délimitation négative de l’objet : l’exclusion des sanctions non-pénales


délimitation négative de l’objet : l’exclusion des sanctions non-pénales
                                                                                              
Le droit positif connait tout un nombre de sanctions ayant un caractère répressif qui ne sont pour autant pas considérés comme des sanctions pénales et qui sont encore moins des peines.

Il y’a des sanctions qui vont être prononcés par les autorités administratives indépendantes. Sachant que ces AAI vont avoir pour certaines un pouvoir de répression qui leur est confié par l’Etat et ceux essentiellement dans le domaine économique.

Livre Pascal Deumier: Au moment de la libéralisation de l’économie, l’Etat a du faire reculer son monopole et certains pans de l’éco qui sont devenue totalement libre sans le contrôle de l’Etat mais la création des AAI a permis à l’Etat de réguler ces activités éco tout en donnant l’impression de ne plus s’en mêler. Il va garder une main mise grâce aux AAI. Par ex, l’autorité des marchés financiers est l’exemple type de ces AAI. Ces AAI va prononcer des sanctions répressives mais pas pénales.

Toutes les sanctions qui peuvent être prononcés par les différents ordres professionnels au titre de la discipline de leur profession, c’est le cas de l’ordre des médecins, notaires. Ces sanctions disciplinaires sont répressives mais non pénales.

La question de toutes les sanctions qui peuvent être prononcés par des juridictions non pénales mais qui vont avoir un caractère répressif évident. On pense à toutes les sanctions prononcés par le juge fiscal notamment fraude fiscale, omission de déclaration.. C’est également le cas en matière douanière.

Est-il possible d’avoir un cumul de sanctions pénales d’un coté et para-pénales (non-pénal) ? En particulier, lorsqu’il est reproché à l’auteur des faits une identité d’action càd un fait unique.

La difficulté est venue de la JP européenne. Notamment de la JP de la CEDH qui a eu tendance à ranger sous l’article 6 paragraphe 1 aussi bien les sanctions pénales que les sanctions para-pénales. 

Engel c Pays-Bas, CEDH 8 juin 1976confirmé dans la décision Öztürk c Allemagne 21 févr 1984 : Pour la CEDH, ces décisions entre dans le cadre de la matière pénale, ce n’est pas seulement le droit pénal au sens strict, ça va être toutes les sanctions à visé répressif. Pour la CEDH toutes ces sanctions doivent dans le cadre de leurs prononcés notamment respecter les principes du procès équitable puisqu’il s’agit de sanctionner une personne.
Cette position de la CEDH à été confirmé à l’égard de la France dans une décisions rendu le 24 février 1994 CEDH Bendenoun c France : il s’agissait de sanctions prononcés en matière de fraude fiscale, c’est l’article 6 paragraphe 1 qui doit s’appliquer.

Ce qu’il faut savoir c’est que la JP française est assez favorable à un cumul entre ces sanctions pénales et para-pénales. Ça c’était même ressenti, cette position avait trouvé une expression lorsque la France avait du ratifier l’article 4 du protocole 7 de la CEDH qui prévoit un principe non bis in idem qui signifie qu’on ne peut pas être soit sanctionner, soit même poursuivi pour des faits de nature identique. La France avait posé une réserve lorsqu’elle avait ratifié ce protocole qui était que ce principe ne pouvait fonctionner qu’à l’égard des sanctions prononcés par le juge pénal.

Le CC dans une décision du 28 juillet 1989 avait posé ce principe de cumul. Décision rendu à propos des sanctions administratives qui pouvaient être prononcé à l’époque par la COB (AMF aujourd’hui). Le CC avait considéré que les sanctions administratives et pénales en matière boursière peuvent se cumuler dans la mesure où elles n’ont pas la même nature. Mais le CC avait quand même posé une limite à ce cumul : il ne fallait pas dépasser le maximum prévu pour l’une d’elle. C’était une garantie pour le CC qu’il allait rattacher, fonder sa décision sur le principe de proportionnalité et de nécessité des peines : article 8 de la DDHC.

Cette décision avait été confirmé par le CC dans une décision du 17 janvier 2013 et décision du 24 octobre 2014, le CC estimait qu’il n’y avait pas d’incompatibilité entre la pluralité de poursuite et la nécessité des peines à partir du moment où on respecte le principe de proportionnalité des peines. Le maximum de la sanction ne doit pas être dépassé.

Le CC faisait écho à la JP de la cour de cassation qui estimait qu’il n’y avait pas d’obstacle au cumul et l’avait rappelé dans une décision en date du 22 janvier 2014. Décision dans laquelle elle déclare qu’il est possible de cumuler une peine et une sanction administrative prononcé par l’AMF (autorité des marchés financiers) pour les mêmes faits à partir du moment où ce cumul ne dépasse pas le maximum légal encouru. Ce qui intéressant c’est que pour la première fois le prévenu va invoquer à son bénéfice l’article 50 de la charte des droits fondamentaux de l’UE qui reprend le principe non bis in idem prévu à l’article 4 du protocole 7. La cour de cassation estime que sa solution, càd son cumul plafonné des sanctions pénales et para-pénales n’est pas contraire à l’article 50 de la charte des droits fondamentaux de l’UE.

Cette solution va être répété dans les autres domaines para-pénales. On a une décision de la chambre criminelle du 19 février 2014 où la cour de cassation va admettre le cumul de sanction disciplinaire rendu par une juridiction ordinale (médecin psychiatre) et avec des peines prononcés par le juge pénal pour des mêmes faits. Une fois encore, le prévenu invoque la violation du principe non bis in idem, il estime que la sanction en cause qui est une sanction d’interdiction professionnelle qui concerne les mêmes faits, lui est appliqué deux fois : argument que rejette la cour de cassation. Pour la cour de cassation, il n’y a pas de violation car on est entre le domaine pénal et para-pénales. Pour la cour de cassation, la CA n’a pas méconnu le principe de non cumul pour pour les mêmes faits des poursuites et des peines, principe qui ne s’applique qu’aux infractions et sanctions pénales.

Au niveau de la CEDH, on a eu différentes positions car la CEDH à longtemps hésité entre la conception juridique ou matérielle de l’identité des faits. Non bis in idem , pas deux fois mais pour le même fait ? Le même fait matériel càd le même comportement ou alors le même fait légal, l’incrimination.




Deux conceptions de l’identité des faits, soit une identité matérielle càd qu’on regarde seulement l’agissement qui a été réalisé matériellement par la personne. : J’ai donc une conception assez favorable du principe non bis in idem.

Ou alors une identité juridique des faits et dans ce cas je vais m’attacher à la lecture des textes d’incrimination et je vais regarder si ces textes prévoit l’incrimination des mêmes comportements. Quand j’ai un identité juridique qui va être retenu alors je vais avoir une conception étroite du principe non bis in edem parce que j’attend que les textes soient identique.

La CEDH va évoluer.

Décision chambre criminelle du 23 octobre 1995 : Gradinger c Autriche : La CEDH va s’attacher à l’identité du comportement de la personne, indépendamment de son incrimination et va refuser le cumul entre les infractions d’homicide involontaire commis en état d’ivresse incriminé dans le CP et l’infraction de conduite sous l’empire d’un état alcoolique.

Changement de position : CEDH 30 juillet 1998 : Olivera c Suisse : La CEDH va retenir une identité juridique non favorable à la personne poursuivie et elle estime qu’il est possible de cumuler des poursuites successives pour défaut de maitrise de son véhicule et lésion corporelle par imprudence. Elle opte pour une décision radicalement différente de 1995 : donc identité juridique.

La CEDH a encore évolué : 29 mai 2001 : Garretta c France : identité juridique ou matérielle peu importe, la CEDH nous dit que ce qui compte c’est de retenir l’existence d’éléments essentielles. Pour la CEDH, il importe de vérifier que les deux poursuites sont unis par des éléments essentielles déterminants qui reflètent leur identité.

La CEDH rend une décision fondamentale : 10 février 2009 : Zolotoukhine c Russie : la CEDH nous dit que l’article 4 du protocole 7 doit être compris comme interdisant de poursuivre ou de juger une personne pour une seconde infraction. Pour autant, que celle-ci a pour origine des faits identiques ou des faits qui sont en substance les mêmes.

La CEDH va opter pour une conception plutôt matérielle de l’identité des faits et il va s’en suivre un certain nombre de condamnation d’État qui avait admis le cumul. On a deux décisions postérieures qui s’inscrivent dans la lignée de cette JP. Décision 4 mars 2014 : Grande Stevens c Italie et décision 27 novembre 2014 : Lucky dev c Suède. : Si on retient la conception matérielle on a une portée, conception importante. C’est le même fait tel qu’il a été réalisé.
Si on retient une conception juridique c’est plus difficile on a pas deux textes identiques.

En droit interne, on a une décision particulièrement importante rendu par le CC le 18 mars 2015 rendu sur deux QPC qui interrogeait au regard du principe non bis in idem, le cumul de sanction pénale et para-pénales relative au délit d’initié (lorsqu’on a une information privilégié des cours en bourse) réprimé par le juge pénal et d’autre part les sanctions relatives au manquement d’initié réprimé par la commission des sanctions de l’autorité des marchés financiers.

Le CC va pour la première fois reconnaitre qu’un tel cumul puisse être inconstitutionnel mais il ne va pas se fonder sur le principe non bis in idem qui n’a pas été dégagé par la JJ du CC. Mais  se fonde sur l’article 8 de la DDHC principe de proportionnalité et de nécessité des peines.

Le CC constate que les sanctions du délit d’initié et du manquement d’initié ne peuvent être regardé comme de nature différente en application de corps de règles distincts devant leur propre ordre de juridiction.

Traduction: Cela signifie que ces sanctions sont de la même nature pour le CC. Comme elles sont de la même nature, elles ne peuvent pas être cumulés : identité de nature des sanctions.

Le CC se fondant sur l’absence d’identité de nature des sanctions.

Pour parvenir à sa décision, le CC a mit en évidence l’existence de 4 identités, point commun identique entre les sanctions pour délits d’initié et les sanctions pour manquement d’initié :

- Il va s’attacher tout d’abord à la définition du comportement incriminé et il va relever que les dispositions légales prévu au code monétaire et financier tendent à réprimer rigoureusement les mêmes faits, l’identité de fait juridique également matérielle qui justifie l’impossibilité de cumul. : l’identité du comportement incriminé.

- Le CC va s’interroger sur la finalité de ces sanctions, il va examiner la finalité de la répression du délit et du manquement d’initié et il va relever que ces sanctions poursuivent une seule et même finalité à savoir la protection du bon fonctionnement et de l’intégrité des marchés financiers.

- Le CC va examiner les sanctions des délits et manquements d’initié et il va relever que l’auteur d’un délit d’initié encours au pénal : 2 ans d’emprisonnement et une amende de 1 500 000 euros et que le manquement d’initié est passible d’une sanction de 10 millions d’euros et cette sanction est un maximum et nettement plus importante que celle qui peut être prononcé par le juge pénal certes mais qu’ils sont de nature identique pour le CC. : identité de nature des sanctions.

- Le CC relève qu’à l’égard de certaines catégories d’auteurs du manquement d’initié ces personnes sont justiciables des juridictions de l’ordre judiciaire tout comme l’auteur d’un délit d’initié.

4 point d’identité qui conduisent le CC à refusé le conseil de poursuite, cette décision a été un véritable bouleversement et on a été très attentif aux suites. Les suites ont été très vite décevante car la première chambre civile de la cour de cassation à rendu une décision le 9 avril 2015 concernant un notaire qui s’était vu prononcer une sanction disciplinaire de destitution par son ordre professionnel alors même qu’il avait était précédemment condamné par le juge pénal à la peine complémentaire d’interdiction d’exercer une fonction publique ou une activité professionnelle ou sociale.

La cour de cassation nous répond que les deux sanctions sont de nature différente et qu’en conséquence il est tout à fait possible de les cumuler (absence d’identité de nature pour la cour de cassation qui fait que le cumul est possible).

La CEDH dans une décision du 15 novembre 2016 : A et B c Norvège : La CEDH va avoir une position plutôt favorable au cumul et elle considère qu’en raison du lien temporel et matériel qui unit les procédures, en l’espèce procédure fiscale et pénale, celle-ci font partie d’un même ensemble répressif ce qui pour elle peut tout à fait conduire à un cumul des sanctions.

Pour la CEDH il y’a un ensemble répressif avec deux volets, soit pénal, soit fiscal mais ces deux procédures participent d’un tout dès lors que c’est initié en même temps. Si c’est initié après il y’a une rupture du lien temporel. Il n’y a pas de difficulté car la CEDH raye le terme bis de non bis in idem : il y’a un seul et même ensemble de procédure.

En droit interne, le CC ne va pas condamner le principe du cumul des sanctions, il ne va le faire qu’à travers le correctif de la proportionnalité. Càd qu’il va vérifier notamment que la charge qui pèse sur la personne poursuivie ne soit pas jugé excessif. En matière fiscale, le CC a ainsi admis le cumul des sanctions pénales et fiscales.

Dans deux affaires retentissantes, Cahuzac et Wildenstein : 24 juin 2016: décision dans lequel il déclare que les mêmes faits commis par une même personne peuvent faire l’objet de poursuites différentes au fin de sanctions de nature administrative et pénale sans que soit méconnue le principe de nécessité des délits et des peines lorsque notamment les deux répressions aboutissent au prononcé de sanction de nature différente (pénale et fiscale).

Le principe de proportionnalité implique que le montant global des sanctions ne dépasse pas le maximum légal encourue. Le CC va limiter l’étendu du cumul entre les sanctions pénales et fiscales au cas les plus graves de dissimulation frauduleuse des sommes soumises à l’impôt.

Cette notion selon lequel le cumul est limité au cas les plus graves est imprécise. C’est quoi les cas les plus graves ? L’auteur d’une QPC a souhaité qu’elle fasse l’objet d’un renvoie devant le CC, ce que lui a refusait la chambre criminelle de la cour de cassation le 6 mars 2019.

Aujourd’hui, on se dirige vers un retour du cumul qui va être confirmé par le CC dans une décision du 23 novembre 2018 : conclu au cumul possible entre les sanctions pénales et fiscales et il va même reprendre la position de la CEDH en estimant qu’il s’agit d’une même procédure avec deux volets qui font partie d’un tout. Et que ces deux volets (pénales et fiscales) poursuivent un objectif commun à valeur constit à savoir la lutte contre la fraude fiscale.

Et réaffirmé aussi par la CEDH a rendu trois arrêts le 20 mars 2018 faisant valoir sa position sur la question du cumul des sanctions en matière fiscale et boursière. Elle nous dit que le principe non bis in idem ne concerne pas que les sanctions pénales mais aussi les sanctions para-pénales. Donc il y’a une interdiction de cumul qui existe entre les sanctions pénales et para-pénales.

La CJUE admet que l’on puisse apporter des limites, des dérogations à cette interdiction du cumul et puisse totalement prévoir un cumul des sanctions pénales et para-pénales. Elle estime que les cumuls doivent remplir un certain nombre de conditions :

-    Viser un objectif d’intérêt général qui justifie ce cumul. Elle dira que l’objectif de sauvegarde de l’intégrité des marchés financiers de l’UE peut être un tel objectif d’intérêt général permettant de cumuler les sanctions.
-    Il faut que ce cumul fasse l’objet de règles claires et précises permettant aux justiciables d’en être informé de l’existence de ce cumul: réglementation claire et précise.
-    Le droit national doit assurer que les procédures soient coordonnées entres elles pour limiter au strict nécessaire la charge supplémentaire qui en résulte.
-    Le droit national doit assurer que la sévérité de l’ensemble des sanctions qui vont être prononcés, soit strictement nécessaire par rapport à la gravité de l’infraction concerné.

Share:

No comments:

Post a Comment