TD DROIT DES BIENS SEANCE N°4 : DROIT DE PROPRIETE et CARACTERES LICENCE 3


SEANCE N°4 : DROIT DE PROPRIETE et CARACTERES



1—Droit de propriété et caractère absolu

Commentaire 
Cons. Constit., 30 septembre 2011, le droit de propriété contre d’autres droits fondamentaux
Cons. Constit., 27 mars 2014, le droit de propriété contre l’obligation de reprise
Cons. Constit., 13 août 2015, le droit de propriété contre les exigences de rénovation énergétique



2—Droit de propriété et caractère exclusif, l’image des biens…

Commentaire 
Cass. A.P., 7 mai 2004, le propriétaire n’a pas de droit exclusif sur l’image de son bien

3—Droit de propriété et caractère perpétuel

Commentaire
Chambre des requêtes, 12 juillet 1905, la propriété ne se perd pas par non usage…

Conseil constitutionnel vendredi 30 septembre 2011
Décision N° 2011-169 QPC

Journal officiel du 1er octobre 2011, p. 16527

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 30 juin 2011 par la Cour de cassation (troisième chambre civile, arrêts nos 997 et 998 du 30 juin 2011), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée, d'une part, par MM. Pardaillan M., Octavian M. et Mirca C., ainsi que Mmes Mindra S. et Ann Fruzina T. et, d'autre part, par M. Gheorghe M., Mme Claudia G., M. Mihai G., Mme Martha G., M. Istrati G., Mme Lydia G., MM. Viorel G., Elvis M., Bogdan M., Mares G., Lilian M., Dria G. et Lucian G., Mme Iliana G., MM. Paul T. et Jun M., Mme Roxana T., M. Mihai N., Mme Argentina G. et Magarita G. et M. Gheorghe S., relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article 544 du code civil.

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,

Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le code civil ;
Vu le code de procédure civile ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour les requérants par la SCP Alain-François Roger et Anne Sevaux, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées les 22 juillet et 5 août 2011 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 22 juillet 2011 ;
Vu les observations produites pour la communauté d'agglomération de Cergy-Pontoise par Me Pascal Pibault, avocat au barreau du Val-d'Oise ;
Vu les pièces produites et jointes aux dossiers ;

Me Roger pour les requérants, Me Pibault pour la communauté d'agglomération de Cergy-Pontoise et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 6 septembre 2011 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;

1. Considérant qu'aux termes de l'article 544 du code civil : « La propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements » ;
2. Considérant que, selon les requérants, le caractère absolu du droit de propriété conduit à ce que toute occupation sans droit ni titre du bien d'autrui soit considérée par les juridictions civiles comme un trouble manifestement illicite permettant au propriétaire d'obtenir en référé, en application de l'article 809 du code de procédure civile, l'expulsion des occupants ; que, par ses conséquences sur la situation des personnes qui vivent dans des résidences mobiles, la définition du droit de propriété porterait atteinte au principe de sauvegarde de la dignité de la personne contre toute forme d'asservissement et de dégradation, au droit de mener une vie familiale normale, ainsi qu'à l'objectif de valeur constitutionnelle que constitue le droit au logement ;
3. Considérant, d'une part, qu'aux termes du dixième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 : « La Nation assure à l'individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement » ; qu'aux termes du onzième alinéa de ce Préambule, la Nation « garantit à tous, notamment à l'enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs. Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l'incapacité de travailler a le droit d'obtenir de la collectivité des moyens convenables d'existence » ;
4. Considérant qu'il ressort également du Préambule de 1946 que la sauvegarde de la dignité de la personne humaine contre toute forme de dégradation est un principe à valeur constitutionnelle ;
5. Considérant qu'il résulte de ces principes que la possibilité pour toute personne de disposer d'un logement décent est un objectif de valeur constitutionnelle ;
6. Considérant qu'aux termes de l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l'homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté, et la résistance à l'oppression » ; que son article 17 dispose : « La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité » 7. Considérant, en outre, qu'aux termes du seizième alinéa de l'article 34 de la Constitution, la loi détermine les principes fondamentaux « du régime de la propriété, des droits réels et des obligations civiles et commerciales » ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, s'il appartient au législateur de mettre en œuvre l'objectif de valeur constitutionnelle que constitue la possibilité pour toute personne de disposer d'un logement décent, et s'il lui est loisible, à cette fin, d'apporter au droit de propriété les limitations qu'il estime nécessaires, c'est à la condition que celles-ci n'aient pas un caractère de gravité tel que le sens et la portée de ce droit en soient dénaturés ; que doit être aussi sauvegardée la liberté individuelle ;
9. Considérant que l'article 544 du code civil, qui définit le droit de propriété, ne méconnaît par lui-même aucun droit ou liberté que la Constitution garantit ; qu'en tout état de cause, il n'appartient pas au Conseil constitutionnel d'examiner la conformité de l'article 809 du code de procédure civile aux droits et libertés que la Constitution garantit,

D É C I D E :
Article 1er.- L'article 544 du code civil est conforme à la Constitution.
Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 29 septembre 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.
Rendu public le 30 septembre 2011.




Conseil constitutionnel jeudi 27 mars 2014 –
Décision N° 2014-692 DC
Le Conseil constitutionnel a été saisi, dans les conditions prévues à l'article 61, deuxième alinéa, de la Constitution, de la loi visant à reconquérir l'économie réelle, le 27 février 2014, par MM. Christian JACOB, Élie ABOUD, Yves ALBARELLO, Benoist APPARU, Jean-Pierre BARBIER, Sylvain BERRIOS, Dominique BUSSEREAU, Yves CENSI, Dino CINIERI, Philippe COCHET, François CORNUT-GENTILLE, Jean-Louis COSTES, Mme Marie-Christine DALLOZ, MM. Gérald DARMANIN, Bernard DEFLESSELLES, Rémi DELATTE, Mme Sophie DION, MM. Jean-Pierre DOOR, David DOUILLET, Mmes Marianne DUBOIS, Virginie DUBY-MULLER, MM. Daniel FASQUELLE, Georges FENECH, Mme Marie-Louise FORT, MM. Yves FOULON, Marc FRANCINA, Claude de GANAY, Sauveur GANDOLFI-SCHEIT, Hervé GAYMARD, Guy GEOFFROY, Bernard GÉRARD, Alain GEST, Franck GILARD, Claude GOASGUEN, Philippe GOSSELIN, Philippe GOUJON, Mmes Claude GREFF, Anne GROMMERCH, MM. Christophe GUILLOTEAU, Antoine HERTH, Patrick HETZEL, Sébastien HUYGHE, Denis JACQUAT, Mme Valérie LACROUTE, M. Jean-François LAMOUR, Mme Isabelle LE CALLENNEC, MM. Marc LE FUR, Dominique LE MÈNER, Philippe LE RAY, Pierre LEQUILLER, Céleste LETT, Mme Véronique LOUWAGIE, MM. Gilles LURTON, Alain MARC, Alain MARTY, Philippe MEUNIER, Yannick MOREAU, Pierre MOREL-A-L'HUISSIER, Alain MOYNE-BRESSAND, Mme Dominique NACHURY, MM. Jean Frédéric POISSON, Frédéric REISS, Franck RIESTER, Camille de ROCCA-SERRA, Paul SALEN, François SCELLIER, Mme Claudine SCHMID, MM. André SCHNEIDER, Thierry SOLÈRE, Michel SORDI, Éric STRAUMANN, Jean-Charles TAUGOURDEAU, Guy TEISSIER, Michel TERROT, Jean-Marie TETART, Dominique TIAN, François VANNSON, Mme Catherine VAUTRIN, M. Éric WOERTH et Mme Marie-Jo ZIMMERMANN, députés ;



Et, le même jour, par MM. Jean-Claude GAUDIN, Pierre ANDRÉ, Gérard BAILLY, Philippe BAS, René BEAUMONT, Michel BÉCOT, Jean BIZET, Mme Françoise BOOG, MM. Pierre BORDIER, Joël BOURDIN, Mme Marie-Thérèse BRUGUIÈRE, MM. François-Noël BUFFET, François CALVET, Christian CAMBON, Jean-Pierre CANTEGRIT, Jean-Noël CARDOUX, Jean-Claude CARLE, Mme Caroline CAYEUX, MM. Gérard CÉSAR, Pierre CHARON, Alain CHATILLON, Jean-Pierre CHAUVEAU, Marcel-Pierre CLÉACH, Christian COINTAT, Gérard CORNU, Raymond COUDERC, Jean-Patrick COURTOIS, Philippe DALLIER, Serge DASSAULT, Mme Isabelle DEBRÉ, MM. Francis DELATTRE, Robert DEL PICCHIA, Gérard DÉRIOT, Mmes Catherine DEROCHE, Marie-Hélène DES ESGAULX, MM. Éric DOLIGÉ, Michel DOUBLET, Mme Marie-Annick DUCHÊNE, MM. Alain DUFAUT, André DULAIT, Ambroise DUPONT, Louis DUVERNOIS, Jean-Paul EMORINE, André FERRAND, Bernard FOURNIER, Jean-Paul FOURNIER, Christophe-André FRASSA, Pierre FROGIER, Yann GAILLARD, René GARREC, Mme Joëlle GARRIAUD MAYLAM, MM. Jacques GAUTIER, Patrice GÉLARD, Mme Colette GIUDICELLI, MM. Alain GOURNAC, Francis GRIGNON, François GROSDIDIER, Charles GUENÉ, Pierre HÉRISSON, Michel HOUEL, Mme Christiane HUMMEL, MM. Benoît HURÉ, Jean-François HUSSON, Jean-Jacques HYEST, Mme Christiane KAMMERMANN, MM. Roger KAROUTCHI, Gérard LARCHER, Robert LAUFOAULU, Daniel LAURENT, Jean-René LECERF, Antoine LEFÈVRE, Jacques LEGENDRE, Dominique de LEGGE, Jean-Pierre LELEUX, Jean-Claude LENOIR, Philippe LEROY, Gérard LONGUET, Roland du LUART, Philippe MARINI, Pierre MARTIN, Mme Hélène MASSON-MARET, M. Jean-François MAYET, Mme Colette MÉLOT, MM. Alain MILON, Albéric de MONTGOLFIER, Philippe NACHBARD, Louis NÈGRE, Philippe PAUL, Jackie PIERRE, Xavier PINTAT, Rémy POINTEREAU, Christian PONCELET, Ladislas PONIATOWSKI, Hugues PORTELLI, Mme Catherine PROCACCIA, MM. Jean-Pierre RAFFARIN, Henri de RAINCOURT, André REICHARDT, Bruno RETAILLEAU, Charles REVET, Bernard SAUGEY, René-Paul SAVARY, Bruno SIDO, Mme Esther SITTLER, M. André TRILLARD, Mme Catherine TROENDLÉ, MM. François TRUCY et Jean-Pierre VIAL, sénateurs.

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances ;
Vu le code du travail ;
Vu le code de commerce ;
Vu les observations du Gouvernement, enregistrées le 14 mars 2014 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant que les députés et les sénateurs requérants défèrent au Conseil constitutionnel la loi visant à reconquérir l'économie réelle ; qu'ils contestent la conformité à la Constitution de certaines dispositions de son article 1er ; que les sénateurs requérants contestent également la conformité à la Constitution de son article 9 et de certaines dispositions de son article 8 ;
- SUR CERTAINES DISPOSITIONS DE L'ARTICLE 1er :
2. Considérant que le paragraphe I de l'article 1er insère dans le chapitre III du titre III du livre II de la première partie du code du travail une section 4 bis, intitulée « Obligation de rechercher un repreneur en cas de projet de fermeture d'un établissement » comprenant les articles L. 1233-57-9 à L. 1233-57-22 ; que son paragraphe II complète le livre VII du code de commerce par un titre VII, intitulé « De la recherche d'un repreneur » comprenant les articles L. 771-1 à L. 773-3, relatifs à la saisine du tribunal de commerce, à la procédure de vérification par ce tribunal et aux sanctions applicables en cas de non-respect des obligations de recherche d'un repreneur ; que son paragraphe III est relatif à l'entrée en vigueur de ces nouvelles dispositions ;
3. Considérant que les dispositions de l'article 1er se substituent à celles de l'article L. 1233-90-1 du code du travail qui est abrogé par le paragraphe I de l'article 2 ; qu'elles instaurent, pour les entreprises d'au moins mille salariés ou appartenant à un groupe d'au moins mille salariés et qui ne sont pas placées en procédure de conciliation, sauvegarde, redressement ou liquidation judiciaire, de nouvelles obligations de recherche d'un repreneur lorsqu'est envisagée la fermeture d'un établissement qui aurait pour conséquence un projet de licenciement collectif et créent des sanctions auxquelles s'expose l'employeur qui ne respecterait pas ces obligations ou refuserait une offre de reprise sérieuse sans motif légitime ;
4. Considérant que les députés et les sénateurs requérants contestent la conformité aux exigences constitutionnelles en matière de liberté d'entreprendre et de droit de propriété des dispositions de l'article 1er qui prévoient un contrôle par le juge et une pénalité en cas de refus d'une offre de reprise sérieuse sans motif légitime ; qu'ils font valoir que ces dispositions ainsi que celles qui fixent les obligations d'information à la charge de l'employeur lors de la recherche d'un repreneur et qui prévoient que le tribunal de commerce peut prononcer des pénalités en cas de violation de ces obligations méconnaissent les principes de légalité des délits et des peines ainsi que les principes de nécessité et de proportionnalité des peines ; que les sénateurs requérants contestent également la conformité aux exigences constitutionnelles des dispositions de l'article 1er relatives à l'affectation du produit de ces pénalités ;
5. Considérant qu'aux termes de la première phrase du cinquième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 : « Chacun a le devoir de travailler et le droit d'obtenir un emploi » ; qu'il incombe au législateur, compétent en vertu de l'article 34 de la Constitution pour déterminer les principes fondamentaux du droit du travail, de poser des règles propres à assurer, conformément aux dispositions du Préambule de 1946, le droit pour chacun d'obtenir un emploi tout en permettant l'exercice de ce droit par le plus grand nombre ;
6. Considérant que la propriété figure au nombre des droits de l'homme consacrés par les articles 2 et 17 de la Déclaration de 1789 ; qu'aux termes de son article 17 : « La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité » ; qu'en l'absence de privation du droit de propriété au sens de cet article, il résulte néanmoins de l'article 2 de la Déclaration de 1789 que les atteintes portées à ce droit doivent être justifiées par un motif d'intérêt général et proportionnées à l'objectif poursuivi ;
7. Considérant qu'il est loisible au législateur d'apporter à la liberté d'entreprendre qui découle de l'article 4 de la Déclaration de 1789 des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l'intérêt général, à la condition qu'il n'en résulte pas d'atteintes disproportionnées au regard de l'objectif poursuivi ;
8. Considérant que, par les dispositions contestées, le législateur a entendu maintenir l'activité et préserver l'emploi en favorisant la reprise des établissements dont la fermeture est envisagée lorsqu'elle aurait pour conséquence un projet de licenciement collectif ; qu'il a ainsi poursuivi un objectif qui tend à mettre en oeuvre l'exigence résultant de la première phrase du cinquième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 ;
. En ce qui concerne les obligations d'information à la charge de l'employeur lors de la recherche d'un repreneur en cas de projet de fermeture d'un établissement :
9. Considérant que l'article L. 1233-57-14 impose à l'employeur ayant informé le comité d'entreprise du projet de fermeture d'un établissement qui aurait pour conséquence un projet de licenciement collectif de rechercher un repreneur ; qu'à ce titre, l'employeur est tenu : « 1° D'informer, par tout moyen approprié, des repreneurs potentiels de son intention de céder l'établissement ;
« 2° De réaliser sans délai un document de présentation de l'établissement destiné aux repreneurs potentiels ; « 3° Le cas échéant, d'engager la réalisation du bilan environnemental mentionné à l'article L. 623-1 du code de commerce, ce bilan devant établir un diagnostic précis des pollutions dues à l'activité de l'établissement et présenter les solutions de dépollution envisageables ainsi que leur coût ;
« 4° De donner accès à toutes informations nécessaires aux entreprises candidates à la reprise de l'établissement, exceptées les informations dont la communication serait de nature à porter atteinte aux intérêts de l'entreprise ou mettrait en péril la poursuite de l'ensemble de son activité. Les entreprises candidates à la reprise de l'établissement sont tenues à une obligation de confidentialité ;
« 5° D'examiner les offres de reprise qu'il reçoit ;
« 6° D'apporter une réponse motivée à chacune des offres de reprise reçues, dans les délais prévus à l'article L. 1233-30 » ;
10. Considérant que les députés requérants font valoir qu'en imposant la communication d'informations à toute entreprise concurrente se déclarant intéressée par la reprise de l'établissement dont la fermeture est envisagée sans que la méconnaissance de l'obligation de confidentialité relative à ces informations imposée aux candidats repreneurs puisse être sanctionnée, les dispositions contestées portent atteinte à la liberté d'entreprendre de l'entreprise qui envisage de fermer son établissement ;
11. Considérant que les dispositions de l'article L. 1233-57-14 du code du travail mettent à la charge des entreprises visées à l'article L. 1233-71 du même code, qui envisagent dans certaines conditions de fermer un établissement, l'obligation de rechercher un repreneur ; qu'à ce titre sont prévues des obligations d'information ainsi que des obligations de réaliser un document de présentation de l'établissement, de réaliser le cas échéant un bilan environnemental, d'examiner les offres de reprise et d'apporter une réponse motivée à chacune des offres de reprise reçues ; que le législateur a ainsi entendu permettre aux repreneurs potentiels d'avoir accès aux informations utiles relatives à l'établissement dont la fermeture est envisagée, sans pour autant imposer la communication d'informations lorsque cette communication serait susceptible d'être préjudiciable à l'entreprise cédante ou lorsque ces informations porteraient sur d'autres établissements que celui dont elle envisage la fermeture ; que, compte tenu de cet encadrement, l'obligation d'informations ne porte pas à la liberté d'entreprendre une atteinte manifestement disproportionnée au regard de l'objectif poursuivi ; que le grief tiré de la méconnaissance de la liberté d'entreprendre doit être écarté ;
. En ce qui concerne les sanctions en cas de non-respect des obligations de recherche d'un repreneur :
12. Considérant que le nouvel article L. 772-2 du code de commerce prévoit que le tribunal de commerce, saisi par le comité d'entreprise, examine : « 1° La conformité de la recherche aux obligations prévues aux articles L. 1233-57-14 à L. 1233-57-16, L. 1233-57-19 et L. 1233-57-20 du code du travail ;
« 2° Le caractère sérieux des offres de reprise, au regard notamment de la capacité de leur auteur à garantir la pérennité de l'activité et de l'emploi de l'établissement ;
« 3° L'existence d'un motif légitime de refus de cession, à savoir la mise en péril de la poursuite de l'ensemble de l'activité de l'entreprise. » ;
13. Considérant qu'aux termes du premier alinéa du nouvel article L. 773-1 du code de commerce : « Lorsque le tribunal de commerce a jugé, en application du chapitre II du présent titre, que l'entreprise n'a pas respecté les obligations mentionnées au 1° de l'article L. 772-2 ou qu'elle a refusé une offre de reprise sérieuse sans motif légitime de refus, il peut imposer le versement d'une pénalité, qui peut atteindre vingt fois la valeur mensuelle du salaire minimum interprofessionnel de croissance par emploi supprimé dans le cadre du licenciement collectif consécutif à la fermeture de l'établissement, dans la limite de 2 % du chiffre d'affaires annuel de l'entreprise. Le montant de la pénalité tient compte de la situation de l'entreprise et des efforts engagés pour la recherche d'un repreneur » ;
14. Considérant qu'aux termes de l'article L. 773-2 du même code : « Lorsque le jugement mentionné à l'article L. 773-1 constate que l'entreprise n'a pas respecté les obligations mentionnées au 1° de l'article L. 772-2 ou qu'elle a refusé une offre de reprise jugée sérieuse en application du 2° du même article en l'absence d'un motif légitime de refus de cession au titre du 3° dudit article, les personnes publiques compétentes peuvent émettre un titre exécutoire, dans un délai d'un an à compter de ce jugement, pour obtenir le remboursement de tout ou partie des aides pécuniaires en matière d'installation, de développement économique ou d'emploi attribuées à l'entreprise au cours des deux années précédant le jugement, au titre de l'établissement concerné par le projet de fermeture » ;
15. Considérant que les députés et sénateurs requérants mettent en cause le contrôle par le tribunal de commerce des offres de reprise de l'établissement et la pénalité encourue en cas de refus d'une offre de reprise sérieuse sans motif légitime ; qu'ils soutiennent que l'atteinte ainsi portée au droit de propriété et à la liberté d'entreprendre revêt un caractère disproportionné ;
16. Considérant qu'ils mettent également en cause la pénalité encourue lorsque l'entreprise n'a pas respecté les obligations mentionnées au 1° de l'article L. 772-2 du code de commerce et lorsqu'elle a refusé une offre de reprise sérieuse sans motif légitime ; qu'ils soutiennent que cette pénalité est manifestement disproportionnée au regard des manquements qu'elle réprime ;
17. Considérant que les sénateurs requérants contestent également l'imprécision de la définition des obligations dont la méconnaissance est réprimée ; qu'il en irait ainsi en particulier de l'obligation pour l'employeur « d'informer, par tout moyen approprié, des repreneurs potentiels de son intention de céder l'établissement » ainsi que de celle « de donner accès à toutes informations nécessaires aux entreprises candidates à la reprise de l'établissement, exceptées les informations dont la communication serait de nature à porter atteinte aux intérêts de l'entreprise ou mettrait en péril la poursuite de l'ensemble de son activité » ; qu'il en résulterait une méconnaissance des exigences résultant du principe de légalité des délits et des peines 18. Considérant que les sénateurs font enfin valoir que les exigences de valeur constitutionnelle résultant de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances sont méconnues par les dispositions relatives à l'affectation du produit des pénalités ;
- Quant au grief tiré de l'atteinte au droit de propriété et à la liberté d'entreprendre :
19. Considérant, d'une part, qu'en permettant un refus de cession en cas d'offre de reprise sérieuse dans le seul cas où il est motivé par la « mise en péril de la poursuite de l'ensemble de l'activité de l'entreprise » cessionnaire, les dispositions contestées ont pour effet de priver l'entreprise de sa capacité d'anticiper des difficultés économiques et de procéder à des arbitrages économiques à un autre niveau que celui de l'ensemble de l'activité de l'entreprise ;
20. Considérant, d'autre part, que les dispositions contestées imposent à l'entreprise qui envisage de fermer un établissement d'accepter une « offre de reprise sérieuse » ; que si le législateur précise que ce caractère sérieux des offres de reprise s'apprécie « notamment au regard de la capacité de leur auteur à garantir la pérennité de l'activité et de l'emploi de l'établissement », ces dispositions confient au tribunal de commerce saisi dans les conditions prévues à l'article L. 771-1 le pouvoir d'apprécier ce caractère sérieux ; que les dispositions contestées permettent également à un tribunal de commerce de juger qu'une entreprise a refusé sans motif légitime une offre de reprise sérieuse et de prononcer une pénalité pouvant atteindre vingt fois la valeur mensuelle du salaire minimum interprofessionnel de croissance par emploi supprimé ; que les dispositions contestées conduisent ainsi le juge à substituer son appréciation à celle du chef d'une entreprise, qui n'est pas en difficulté, pour des choix économiques relatifs à la conduite et au développement de cette entreprise ;
21. Considérant que l'obligation d'accepter une offre de reprise sérieuse en l'absence de motif légitime et la compétence confiée à la juridiction commerciale pour réprimer la violation de cette obligation font peser sur les choix économiques de l'entreprise, notamment relatifs à l'aliénation de certains biens, et sur sa gestion des contraintes qui portent tant au droit de propriété qu'à la liberté d'entreprendre une atteinte manifestement disproportionnée au regard de l'objectif poursuivi ; que, par suite, les dispositions des 2° et 3° de l'article L. 772-2 du code de commerce doivent être déclarées contraires à la Constitution ; qu'il en va de même, par voie de conséquence, des mots « ou qu'elle a refusé une offre de reprise sérieuse sans motif légitime de refus » figurant au premier alinéa de l'article L. 773-1 du même code et des mots : « ou qu'elle a refusé une offre de reprise jugée sérieuse en application du 2° du même article en l'absence d'un motif légitime de refus de cession au titre du 3° dudit article » figurant à l'article L. 773-2 du même code ;
- Quant au grief tiré de l'atteinte aux principes de nécessité et de proportionnalité des peines :
22. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la Déclaration de 1789 : « La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée » ; que les principes énoncés par cet article s'appliquent non seulement aux peines prononcées par les juridictions répressives mais aussi à toute sanction ayant le caractère d'une punition ;
23. Considérant que l'article 61 de la Constitution ne confère pas au Conseil constitutionnel un pouvoir général d'appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement, mais lui donne seulement compétence pour se prononcer sur la conformité à la Constitution des lois déférées à son examen ; que, si la nécessité des peines attachées aux infractions relève du pouvoir d'appréciation du législateur, il incombe au Conseil constitutionnel de s'assurer de l'absence de disproportion manifeste entre l'infraction et la peine encourue ;
24. Considérant, en premier lieu, que les dispositions du premier alinéa de l'article L. 773-1 du code de commerce confient au tribunal de commerce le soin de réprimer la méconnaissance, par l'entreprise, des obligations prévues aux articles L. 1233-57-14 à L. 1233-57-16, L. 1233-57-19 et L. 1233-57-20 du code du travail en lui imposant le versement d'une pénalité qui peut atteindre vingt fois la valeur mensuelle du salaire minimum interprofessionnel de croissance par emploi supprimé dans le cadre du licenciement collectif, dans la limite de 2 % du chiffre d'affaires annuel de l'entreprise ; qu'en instituant cette pénalité, le législateur a entendu assurer le respect par l'entreprise de ses obligations de recherche d'un repreneur, d'information et de consultation du comité d'entreprise et punir les manquements à ces obligations ; que, par suite, cette pénalité constitue une sanction ayant le caractère d'une punition au sens de l'article 8 de la Déclaration de 1789 ;
25. Considérant, en second lieu, qu'à la suite de l'inconstitutionnalité relevée au considérant 21 de la présente décision, la pénalité de l'article L. 773-1 du code de commerce ne concerne plus que l'absence de respect des obligations de consultation prévues aux articles L. 1233-57-14 à L. 1233-57-16, L. 1233-57-19 et L. 1233-57-20 du code du travail ; que, s'agissant d'un manquement à ces obligations en matière de recherche d'un repreneur et de consultation du comité d'entreprise, cette pénalité, qui peut atteindre vingt fois la valeur mensuelle du salaire minimum interprofessionnel de croissance par emploi supprimé, revêt un caractère manifestement hors de proportion avec la gravité du manquement réprimé ; qu'il résulte de ce qui précède que le surplus des dispositions du premier alinéa de l'article L. 773-1 du code de commerce doit être déclaré contraire à la Constitution ;
26. Considérant que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres griefs, doivent être également déclarées contraires à la Constitution, comme étant inséparables des dispositions du premier alinéa de l'article L. 773-1 du code de commerce, les dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 773-1 et celles du paragraphe IV de l'article 2 qui font référence à l'affectation du produit de la pénalité mentionnée à l'article L. 773-1 du code de commerce ;
27. Considérant que, pour le surplus, l'article L. 1233-57-14 du code du travail, qui ne méconnaît aucune exigence constitutionnelle, doit être déclaré conforme à la Constitution ;
- SUR CERTAINES DISPOSITIONS DE L'ARTICLE 8 :
28. Considérant que l'article 8 de la loi déférée modifie les dispositions du code du travail relatives, notamment, à l'information et à la consultation du comité d'entreprise lors d'une offre publique d'acquisition ; qu'en particulier, il donne une nouvelle rédaction de l'article L. 2323-23 de ce code ; que le premier alinéa du paragraphe I de cet article prévoit que « préalablement à l'avis motivé rendu par le conseil d'administration ou le conseil de surveillance sur l'intérêt de l'offre et sur les conséquences de celle-ci pour la société visée, ses actionnaires et ses salariés, le comité de l'entreprise faisant l'objet de l'offre est réuni et consulté sur le projet d'offre » et, qu'au cours de cette réunion, le comité d'entreprise « examine le rapport établi par l'expert-comptable en application de l'article L. 2323-22-1 et peut demander la présence de l'auteur de l'offre » ; que le deuxième alinéa de ce même paragraphe précise que le comité d'entreprise émet son avis dans un délai d'un mois à compter du dépôt du projet d'offre publique d'acquisition et qu'il est réputé avoir été consulté en l'absence d'avis dans ce délai ;
29. Considérant que le premier alinéa du paragraphe II de l'article L. 2323-23 permet aux membres élus du comité d'entreprise, s'ils estiment ne pas disposer d'éléments suffisants, de « saisir le président du tribunal de grande instance statuant en la forme des référés en dernier ressort pour qu'il ordonne la communication, par la société faisant l'objet de l'offre et par l'auteur de l'offre, des éléments manquants » et prévoit que le juge statue dans un délai de huit jours ; que le second alinéa de ce même paragraphe précise que « cette saisine n'a pas pour effet de prolonger le délai dont dispose le comité pour rendre son avis » mais qu'en cas « de difficultés particulières d'accès aux informations nécessaires à la formulation de l'avis du comité d'entreprise, le juge peut décider la prolongation du délai prévu au deuxième alinéa du I, sauf lorsque ces difficultés résultent d'une volonté manifeste de retenir ces informations de la part de la société faisant l'objet de l'offre » 30. Considérant que les sénateurs requérants soutiennent que les dispositions du second alinéa du paragraphe II de l'article L. 2323-23, en particulier la notion de rétention d'information, par leur imprécision, méconnaissent l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi dans des conditions qui portent atteinte à la liberté d'entreprendre ;
31. Considérant qu'il incombe au législateur d'exercer pleinement la compétence que lui confie la Constitution et, en particulier, son article 34 ; que le plein exercice de cette compétence, ainsi que l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi, qui découle des articles 4, 5, 6 et 16 de la Déclaration de 1789, lui imposent d'adopter des dispositions suffisamment précises et des formules non équivoques ;
32. Considérant que, par les dispositions contestées, le législateur a entendu que le comité d'entreprise soit informé en cas d'offre publique d'acquisition et a permis, à cette fin, aux membres élus de ce comité, lorsqu'ils estiment ne pas disposer d'éléments suffisants, de saisir le juge pour qu'il ordonne la communication, par la société faisant l'objet de l'offre et par l'auteur de l'offre, des éléments utiles pour l'appréciation à donner sur l'offre publique d'acquisition ; qu'afin que la procédure de l'offre publique d'acquisition ne soit pas inutilement retardée, le législateur a prévu que, dans l'hypothèse où le président du tribunal de grande instance statuant en la forme des référés est saisi, ce juge doit statuer dans un délai de huit jours et que cette saisine ne prolonge pas le délai d'un mois, à compter du dépôt du projet d'offre publique d'acquisition, dont dispose le comité d'entreprise pour rendre son avis ; que, toutefois, le juge peut décider la prolongation de ce délai d'un mois en cas de « difficultés particulières d'accès aux informations nécessaires à la formulation de l'avis du comité d'entreprise » ; que le juge ne dispose pas de cette faculté lorsqu'il lui apparaît que ces difficultés proviennent « d'une volonté manifeste de retenir ces informations de la part de la société faisant l'objet de l'offre » ; que ces dispositions ne sont entachées d'aucune inintelligibilité ;
33. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les dispositions du paragraphe II de l'article L. 2323-23 du code du travail, dans sa rédaction résultant de l'article 8 de la loi déférée, ne méconnaissent ni la liberté d'entreprendre ni aucune autre exigence constitutionnelle et doivent être déclarées conformes à la Constitution ;
- SUR L'ARTICLE 9 :
34. Considérant qu'aux termes du premier alinéa du paragraphe I de l'article L. 225-197-1 du code de commerce, relatif aux attributions d'actions gratuites, « l'assemblée générale extraordinaire, sur le rapport du conseil d'administration ou du directoire, selon le cas, et sur le rapport spécial des commissaires aux comptes, peut autoriser le conseil d'administration ou le directoire à procéder, au profit des membres du personnel salarié de la société ou de certaines catégories d'entre eux, à une attribution gratuite d'actions existantes ou à émettre » ;
35. Considérant, d'une part, que les deux premières phrases du deuxième alinéa du même paragraphe, précisent que l'assemblée générale extraordinaire fixe le pourcentage maximal du capital social pouvant être attribué dans les conditions précédemment définies et que le nombre total des actions attribuées gratuitement ne peut excéder 10 % du capital social à la date de la décision de leur attribution par le conseil d'administration ou le directoire ;
36. Considérant que l'article 9 de la loi déférée ajoute après ces dispositions deux phrases selon lesquelles : « Ce pourcentage est porté à 30 % lorsque l'attribution d'actions gratuites bénéficie à l'ensemble des membres du personnel salarié de la société. L'écart entre le nombre d'actions distribuées à chaque salarié ne peut être supérieur à un rapport de un à cinq » ;
37. Considérant, d'autre part, qu'en vertu du même alinéa du paragraphe I de l'article L. 225-197-1 dans les entreprises dont les titres ne sont pas admis aux négociations sur un marché réglementé ou un système multilatéral de négociation, les statuts peuvent prévoir un pourcentage maximal plus élevé du capital social pouvant être attribué ; que ce pourcentage ne peut toutefois excéder 15 % à la date de la décision d'attribution des actions par le conseil d'administration ou le directoire ;
38. Considérant que l'article 9 modifie également ces dispositions pour préciser que ce pourcentage maximal de 15 % ne s'applique que « dans le cas d'attributions gratuites d'actions à certaines catégories des membres du personnel salarié de la société uniquement » ; qu'il ajoute deux phrases selon lesquelles : « Ce pourcentage est porté à 30 % lorsque l'attribution d'actions gratuites bénéficie à l'ensemble des membres du personnel salarié de la société. L'écart entre le nombre d'actions distribuées à chaque salarié ne peut être supérieur à un rapport de un à cinq » ;
39. Considérant que, selon les sénateurs requérants, les dispositions de l'article 9 méconnaissent l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi, en particulier en ce qu'elles ne permettent pas de déterminer si les actions gratuites attribuées jusqu'au plafond de 10 % doivent respecter la règle selon laquelle « l'écart entre le nombre d'actions distribuées à chaque salarié ne peut être supérieur à un rapport de un à cinq » ; qu'elles ne permettraient pas non plus de déterminer si cet écart doit s'appliquer à la distribution elle-même ou au « stock détenu par chaque salarié à l'issue d'opérations de distribution successives » ; que ces dispositions porteraient atteinte au droit de propriété et à la liberté d'entreprendre ;
40. Considérant qu'il ressort des débats parlementaires que le législateur a entendu éviter « un écart trop important entre les salariés concernés » lorsque l'attribution d'actions gratuites bénéficie à l'ensemble des membres du personnel salarié de la société ; qu'il ressort également des débats parlementaires que cette nouvelle règle encadrant la distribution d'actions gratuites doit s'appliquer lors de la mise en oeuvre de la résolution de l'assemblée générale extraordinaire autorisant le conseil d'administration ou le directoire à procéder à une telle attribution ;
41. Considérant que les dispositions contestées permettent à l'assemblée générale extraordinaire d'autoriser le conseil d'administration ou le directoire à procéder à une attribution gratuite d'actions à l'ensemble des membres du personnel salarié de la société, dès lors, d'une part, que le pourcentage du capital social ainsi attribué ne dépasse pas 30 % et, d'autre part, que l'écart entre le nombre d'actions distribuées à chaque salarié n'est pas supérieur à un rapport de un à cinq ; que cet écart ne s'applique pas lorsque la distribution d'actions gratuites ne bénéficie pas à l'ensemble des membres du personnel salarié de la société mais seulement « à certaines catégories des membres du personnel salarié » ; que ces dispositions ne sont pas entachées d'inintelligibilité et ne portent aucune atteinte à la liberté d'entreprendre et au droit de propriété ;
42. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les dispositions de l'article 9 de la loi, qui ne méconnaissent aucune autre exigence constitutionnelle, doivent être déclarées conformes à la Constitution ;
43. Considérant qu'il n'y a lieu, pour le Conseil constitutionnel, de soulever d'office aucune question de constitutionnalité,

D É C I D E :
Article 1er.- Sont contraires à la Constitution les dispositions suivantes de la loi visant à reconquérir l'économie réelle :
- au paragraphe II de l'article 1er, les 2° et 3° de l'article L. 772-2 du code de commerce, les deux premiers alinéas de l'article L. 773-1 et, au premier alinéa de l'article L. 773-2, les mots : « ou qu'elle a refusé une offre de reprise jugée sérieuse en application du 2° du même article en l'absence d'un motif légitime de refus de cession au titre du 3° dudit article » ;
- le paragraphe IV de l'article 2.
Article 2.- Sont conformes à la Constitution les dispositions suivantes de la même loi :
- au paragraphe I de l'article 1er, les dispositions de l'article L. 1233-57-14 du code du travail ;
- à l'article 8, le paragraphe II de l'article L. 2323-23 du code du travail ;
- l'article 9.
Article 3.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 27 mars 2014, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, Mmes Claire BAZY MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC et Mme Nicole MAESTRACCI.


Conseil constitutionnel jeudi 13 août 2015
Décision N° 2015-718 DC

Le Conseil constitutionnel a été saisi, dans les conditions prévues à l'article 61, deuxième alinéa, de la Constitution, de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, le 23 juillet 2015, sous le numéro 2015-718 DC, par MM. Bruno RETAILLEAU, Gérard BAILLY, Christophe BÉCHU, Jean BIZET, François-Noël BUFFET, Christian CAMBON, Mme Agnès CANAYER, MM. Jean-Pierre CANTEGRIT, Jean-Noël CARDOUX, Jean-Claude CARLE, Mme Caroline CAYEUX, MM. Gérard CÉSAR, Patrick CHAIZE, Pierre CHARON, Daniel CHASSEING, Alain CHATILLON, François COMMEINHES, Philippe DALLIER, Mathieu DARNAUD, Serge DASSAULT, Mme Isabelle DEBRÉ, MM. Francis DELATTRE, Robert del PICCHIA, Mmes Catherine DEROCHE, Jacky DEROMEDI, Marie-Hélène DES ESGAULX, Chantal DESEYNE, Catherine DI FOLCO, MM. Eric DOLIGÉ, Philippe DOMINATI, Mmes Marie-Annick DUCHÊNE, Nicole DURANTON, MM. Louis DUVERNOIS, Jean-Paul EMORINE, Mme Dominique ESTROSI SASSONE, MM. Michel FORISSIER, Alain FOUCHÉ, Christophe FRASSA, Mme Joëlle GARRIAUD-MAYLAM, MM. Jean-Claude GAUDIN, Jacques GAUTIER, Jacques GENEST, Bruno GILLES, Mme Colette GIUDICELLI, MM. Alain GOURNAC, Jean-Pierre GRAND, Daniel GREMILLET, Charles GUENÉ, Benoît HURÉ, Jean-François HUSSON, Jean-Jacques HYEST, Mme Christiane KAMMERMANN, M. Roger KAROUTCHI, Mmes Fabienne KELLER, Elisabeth LAMURE, MM. Daniel LAURENT, Antoine LEFÈVRE, Jacques LEGENDRE, Dominique de LEGGE, Jean-Pierre LELEUX, Jean-Baptiste LEMOYNE, Jean-Claude LENOIR, Philippe LEROY, Mme Vivette LOPEZ, MM. Claude MALHURET, Patrick MASCLET, Jean-François MAYET, Mmes Colette MÉLOT, Marie MERCIER, Brigitte MICOULEAU, MM. Alain MILON, Albéric de MONTGOLFIER, Mme Patricia MORHET-RICHAUD, MM. Philippe MOUILLER, Philippe NACHBAR, Louis NÈGRE, Philippe PAUL, Cédric PERRIN, Jackie PIERRE, François PILLET, Rémy POINTEREAU, Ladislas PONIATOWSKI, Hugues PORTELLI, Mme Catherine PROCACCIA, MM. Henri de RAINCOURT, Michel RAISON, André REICHARDT, Charles REVET, Bernard SAUGEY, René-Paul SAVARY, Michel SAVIN, Bruno SIDO, André TRILLARD, Mme Catherine TROENDLÉ, MM. Michel VASPART et Jean-Pierre VIAL, sénateurs ;



Et le 27 juillet 2015, par MM. Christian JACOB, Élie ABOUD, Bernard ACCOYER, Yves ALBARELLO, Julien AUBERT, Jean-Pierre BARBIER, Etienne BLANC, Mme Valérie BOYER, MM. Xavier BRETON, Jérôme CHARTIER, Jean-Louis CHRIST, Dino CINIERI, Mme Marie-Christine DALLOZ, MM. Bernard DEFLESSELLES, Patrick DEVEDJIAN, Nicolas DHUICQ, Daniel FASQUELLE, Mme Marie-Louise FORT, MM. Yves FOULON, Marc FRANCINA, Yves FROMION, Claude de GANAY, Hervé GAYMARD, Mme Annie GENEVARD, MM. Daniel GIBBES, Franck GILARD, Philippe GOSSELIN, Mme Claude GREFF, MM.  Jean-Jacques GUILLET, Michel HEINRICH, Patrick HETZEL, Philippe HOUILLON, Guénhaël HUET, Jacques LAMBLIN, Jean-François LAMOUR, Mme Marie-Laure de LA RAUDIÈRE, MM. Guillaume LARRIVÉ, Charles de LA VERPILLIÈRE, Alain LEBOEUF, Mme Isabelle LE CALLENNEC, MM.  Pierre LELLOUCHE, Bruno LE MAIRE, Pierre LEQUILLER, Philippe LE RAY, Mme Véronique LOUWAGIE, MM. Jean-François MANCEL, Thierry MARIANI, Hervé MARITON, Alain MARLEIX, Alain MARSAUD, Philippe MARTIN, Patrice MARTIN-LALANDE, Alain MARTY, Pierre MOREL-A-L’HUISSIER, Mme Dominique NACHURY, M. Jean-Frédéric POISSON, Mme Josette PONS, MM. Didier QUENTIN, Frédéric REISS, Franck RIESTER, Martial SADDIER, Jean-Marie SERMIER, Fernand SIRÉ, Thierry SOLÈRE, Claude STURNI, Mme Michèle TABAROT, M. Lionel TARDY, Mme Catherine VAUTRIN, MM. Jean-Pierre VIGIER, Philippe VITEL, Michel VOISIN et Éric WOERTH, députés.

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution ;
Vu l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu la loi organique n° 2009-403 du 15 avril 2009 relative à l’application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution ;
Vu le code de la construction et de l’habitation ;
Vu le code de l’énergie ;
Vu le code de l’environnement ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code monétaire et financier ;
Vu la loi n° 86-897 du 1er août 1986 portant réforme du régime juridique de la presse ;
Vu les observations du Gouvernement, enregistrées le 7 août 2015 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant que les sénateurs et les députés requérants défèrent au Conseil constitutionnel la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte ; qu’ils contestent la procédure d’adoption de cette loi ; que les députés requérants contestent la conformité à la Constitution de ses articles 1er, 6, 44, 73, 83, 91, 139, 173 et 187 ;
- SUR LA PROCÉDURE D’ADOPTION DE LA LOI :
. En ce qui concerne l’étude d’impact jointe au projet de loi :
2. Considérant que les députés requérants invoquent la méconnaissance des exigences de l’article 8 de la loi organique du 15 avril 2009 ; que l’étude d’impact serait inconsistante en raison de l’insuffisance de l’examen des  conséquences sociales, économiques et financières du 5° du paragraphe III de l’article 1er de la loi déférée et de l’article L. 311-5-5 du code de l’énergie introduit par son article 187 ;
3. Considérant qu’aux termes des troisième et quatrième alinéas de l’article 39 de la Constitution : « La présentation des projets de loi déposés devant l’Assemblée nationale ou le Sénat répond aux conditions fixées par une loi organique. - Les projets de loi ne peuvent être inscrits à l’ordre du jour si la Conférence des présidents de la première assemblée saisie constate que les règles fixées par la loi organique sont méconnues. En cas de désaccord entre la Conférence des présidents et le Gouvernement, le président de l’assemblée intéressée ou le Premier ministre peut saisir le Conseil constitutionnel qui statue dans un délai de huit jours » ; qu’aux termes du premier alinéa de l’article 8 de la loi organique du 15 avril 2009 susvisée : « Les projets de loi font l’objet d’une étude d’impact. Les documents rendant compte de cette étude d’impact sont joints aux projets de loi dès leur transmission au Conseil d’État. Ils sont déposés sur le bureau de la première assemblée saisie en même temps que les projets de loi auxquels ils se rapportent » ; que, selon le premier alinéa de l’article 9 de la même loi organique, la Conférence des présidents de l’assemblée sur le bureau de laquelle le projet de loi a été déposé dispose d’un délai de dix jours suivant le dépôt pour constater que les règles relatives aux études d’impact sont méconnues ;
4. Considérant que le projet de loi a été déposé le 30 juillet 2014 sur le bureau de l’Assemblée nationale et que la Conférence des présidents de l’Assemblée nationale n’a été saisie d’aucune demande tendant à constater que les règles relatives aux études d’impact étaient méconnues ; que le grief tiré de la méconnaissance de l’article 8 de la loi organique du 15 avril 2009 doit être écarté ;
. En ce qui concerne la commission mixte paritaire :
5. Considérant que les sénateurs requérants contestent les conditions dans lesquelles se sont déroulés les travaux de la commission mixte paritaire qui s’est réunie le 10 mars 2015 pour élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi ; qu’ils font valoir que l’absence de vote ou de consultation des membres de la commission par son président lors de cette réunion a porté gravement atteinte aux exigences de clarté et de sincérité des débats parlementaires ; qu’auraient ainsi également été méconnues les exigences de l’article 45 de la Constitution ;
6. Considérant qu’en vertu du deuxième alinéa de l’article 45 de la Constitution, la commission mixte paritaire est « chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion » ;
7. Considérant qu’aux termes de l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 : « La loi est l’expression de la volonté générale » ; qu’aux termes du premier alinéa de l’article 3 de la Constitution : « La souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants » ; que ces dispositions imposent le respect des exigences de clarté et de sincérité des débats parlementaires ;
8. Considérant qu’il ressort du rapport établi conjointement par les rapporteurs des deux assemblées à l’issue de la réunion de la commission mixte paritaire, d’une part, que la commission a constaté l’impossibilité de parvenir à l’adoption d’un texte commun, et, d’autre part, que ce constat n’a pas été contesté ; qu’il n’appartient pas au Conseil constitutionnel de contrôler pour quels motifs ou dans quelles conditions une commission mixte paritaire ne parvient pas à l’adoption d’un texte commun ; que ni les exigences constitutionnelles de l’article 45 de la Constitution ni celles de clarté et de sincérité des débats parlementaires n’ont été méconnues ;
9. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la loi déférée a été adoptée selon une procédure conforme à la Constitution ;
- SUR L’ARTICLE 1er :
10. Considérant que l’article 1er est relatif aux objectifs de la politique énergétique de l’État ; que ses paragraphes I à III modifient la rédaction des articles L. 100-1, L. 100-2 et L. 100-4 du code de l’énergie ; que l’article L. 100-1 énumère les sept  objectifs devant être poursuivis par la politique énergétique ; que l’article L. 100-2 énonce des moyens devant être mis en œuvre par l’État, en cohérence avec les collectivités territoriales et en mobilisant les entreprises, les associations et les citoyens pour atteindre ces objectifs ; que l’article L. 100-4 fixe les objectifs quantitatifs assignés à la politique énergétique ;
11. Considérant que les députés requérants soutiennent que les dispositions de l’article 1er ne sont pas normatives ; qu’eu égard à la multiplicité des objectifs fixés par cet article, à leur redondance et aux contradictions qu’ils recèlent, ces dispositions méconnaîtraient le principe d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi ; que, selon eux, le vingt-neuvième alinéa de cet article, en ce qu’il prévoit une réduction de la part de l’énergie nucléaire dans la production d’électricité sans indemnisation juste et préalable de la société Areva, qui exerce une activité de retraitement des combustibles nucléaires, viole également le droit de propriété de cette société tel que garanti par l’article 17 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 et porte une atteinte disproportionnée à la liberté d’entreprendre de celle-ci ;  que ce même alinéa serait également contraire au principe de prévention prévu à l’article 3 de la Charte de l’environnement et à l’exigence de promotion du développement durable résultant de l’article 6 de cette même Charte ;
12. Considérant qu’aux termes du vingtième alinéa de l’article 34 de la Constitution : « Des lois de programmation déterminent les objectifs de l’action de l’État » ; que les dispositions de l’article 1er de la loi déférée, y compris son vingt-neuvième alinéa, qui fixent des objectifs à l’action de l’État dans le domaine énergétique appartiennent à cette catégorie ; qu’il s’ensuit que le grief tiré d’un défaut de portée normative ne peut être utilement soulevé à leur encontre ; que ne sauraient davantage être invoqués les griefs tirés de ce que ces dispositions portent atteinte au droit de propriété, à la liberté d’entreprendre, aux articles 3 et 6 de la Charte de l’environnement et à l’objectif d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi ;
13. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que les dispositions de l’article 1er sont conformes à la Constitution ;
- SUR L’ARTICLE 6 :
14. Considérant qu’aux termes de l’article 6 : « À partir de 2030, les bâtiments privés résidentiels doivent faire l’objet d’une rénovation énergétique à l’occasion d’une mutation, selon leur niveau de performance énergétique, sous réserve de la mise à disposition des outils financiers adéquats. - Un décret en Conseil d’État précise le calendrier progressif d’application de cette obligation en fonction de la performance énergétique, étalé jusqu’en 2050 » ;
15. Considérant que les députés saisissants estiment que les dispositions de cet article méconnaissent le droit de propriété ;
16. Considérant que la propriété figure au nombre des droits de l’homme consacrés par les articles 2 et 17 de la Déclaration de 1789 ; qu’aux termes de son article 17 : « La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n’est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l’exige évidemment, et sous la condition d’une juste et préalable indemnité » ; qu’en l’absence de privation du droit de propriété au sens de cet article, il résulte néanmoins de l’article 2 de la Déclaration de 1789 que les atteintes portées à ce droit doivent être justifiées par un motif d’intérêt général et proportionnées à l’objectif poursuivi ;
17. Considérant qu’en vertu de l’article 34 de la Constitution, « la loi détermine les principes fondamentaux… du régime de la propriété » ; qu’il incombe au législateur d’exercer pleinement la compétence que lui confie la Constitution et, en particulier, son article 34 ;
18. Considérant, d’une part, que les dispositions contestées ne se bornent pas à déterminer un objectif de l’action de l’État mais fixent une obligation de rénovation énergétique des bâtiments privés résidentiels, « à l’occasion d’une mutation », applicable à partir de 2030 ; qu’elles n’ont pas le caractère de dispositions relevant d’une loi de programmation ;
19. Considérant, d’autre part, qu’en s’attachant à réduire la consommation énergétique des bâtiments résidentiels, le législateur a poursuivi un objectif d’intérêt général ; que, toutefois, en ne définissant ni la portée de l’obligation qu’il a posée, ni les conditions financières de sa mise en œuvre, ni celles de son application dans le temps, le législateur n’a pas suffisamment défini les conditions et les modalités de cette atteinte au droit de disposer de son bien ;
20. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que les dispositions de l’article 6 sont contraires à la Constitution ;
- SUR L’ARTICLE 44 :
21. Considérant que l’article 44 impose aux entreprises ou groupements d’entreprises appartenant au secteur de la grande distribution d’établir au plus tard le 31 décembre 2016 un programme des actions  qu’ils décident de mettre en œuvre ou auxquelles ils décident de contribuer afin de réduire les émissions de gaz à effet de serre et de polluants atmosphériques résultant du transport des marchandises qu’ils commercialisent sur le territoire national entre les sites de production et les  points de destination finale ; que le dernier alinéa de cet article dispose que « le champ des entreprises » soumises à l’obligation d’établir ce programme et les modalités d’application de cet article sont précisés par décret ;
22. Considérant que les députés auteurs de la saisine soutiennent que ces dispositions sont dénuées de portée normative ; qu’ils estiment par ailleurs qu’elles méconnaissent le principe d’égalité devant la loi dès lors qu’elles s’imposent au seul secteur de la grande distribution et que la différence de traitement ainsi instaurée n’est pas fondée sur des critères objectifs et rationnels ; qu’ils font également valoir qu’en laissant au pouvoir réglementaire le soin de déterminer les entreprises soumises à l’obligation édictée, les modalités d’application de cette obligation et les éventuelles sanctions en l’absence de respect de ces dispositions, le législateur a méconnu l’étendue de sa compétence ; qu’enfin, ces dispositions porteraient atteinte au principe d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi ;
23. Considérant qu’en vertu de l’article 34 de la Constitution, « la loi détermine les principes fondamentaux … des obligations civiles et commerciales » ; qu’il incombe au législateur d’exercer pleinement la compétence que lui confie la Constitution et, en particulier, son article 34 ;
24. Considérant que les dispositions contestées imposent aux entreprises ou groupements d’entreprises appartenant au secteur de la grande distribution d’établir un programme d’actions afin de réduire les émissions de gaz à effet de serre et de polluants atmosphériques résultant du transport des marchandises qu’ils commercialisent sur le territoire national ; que le législateur a ainsi entendu prendre en compte la part importante des émissions nationales de gaz à effet de serre résultant du transport de marchandises par et pour le compte de la grande distribution ; que, toutefois, il n’a pas déterminé les entreprises du secteur de la grande distribution soumises à cette obligation ; qu’il s’est borné à renvoyer à un décret le soin de déterminer le « champ » de ces entreprises ; que le législateur n’a pas encadré le renvoi au décret et, en confiant au pouvoir réglementaire la compétence pour fixer le champ d’application de la loi, a reporté sur des autorités administratives ou juridictionnelles le soin de fixer des règles dont la détermination n’a été confiée par la Constitution qu’à la loi ; qu’il a ainsi méconnu l’étendue de sa compétence ; que les dispositions de l’article 44 sont contraires à la Constitution ;
- SUR L’ARTICLE 73 :
25. Considérant que l’article 73 est relatif à l’interdiction de la mise à disposition d’ustensiles jetables de cuisine en matière plastique à compter du 1er janvier 2020 ; qu’il complète l’article L. 541-10-5 du code de l’environnement par un paragraphe III, dont le premier alinéa prévoit, à compter du 1er janvier 2020, la fin de la mise à disposition des « gobelets, verres et assiettes jetables de cuisine pour la table en matière plastique, sauf ceux compostables en compostage domestique et constitués, pour tout ou partie, de matières biosourcées » ; que le second alinéa du nouveau paragraphe III de l’article L. 541-10-5 renvoie à un décret le soin de fixer les modalités d’application du premier alinéa ;
26. Considérant que les députés requérants soutiennent qu’en interdisant la mise à disposition d’ustensiles de cuisine qui répondent à la qualification d’ « emballage » au sens de la directive européenne du 20 décembre 1994 relative aux emballages et aux déchets d’emballages, l’article 73 méconnaît l’article 88-1 de la Constitution ; qu’ils reprochent également à cet article de méconnaître l’objectif d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi ;
27. Considérant que les dispositions contestées n’ont pas pour objet de transposer une directive européenne ; que, par suite, le grief tiré de la méconnaissance de l’article 88-1 de la Constitution est inopérant ;
28. Considérant que les dispositions de l’article 73, qui ne sont pas inintelligibles et ne méconnaissent aucune autre exigence constitutionnelle, sont conformes à la Constitution ;
- SUR L’ARTICLE 83 :
29. Considérant que l’article 83 insère, après la première phrase du deuxième alinéa du paragraphe II de l’article L. 541-10 du code de l’environnement, une phrase ainsi rédigée : « Quand un éco-organisme est constitué sous forme de société, la majorité du capital social appartient à des producteurs, importateurs et distributeurs auxquels l’obligation susvisée est imposée par les dispositions de la présente section, représentatifs des adhérents à cet éco-organisme pour les produits concernés que ceux-ci mettent sur le marché français » ;
30. Considérant que les députés requérants soutiennent qu’en s’abstenant de fixer les critères de détermination des personnes admises à détenir des parts dans les éco-organismes constitués sous forme de société, cet article est entaché d’incompétence négative et méconnaît l’objectif d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi ; qu’ils reprochent en outre à cet article de porter une atteinte disproportionnée au droit de propriété protégé par l’article 2 de la Déclaration de 1789 et à la liberté d’entreprendre, d’une part, en interdisant à un associé ou un actionnaire d’un éco-organisme existant constitué sous forme de société de céder ses parts à la personne de son choix  et, d’autre part,  en limitant le droit de toute personne à acquérir des parts d’un éco-organisme constitué sous forme de société ;
31. Considérant qu’il est loisible au législateur d’apporter à la liberté d’entreprendre qui découle de l’article 4 de la Déclaration de 1789 des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l’intérêt général, à la condition qu’il n’en résulte pas d’atteintes disproportionnées au regard de l’objectif poursuivi ;
32. Considérant qu’aux termes de l’article 16 de la Déclaration de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution » ;
33. Considérant qu’il est à tout moment loisible au législateur, statuant dans le domaine de sa compétence, de modifier des textes antérieurs ou d’abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d’autres dispositions ; que, ce faisant, il ne saurait toutefois priver de garanties légales des exigences constitutionnelles ; qu’en particulier, il ne saurait, sans motif d’intérêt général suffisant, ni porter atteinte aux situations légalement acquises ni remettre en cause les effets qui peuvent légitimement être attendus de telles situations ;
34. Considérant que, pour mettre en œuvre le principe de « responsabilité élargie du producteur », le paragraphe II de l’article L. 541-10 du code de l’environnement, dans sa rédaction antérieure à la loi déférée, permet d’obliger les producteurs, importateurs et distributeurs de produits à pourvoir ou à contribuer à la prévention et à la gestion des déchets qui en proviennent ; que les producteurs, importateurs et distributeurs ainsi visés par cette obligation peuvent s’en acquitter soit de manière individuelle, soit en mettant en place collectivement des éco-organismes, auxquels ils versent une contribution financière et transfèrent leur obligation et dont ils assurent la gouvernance ;
35. Considérant qu’en adoptant l’article 83, le législateur a entendu, pour favoriser la diminution de la production de déchets, éviter que les éco-organismes ne soient contrôlés par des entreprises de traitement des déchets qui, contrairement aux entreprises soumises au principe de « responsabilité élargie du producteur », n’ont pas intérêt à voir diminuer le volume des déchets à la source ; qu’il a ainsi poursuivi un objectif d’intérêt général ;
36. Considérant, toutefois, que, si les dispositions contestées pouvaient imposer que la majorité du capital d’un éco-organisme constitué sous forme de société soit détenue par des producteurs, importateurs et distributeurs représentatifs des adhérents à cet éco-organisme pour les produits concernés, elles ne pouvaient imposer une telle obligation nouvelle aux sociétés et à leurs associés et actionnaires sans que soient prévues des garanties de nature à assurer la protection du droit de propriété et de la garantie des droits, qui ne sauraient relever du décret en Conseil d’État prévu par le paragraphe X de l’article L. 541-10 du code de l’environnement dans lequel les dispositions contestées s’insèrent ; qu’il en résulte une atteinte disproportionnée au droit de propriété et à la garantie des droits ; que, par suite et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres griefs, l’article 83 est contraire à la Constitution ;
- SUR CERTAINES DISPOSITIONS DE L’ARTICLE 91 :
37. Considérant que l’article 91 est relatif à l’extension du champ d’application de la « responsabilité élargie du producteur » sur les papiers ;
38. Considérant que le a) du 2° du paragraphe I de l’article 91 donne une nouvelle rédaction du deuxième alinéa du paragraphe IV de l’article L. 541-10-1 du code de l’environnement pour étendre le champ de la contribution due au titre de la responsabilité élargie des producteurs de papier instituée par le premier alinéa du paragraphe I de cet article L. 541-10-1, d’une part, aux publications de presse au sens de l’article 1er de la loi du 1er août 1986 susvisée et conformes aux dispositions du premier alinéa et des 1°, 2°, 3° et 5° de l’article 72 de l’annexe III au code général des impôts, sous réserve de ne pas constituer une des publications désignées aux a), c), d) et e) du 6° du même article 72 et, d’autre part, aux encartages publicitaires accompagnant une publication de presse à condition qu’ils soient annoncés au sommaire de cette publication ; que cette contribution « peut être versée en tout ou partie sous forme de prestations en nature prenant la forme d’une mise à disposition d’encarts publicitaires destinés à informer le consommateur sur la nécessité de favoriser le geste de tri et le recyclage du papier. Un décret précise les conditions selon lesquelles cette contribution en nature est apportée, en fonction des caractéristiques des publications » ; qu’en vertu du paragraphe II de l’article 91, ces nouvelles dispositions entrent en vigueur à compter du 1er janvier 2017 ;
39. Considérant que les députés requérants soutiennent que les dispositions du a) du 2° du paragraphe I de l’article 91 méconnaissent le principe d’égalité devant la loi dès lors que la possibilité de verser la contribution sous forme de prestations en nature n’est pas ouverte à toutes les publications de presse ; que, selon eux, les dispositions contestées sont entachées d’incompétence négative dès lors qu’elles renvoient à un décret le soin de définir les conditions dans lesquelles la contribution pourra être versée en nature alors qu’en vertu de l’article 34 de la Constitution, la loi fixe les règles concernant l’assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures ; qu’ils soutiennent, pour le même motif, que les dispositions contestées méconnaissent le principe d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi ;
40. Considérant, en premier lieu, que, d’une part, la contribution instituée par le premier alinéa du paragraphe I de cet article L. 541-10-1 ne constitue pas une imposition de toutes natures ; que, d’autre part, le a) du 2° du paragraphe I de l’article 91 confie seulement au décret le soin de définir les conditions dans lesquelles la contribution en nature est apportée pour s’assurer que la mise à disposition d’encarts publicitaires soit d’une valeur équivalente à celle de la contribution financière ; qu’ainsi, le législateur n’a pas méconnu l’étendue de sa compétence ; que, par suite, le grief tiré de la méconnaissance de l’article 34 de la Constitution doit être écarté ;
41. Considérant, en second lieu, qu’en adoptant les dispositions du a) du 2° du paragraphe I de l’article 91, le législateur a prévu que l’ensemble des publications de presse désormais soumises à la contribution pourront s’acquitter de tout ou partie de cette contribution sous forme de prestation en nature ; qu’il n’a donc pas institué de différence de traitement entre les catégories de publications de presse ; que, par suite, le grief tiré de la méconnaissance de l’article 6 de la Déclaration de 1789 doit être écarté ;
42. Considérant que les dispositions du a) du 2° du paragraphe I de l’article 91, qui ne sont pas inintelligibles et ne méconnaissent aucune autre exigence constitutionnelle, sont conformes à la Constitution ;
- SUR L’ARTICLE 139 :
43. Considérant que l’article 139 modifie le dernier alinéa de l’article L. 553-1 du code de l’environnement, relatif aux autorisations d’exploiter les installations terrestres de production d’électricité utilisant l’énergie mécanique du vent dont la hauteur des mâts dépasse cinquante mètres ; qu’il prévoit que la distance d’éloignement entre ces installations et les constructions à usage d’habitation, les immeubles habités et les zones destinées à l’habitation définies dans les documents d’urbanisme, au respect de laquelle est subordonnée la délivrance de l’autorisation d’exploiter, est au minimum de cinq cents mètres et doit être appréciée au regard de l’étude d’impact prévue à l’article L. 122-1 du même code ;
44. Considérant que les députés requérants font valoir que l’article 139 méconnaît le principe de participation du public garanti par l’article 7 de la Charte de l’environnement ainsi que le principe d’égalité devant la loi dès lors qu’il supprime l’enquête publique préalable à la délivrance de l’autorisation d’exploiter une éolienne ;
45. Considérant qu’en faisant référence à l’étude d’impact prévue à l’article L. 122-1 du code de l’environnement, les dispositions contestées n’ont ni pour objet ni pour effet de supprimer l’obligation de réaliser une enquête publique à laquelle est subordonnée toute autorisation prévue par l’article L. 512-1 du même code ; que le grief manque en fait ;
46. Considérant que les dispositions de l’article 139, qui ne méconnaissent ni le principe de la participation du public aux décisions ayant une incidence sur l’environnement ni aucune autre exigence constitutionnelle, sont conformes à la Constitution ;
- SUR CERTAINES DISPOSITIONS DE L’ARTICLE 173 :
47. Considérant que l’article 173 est relatif à la stratégie nationale de développement à faible intensité de carbone et aux schémas régionaux du climat, de l’air et de l’énergie ; que le paragraphe VI de l’article 173 complète l’article L. 533-22-1 du code monétaire et financier afin d’imposer aux entreprises d’assurance et de réassurance régies par le code des assurances, aux mutuelles ou unions régies par le code de la mutualité, aux institutions de prévoyance et à leurs unions régies par le code de la sécurité sociale, aux sociétés d’investissement à capital variable, à la Caisse des dépôts et consignations, aux institutions de retraite complémentaire  régies par le code de la sécurité sociale, à l’institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l’État et des collectivités publiques et à l’établissement public gérant le régime public de retraite additionnel obligatoire de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales la mention dans leur rapport annuel et la mise à la disposition de leurs souscripteurs d’une information sur les modalités de prise en compte dans leur politique d’investissement des critères relatifs au respect d’objectifs sociaux, environnementaux et de qualité de gouvernance et sur les moyens mis en œuvre pour contribuer à la transition énergétique et écologique ; qu’en particulier, en matière de prise en compte d’objectifs environnementaux, les informations doivent prendre en compte l’exposition aux risques climatiques ainsi que la contribution au respect de l’objectif international de limitation du réchauffement climatique et à l’atteinte des objectifs de la transition énergétique et écologique ; que, le cas échéant, doivent être expliquées les raisons pour lesquelles la contribution des institutions susmentionnées est « en deçà de ces cibles indicatives pour le dernier exercice clos » ;
48. Considérant que les députés requérants contestent l’atteinte excessive à la liberté d’entreprendre résultant de ces obligations d’information et de justification ; qu’ils soutiennent également que ces dispositions sont incompatibles avec le droit de l’Union européenne et, en particulier, contradictoires avec la liberté d’investissement garantie aux entreprises d’assurance par la directive européenne du 25 novembre 2009 sur l’accès aux activités de l’assurance et de la réassurance et leur exercice ;
49. Considérant, en premier lieu, que les dispositions contestées sont uniquement relatives aux informations qui doivent figurer dans les rapports annuels et être mises à disposition des souscripteurs des institutions susmentionnées ; qu’une telle obligation d’information ne saurait, en elle-même, méconnaître la liberté d’entreprendre ;
50. Considérant, en second lieu, que les dispositions contestées n’ont pas pour objet de transposer une directive européenne ; que par suite, le grief tiré de la méconnaissance de l’article 88-1 de la Constitution est inopérant ;
51. Considérant que le paragraphe VI de l’article 173, qui ne méconnaît aucune autre exigence constitutionnelle, est conforme à la Constitution ;
- SUR CERTAINES DISPOSITIONS DE L’ARTICLE 187 :
52. Considérant que l’article 187 est relatif aux autorisations administratives d’exploitation des installations de production d’électricité ; que le 3° de l’article 187 complète le chapitre Ier du titre Ier du livre III du code de l’énergie par des nouveaux articles L. 311-5-1 à L. 311-5-7 ;
53. Considérant que l’article L. 311-5-5 interdit la délivrance d’une autorisation d’exploiter une installation de production d’électricité d’origine nucléaire lorsqu’elle aurait pour effet de porter la capacité totale autorisée de production d’électricité d’origine nucléaire au-delà de 63,2 gigawatts ; qu’il précise que, pour apprécier la capacité totale autorisée, l’autorité administrative prend en compte les abrogations prononcées par décret à la demande du titulaire d’une autorisation ;
54. Considérant que l’article L. 311-5-6 prévoit que, pour les installations de production d’électricité soumises au régime des installations nucléaires de base, la demande d’autorisation d’exploiter doit être déposée au plus tard dix-huit mois avant la date de mise en service et en tout état de cause au plus tard dix-huit mois avant l’expiration du délai fixé pour la mise en service de l’installation lors de la délivrance de l’autorisation de création ;
55. Considérant que les députés requérants soutiennent que le plafond fixé par le nouvel article L. 311-5-5 du code de l’énergie, inférieur à la somme des puissances résultant des autorisations accordées à ce jour, en contraignant la société titulaire de ces autorisations à renoncer à certaines d’entre elles, porte atteinte au droit de propriété de cette société, en méconnaissance des exigences de l’article 17 de la Déclaration de 1789 ; que cette atteinte au droit de propriété serait aggravée par la combinaison du plafonnement de la capacité nucléaire installée et des dispositions du nouvel article L. 311-5-6 du code de l’énergie, relatives au délai de dépôt de la demande d’autorisation d’exploiter, dans la mesure où la date de mise en service des installations nucléaires est elle-même très antérieure à la date à laquelle l’électricité produite peut être livrée au réseau ; que le législateur aurait également méconnu le principe d’égalité en instaurant un délai dérogatoire entre le dépôt d’une demande d’autorisation d’exploiter relative à une installation nucléaire de base et la mise en service de cette exploitation ; qu’enfin, ces dispositions seraient incompatibles avec le droit de l’Union européenne et, en particulier, contraires à l’obligation de mise en place de conditions non discriminatoires pour le marché de l’électricité prévue par la directive européenne du 13 juillet 2009 concernant des règles communes pour le marché intérieur de l’électricité ;
56. Considérant, en premier lieu, que les autorisations d’exploiter des installations de production d’électricité accordées par l’autorité administrative ne sauraient être assimilées à des biens objets pour leurs titulaires d’un droit de propriété ; que, par suite, les dispositions contestées n’entraînent ni une privation de propriété au sens de l’article 17 de la Déclaration de 1789 ni une atteinte à ce droit en méconnaissance de l’article 2 de cette déclaration ;
57. Considérant, en deuxième lieu, que l’article L. 593-7 du code de l’environnement subordonne la création d’une installation nucléaire de base à la délivrance d’une autorisation de création ; qu’en application de l’article L. 593-11 du même code, la mise en service de cette installation est autorisée par l’Autorité de sûreté nucléaire ; qu’en vertu de l’article L. 593-13 du même code, à défaut d’une mise en service dans le délai fixé par l’autorisation de création, il peut être mis fin à l’autorisation de l’installation après avis de l’Autorité de sûreté nucléaire ; que les dispositions de l’article L. 311-5-5 du code de l’énergie plafonnent à 63,2 gigawatts la capacité totale autorisée pour la délivrance des autorisations d’exploiter des installations nucléaires de base ; que le total des capacités de production d’électricité d’origine nucléaire aujourd’hui utilisées s’élève à ce montant ; que, toutefois, la somme des capacités de production utilisées et des capacités relatives à des installations ayant déjà fait l’objet d’une autorisation de création sans être encore mises en service excède ce plafond de 1,65 gigawatt ; qu’il en résulte une atteinte aux effets qui peuvent légitimement être attendus de situations légalement acquises ;
58. Considérant, d’une part, qu’il résulte de la combinaison des articles L. 311-5-5 et L. 311-5-6 que le respect du plafond de la capacité totale autorisée de production d’électricité d’origine nucléaire est apprécié à la date de mise en service de l’installation et non à la date du dépôt de la demande d’autorisation d’exploiter ; que, par suite, l’article L. 311-5-5 n’impose pas l’abrogation immédiate d’une autorisation d’exploiter ; qu’il laisse également le titulaire des autorisations d’exploiter libre de choisir, en fonction des perspectives d’évolution du parc des installations nucléaires, les autorisations d’exploiter dont il pourra demander l’abrogation afin de respecter les nouvelles exigences fixées par la loi ; qu’il ressort des travaux préparatoires de la loi déférée qu’en plafonnant la somme des puissances autorisées par des autorisations d’exploiter une installation nucléaire de base, le législateur a entendu promouvoir la diversification des sources d’énergie et la réduction de la part de l’électricité d’origine nucléaire ; qu’il a ainsi poursuivi des objectifs d’intérêt général ; que l’atteinte portée aux effets qui peuvent légitimement être attendus de situations légalement acquises est justifiée par des motifs d’intérêt général suffisants et proportionnée aux buts poursuivis ;
59. Considérant, d’autre part, que les dispositions contestées ne font pas obstacle à ce que les titulaires d’autorisations de création d’installations nucléaires de base déjà délivrées au jour de l’entrée en vigueur de la loi déférée, privés de la possibilité de demander une autorisation d’exploiter une installation pour laquelle ils disposent d’une telle autorisation de création ou contraints de demander l’abrogation d’une autorisation d’exploiter afin de respecter le plafonnement institué par l’article L. 311-5-5, puissent prétendre à une indemnisation du préjudice subi ;
60. Considérant que, dans ces conditions, la garantie des droits des titulaires d’autorisations relatives à des installations nucléaires de base n’est pas méconnue par les dispositions contestées ;
61. Considérant, en troisième lieu, que les dispositions de l’article L. 311-5-6 exigent un dépôt de la demande d’autorisation d’exploiter une installation nucléaire de base au moins dix-huit mois avant la mise en service de cette installation et au plus tard dix-huit mois avant l’expiration du délai de mise en service fixé par l’autorisation de création de l’installation ; qu’ainsi qu’il résulte des travaux préparatoires, le législateur a entendu donner un temps suffisant à l’autorité administrative pour instruire des demandes d’une complexité particulière ; qu’en prévoyant un tel délai avant la mise en service pour les demandes d’autorisation d’exploiter une installation nucléaire, qui diffère de celui prévu pour les demandes d’autorisation d’exploiter d’autres installations de production d’électricité, le législateur a traité différemment des situations différentes ; que cette différence de traitement est en rapport avec l’objet de la loi qui l’établit ; que les dispositions contestées ne méconnaissent pas le principe d’égalité devant la loi ;
62. Considérant, en dernier lieu, que les dispositions contestées n’ont pas pour objet de transposer une directive européenne ; que par suite, le grief tiré de la méconnaissance de l’article 88-1 de la Constitution est inopérant ;
63. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que les articles L. 311-5-5 et L. 311-5-6 du code de l’énergie dans leur rédaction résultant du 3° de l’article 187 sont conformes à la Constitution ;
- SUR CERTAINES DISPOSITIONS DE L’ARTICLE 9 :
64. Considérant que l’article 9 complète l’article L. 142-1 du code de la construction et de l’habitation relatif au centre scientifique et technique du bâtiment ; que le nouveau deuxième alinéa prévoit que le président du conseil d’administration de ce centre est nommé en conseil des ministres, pour un mandat de cinq ans, renouvelable une fois,  « après audition par les commissions permanentes compétentes du Parlement » ;
65. Considérant que le principe de la séparation des pouvoirs fait obstacle à ce que, en l’absence de disposition constitutionnelle le permettant, le pouvoir de nomination par une autorité administrative ou juridictionnelle soit subordonné à l’audition par les assemblées parlementaires des personnes dont la nomination est envisagée ;
66. Considérant qu’en imposant l’audition par les commissions permanentes compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat de la personne dont la nomination comme président du conseil d’administration du centre scientifique et technique du bâtiment est envisagée, les dispositions de l’article 9 ont méconnu les exigences qui résultent de la séparation des pouvoirs ; que, par suite, les mots : « après audition par les commissions permanentes compétentes du Parlement » figurant au deuxième alinéa de l’article L. 142-1 du code de la construction et de l’habitation dans sa rédaction résultant du deuxième alinéa de l’article 9 sont contraires à la Constitution ;
- SUR LA PLACE D’AUTRES DISPOSITIONS DANS LA LOI DÉFÉRÉE :
67. Considérant qu’il ressort de l’économie de l’article 45 de la Constitution et notamment de son premier alinéa aux termes duquel : « Tout projet ou proposition de loi est examiné successivement dans les deux assemblées du Parlement en vue de l’adoption d’un texte identique », que les adjonctions ou modifications qui peuvent être apportées après la première lecture par les membres du Parlement et par le Gouvernement doivent être en relation directe avec une disposition restant en discussion ; que, toutefois, ne sont pas soumis à cette dernière obligation les amendements destinés à assurer le respect de la Constitution, à opérer une coordination avec des textes en cours d’examen ou à corriger une erreur matérielle ;
68. Considérant que le paragraphe II de l’article 103 prévoit l’introduction d’informations relatives à la lutte contre le gaspillage alimentaire dans le rapport sur la responsabilité sociale et environnementale des entreprises ; que son paragraphe III complète l’article L. 312-17-3 du code de l’éducation pour intégrer dans le parcours scolaire la lutte contre le gaspillage alimentaire ; que son paragraphe IV crée une sous-section dans le code de l’environnement comprenant les articles L. 541-15-3 à L. 541-15-5, consacrée à la prévention des déchets alimentaires ; que son paragraphe V modifie l’article 1386-6 du code civil relatif à l’assimilation à un producteur pour l’application des dispositions relatives à la responsabilité du fait des produits défectueux ; que son paragraphe VI prévoit l’entrée en vigueur de certaines dispositions créées par le paragraphe IV ; que son paragraphe VII institue une amende et une peine complémentaire d’affichage ou de diffusion à l’encontre d’un distributeur du secteur alimentaire qui rend délibérément impropres à la consommation les invendus alimentaires encore consommables ;
69. Considérant, en l’espèce, que les amendements dont sont issues les dispositions susmentionnées ont été introduits en nouvelle lecture ; que ces adjonctions n’étaient pas, à ce stade de la procédure, en relation directe avec une disposition restant en discussion ; qu’elles n’étaient pas non plus destinées à assurer le respect de la Constitution, à opérer une coordination avec des textes en cours d’examen ou à corriger une erreur matérielle ; qu’il s’ensuit que les paragraphes II à VII de l’article 103 ont été adoptés selon une procédure contraire à la Constitution ; qu’ils sont contraires à cette dernière ;
70. Considérant qu’il n’y a lieu, pour le Conseil constitutionnel, de soulever d’office aucune autre question de conformité à la Constitution,

D É C I D E :
Article 1er.- Sont déclarées contraires à la Constitution les dispositions suivantes de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte :
- l’article 6 ;
- les mots : « après audition par les commissions permanentes compétentes du Parlement » figurant au deuxième alinéa de l’article L. 142-1 du code de la construction et de l’habitation dans sa rédaction résultant du deuxième alinéa de l’article 9 ;
- l’article 44 ;
- l’article 83 ;
- les paragraphes II à VII de l’article 103.
Article 2.- Sont déclarées conformes à la Constitution les dispositions suivantes de la même loi :
- l’article 1er ;
- l’article 73 ;
- le a) du 2° du paragraphe I de l’article 91 ;
- l’article 139 ;
- le paragraphe VI de l’article 173 ;
- les articles L. 311-5-5 et L. 311-5-6 du code de l’énergie dans leur rédaction résultant du 3° de l’article 187.
Article 3.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française.

Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 13 août 2015, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, Mmes Claire BAZY MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Lionel JOSPIN et Mme Nicole MAESTRACCI.









Cour de cassation Assemblée plénière
Audience publique du vendredi 7 mai 2004, n° de pourvoi: 02-10450
Publié au bulletin 2004, A. P., n° 10


REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, siégeant en ASSEMBLEE PLENIERE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en ses trois branches :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rouen, 31 octobre 2001), que la Société de promotion immobilière SCIR Normandie (la société SCIR Normandie), a confié à la société Publicis Qualigraphie aux droits de laquelle se trouve la société Publicis Hourra (la société Publicis) la confection de dépliants publicitaires comportant, outre des informations relatives à l'implantation de la future résidence et à ses avantages, la reproduction de la façade d'un immeuble historique de Rouen, l'Hôtel de Girancourt ; que se prévalant de sa qualité de propriétaire de cet hôtel, la SCP Hôtel de Girancourt, dont l'autorisation n'avait pas été sollicitée, a demandé judiciairement à la société SCIR Normandie la réparation du préjudice qu'elle disait avoir subi du fait de l'utilisation de l'image de son bien ; que cette dernière a appelé la société Publicis en garantie ;

Attendu que la SCP Hôtel de Girancourt fait grief à l'arrêt du rejet de ses prétentions, alors, selon le moyen :
1 ) qu'aux termes de l'article 544 du Code civil, "la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois et par les règlements" ; que le droit de jouir emporte celui d'user de la chose dont on est propriétaire et de l'exploiter personnellement ou par le truchement d'un tiers qui rémunère le propriétaire, ce droit ayant un caractère absolu et conduisant à reconnaître au propriétaire un monopole d'exploitation de son bien, sauf s'il y renonce volontairement ; qu'en énonçant que "le droit de propriété n'est pas absolu et illimité et ne comporte pas un droit exclusif pour le propriétaire sur l'image de son bien" pour en déduire qu'il lui appartenait de démontrer l'existence d'un préjudice car la seule reproduction de son bien immeuble sans son consentement ne suffit pas à caractériser ce préjudice, la cour d'appel a violé l'article 544 du Code civil ;
2 ) qu'elle faisait valoir dans ses conclusions d'appel que l'utilisation à des fins commerciales de la reproduction de la façade de l'Hôtel de Girancourt sans aucune contrepartie financière pour elle, qui a supporté un effort financier considérable pour la restauration de l'hôtel particulier ainsi qu'en témoignent les photographies de l'immeuble avant et après les travaux, restauration qui a permis aux intimées de choisir une image de cet immeuble pour l'intégrer dans le dépliant publicitaire, est totalement abusive et lui cause un préjudice réel, le fait que les intimées aient acheté cette reproduction chez un photographe rouennais prouvant bien que la façade restaurée représente une valeur commerciale ; qu'en énonçant, sans répondre à ce moyen particulièrement pertinent qu'elle "ne démontre pas l'existence du préjudice invoqué par elle et d'une atteinte à son droit de propriété", la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 544 du Code civil ;
3 ) qu'elle faisait également valoir dans ses conclusions d'appel en visant les cartes postales de la façade historique de Hôtel de Girancourt qu'elle édite et qu'elle avait régulièrement produites, que les mentions portées au verso de ces pièces confirment sa volonté de conserver à son usage exclusif le droit de reproduire la façade de l'hôtel ou de concéder une autorisation quand elle estime que les conditions sont réunies ; qu'en s'abstenant totalement de se prononcer sur la valeur de ces pièces qu'elle avait régulièrement versées aux débats à l'appui de ses prétentions, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 1353 du Code civil et 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que le propriétaire d'une chose ne dispose pas d'un droit exclusif sur l'image de celle-ci ; qu'il peut toutefois s'opposer à l'utilisation de cette image par un tiers lorsqu'elle lui cause un trouble anormal ;
Et attendu que les énonciations de l'arrêt font apparaître qu'un tel trouble n'était pas établi ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la SCP Hôtel de Girancourt aux dépens ;


Cour de cassation chambre commerciale
Audience publique du mardi 31 mars 2015
N° de pourvoi: 13-21300
Publié au bulletin Rejet

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 17 mai 2013), que la société Moulin rouge est titulaire de la marque verbale française « Moulin rouge », déposée le 3 mai 1973 et enregistrée sous le n° 876972, puis renouvelée le 26 novembre 2002 sous le n° 1 311 105, pour désigner, notamment en classes 16 et 21, la papeterie, les articles de bureau et la verrerie, produits pour la commercialisation desquels la société Bal du Moulin rouge, qui exploite à Paris le cabaret du même nom, bénéficie d'une licence exclusive ; qu'ayant constaté que la société Les éditions artistiques du Tertre (la société Les éditions du Tertre) commercialisait une trousse d'écolier, des tapis de souris et des dessous de verre sur lesquels était reproduite la marque « Moulin rouge » accompagnée d'un dessin d'un moulin de couleur rouge ou d'une photographie de la façade du Moulin rouge, les sociétés Moulin rouge et Bal du Moulin rouge l'ont assignée en contrefaçon de marque, concurrence déloyale et parasitisme ;

Sur le premier moyen :

Attendu que les sociétés Moulin rouge et Bal du Moulin rouge font grief à l'arrêt de dire que l'usage de la dénomination Moulin rouge par la société Les éditions du Tertre n'est pas constitutif d'un acte de contrefaçon et, en conséquence, de rejeter leur demande à ce titre alors, selon le moyen :
1°/ que constitue, dans la vie des affaires, une « utilisation à titre de marque » l'utilisation d'un signe pour désigner un lieu où sont principalement fournis les services pour lesquels cette marque a été déposée ; qu'en l'espèce, en écartant tout grief de contrefaçon, au motif inopérant tiré de ce que l'usage des termes « Moulin rouge » servait seulement à désigner le bâtiment dont la façade était reproduite ou auquel renvoyait une affiche, sans rechercher comme cela lui était expressément demandé, si l'intérêt du bâtiment ainsi désigné ne tenait pas exclusivement aux dîner-spectacles qui y sont proposés, de sorte que toute identification de ce lieu revenait à identifier les produits et services régulièrement exploités sous la marque « Moulin rouge », la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard tant de l'article L. 713-2 du code de la propriété intellectuelle que de l'article 5 § 1 de la directive 89/104/CCE du 21 décembre 1988 rapprochant les législations des Etats membres sur les marques, à la lumière duquel il doit être interprété ;
2°/ que constitue, dans la vie des affaires, une « utilisation à titre de marque » l'utilisation d'un signe pour désigner un lieu où sont principalement fournis les services pour lesquels cette marque a été déposée ; qu'en l'espèce, en relevant par motifs propres et adoptés, pour écarter tout grief de contrefaçon, que l'usage incriminé de la dénomination « Moulin rouge » n'était pas faite à titre de marque, mais dans le but d'identifier le célèbre « cabaret » qui fait partie incontestable du « patrimoine touristique de Paris », ou encore dans le but d'identifier le cabaret du même nom qui fait incontestablement partie du « patrimoine culturel de Paris », de façon indissociable du bâtiment éponyme, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants, et privé sa décision de base légale au regard tant de l'article L. 713-2 du code de la propriété intellectuelle que de l'article 5 § 1 de la directive 89/104/CCE du 21 décembre 1988 rapprochant les législations des Etats membres sur les marques, à la lumière duquel il doit être interprété ;
3°/ qu'une marque a non seulement pour fonction essentielle de garantir aux consommateurs la provenance du produit ou du service marqué, mais aussi pour fonctions « celle consistant à garantir la qualité de ce produit ou de ce service, ou celles de communication, d'investissement ou de publicité » ; qu'en effet, « une marque constitue souvent, outre une indication de provenance des produits ou des services, un instrument de stratégie commerciale employé, en particulier à des fins publicitaires ou pour acquérir une réputation afin de fidéliser le consommateur » ; qu'en conséquence, le titulaire d'une marque - a fortiori renommée - est nécessairement habilité à interdire à un concurrent de reproduire celle-ci sur tous produits identiques ou similaires aux produits dérivés que lui-même exploite sous sa marque afin d'assurer sa promotion et tirer profit de sa notoriété ; qu'en l'espèce, en n'attribuant à la marque abusivement reproduite que la fonction de garantie d'origine, sans considération pour les autres fonctions s'attachant à la marque, la cour d'appel a violé l'article L. 713-2 du code de la propriété intellectuelle et de l'article 5 § 1 de la directive 89/104/CCE du 21 décembre 1988 rapprochant les législations des Etats membres sur les marques, à la lumière duquel il doit être interprété ;
4°/ qu'une marque a non seulement pour fonction essentielle de garantir aux consommateurs la provenance du produit ou du service marqué, mais aussi pour fonctions « celle consistant à garantir la qualité de ce produit ou de ce service, ou celles de communication, d'investissement ou de publicité » ; qu'en effet, « une marque constitue souvent, outre une indication de provenance des produits ou des services, un instrument de stratégie commerciale employé, en particulier à des fins publicitaires ou pour acquérir une réputation afin de fidéliser le consommateur » ; qu'en conséquence, le titulaire d'une marque - a fortiori renommée - est nécessairement habilité à interdire à un concurrent de reproduire celle-ci sur tous produits identiques ou similaires aux produits dérivés que lui-même exploite sous sa marque afin d'assurer sa promotion et tirer profit de sa notoriété ; qu'en se dispensant pourtant de rechercher - comme cela lui était expressément demandé - si la reproduction par la société Les éditions du Tertre de la marque « Moulin rouge » pour des produits similaires à ceux exploités par la société Bal du Moulin rouge ne portait pas atteinte à ses fonctions de communication, d'investissement ou de publicité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 713-2 du code de la propriété intellectuelle et de l'article 5 § 1 de la directive 89/104/CCE du 21 décembre 1988 rapprochant les législations des Etats membres sur les marques, à la lumière duquel il doit être interprété ;
5°/ qu'une marque a pour fonction essentielle de garantir aux consommateurs la provenance du produit ou du service marqué ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que les produits litigieux commercialisés par la société Les éditions du Tertre utilisaient la dénomination « Moulin rouge » associée à l'image de l'établissement accueillant le cabaret, ou en reproduisant l'affiche publicitaire créée par Toulouse-Lautrec pour promouvoir la revue menée par la Goulue - c'est-à-dire précisément l'activité de cabaret ayant donné sa réputation au Moulin rouge, réputation sur laquelle s'appuie la marque du même nom - ; qu'en affirmant pourtant péremptoirement que cet usage n'affectait pas la garantie de provenance des produits d'origine, sans faire ressortir l'absence de risque de confusion sur la provenance des produits, ni donc le fait que le consommateur peut de manière certaine savoir que les produits litigieux ne sont pas des produits de la marque « Moulin rouge », la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 713-2 du code de la propriété intellectuelle et de l'article 5 § 1 de la directive 89/104/CCE du 21 décembre 1988 rapprochant les législations des Etats membres sur les marques, à la lumière duquel il doit être interprété ;

Mais attendu qu'après avoir, par motifs propres et adoptés, constaté que la société Les éditions du Tertre utilisait la dénomination Moulin rouge, non pas de façon isolée pour désigner les produits litigieux qu'elle commercialise, mais en association avec l'image stylisée ou non du moulin qui abrite le cabaret parisien, ou reproduisait l'affiche de Toulouse-Lautrec réalisée pour la publicité de la revue menée par La Goulue, dans le but d'identifier ce cabaret qui fait partie du patrimoine touristique de Paris, et ce, de façon indissociable du bâtiment éponyme, l'arrêt retient que cette dénomination n'est employée qu'à des fins descriptives d'un site touristique, au même titre que d'autres monuments emblématiques de la capitale, sans affecter la garantie d'origine des produits sur lesquels elle est apposée ; qu'il en déduit que, si son usage intervient dans la vie des affaires, il ne constitue cependant pas un usage à titre de marque, faute de remplir la fonction distinctive conférée à cette dernière ; qu'en l'état de ces constatations, la cour d'appel, qui n'avait pas à procéder aux recherches inopérantes visées aux première, troisième, quatrième et cinquième branches, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen :
Attendu que les sociétés Moulin rouge et Bal du Moulin rouge font grief à l'arrêt de rejeter les demandes formées par la société Bal du Moulin rouge sur le fondement du parasitisme alors, selon le moyen :
1°/ que constitue un acte de parasitisme tout comportement par lequel un agent économique s'immisce dans le sillage d'un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de sa notoriété, de ses efforts et de son savoir-faire ; que le parasitisme n'implique nullement que l'auteur du comportement incriminé fasse explicitement référence à l'activité commerciale de l'agent dont les efforts ou le savoir-faire sont parasités ; qu'en l'espèce, la société Bal du Moulin rouge invoquait une atteinte portée à sa dénomination sociale, son nom commercial et son enseigne, tous éléments essentiels de son fonds de commerce, du fait des reproductions par la société Les éditions du Tertre sur ses produits et donc à des fins commerciales de l'élément distinctif et des termes Moulin rouge, dans le but de se placer dans son sillage et de profiter de sa notoriété ; qu'en relevant, pour écarter tout acte contraire à l'exercice loyal du commerce, que la société Les éditions du Tertre, si elle reproduisait le Moulin rouge en utilisant cette dénomination, ne faisait pas référence à l'activité commerciale de cet établissement, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants, et privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;
2°/ que constitue un acte de parasitisme tout comportement par lequel un agent économique s'immisce dans le sillage d'un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de sa notoriété, de ses efforts et de son savoir-faire ; que le parasitisme n'implique pas l'existence d'un risque de confusion ; qu'en l'espèce, en écartant tout parasitisme de la part de la société Les éditions du Tertre, au motif inopérant qu'il ne pouvait exister aucune confusion entre les activités respectives des parties, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;
Mais attendu que l'arrêt retient que la société Les éditions du Tertre reproduit sur ses produits les principaux monuments et lieux touristiques de Paris, en les désignant par leurs noms, et, en ce qui concerne le Moulin rouge, sans faire référence à l'activité commerciale de cet établissement ; qu'en l'état de ces constatations, faisant ressortir que cette société ne s'est pas immiscée dans le sillage de la société Bal du Moulin rouge, exploitant le cabaret éponyme, et n'a pas cherché à profiter de sa notoriété, la cour d'appel, abstraction faite de la référence surabondante à l'absence de confusion entre les activités respectivement exercées par les parties, critiquée par la seconde branche, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen :
Attendu que les sociétés Moulin rouge et Bal du Moulin rouge font grief à l'arrêt de rejeter les demandes de la société Bal du Moulin rouge au titre de la concurrence déloyale alors, selon le moyen :
1°/ que l'existence de concurrence déloyale n'implique pas que l'auteur de tels actes fasse référence à l'activité commerciale de l'établissement concurrencé ; qu'en l'espèce, en retenant, pour écarter la concurrence déloyale, que la société Les éditions du Tertre ne faisait pas référence à l'activité commerciale du Moulin rouge, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants, et privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;
2°/ que la cour d'appel a constaté que les produits litigieux commercialisés par la société Les éditions du Tertre utilisaient la dénomination « Moulin rouge » associée à l'image de l'établissement accueillant le cabaret, ou en reproduisant l'affiche publicitaire créée par Toulouse-Lautrec pour promouvoir la revue menée par La Goulue ; qu'en affirmant péremptoirement qu'il ne pouvait exister aucun risque de confusion entre les activités respectivement exercées par les parties, sans expliquer en quoi le consommateur pouvait, au vu des produits précités, raisonnablement savoir qu'il ne s'agissait pas de produits dérivés de l'activité de dîner-spectacle exploitée par la société Bal du Moulin rouge, et pour lesquels elle dispose d'une licence, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;
Mais attendu que l'arrêt constate que la société Les éditions du Tertre reproduit sur ses produits les principaux monuments et lieux touristiques de Paris, en les désignant par leurs noms, et, en ce qui concerne le Moulin rouge, sans faire référence à l'activité commerciale de cet établissement, et en déduit qu'il ne peut exister aucune confusion entre les activités respectivement exercées par les parties ; que l'arrêt relève, en outre, qu'il n'est pas démontré d'acte contraire à l'exercice loyal du commerce ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de faire la recherche, inopérante, visée à la seconde branche, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le quatrième moyen :
Attendu que les sociétés Moulin rouge et Bal du Moulin rouge font grief à l'arrêt de rejeter la demande de la société Bal du Moulin rouge en réparation du trouble anormal porté à sa propriété alors, selon le moyen, que le propriétaire d'une chose, s'il ne dispose pas d'un droit exclusif sur l'image de celle-ci, peut toutefois s'opposer à l'utilisation de cette image par un tiers lorsqu'elle lui cause un trouble anormal ; qu'en l'espèce, en écartant les prétentions de la société Bal du Moulin rouge au titre du trouble anormal causé à sa propriété, aux motifs inopérants tirés de l'absence de risque de confusion, d'acte contraire à l'exercice loyal du commerce, ou de profit indûment tiré de l'image du Moulin rouge, sans rechercher, ainsi qu'elle y était expressément invitée, si un trouble anormal ne résultait pas de la reproduction sur des supports de qualité médiocre, trousse d'écolier, tapis de souris et dessous de verre, de la façade du Moulin rouge qui avilissait l'image de ce célèbre cabaret parisien et la dépréciait dans l'esprit du public, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 544 du code civil ;
Mais attendu qu'en relevant qu'aucun préjudice n'était résulté de la reproduction du Moulin rouge parmi les principaux monuments et lieux touristiques de Paris, la cour d'appel a fait ressortir que n'était pas caractérisé un trouble anormal au droit de propriété de la société Bal du Moulin rouge ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;


CHAMBRE DES REQUETES, 12 JUILLET 1905

Sur le premier moyen pris de la violation et de la fausse application des articles 2219 et s., 2228 et s., 2236 et s. du Code civil :

Attendu qu’il résulte des constatations de l’arrêt attaqué que les auteurs des deux parties en cause étaient anciennement copropriétaires par indivis de deux métairies voisines; que c’est seulement par suite d’arrangements intervenus entre les fermiers pour les convenances de leur exploitation respective que, avant comme après le jugement de l’adjudication sur licitation de la métairie comprenant les parcelles litigieuses, prononcé le 25 janvier 1854 au profit des auteurs du défendeur éventuel, les fermiers de l’autre métairie, devenue la propriété des auteurs de la demoiselle Le Cohu, ont cultivé, contrairement aux titres de leurs bailleurs, quelques-unes de ces pièces de terre;

Attendu que, dans ces circonstances de fait, qu’ils constataient souverainement, les juges du fond ont à bon droit reconnu que la possession, qui n’aurait été manifestée que par les actes des fermiers de la demoiselle Le Cohu, et de ses auteurs, précaire au début, et n’ayant jamais perdu ce caractère, ne pouvait servir de fondement légal à la prescription trentenaire invoquée par la demanderesse en cassation;

Attendu, d’autre part, que des faits constatés par l’arrêt ne résulte pas la preuve, que le pourvoi prétend y trouver, d’une contradiction opposée au droit du propriétaire au cours de cette possession, et ayant ainsi produit l’interversion de titre prévue par l’article 2239 du Code civil; que, dès lors, en statuant comme elle l’a fait, la cour d’appel n’a ni violé, ni faussement interprété les articles du Code civil visés au moyen;

Sur le deuxième moyen pris de la violation et de la fausse interprétation des articles 2241 et 2262 du Code civil, en ce que l’arrêt attaqué a refusé de déclarer éteinte par la prescription trentenaire, l’action en délivrance des parcelles litigieuses, sous prétexte que cette action ne peut se perdre par le non-usage, alors que toute action, dès le moment où elle est ouverte, se prescrit par un délai de trente ans :

Attendu que, malgré la généralité des termes de l’article 2262 du Code civil, qui décide que toutes les actions, tant réelles que personnelles, sont prescrites par trente ans, ce texte ne s’applique pas à l’action en revendication intentée par le propriétaire dépossédé de son immeuble; que la propriété ne se perdant pas par le non-usage, l’action en revendication, qui sanctionne et protège ce droit, peut être exercée aussi longtemps que le défendeur ne justifie pas être lui-même devenu propriétaire de l’immeuble revendiqué par le résultat d’une possession contraire, réunissant tous les caractères exigés pour la prescription acquisitive; d’où il suit, qu’après avoir reconnu que la prescription opposée par la demanderesse en cassation était entachée de précarité, la cour de Rennes, en refusant de déclarer prescrite l’action en revendication fondée sur un titre remontant à plus de trente années, loin de violer et de faussement interpréter les articles 2241 et 2262 du Code civil visés au moyen, en a, au contraire, fait une exacte application;

Par ces motifs, rejette…



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