Le sexe en Droit des Personnes Française


Section 3 : Le sexe

                Le sexe est un élément de l’état des personnes, un élément de l’état qui est spécifié dans l’acte de naissance, c’est l’article 57 alinéa 1 du Code Civil, et on va évoquer la question de cet élément qu’est le sexe dans deux dimensions, à la fois dans sa dimension sociale et dans sa dimension individuelle.
Paragraphe 1 : Le sexe dans sa dimension sociale
Traditionnellement, le droit civil déduisait plusieurs conséquences de l’appartenance à l’un ou l’autre sexe, mais en réalité, c’est de moins en moins vrai notamment en raison du principe de l’égalité des sexes, deux exemples : jusqu’en 2013, il était impossible de se marier avec une personne du même sexe. Autre exemple, jusqu’ici, la procréation médicalement assistée (PMA) n’était permise/ouverte que pour les couples de sexe différents, et cette procréation médicalement assistée devrait très bientôt être ouverte aux couples de femme. Dans la dimension sociale du sexe, le principe d’égalité des sexes a une valeur constitutionnelle, il est énoncé au troisième alinéa du préambule de la Constitution de 1946 « La loi garantit à la femme, dans tous les domaines, des droits égaux à ceux de l'homme. » Politiquement, cela signifie que les femmes et les hommes ont les mêmes droits de vote comme d’éligibilité, et dans la sphère familiale et personnelle, ce principe d’égalité des sexes se traduit par l’égalité entre époux, qui est venu remplacer la soumission de la femme à la puissance maritale, et ce principe a aussi transformé la puissance paternelle en autorité parentale. Dans les rapports sociaux, l’identité sexuelle est prise en compte par le droit pour affirmer ce principe d’égalité des sexes. En revanche, la sexualité, elle, est totalement ignorée par le droit, puisque l’orientation sexuelle des personnes relève de la vie privée, de la sphère privée de chaque individu. Certains Etats répriment pénalement l’homosexualité, mais le droit français, lui, a d’une certaine façon officialiser l’homosexualité, en reconnaissant par la loi du 15 novembre 1999, la vie commune entre deux personnes (à travers le concubinage et le pacs). Et l’évolution a été consolidé par la loi du 17 mai 2013 qui a ouvert le mariage aux couples de même sexe. C’est une illustration, le droit est indifférent à l’orientation sexuelle des personnes, mais pour autant protège les individus d’éventuelles discriminations liées à ce critère, et c’est pourquoi toutes discriminations entre les personnes à raison de leur orientation sexuelle est puni par la loi en tant qu’atteinte à la dignité de la personne.
Paragraphe 2 : Le sexe en tant qu’élément d’identification
                L’identité sexuelle traduit l’appartenance d’une personne à la gente féminine ou à la gente masculine, c’est-à-dire qu’aux yeux du droit, toute personne est forcément soit un homme, soit une femme, au moins au plan civil.
A- L’obligation d’inscrire un sexe à l’état civil
L’identité sexuelle d’une personne est d’abord déterminée sur la base de l’apparence, donc c’est l’établissement de santé, au moment de la naissance, qui indique l’identité sexuelle de l’enfant. Mais les difficultés viennent du fait qu’il arrive que des enfants naissent de sexe indéterminé, deux exemples, soit parce que l’apparence sexuelle, le « phénotype » (l’apparence) ne correspond pas au « caryotype », c’est-à-dire les gênes de la personne, donc c’est le cas où l’enfant, premier cas, a des organes génitaux masculins, il a un pénis, des testicules, mais son caryotype, ses gênes indique deux chromosomes X, qui sont le caryotype d’une femme, deuxième cas, la personne peut présenter le caractère des deux sexes, c’est-à-dire qu’une même personne peut avoir deux appareils génitaux, masculins et féminins, elle peut avoir un utérus et un pénis. On utilise plusieurs thèmes pour qualifier ces personnes, soit on parle « d’hermaphrodite », soit « inter-genre » ou soir « intersexuelle », c’est bien différent d’une personne qui est « transsexuelle. » C’est 1,7% des enfants qui naissent, c’est 1 enfant sur 4 000, c’est beaucoup plus que l’on puisse imaginer. Le droit civil ne prévoit pas la possibilité de mentionner à l’état civil un sexe neutre, et c’est la Cour de cassation qui a récemment énoncé ce principe dans un arrêt du 4 mai 2017. Dans cet arrêt, à l’origine, le TGI de Tours, en 2015, avait autorisé la possibilité d’indiquer « sexe neutre » sur l’état civil d’une personne « inter-genre », et les juges du fond s’appuyaient sur l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH), et il précisait, qu’en droit interne, aucunes dispositions légales n’empêchaient une telle mention. En appel et en cassation leur argumentation n’a pas été suivi, et la Cour de cassation a rappelé l’importance de la dualité de sexe prévue par le droit français.
En présence d’enfant de sexe indéterminé à la naissance, le seul texte que l’on a, c’est une circulaire du 28 octobre 2011 qui précise que l’on doit inscrire le sexe qui apparaît le plus probable aux yeux des médecins, contenu des résultats prévisibles d’un traitement et que le sexe pourra être rectifier ultérieurement en cas d’erreurs. La circulaire précise aussi que si le médecin ne peut pas se prononcer immédiatement, mais qu’il estime que le sexe peut être déterminé définitivement dans un délai d’un ou deux ans après les traitements appropriés, il peut être admis qu’aucune mention sur le sexe ne soit inscrite sur l’acte de naissance de l’enfant, et que l’acte sera donc complété plus tard par décisions judiciaires. Cette exigence d’inscrire un sexe féminin ou masculin, conduit, en pratique, à ce qu’en réalité ces enfants font faire l’objet, pendant les 18 premiers mois de leur vie, de traitements, d’opérations chirurgicales particulièrement lourdes, donc d’interventions que l’on considère comme étant des atteintes à l’intégrité physique de l’enfant.
10/10/19
Cette exigence juridique est liée à l’état civil (le fait de devoir obligatoirement inscrire un sexe), a conduit, en pratique, à des interventions médicales qui sont très critiquables, c’est-à-dire des opérations chirurgicales sur les enfants de moins de 18 mois, dans le but de leur assigner un sexe. Ce type de pratique porte incontestablement atteinte à l’intégrité physique de ces enfants, qui une fois devenu adolescent, souffre très souvent de douleurs physiques, et de troubles psychologiques liés à ces opérations qu’ils ont parfois vécus comme de véritables mutilations. La recherche juridique est en cours, tous les rapports qui ont été rendus récemment au sujet de ces pratiques médicales, recommandent d’interdire ces pratiques, et d’un autre côté, les personnes d’intersexes, revendiquent une véritable reconnaissance juridique.

Le projet de loi de révision des lois bioéthiques qui a été déposé le 24 juillet 2019 et dont les discussions sont en cours actuellement, ne comportaient aucune disposition sur les personnes d’intersexes. Les discussions ne sont pas achevées, et plusieurs députés ont mis en avant de prendre en compte ce sujet. Il faudra donc analyser le texte définitif pour savoir si oui ou non on a introduit un amendement qui concerne les personnes intersexes.
B- La possibilité de changer de sexe à l’état civil
                Il arrive parfois qu’une personne ressente son identité sexuelle différemment de celle exprimé par son « phénotype » et son « génotype », on appelle ce syndrome, le « syndrome de Benjamin », et dans le langage courant, on parle de « transsexualisme. » On peut le définir comme le sentiment d’appartenir à un autre sexe que son sexe biologique. Les progrès médicaux aujourd’hui permettent pour ces personnes de recourir à des techniques qui permettent de modifier l’apparence pour la faire correspondre à leur sexe biologique, par exemple, il est possible de suivre des traitements hormonaux ou de subir des opérations pour augmenter/diminuer la pilosité, voire le volume de la poitrine. La question que l’on s’est posée, en droit, est celle de savoir si après avoir changé leur sexe médicalement, est-ce que ces personnes pouvaient obtenir le changement de leur sexe à l’état civil ? La réponse apportait par le droit français a été évolutive.
1- Des éléments historiques
                Initialement, la jurisprudence française refusait toute reconnaissance juridique à la modification chirurgicale de l’apparence sexuelle au nom du principe de l’indisponibilité de l’état des personnes. Cette position ressort d’un arrêt en date du 16 décembre 1975, n°73-10615, rendu par la Cour de cassation, qui concernait un individu ayant suivi un traitement hormonal et ayant subi une opération chirurgicale à l’étranger, ayant entrainé la modification artificielle des attributs de son sexe. Dans cet arrêt, la Cour de cassation a énoncé « le principe de l’indisponibilité de l’état des personnes au respect duquel l’ordre public est intéressé interdit de prendre en considération les transformations corporelles ainsi obtenues. » Cette solution a été rappelé à plusieurs reprises ensuite par la Cour de cassation, notamment dans 3 arrêts rendus le 21 mai 1990, et puis, sous l’influence de la Cour européenne des droits de l’homme la position du droit français a évolué, puisqu’en effet, dans un arrêt en date du 25 mars 1992, la France a été condamné pour avoir violé l’article 8 de la CEDH (relatif au droit au respect de la vie privée). Suite à cette condamnation, la jurisprudence française a évolué, et dans un arrêt rendu en assemblée plénière, le 11 décembre 1992, n°91-11900, la Cour de cassation a admis qu’une personne transsexuelle puisse voir son état civil modifié concernant la mention de son sexe et qu’elle puisse également changer de prénom, l’arrêt a été rendu au visa (rendu sur le fondement de tel article) de l’article 8 de la CEDH. La Cour a donc admis, dès 1992, le changement de sexe à l’état civil, tout en imposant certaines conditions qui elles aussi ont ensuite évolué.
2- Les conditions nécessaires au changement
                Dans la décision de 1992, la Cour avait imposé au requérant de démontrer 4 éléments :
§  Première condition : La réalité du syndrome transsexuel.
§  Deuxième condition : Un traitement médico-chirurgical subit dans un but thérapeutique
§  Troisième condition : Une apparence physique proche de l’autre sexe
§  Quatrième condition : Un comportement social correspondant au sexe psychologique
Pour prouver la première condition, la Cour de cassation semblait imposer que le requérant se soumette à une expertise judiciaire. Mais pour autant, la position des juges du fond variée d’un tribunal à l’autre, certains juges ordonnaient systématiquement une expertise judiciaire alors que d’autres considéraient qu’un certificat médical pouvait suffire à confirmer la réalité du syndrome.

Concernant la deuxième condition, la jurisprudence des juges du fond n’était pas homogène non plus, puisque certains juges imposaient la preuve d’une véritable réassignation sexuelle par le requérant (une opération chirurgicale avec transformation du sexe), alors que d’autres juges considéraient qu’une simple hormonothérapie pouvait suffire à prouver cette condition, à condition que le processus soit irréversible. L’hormonothérapie est un traitement qui consiste à remplacer les hormones sexuelles de la personne par celle du sexe opposé, ce traitement gomme certains aspects physiologiques, notamment la fécondité, et ce parfois de façon irréversible. Pour clarifier les choses, la chancellerie a adressé une circulaire du 14 mai 2010 aux juridictions. Dans cette circulaire, le ministère de la justice recommandait aux tribunaux de considérer que des traitements hormonaux peuvent suffire s’ils ont pour effet une transformation physique ou physiologique définitive et irréversible.
Concernant l’expertise judiciaire, le ministre de la justice a recommandé de ne solliciter d’expertise que si les éléments fournis révèlent un doute sérieux sur la réalité du transsexualisme du demandeur, donc la preuve du syndrome transsexuel pouvait être apporté par des attestations de médecins sans avoir un recours systématique aux expertises judiciaires. Ensuite, par deux arrêts du 7 juin 2012, la Cour de cassation a repris position sur le sujet conformément à la circulaire, elle a réaffirmé la nécessité de prouver la réalité du syndrome transsexuel et le caractère irréversible de la transformation de la personne, et dans ces deux arrêts, la Cour de cassation a considéré que les juges d’appel avaient valablement pu rejeter la demande de changement de sexe étant précisé que, dans ces affaires, les requérants avaient refusé de se soumettre aux opérations d’expertises qui avaient été ordonnés. Les requérants, dans ces arrêts, ont formé un recours devant la Cour européenne des droits de l’homme, ils ont invoqué que les conditions imposées par la jurisprudence de la Cour de cassation (c’est-à-dire prouver la réalité du syndrome transsexuel et l’irréversibilité du changement de sexe) violées l’article 8 de la CEDH. Selon eux, la condition liée à la preuve de l’irréversibilité de la transformation de leur apparence imposait de subir, au préalable, une opération ou un traitement impliquant la stérilité. Il se plaignait également d’avoir été obligé de se soumettre à un examen médical dans le cadre de la procédure judiciaire. Selon eux, les critères posés par la Cour de cassation étaient contraires à la jurisprudence de la Cour européenne rendu sur le fondement de l’article 8, qui consacre la liberté fondamentale de définir son identité de genre sans subordonner son exercice au diagnostic d’une pathologie psychiatrique ou à un traitement médical ou chirurgical. Or, le droit français laissait entendre dans ces conditions, que le changement de sexe repose sur un trouble mental portant sur l’identité sexuelle, auquel l’opération de conversion sexuelle aurait vocation à mettre fin, c’est le paragraphe 103 de l’arrêt. La Cour européenne des droits de l’homme a de nouveau condamné la France, dans un arrêt du 6 avril 2017, c’est l’arrêt « Garçon et Nicot. » La Cour européenne a considéré (c’est le paragraphe 135 de l’arrêt) que « le rejet de la demande, au motif qu’il n’avait pas établi le caractère irréversible de la transformation de leur apparence, c’est-à-dire démontrer avoir subi une opération stérilisante ou un traitement médical entrainant une très forte probabilité de stérilité, s’analyse en un manquement par l’Etat défendeur à son obligation positive de garantir le droit de ces derniers au respect de leur vie privée. »
Juste avant la décision de 2017 de la Cour européenne des droits de l’homme, la loi J XXI du 18 novembre 2016 a modifié la procédure pour obtenir un changement de sexe à l’état civil, donc la condamnation prononcée par la Cour européenne en 2017, concerne les anciennes conditions posées par la jurisprudence, mais le droit actuel est désormais plus souple. Désormais, l’article 61-5 du Code Civil dispose que « Toute personne majeure ou mineure émancipée qui démontre par une réunion suffisante de faits que la mention relative à son sexe dans les actes de l'état civil ne correspond pas à celui dans lequel elle se présente et dans lequel elle est connue peut en obtenir la modification. » Et le texte précise les principaux faits, le premier, c’est le fait de se présenter publiquement comme appartenant au sexe revendiqué, le deuxième, c’est le fait d’être connu sous le sexe revendiqué de son entourage amical, familial ou professionnel, et le troisième, c’est le fait d’avoir obtenu le changement de son prénom afin qu’il corresponde au sexe revendique.
Et l’article 61-6 alinéa 3 du Code Civil précise que « le fait de ne pas avoir subi des traitements médicaux, une opération chirurgicale ou une stérilisation ne peut motiver le refus de faire droit à la demande. » Le droit nouveau ne comporte plus les conditions qui étaient exigées autrefois, les éléments de fait énoncés par l’article 61-5 du Code Civil rappellent les éléments constitutifs de la possession d’état. La demande doit être présentée devant le tribunal de grande instance, puisque le changement relève toujours de la compétence du juge, alors que pendant les débats parlementaires, il avait été proposé de déjudiciariser cette procédure. Quand le changement est accordé, l’acte de naissance du requérant est alors modifié, et si les mariés, et/ou qu’il a des enfants, la mention de son changement de sexe n’est pas transcrite sur l’acte de mariage ou sur l’acte de naissance des enfants (pour éviter toute atteinte à leur propre droit au respect de la vie privée). Le changement de sexe n’a pas d’effet sur le lien de filiation qui aurait pu être établie auparavant entre la personne transsexuelle et ses enfants, et cette personne reste père ou mère, et on ne modifie pas. De nouvelles difficultés risquent de surgir du fait que la loi n’impose plus un véritable changement de sexe irréversible, et par exemple, dans une affaire jugée le 14 novembre 2018, par la Cour d’appel de Montpellier, un individu homme, devenu femme après son mariage, et ayant obtenu le changement de son sexe à l’état civil, qui donne naissance, avec son épouse, à un enfant, en tant que père, donc officiellement, l’enfant naît de deux personnes qui sont mentionnés à l’état civil comme étant des femmes. Et donc la question s’est donc posée de savoir quel lien de filiation à établir pour ce parent-là ? Soit un lien de filiation maternelle puisque juridiquement le père est une femme ou un lien de filiation paternelle, puisque biologiquement le père est le père de l’enfant. La requérante (biologiquement père) voulait être reconnue comme étant mère de l’enfant, mais les juges ont refusé cette reconnaissance, et ont considéré qu’il était de l’intérêt de l’enfant de voir ce lien biologique retranscrit sur son acte de naissance sous la mention de l’intéressé comme étant « parent biologique. »

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