Les sources du droit criminel médiéval


I – Les sources du droit criminel médiéval

A – L’importance de la coutume


La coutume est territoriale (Voltaire : en France on change plus souvent de loi que de chevaux), ces coutumes doivent être prouvées, c’est une règle juridique s’il y a répétition. On va trouver l’essentiel des règles procédurales dans les coutumes, on constate souvent des catalogues d’infractions et de peines, mais d’un territoire à l’autre, la peine peut changer. On va trouver des compilations de coutumes dans des coutumiers, le but est de vulgariser la règle pour permettre sa connaissance par les juges.

Elle reste une source très variable selon le lieu, la juridiction compétente qui peut choisir d’utiliser une autre source, et selon la personne considérée. C’est à partir du droit coutumier qu’a été rendue quasiment toute la justice au MA, mais c’est une source inégalitaire et peu probante puisqu’il faut toujours prouver la validité de la coutume.

B – L’apparition d’une doctrine pénale en Europe


C’est à partir du droit romain que va naitre une doctrine pénale européenne. Au 11eme siècle à Bologne, des juristes ont retrouvé des règles romaines de droit savant, ce sont aussi des passages de la compilation justinienne, le code de justinien (empereur de Constantinople), le digeste (pandectes pour les Grecs) qui est la compilation de la doctrine. On va créer une école de droit romain à Bologne constituée des glossateurs (qui écrivent une glose, petit commentaire, qui explique comment comprendre le texte). Cette école de romanistes va se développer et on va avoir partout en européen des officines qui travaillent le droit romain. On va après avoir l’école des commentateurs de Bartol …
La renaissance est très importante en droit pénal puisque comme l’Etat se restructure, on retrouve des maximes de droit public qui font ressortir la souveraineté de l’Etat.

Les premiers traités de droit criminel apparaissent au 13eme siècle et sont rédigés par des juristes provençaux qui ont étudié en Italie. Les centres de formations se développent aussi et on voit apparaître les facultés de droit.
A Paris en 1219 on a une bulle pontificale du pape Innocent III qui interdit l’enseignement du droit romain à la Sorbonne. A ce moment l’empereur du Saint empire romain germanique dont le pape est sous l’influence est ennemi du roi de France. En réalité ce sont les clercs eux-mêmes qui ont poussé pour protéger la théologie.

En 1240 on voit apparaître un decriminalibus causis qui est très vite connu dans toute l’Europe, vers 1150 on a le tractatus criminus. On voit aussi apparaître des copies des œuvres romaines qui s’intéressent au droit pénal. En 1286, le tractatus maleficis réprime les crimes de sorcellerie. Tous ces traités ne constituent quand même qu’un droit supplétif. Ils sont utilisés par les magistrats en appui des coutumes, c’est une ratio scripta (raison écrite).

Au 14eme, on voit apparaître les premiers ouvrages sur la torture qui fait partie de la tradition romaine, oubliée dans les premiers temps du moyen âge (pour les francs on ne peut torturer qu’un esclave) mais qui fait un retour en force à partir du 13eme siècle et qu’on va appeler la question qui n’est pas vécue à l’époque par les juges comme une satisfaction morbide, c’est un mode de preuve. Au fur et à mesure que la torture se développe, ça permet de constater la modernisation du droit pénal et l’influence grandissante du droit romain, rationnel et efficace.

L’arbitrium judicis, possibilité pour le juge d’arbitrer la peine, permet d’aller sur les circonstance atténuantes et aggravantes.

C – Le développement des lois royales


Pour toute la période antérieure au 13eme siècle, on ne peut pas vraiment parler d’une législation royale portant sur les matières pénales et ce pour plusieurs raisons :
-          On sait très peu de choses sur les lois franques, on ne connaît pas la part d’usage ni la part d’institution royale, on ne sait pas comment et par qui ces lois ont été rédigées.
-          On ne sait pas quelle est leur nature, les francs sont des guerriers, qui parfois ont été invités à le faire par Rome et qui ont servi militairement Rome, on se demande si ces lois ne sont pas des règlements militaires avec des tarifs. A moins que ce soient des pactes mais on n’aurait pas mieux su par qui ils étaient passés.

Il faut attendre le 13eme siècle pour voir réapparaître un Etat et il faut aussi attendre cette époque pour que le roi puisse bénéficier du pouvoir législatif. Avec cette émergence d’un Etat, on voit l’émergence de lois répressives. Le roi légifère très peu et quand il y en a une elle porte sur une série de questions et pas seulement sur la répression des crimes. La pénétration du droit pénal par la législation royale même si elle est peu nombreuse se fait dans le domaine de la protection de l’Etat et du pouvoir. Il s’agit de protéger le domaine royal et quelque part le pouvoir politique. Quand on parle des droits du roi, il faut comprendre les droits de l’Etat qui est personnifié. Avec la révolution et surtout en 1792 on dissociera l’Etat (l’institutionnalisation du pouvoir politique) du roi.

A côté il y a des considérations morales comme la question de l’instauration d’un ordre chrétien vont susciter l’activité législative du monarque. On parle de la res publica christiana, république chrétienne qui est au-dessus des Etats et c’est pourquoi la répression pénale de l’époque est liée à la conservation de la morale chrétienne et il est très difficile de distinguer ce qui relève du crime et ce qui relève du péché, le crime est toujours un péché mais tous les péchés ne sont pas des crimes. En 1268, on a un établissement de Saint Louis (Louis 9) qui punit les blasphémateurs et qui ordonne au juge d’édicter contre eux des sentences qui vont jusqu’à la mutilation de la langue de celui qui a blasphémé.
On va trouver la protection des droits régaliens, Saint Louis punira les faux monnayeurs, le droit de battre la monnaie devient peu à peu un droit exclusif de l’Etat. Les faux monnayeurs subissent une peine abominable : ils sont bouillis vifs.

Ce n’est pas parce qu’il y a peu de loi qu’il n’y a pas d’action législative, dans les textes sont envisagées de nombreuse infractions publiques. Par contre on ne va pas trouver de théorie pénale, ça revient aux jurisconsultes. La loi du roi ne monte pas une théorie de l’intention.

Enfin, il faut noter l’apport des droits savants (romain et canonique) qui sont des droits communs de l’Europe, va permettre d’affiner le droit pénal.

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