Grands concepts et défis du droit du travail


Droit social


Introduction


Grands concepts


Le droit social est une branche du droit qui permet de distinguer en son sein le droit du travail, le droit de la sécurité sociale, et le droit de la protection sociale. Le droit du travail est une discipline qui concerne les rapports de droit privé entre un employeur et les salariés.
Ces rapports de travail qui prennent corps dans l’entreprise mais également au-delà (branche d’activité) sont eux-mêmes subdivisées entre les relations individuelles de travail et les relations collectives de travail, ce rapport est régit par un contrat de droit privé qu’on appelle le contrat de travail. La convention passée va placer le salarié sous la subordination d’un employeur (personne morale ou physique), le salarié va alors avoir l’obligation d’effectuer une prestation de travail sous les ordres de l’employeur en contrepartie d’une rémunération.
La conclusion, l’exécution, la rupture… du contrat sont des éléments issus de la convention collective ou la loi.
Les relations collectives de travail concernent les rapports juridiques qu’entretien l’employeur avec la collectivité de travail, les représentants des travailleurs, ou les représentants des travailleurs.
è Existe aussi le droit de participation des travailleurs par le biais de leurs représentants à la détermination collective de leurs conditions de travail. Cela provient notamment du préambule de 1946, et concerne alors l’information et la consultation des travailleurs, puisque l’employeur va avoir l’obligation – avant de prendre ses décisions – d’informer et de consulter les représentants des salariés
Le droit du travail est une discipline qui relève à titre principal du droit privé, mais le domaine d’intervention du domaine public y reste fort. Elle se distingue donc du droit des relations de travail dans la fonction public. Mais on pousse la distinction à l’égard des agents contractuels de droit public, qui relèvent de textes légaux et réglementaires particuliers (on parle de « statut » de fonctionnaire…)
è Les règles applicables aux agents municipaux ne sont pas les mêmes que celles applicables dans une relation de droit privé
S’il y a un contentieux entre ces agents et leur employeur de droit public, celui-ci relève des juridictions administratives.
Il convient de préciser que le droit social recouvre aussi le droit de la sécurité sociale. Ce droit a été fondé matériellement à l’issue de la SGM par les ordonnances de 1945 pour permettre la mise en place de garanties sociales de base à l’égard des travailleurs et de leurs familles. Ce droit vise à couvrir les grands risques (maladies, maternité, invalidité, vieillesse, accidents du travail et maladies pro). Ce droit est régit par le Code de la Sécurité Sociale. Ce droit relève aussi du droit privé.
Ce régime de protection de base a vocation à s’appliquer aux salariés et leurs familles, mais aussi aux travailleurs indépendants. On parlait avant de RSI, le régime est aujourd’hui aligné sur le régime général (aligné ne veut pas dire identique). Une des grandes idées du droit social a été d’offrir une protection sociale, une sécurité sociale qui joue le rôle d’amortisseur social à l’égard des grands risques et vient conférer des droits sociaux aux travailleurs.
Le fait que le salarié soit placé sous la subordination d’un employeur lui permet d’accéder à des droits sociaux plus protecteurs que pour les travailleurs indépendants. L’une des grandes caractéristiques des pays occidentaux européens est d’avoir une conception forte de l’Etat Providence, l’Etat intervenant massivement sur le terrain des politiques sociales, notamment en matière de sécurité sociale
Pour autant, les régimes de base de la sécurité sociale offre des avantages et garanties limitées. C’est ainsi que pour éviter une trop grande rupture en termes de perte de revenus, il existe tout un système de garanties sociales qui relève d’une autre branche du droit social, c’est ce qu’on appelle le droit de la protection sociale (qui couvre le droit de la sécurité sociale et celui de la protection sociale complémentaire)
En effet, le système de sécurité sociale va être complété par des régimes complémentaires
Exemple d’un salarié en arrêt maladie : sa caisse d’assurance maladie verse une indemnité journalière qui compense partiellement la perte du salaire liée à l’absence pour maladie
Pour que le salarié puisse obtenir le maintien complet de sa rémunération, il faut qu’il bénéficie d’une prévoyance complémentaire, afin de conserver l’intégralité du revenu
è Depuis 2016, les entreprises ont l’obligation de souscrire à cette prévoyance complémentaire pour leurs salariés
Notre droit de la sécurité sociale est complété également en matière d’emploi pour aider à la prise en charge de la perte d’emploi. Ce que nous appelons l’assurance chômage est gérée par Pôle Emploi, et relève du domaine du droit de la protection sociale parce que ce risque est géré de façon paritaire par l’UNEDIC et repose sur une convention collective interprofessionnelle qui est agrée par l’Etat et renégociée tous les 4 ans.
è L’assurance chômage relève du droit de la protection sociale et est rattachée à ce qu’on appelle le droit de l’emploi, façon pour l’Etat d’intervenir dans le domaine du marché du travail afin de lutter contre l’exclusion sociale à l’égard des personnes privées d’emploi
Le fait de conclure un contrat de travail conduit à un assujettissement auprès de la sécurité sociale et à la réalisation de droits sociaux pour le travailleur et sa famille.



Grands défis du droit du travail


Historiquement, il convient de rappeler que :
1.  Le droit du travail est issu d’un rapport de force entre l’employeur et les salariés et leurs représentants. Et c’est de ce conflit de logique que naît le droit du travail
Ce rapport de force s’est en parti construit sur une analyse politique et économique opposant le travail et le capital. Ce constat se manifeste par l’existence de grands mouvements syndicaux qui vont porter des revendications entre, d’un côté les syndicats dits communistes ou d’opposition, et de l’autre les syndicats dits progressistes.
-    Communistes : La Confédération Générale du Travail (CGT) qui a pour doctrine la contestation et la transformation de la société en rejetant l’économie de marché et les accords conciliants.
-    Progressistes : La Confédération Française Des Travailleurs (CFDT) accepte les compromis avec le patronat et ne s’oppose pas particulièrement à l’économie de marché (cherche à la réguler par la négociation)
L’existence de ces pôles syndicaux se retrouve au sein de l’entreprise. L’employeur est alors amené à négocier dans l’entreprise avec les partenaires sociaux. Obligation de négocier mais pas de conclure.
Le droit social naît de ce rapport de force entre l’employeur, les salariés et leurs représentants, qui parfois n’hésitent pas à utiliser le droit de grève pour faire pression sur l’employeur. Le troisième acteur de ce rapport de force est le gouvernement, qui choisira ou non d’intervenir en fonction de la nature du conflit.
è En 1968, les Accords de Grenelle sont tripartites, l’Etat est intervenu dans la crise sociale pour faire évoluer le droit positif
Ce rapport de force met en avant le rôle des syndicats et de leurs doctrines.

2.  Le rôle des représentants des salariés. Le droit du travail Français repose sur un système mixe de représentation collective.
D’un côté, lorsque l’entreprise a 50 salariés et qu’il y a des syndicats représentatifs dans l’entreprise, ceci vont pouvoir désigner des délégués syndicaux. A titre de principe, ce sont les délégués syndicaux qui ont la capacité juridique de conclure les conventions et accords collectifs de travail. Ce n’est que par exception que la représentation élue peut conclure des accords majoritaires ou à défaut l’employeur peut également faire appel à des référendum d’entreprise pour accéder à la conclusion d’accords collectifs.
è Toujours est-il qu’il existe une distinction à faire entre les délégués syndicaux et la représentation du personnel au sein des Comités Socio-Economiques (CSE) qu’une entreprise doit mettre en place dès 11 salariés. Pour se faire, il faut procéder à des élections dans l’entreprise ; élections qui permettent de distinguer que les représentants du personnel sont élus et d’un autre côté, les délégués syndicaux qui eux sont désignés par les organisations syndicales représentatives.
Le droit français, historiquement, ne pratique pas la cogestion (la codécision), c’est l’employeur qui prend les décisions pour la bonne marche de l’entreprise, dès lors qu’elles ont un effet sur les conditions/relations de travail, il doit consulter et informer le CSE, mais l’avis contraire n’empêchera pas la décision. D’autre part, ce droit est construit comme conférant ou ayant conféré le monopole de la négociation collective aux syndicats représentatifs. En Allemagne, le comité d’établissement est un organe qui permet aux salariés de partager les prises de décisions, c’est un avis conforme qui est attendu.
Progressivement, notre droit du travail tente de faire évoluer les choses. D’abord, il permet (exceptionnellement) aux entreprises de moins de 50 salariés de conclure un accord avec les syndicats de mettre en place non pas un CSE, mais un Conseil d’Entreprise qui pourra assumer les fonctions d’info/consultation et négociation, et sur certains points : codécisions.
Pour mesurer la représentativité syndicale, les syndicats conservent le monopôle de présentation des candidats aux élections professionnelles qui ont lieu tous les 4 ans. Depuis 2008, dès lors qu’au premier tour de ces élections, les candidats proposés permettent aux syndicats d’obtenir 10% des voix, le syndicat d’entreprise est considéré comme étant représentatif. Il pourra ainsi désigner des délégués syndicaux et participer à la négociation collective.
Il faut augmenter la contractualisation, multiplier les accords collectifs, y compris d’adaptation moins favorables que ceux qui existaient précédemment, et depuis 2008, pour permettre l’avènement de cette contractualisation, le législateur a conservé le principe de l’accord collectif majoritaire. Ça veut dire que pour qu’un accord collectif soit valide, il faut qu’il ait été signé par des syndicat représentatifs dont le taux d’audience cumulée dépasse 50%
Et lorsqu’il n’y a pas de représentation syndicale en entreprise, il est possible pour l’employeur : soit de conclure un accord majoritaire avec les membres titulaires du CSE sous réserve d’être approuvé par une majorité de salariés. On assiste donc à une perte de vitesse de la représentation syndicale et une augmentation de la représentation élue dans la détermination des normes collectives applicables à la relation de travail.
Alors qu’avant, la pensée concevait le progrès par addition, par l’augmentation des accords et conventions, cette idée dominante s’est évaporée. Ce qui est recherché de nos jours, c’est davantage « d’innovation, d’adaptation » en essayant de trouver un compromis entre la flexibilité et la sécurité juridique à apporter aux salariés.
è Le droit du travail est devenu un élément d’ajustement du marché du travail, s’il est trop rigide, on le perçoit comme moins compétitif et source de pertes d’emplois
Pour qu’un accord collectif soit valable, il doit être majoritaire. La loi précise dans quel domaine un accord collectif peut être moins favorable que la loi, mais dès lors que l’accord est majoritaire, il peut être conclu de façon moins favorable que ce que prévoit un certain standard.
Exemple : les heures supplémentaires (effectuées au-delà de la durée légale du travail) doivent être majorées à hauteur de 25% selon la loi. Il est depuis 2018 de conclure un accord majoritaire pour faire en sorte que les heures supplémentaires soient moins bien rémunérées dès lors que le minimum de 10% de majoration est respecté.
En 2008 le législateur a créé la rupture conventionnelle, s’inspirant d’une proposition faite par les organisations syndicales interprofessionnelles. C’est un mode de rupture alternatif du contrat de travail. Il n’y avait auparavant que le licenciement et la démission. Désormais, la loi permet de procéder à la rupture conventionnelle pour éviter le contentieux. L’accord individuel va être homologué par l’inspection du travail et le délai pour la contester est un délai restreint puisque la rupture ne peut être contestée que dans un délai de 1 an dans des cas limités : non-respect de la procédure // vice du consentement.
La doctrine de la flexisécurité consiste à lutter par des outils juridiques contre le chômage structurel pour permettre à l’entreprise de négocier son adaptation en trouvant des compromis juridiquement sécurisés.
Autre exemple, les ordonnances Macron ont institué des barèmes aux indemnités de licenciement, barème s’imposant au juge ; par opposition au système précédent, sans barème ou plafond.
(La flexisécurité est sujette à débats)

3.  La transformation du travail centralise deux grandes idées, d’une part le développement de la numérisation (parasubordination, changement de modèle du salarié a la hiérarchie verticale) et
D’abord, le développement de la numérisation nécessite une adaptation du travailleur et de l’entreprise. Evolution de la manière de travailler, autonomie du salarié, croissance du télétravail, dégradation de la communauté de travail… Tout cela impactant de manière inédite la santé au travail et potentiellement les Risques Psycho-Sociaux (RPS)
C’est pour cela que des droits nouveaux nécessitent leur institution pour protéger de ces évolutions (exemple du droit à la déconnexion)
La subordination juridique change donc de nature. Le management perd de sa raison d’être. Le droit du travail est en train de s’adapter aux plateformes numériques qui mettent en relation des travailleurs avec une clientèle.
Le droit du travail français a du mal à s’adapter. Le législateur, timidement, essaie de construire un statut social à ces travailleurs indépendants (nés d’un changement de vision du salariat la sortant de la seule vision du travail, sans pour autant devenir travailleur indépendant) dès lors que les juges ne considèrent pas au cas par cas ne révèlent pas d’un contrat de travail.
Une vieille idée renait alors, un droit à l’activité professionnelle, qui ferait alors moins la distinction entre le travail salarié et indépendant.


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