Les enjeux de la politique pénale d’Ancien Régime


Les enjeux de la politique pénale d’Ancien Régime


§1 : Une politique pénale au service de l’ordre public


L’ordre public doit être relié à la notion de paix civile qui doit régner dans le royaume. Il y a deux grands types d’atteintes.

A – Les crimes contre les biens


Le vol : la doctrine et les juges appréhendent la notion de vol selon différents critères, la gravité de l’infraction, les circonstances de l’infraction, la personnalité de la victime. On parle de larcin, de roberie dans le midi, les voleurs sont des larrons, puis au 18eme siècle il y a une fixation de la langue et on n’utilise plus le larcin que pour les vols mineurs.

Jousse va distinguer le vol simple qu’il appelle le larcin, le vol qualifié qui peut être rendu plus grave par certaines circonstances ou par la qualité des victimes. Plus la personne volée est haute dans la hiérarchie sociale, plus le vol est grave.

A partir du 16eme siècle, la répression du vol tend à s’unifier, on va voir se raréfier l’amputation de la main. Sous l’Ancien régime, on préfère les marquer au fer rouge. A partir du 17eme siècle, la répression a tendance à s’adoucir, sauf en cas de récidive. La répression n’a pas le même degré selon le ressort territorial, certains parlements sont plus sévères. Au 18eme certains parlements ont rejeté la question.

Se développe aussi l’excuse de nécessité. C’est une circonstance atténuante si on vole pour survivre.

L’incendie : à l’époque moderne on distingue 4 types d’incendies volontaires :

-          L’incendie urbain : c’est lié à l’architecture de l’époque, souvent les bâtiments se rejoignent au niveau du toit, les feux se communiquent à toute la ville. Un édit de 1504 de Henri 4 interdit les constructions en encorbellement.
-          L’incendie rural : il tue les troupeaux et brule les récoltes
-          L’incendie des vignes : image du vin dans la religion
-          L’incendie forestier : le bois est une richesse nationale, Colbert a mis en place une répression des atteintes aux forêts très sévère

L’incendie rural et l’incendie de vigne sont les moins punis (ils tuent moins), dans les deux autres cas, la peine de mort peut être prononcée.

B – Les crimes contre les personnes


Les injures : elles sont soit verbales soit réelles (coups et blessures), l’iniuria en droit romain peut être physique ou verbale.
Toutes les injures verbales appartiennent au petit criminel. C’est traité par la procédure accusatoire et ça peut entraîner le pilori, la fustigation … dans la plupart des cas c’est juste une réparation civile. La partie qui se fait injurier doit exercer l’action. Les femmes sont considérées comme très bavardes. On tient compte de la qualité des personnes victimes ou délinquants.

Les injures physiques suivent le même régime, dans l’ordonnance de 1570, les coups et blessures font partie des petits excès ou délits réglés à l’ordinaire (la voie accusatoire).

Les homicides :

-          L’homicide volontaire appelé le simple homicide, c’est celui qui se comment dans la risque. Celui qui est le moins grièvement blessé est présumé avoir intenté la querelle.
-          L’homicide fortuit ou casuel : c’est le chasseur qui n’a pas prévenu qu’il allait commettre un acte de chasse. C’est aussi le bucheron qui a oublié de prévenir qu’il allait faire tomber un arbre et qui tue quelqu’un. Ça nécessite quand même des lettres de rémission
-          L’homicide commis par imprudence : c’est le cas de l’homicide commis par le médecin ou par la nourrice.
-          L’homicide nécessaire : commis pour la défense de ses biens, c’est lorsque le mari surprend sa femme en train de commettre un adultère. Si on tue un voleur en train de larronner, c’est un homicide nécessaire. Là aussi il faut des lettres.
-          L’homicide pour la défense de l’ordre public : il est automatiquement pardonné, pas besoin de lettre.

§2. Une politique pénale au service de l’ordre moral


Beaucoup d’infractions sont utilisées pour accréditer l’idée de cet ordre moral qui appuie l’organisation politique. La monarchie d’ancien régime est très attachée à la protection de la famille. Bossué va théoriser le droit divin des rois et faire un rapport entre la puissance paternelle et la puissance royale.

A – La protection de la famille


Le pater familias bénéficie de différentes protections. Une protection physique à travers la qualification du parricide en crime atroce. La protection morale se retrouve au travers de l’infraction de l’adultère. Le parricide est non rémissible, il ne peut pas obtenir la grâce, alors qu’on considère que le roi a un droit de grâce intégral, c’est une anomalie. Théoriquement c’est un crime imprescriptible, mais la jurisprudence a fini par admettre au 18eme que le crime pouvait être prescrit dans un délai de 20 à 30 ans. Seule la démence peut exonérer l’accusé, un fou qui tue son père n’est pas réputé responsable.

Les enfants sont aussi protégés par le romantisme. En 1830 être romantique c’est poser la question sociale, écrire sur les femmes, sur les enfants exploités, c’est écrire les misérables. On va interdire les mauvais traitements sur mineurs pourtant liés à la puissance paternelle. La protection de l’enfant avant même sa naissance est aussi une question qui se pose : il faut absolument protéger la vie avant la naissance alors que le droit romain réfléchit sur l’avortement. On pose aussi la question des infanticides, c’est un crime essentiellement féminin pour des raisons sociales et économiques.

B – La protection de l’Etat


Il faut porter des châtiments terribles à ceux qui portent atteinte à l’Etat. Louis XIV n’a jamais dit l’Etat c’est moi mais il est la personnification de l’Etat. L’ordre successoral peut être fragile or il faut protéger la dynastie. La conséquence d’une atteinte à la personne royale au vu de la protection de cet ordre peut être très grave. En cas de régicide il y a une double atteinte : au droit naturel et au droit divin. La simple tentative est punie comme le crime consommée et c’est une exception à la règle de l’Ancien droit. La non dénonciation du crime de lèse-majesté est assimilé à une complicité, aucune excuse n’est acceptée y compris la démence. En 1605 Henri IV a gracié un fou qui avait tenté de le tuer.

La lèse-majesté entraine les sanctions les plus graves, même le cadavre est puni s’il est déjà mort. Elle est assortie de la confiscation des biens, on rase la maison, il perd le nom et la famille est bannie, le coupable est tiré à 4 chevaux. En 1757, Damiens est un domestique qui a donné un coup de canif à Louis XV, il a été écartelé et la légende raconte qu’il a dit « la journée sera rude » quand il vu les chevaux.

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