pénal et il va raisonner sur trois choses : le meurtre, l’usure et le duel. Le meurtre doit être incriminé car sa répression est utile à la société et moralement juste, en revanche la répression de l’usure, sur elle peut être utile n’est pas juste, le duel s’il paraît juste de la sanctionner, il est totalement inutile de le faire, il n’est que peu dangereux pour la société.

Cette école néoclassique est défendue par des gens qui sont au pouvoir, elle a donc exercé une influence sur le droit positif. Le code pénal de 1810 envisage le délinquant comme un être purement abstrait, après 1810 on essaie de la réforme : grande loi de 1832 qui est une refonte du code pénal. Le mouvement législatif qui suit cherche un adoucissement de la répression et un objectif d’individualisation de la sanction.

La loi du 28 avril 1832 supprime la marque au fer rouge, l’ablation du poing, la peine du carcan, elle va correctionnaliser certains crimes. Elle met en place le système des circonstances atténuantes dans toutes les catégories d’infraction. Adoucissement.

Cette école a des influences sur la seconde république abolit la peine de mort en matière politique, aussi sur la grande réforme de 1863 allant vers un adoucissement de la répression aussi.

III - Ecole positiviste


C’est une théorie illustrée par Lombroso, Ferri et Garofalo.

Lombroso né en 1836 est professeur de médecine légale à l’université de Turin i lécrit l’Homme criminel en 1876.

Ferri né en 1856 était professeur de droit et avocat à Rome et en 1892 il écrit La Sociologie criminelle.

Garofalo né en 1852 est magistrat et écrit Criminologie en 1885.

Ce sont tous les trois des disciples d’Auguste Compte créateur du positivisme, initiateur de la sociologie. C’est devenu la philosophie officielle du second empire avant que le néokantisme le remplace. La devise du Brésil « Ordre et progrès » vient d’Auguste compte.
Ça a produit une littérature alourdie par une certaine religiosité qui a peu à peu disparue pour que les républicains puissent s’en inspirer.

Ils cherchent à montrer l’inefficacité de l’école néoclassique en montrait notamment que la criminalité a presque triplé en France entre 1826 et 1900. Ils critiquent aussi le postulat du libre arbitre et de la proportionnalité des peines. Ils cherchent à mettre en place une compréhension nouvelle du phénomène criminel et ensuite à élaborer de nouveau moyens de lutte contre la criminalité.

Les positivistes vont expliquer la criminalité et ses mécanismes par deux concepts.

Le premier, c’est le déterminisme. Montesquieu parlait du déterminisme, il disait que quand il fait chaud c’est le despotisme, quand il fait froid c’est la démocratie. C’est le résultat inexorable de causes qui peuvent être exogènes ou endogènes, c’est la négation de la théorie du libre arbitre.

Lombroso va expliquer que le crime a une explication anthropologique, la résurgence des instincts primitifs de l’homme
Pour Ferri l’explication est sociologique, c’est le résultat du milieu.

Le deuxième c’est l’irresponsabilité morale du délinquant. Selon eux ça ne sert à rien de raisonner en matière de culpabilité, de libre arbitre, selon eux il est déterminé par sa morphologie et son milieu. Lombroso mesure les crânes pour expliquer la criminalité.

C’est l’Etat qui intervient contre le crime, mais l’intervention de l’Etat repose sur la notion d’état dangereux du délinquant. Pour Lombroso, la délinquance c’est un microbe social, une maladie.

Pour reconnaître les symptômes de la maladie, Ferri va diviser les criminels en 5 catégories, les 3 premiers groupes sont composés de délinquants à éliminer :

-          Les criminels nés : ils portent les stigmates anatomiques, physiologiques et psychologiques qui permettent de les distinguer.
-          Les criminels aliénés : on les reconnaît physiquement et parce qu’ils sont fous
-          Les criminels d’habitude : récidivistes incorrigibles contre lesquels il n’y a plus rien à faire.

Les deux derniers groupes doivent être traités :

-          Les criminels occasionnels
-          Les criminels passionnels

Ça n’explique pas qu’un criminel né parfois puisse de manière accidentelle tuer quelqu’un et même pour des motifs compréhensibles. Un serial killer peut tuer sa femme parce qu’elle l’a trompé, ça ne relève pas de la perversité, mais de l’occasion et de la passion.

Ils ont élaboré une politique criminelle privilégiant la défense de la société et pour se faire il faut un système propre à éradiquer le danger criminel en utilisant les mesures préventives que Ferri appelle les substituts pénaux. C’est l’intervention avant toute infraction.

L’exemple célèbre donné par Ferri est celui d’une rue obscure où se commettent des infractions : il faut instaurer un éclairage violent. Les néoclassiques auraient mis en place des rondes de police. Les positivistes sont prédisposés à ce qui est scientifique et technique.
Ils vont préconiser la réglementation de la consommation d’alcool, la destruction de taudis, la construction d’écoles, la recherche scientifique.

Outre cette politique préventive, ils ont imaginé d’appliquer aux criminels plusieurs types de mesures de sureté ou de défense. Par exemple, Garofalo préconise pour les meurtriers qui agissent par cupidité la peine de mort ou l’enfermement dans un asile d’aliénés. Pour les meurtriers qui agissent par vengeance, il préconise la relégation dans une île. Pour ceux qui tuent par légitime défense, il préconise l’éloignement de là où vivent les parents de la victime. Pour les voleurs occasionnels, il préconise qu’on leur interdise d’exercer une profession jusqu’à ce qu’ils aient complètement réparé leur préjudice.

Le côté péremptoire de cette doctrine a suscité les critiques. Pour l’opinion publique, cette école fait du délinquant une sorte de mécanique déterminée. Ça apparaît comme une atteinte à l’âme humaine. L’aspect scientifique des positivistes refoule les préceptes moraux ou religieux. On a aussi reproché les conséquences qu’ils ont tiré de leur état dangereux.

Le positivisme a permis de nombreux progrès, tout n’est pas à jeter, mais il faut trier.
Ils sont aussi à l’origine d’une science nouvelle : la criminologie. Il n’en reste pas moins que Lombroso, Ferri et Garofalo ont inspiré de nombreux pénalistes.

IV - Les écoles de la défense sociale


Le courant de la défense sociale connaît plusieurs expressions. Ce sont des écoles qui rejettent le postulat déterministe, qui reprennent quand même l’idée d’état dangereux de l’individu et qui se montrent partisanes de sanctions à durées indéterminées. On est dans la promotion d’une certaine sévérité.

Gramatica est le principal penseur. Il est avocat à Gênes et publie Principes de défense sociale. Il rejette les concepts d’infraction et de délinquant. Selon lui, l’infraction se fonde sur l’appréciation objective d’un dommage, or seul importe le sujet. Le sujet doit être considéré comme un homme qu’il fut resocialiser et pas comme un délinquant. C’est pour lui le seul mobile de l’intervention étatique. Il faut mettre en œuvre de motifs de défense sociale pouvant intervenir avant comme après le délit. Ces mesures de défense sociale qui doivent être l’unique type de réaction de l’Etat doivent s’exécuter partout sauf en prison, ce qui revient à dire que Gramatica est favorable à la disparition des peines. C’est révolutionnaire puisque ça remet tout en cause.

Il propose une action politique tournée vers une hygiène sociale absolue. Ses idées ont suscité des réserves très importantes, son concept d’antisocialité est très flou alors que l’infraction c’est très concret. La peine permet de se garder de l’arbitraire … C’est pour ça que ses adeptes français tout en reprenant certaines idées, ont construit une doctrine très différente.

Marc Ancel né en 1902 est un magistrat président à un moment donné d’une chambre à la Cour de cassation et il va publier La défense sociale. L’idée de Marc Ancel et son école est que ce qui importe est la défense de l’individu, encore plus que la défense de la société. On va considérer le criminel comme un individu en cours de resocialisation. Aussi il faut écarter tout préjugé, donc pas de déterminisme, même le libre arbitre n’est pas considéré, l’idée est que la justice pénale est une justice humaine dont l’action va impliquer la mise en œuvre de toutes les ressources qu’offrent les sciences de l’homme. Cette version française de la défense sociale on l’appelle la défense sociale nouvelle. Elle intègre l’idée qu’il faut étudier la personnalité de chaque délinquant. C’est une doctrine qui est tout à fait antagoniste avec le positivisme. La peine est envisagée comme une sorte de traitement thérapeutique qui va permettre au condamner de retrouver les valeurs morales qu’il a perdu.

Il faut s’intéresser à l’homme concret et oublier toute considération de rétribution, d’expiation voire même de vengeance. C’est cette doctrine qui va entraîner le développement des expertises médicales. Le magistrat ne peut pas agir seul, il faut des experts, des médecins, des psychologues, des psychiatres

Ce qu’on a reproché à cette doctrine c’est peut-être de refouler l’idée de responsabilité morale, on a l’impression que les tenants de la défense sociale nouvelle ont oublié la notion de faute et ils se refusent à porter un jugement de valeur sur la conduite du délinquant. C’est cette école qui donne les tendances à la déjudiciarisation. Cette déjudiciarisation du droit pénal est un peu à la mode dans certaines doctrines actuelles.

Section 2 : L’évolution du droit pénal au 19eme siècle


I – Le mouvement pénitentiaire


C’est une des grandes questions du 19eme siècle : la prison. Avant la révolution et la refonte du droit pénal, la peine d’enfermement n’existe pas. Ça va produire des débats intéressants et quelque part, ceux qui s’intéressent à la prison sont animés par une pulsion charitable. En France, les premiers à s’intéresser à la question de la prison et aux conditions d’enfermement appartiennent au mouvement du catholicisme social. C’est l’idée d’une peine pénitence, une peine médicinale qui vise à soigner l’âme, c’est les gens de l’église qui s’intéressaient à ça. Au 19eme l’idée est que l’enfermement du condamné doit déboucher sur son amendement, la prison doit être réparatrice. Comment arriver à ce but alors que les bagnes à l’époque de Napoléon qui mélangent toutes les catégories de condamnés ne sont que des foyers de corruption et de propagation de la criminalité.

En 1819 on va créer la société royale des prisons, créée par Delessert un banquier et par un aristocrate qui est le duc de la Rochefoucauld-Liancourt. Ce dernier a découvert aux USA le système de l’enfermement individuel cellulaire et souhaite faire adopter ce système en France pour mettre un terme au bagne corrupteur. C’est 20 ans avant le voyage de Tocqueville qui part pour les mêmes raisons. Cette société royale des prisons s’intéresse à tout le système carcéral français et il y a quand même des avancées qui lui sont dues. On lui doit par exemple la généralisation des commissions de surveillance dans les maisons d’arrêt. On lui doit aussi une quantité de rapports et de projets qui permettent à l’historien du droit pénal de savoir ce qui se passe dans les prisons à partir de 1820.

A partir de 1830, on est dans la période de la philanthropie pénitentiaire. C’est à cette époque que Tocqueville et Beaumont. C’est à cette période qu’ils font leur tournée aux USA plus précisément en Pennsylvanie pour étudier le système pénitentiaire qui préconise l’enfermement cellulaire. Pour Tocqueville c’est plutôt ses écrit politiques qui vont faire sa gloire.

On a une véritable volonté à partir de ce moment de mettre en place une hygiène pénitentiaire, l’hygiénisme pénal. On est à cette époque à peu près au début de la révolution industrielle et on a l’apparition d’une classe ouvrière qui vit dans des conditions déplorables.

L’idée aussi est que la société civile doit contrôler les prisons. Dans ces ouvrages qui mettent en scène les conditions de vie dans les prisons, on voit que le condamné prend la figure d’une victime de la société, de la prison elle-même, soumis à des souffrances de toutes natures, notamment celles qui sont le fait de la brutalité des gardiens.

Une partie de la littérature spécialisée commence à véhiculer ce genre d’idées qu’on retrouve de nos jours, l’un des grands moments du système pénitentiaire, c’est le second empire. C’est une période où au plan pénal on a des réalisations et des expérimentations. Ca tient peut-être à la nature autoritaire du régime ou peut-être pas. Au niveau des réalisations, le second empire est le grand moment de la réorganisation du système pénitentiaire. On fait de l’administration pénitentiaire une direction ministérielle appart entière ce qui montre que le problème devient préoccupant.

On découpe la France pénitentiaire en circonscriptions, on place des directeurs à la tête de chacune, on installe une prison centrale et on commence à mettre en place une organisation de la fonction publique pénitentiaire, une pyramide.

C’est aussi le moment des expérimentations : l’aventure des prisons ouvertes corses. On a ouvert trois pénitenciers agricoles donc celui de Casabianda dans lesquels on a installé des détenus qui répondaient à deux critères : qui avait commis une infraction à caractère sexuelle et qui étaient d’origine rurale. L’expérience a été concluante, c’est un système assez satisfaisant qui a permis d’amender certains criminels, ce qui est allé à l’encontre de cette expérimentation est une épidémie de malaria qui a tué les détenus.

On a aussi tenté toujours en Corse de mettre en place des centres pour jeunes détenus. On commence à s’intéresser à la criminalité des jeunes et notamment des mineurs. On a eu des mutineries d’une ampleur telle qu’on a dû fermer tous les centres. C’est aussi le second empire qui expérimente les chantiers extérieurs.

On expérimente aussi une idée qui vient d’Irlande (sous domination Anglaise à l’époque) : dans les prisons centrales à côté des quartiers dits de régime normal, on œuvre des quartiers d’isolement qu’on appelle aussi d’amélioration ou d’amendement.

En 1872, on a une commission parlementaire qui se met en place dans le but de mettre en place la prison cellulaire. Ça abouti au vote de la loi du 5 juin 1875 qui établit la prison cellulaire mais dans les seules maisons d’arrêt. Les prisons sont sous la responsabilité des conseils généraux et il faut attendre une loi de 1893 pour que l’ensemble des départements adoptent ce système. L’idée est de mettre en place des cellules vastes, éclairées, chauffées … Ca entraîne la construction des prisons qui sont encore en fonction de nos jours. Depuis on a un peu oublié que l’amélioration doit être constante.

II – L’individualisation de la peine


C’est aussi une des questions qui se posent au cours du 19eme. Le code pénal n’a réintroduit l’arbitraire des juges qu’a minima et uniquement dans le domaine correctionnel. On a une loi du 25 juin 1824 qui cherche à desserrer cette étroitesse. Ça permet aux juges d’assises de reconnaître des circonstances atténuantes à certains criminels. Les jurys ne sont pas concernés par la réforme, seuls les magistrats peuvent en reconnaître et donc on continue de pratiquer des acquittements abusifs parce que le jury pèse.

La loi du 28 avril 1832 va plus loin, elle va étendre le jeu des circonstances atténuantes à l’ensemble des infractions, c’est au jury de déclarer s’il y en a ou pas, et ça permet à la justice pénale de retrouver un peu la dimension circonstancielle qui est la sienne avant 1789. Ça refoule cette pratique des acquittements scandaleux. On peut dire que cette loi du 28 avril 1832 réalise en France deux réformes assez significatives sur le régime des peines, d’un côté, elle va supprimer les supplices comme la peine du carcan, la marque au fer rouge, l’ablation du poing … D’un autre côté, elle tempère la rigueur des peines en généralisant à l’ensemble des infractions le système des circonstances atténuantes. Désormais, on avance vers l’individualisation de la peine.

Il suffit de lire les travaux préparatoires des parlementaires qui indiquent clairement l’orientation qu’on veut donner à cette réforme. Le principe utilitaire reste la source des incriminations, par contre, on va le compléter par un principe moral qui se manifeste par l’atténuation des pénalités. La réforme de 1832 permet aussi une justice plus efficiente et plus efficace. On frappe moins fort mais on punit mieux et plus surement.

III – Adoucissement des peines et dépénalisation


Depuis 1815, la tendance est incontestablement à l’adoucissement au moins relatif de la répression. La législation le montre, la doctrine et la jurisprudence aussi. L’élément le plus significatif est le recul régulier de l’application de la peine de mort. La loi de 1832 révise dans le sens de l’atténuation tout l’arsenal des peines. C’est la volonté de Louis Philippe qui considère que le code de 1810 n’était plus en harmonie avec l’esprit de l’époque et donc la France se devait d’être à la tête des nations civilisées en donnant l’exemple de l’humanisation des peines.

Ce qui interroge c’est qu’il n’y ait pas d’abolition de la peine de mort. Il y a un courant abolitionniste à l’époque, on a notamment un personnage qui s’appelle Charles Lucas, criminaliste réputé de l’époque et inspecteur général des prisons entre 1830 et 1855. On a quand même réduit son champ d’application, on a supprimé la possibilité de la peine capitale pour 9 incriminations parmi lesquelles la fabrication de fausse monnaie, la contrefaçon du sceau de l’Etat, le complot contre le roi non-suivi d’attentat. La peine de mort n’est censée être conservés que pour des crimes tellement atroces que leur énormité semble en justifier l’application.

Le second empire revient un peu vers la sévérité : la loi du 13 mai 1863 est une autres des grandes réformes, elle va correctionnaliser certains crimes. L’allègement n’est qu’apparent, en fait, la correctionnalisation s’explique par le souci qu’ont les pouvoirs publics de réagir contre l’indulgence excessive des jurys et donc l’idée qui domine est que mieux vaut un jugement qui prononce le maximum de la peine correctionnel par un tribunal correctionnel qu’un arrêt de la Cour d’assise complètement édulcoré par l’admission de toutes sortes de circonstances atténuantes. C’est plutôt dans le sens d’une répression accrue.

En 1864 la mort civile est abolie et il fait voter la loi du 25 mai 1864 qui supprime le délit de coalition. Ça concerne les ouvriers qui désormais ont le droit de se coaliser, ce n’est pas l’autorisation du syndicalisme, qui apparaît en 1884. C’est quand même un régime qui va en sens contraire du temps.

IV – La question de la récidive


Là aussi ce n’est pas très nouveau, la question se pose depuis l’Ancien Régime. On a notamment beaucoup lorgné du côté de la Grande Bretagne depuis la fin du 18eme siècle, les britanniques ont trouvé la manière de résoudre la question de la récidive, ils expédient les condamnés dans leurs possessions coloniales les plus lointaines notamment l’Australie.

Depuis 1563 et le traité de Paris, on a perdu le Canada, il reste quand même les îles à sucre, la réunion (qui ne s’appelait pas comme ça)... Le code pénal de 1791 prescrit d’envoyer les récidivistes dans des territoires à coloniser. Il va falloir attendre car on a du mal à mettre en œuvre la colonisation. Il faudra attendre le second empire et la fermeture des bagnes métropolitains en 1854 pour envisager la déportation dans des bagnes outremer en Guyane et en Nouvelle Calédonie.

L’idée qu’on va mettre en avant c’est d’améliorer l’homme par la terre et la terre par l’homme. La loi de 1854 qui détermine cela ne concerne pas au premier chef le problème de la récidive, c’est une manière d’écarter du territoire métropolitain les plus dangereux. Il y a une influence des positivistes là-dessus. Même s’ils ne sont pas récidivistes, ça permet de faire baisser le taux de récidive.

La loi de 1885 est, elle, dirigée explicitement contre la récidive. L’idée est d’adapter la sanction non-pas à la gravité du crime mais à la personnalité du criminel et donc la loi de 1885 rend la relégation outremer automatique après un certain nombre de délits ou de crimes, donc de récidive, bien entendu en fonction de la gravité des infractions qui ont été répétées, réitérées.

René Beranger critique cette loi, pour lui, elle ne prévient rien du tout, pour lui il faut prendre le problème en amont, il est le père de la loi du 26 mars 1891 qui introduit le système du sursis. Il va distinguer selon les délinquants primaires et les délinquants d’habitude. Pour les délinquants primaires, selon la gravité de l’infraction, il faut instituer un sursis à l’exécution de la peine et il faut en de récidive automatiquement révoquer ce sursis. Ça donne la loi du 26 mars 1991, mais c’est une loi qui a l’effet inverse, qui aggrave le régime de la récidive, en donnant une chance pour une première infraction, la récidive est plus lourdement condamnée. C’est une loi qui a été un succès. On a à peine 5 % des sursis prononcés qui ont été révoqués pour récidive.

V – Le jury criminel


C’est une conquête de la révolution, une adaptation du système de common law, et c’est donc le système qui s’applique à partir de la révolution française et de la refonte du droit pénal. C’est un système critiqué : les jurés sont pris parmi les notables et on pense qu’ils vont rendre une justice de classe, politique et partiale. C’est une critique des milieux socialistes voire républicains. A l’inverse, les magistrats eux-mêmes critiquent l’incapacité des jurys à rendre une justice régulière et prévisible. En regardant les archives on se rend compte que ce n’est pas conforme à la vérité.

A partir de 1832, on va se rendre compte que les jurys, qui ne sont pourtant pas révolutionnaires, n’hésitent pas à utiliser fréquemment les circonstances atténuantes pour éviter de prononcer la peine de mort ou des peines de perpétuité. On s’aperçoit que jusque dans les années 1870, la peine de mort et la perpétuité sont en recul. On s’aperçoit que les jurys mettent pleinement à profit leur pouvoir d’arbitrage et qu’ils cherchent à dépasser l’application mécanique du code de 1810 pour tenter d’individualiser les sanctions. Ils réservent des peines d’élimination (peine de mort, prison à perpétuité, prison à temps …) aux délinquants véritablement irrécupérables.

Il y a une stricte séparation entre les jurys et la Cour. Pourtant le président de la Cour d’assises n’hésite pas à entrer dans la chambre des délibérations pour informer les jurés des peines encourues, ce qui montre que ces notables peuvent entendre certains arguments. Cette pratique est officiellement légalisée en 1908, tout au long du 19eme on a des magistrats pro qui arrivent à alerter les jurés qu’en face il y a un individu pas forcément de leur classe sociale entre leurs mains.

Autre fiction démentie par les archives : l’instabilité des décisions. A l’époque ce sont toujours les mêmes qui sont jurés et donc se constitue une véritable mémoire judiciaire, on a l’impression que ce sont des formations permanentes et donc on assiste à des redditions de décisions régulières au point qu’on a pu parler des jurisprudence des Cours d’assises, il n’y a pas d’instabilité.

C’est une grande prudence qui les anime, ils ont peur des conséquences et sont donc très prudents sur le système des preuves, on est sous l’empire de l’intime conviction et l’intime conviction c’est un peu comme la croyance, il faut s’en méfier, et ces jurys sont très frileux avec l’intime conviction. Pour prononcer la peine de mort, ils ont besoin de certitude et lorsqu’ils prononcent la peine capitale, c’est que la culpabilité du prévenu leur paraît objectivement hors de doute. Ça donne des Cours d’assises moins répressives. Entre 1826 et 1830, les Cours d’assises jugeait à peu près 5300 affaires par an. Entre 1906 et 1910, plus que 2300, ça ne change rien, on a toujours une tendance à l’adoucissement des peines et le jury criminel n’y est pas pour rien.

VI – La justice pénale des mineurs


Il a fallu attendre la fin du 18eme siècle pour voir apparaître l’idée d’excuse de minorité, c’est une idée reprise par le code pénal de 1791 et on retrouve cette idée dans le code de 1810. Les deux codes vont fixer à 16 ans l’âge de la majorité pénale. Les mineurs constituent une catégorie pénale à part, on aurait peut-être pu aussi l’évoquer pour les femmes.

La prise en compte de l’âge revient à mettre en avant la question du discernement. Si on ne traite pas un mineur de la même manière qu’un adulte c’est parce qu’on estime qu’il manque de discernement et donc que l’on peut limiter ou mettre en avant des raisons qui limitent sa responsabilité. On avance l’idée que le mineur doit être condamné à une peine réduite, qu’il ne peut pas exécuter une peine dans une maison centrale ou une maison d’arrêt mais dans une maison de correction. S’il a agi avec discernement, on va le traiter de cette manière par contre s’il s’avère qu’il a agi sans discernement et qu’il est comparable à un aliéné, ce n’est plus une peine qui va lui être infligée mais une mesure de police propre à rectifier son éducation.

Il n’existe pas d’établissements appropriés et donc les mineurs qui sont coupables de faits délictueux vont dans des prisons d’adultes. C’est l‘initiative privée qui va développer les sanatoriums, maisons de correction et d’enfermement pour les mineurs. On assiste à la mise en place d’institutions spécialisées. On a toute une sorte de philosophie à la fois paternaliste, philanthrope, religieuse. On estime que ces établissements devraient permettre un retour à la vie rurale. On a aussi des propositions d’établissements avec une discipline militaire.

Toutes ces réalisations trouvent leur couronnement dans la loi de 1850 sur l’éducation et le patronage des jeunes détenus. Elle prévoit la mise en place dans les prisons de cartiers distincts pour les mineurs mais aussi la création d’établissements spéciaux sous la forme de colonies agricoles où les détenus mineurs vont recevoir une éducation professionnelle, morale et religieuse.

C’est la loi du 12 avril 1906 qui va prendre en compte la spécificité du droit pénal des mineurs. Elle élève la majorité pénale de 16 à 18 ans, elle diminue le régime répressif et 

Peine de mort et justices d’exception

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