Le prix ( élément de qualification,réel et sérieux,La détermination)

 

II. Le prix

 

Quatre points sont à retenir :

 

·         Il ne peut pas exister de vente sans prix. S’il n’y a pas de prix, on n’est pas sur une qualification de vente. Le prix est donc un élément de qualification de la vente

 

·         Le prix doit être réel et sérieux pour être valable

 

·         Dans certaines ventes on exige du prix qu’il ne soit pas lésionnaire

 

·         Il doit être déterminé et déterminable

 

A.      Le prix, élément de qualification (art.1582 CC)

 

« La vente est une convention par lequel l’un s’oblige a livrer et l’autre à payer »

Il y a donc l’exigence d’un prix.

Art.12 avant-projet Capitant

Le prix est consubstantiel à l’idée de vente : il est l’essence même de la vente

 

Il était considéré que la vente ne pouvait exister sans prix : elle était alors frappée de nullité.

Cependant un revirement a eu lieu par un arrêt de la chambre commerciale du 22 mars 2016

La cour de cassationstatue en le sensqu’ « attendu que la cour de cassation (elle se cite elle-même)jugeait depuis longtemps que la vente consentie a vil prix était nulle, la vente consentie sans prix est affectée de nullité fondée sur l’absence d’un élément essentiel du contrat » (référence ici à sa propre jurisprudence de 1993 et 2007).

 

Mais la cour relève qu’en 2012 la 3eme chambre civile a abandonnécette solution en jugeant que l’absence de prix entrainait une nullité relative.

 

La cour de cassation adopte donc un critère de distinction nouveau en 2016 : intérêt privé ou général ? si l’intérêt est privé alors la nullité est relative.

 

B.      Le prix réel et sérieux

 

Le prix doit être réel, c’est-à-dire que le prix stipulé dans l’acte de vente doit être réellement versé par l’acquéreur au vendeur.

En pratique on rencontre parfois des choses différentes comme les dessous de table etc.

 

La dissimulation est une opération par laquelle les parties passent deux actes : l’acte visible et secret. Ces deux éléments ne disent pas la même chose.

L’acte visible dit, par exemple,que X achète ma maison pour 1000euros et l’acte secret dit que le prix est 1500euros.

C’est pour des raisons d’ordre fiscal : éviter de payer des droits de notaire pour la vente d’une maison par exemple.

 

En matière d’immeuble le code interdit cette pratique : elle est nulle (nullité absolue) si elle porte sur un immeuble. Il y a plus de flexibilité pour la vente de meuble.

 

 

La donation déguisée consiste a conclure une vente avec un prix mais convenir de manière secrète que le prix ne sera pas payé.

 

Exemple : ma grand-mère me vend sa maison pour 400 000 euros mais elle ne veut pas que je la paye réellement. Cela permet d’éviter les droits de mutation car les impôts taxent les dotations.

 

Pour déguiser on peut aussi détourner les règles de succession :

Le principe est qu’il y a une égalité qui règne entre les héritiers : 3 enfants doivent recevoir la même part ; si on donne un bien a un enfant les autres doivent avoir la même chose.

 

Exemple : un héritage de 300 000euros et trois enfants, mais la personne souhaite favoriser sa fille ainée : il faut lui vendre la maison sans lui faire payer le prix (donation déguisée). Cette donation permet de rééquilibrer virtuellement l’héritage (en effet, la fille ainée a « gagné » une maison mais on ne considère pas que c’est une partie de l’héritage, elle aura donc aussi les 100 000euros qui lui sont dû, sans déduire la valeur de la maison qu’elle a reçu). (Rapport des libéralités)

 

Le prix doit aussi être sérieux.

 

·         Le vil prix

 

Prohibition de la vente à vil prix : c’est un prix tellement bas qu’il équivaut à une absence de prix.

 

Exemple : vendre sa maison pour 1euro.

Exemple : des parts sociales dans une entreprise vendue pour un prix inférieur aux dividendes générés par les parts (des parts qui rapportent 30euros et que je ne vends que 20euros par exemple)

 

!! Tout prix symbolique n’est pas forcément un vil prix.

On peut céder un bien pour un euro symbolique sans pour autant qu’il faille annuler le contrat. Exemple : racheter une entreprise en faillite pour un euro n’est pas un vil prix puisqu’on rachète aussi les dettes de la société.

 

Dans un arrêt du 15 septembre 2016 un vendeur cède à une commune un terrain pour un euro symbolique et souhaite ensuite faire annuler la vente pour vil prix. Mais ici la commune payait 1 euro + avait repris à sa charge les couts de démolition + de désamiantage + de dépollution.

Ainsi, vu le coût total pour la commune, la cour de cassation n’a pas retenue la nullité pour vil prix, même si le vendeur n’a touché qu’un euro de cette vente.

 

Il y a même des biens a valeur négative= un bien dont le passif (dette) est plus important que l’actif.

Exemple un sol pollué : le terrain en lui-même coute 300 000 euros mais la dépollution coûte 1 million d’euro.

 

·         Le prix lésionnaire

 

Un prix vil est tellement bas qu’il vaut 0

Un prix lésionnaire n’est pas équivalent a 0 mais est trop bas par rapport à la vraie valeur.

La lésion n’est pas une cause de nullité des contrats (ancien 1118 du CC) : « la lésion ne vicie les conventions que dans certains contrats ou a l’égard de certaines personnes »

 

Aujourd’hui il n’y a apas de texte spécifique sauf texte général (1168 nouveau) « dans les contrats synallagmatique le défaut d’équivalence n’est pas une cause de nullité sauf cas particulier »

 

La lésion n’est pas prise en compte en droit commun : c’est le droit de faire des bonnes affaires (chacun est le gardien de ses intérêts)

 

Par exception la lésion peut être prise en compte :

 

-          La vente d’immeuble commutatives, c’est-à-dire sans acceptation d’un aléa.

Exemple : aux enchères, pas de lésion possible.

 

L’article 1674 du CC prévoit la rescision pour lésion « si le vendeur est lésé de plus des 7/12 dans la vente, alors il peut demander l’annulation »

L’action est ouverte que lorsque le prix de vente est inférieur au 5/12 du prix de la valeur de l’immeuble.

 

Exemple : immeuble a 12 millions d’euros, si le prix de vente est inférieur au 5/12 alors il peut y avoir une action. Par exemple : 6/12 (50% de la valeur réelle) = pas d’action possible

 

Article 42 avant-projetCapitant « nul pour lésion … »

 

C’est un texte d’ordre public donc on ne peut pas y renoncer par avance.

 

Cette action suppose de prouver la différence de prix : pas besoin de prouver un dol etc. Il faut juste des experts qui prouvent la valeur réelle. On peut alors demander la nullité.

On peut échapper à la nullité : l’acquéreur qui a payé trop peu peut ajuster le prix « supplément de prix » pour éviter la nullité (art 1681 du CC). On estime alors le % manquant.

 

Quel intérêt de vendre si peu cher ?Celui qui vend a un prix lésionnaire peut le faire pour deux raisons : l’erreur sur la valeur de son immeuble (notamment quand c’est une terre rurale),  ou contrainte économique (vendre le bien moins cher pour avoir de l’argent rapidement)

 

En droit commun, il n’y a pas de sanction si ce n’est pas lésionnaire ou dérisoire : on peut vendre des lunettes pour 6000 euros si la personne est prête a payer. On ne prend pas en compte la disproportion du prix.

En droit commercial (art.L442-1 du code de commerce) sanctionne cependant le fait d’obtenir un avantage disproportionné au regard de la valeur. Il sanctionne aussi le fait de soumettre son partenaire a des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties.

 

La jurisprudence commerciale utilisait ce fondement pour sanctionner des clauses.

En droit civil il existe la même chose pour les contrats d’adhésion uniquement (art.1171 du CC) : le contrôle du déséquilibre ne porte PAS sur le prix.

 

En droit commercial il n’y a pas cette réserve : le juge peut contrôler le prix. De fait la cour cassation a décidé qu’elle pouvait (25 mars 2017) contrôler les prix dans les rapports entre commerçants. Si le prix est disproportionné il peut être sanctionné

Il a été jugé que cet arrêt était contraire à la liberté contractuelle : une QPC a été formée et le CC s’est prononcé le 30 novembre 2018. Il a jugé que non, il n’y a pas d’atteinte à la constitutionnalité dans le contrôle judiciaire des prix.

 

En droit commun le juge ne contrôle pas (sauf dans le cas de la lésion)

En droit commercial, si soumission, le juge peut contrôler le prix.

 

 

C.      La détermination du prix

 

Le prix de la vente doit être déterminé ou déterminable.

Déterminé : il est fixé.

Déterminable : c’est quand le contrat contient les éléments qui vont permettre de le déterminer.

 

Exemple : contrat entre Audi et le concessionnaire Audi de Marseille. Le contrat-cadre (= contrat qui organise les relations futures)précisequ’Audi pourra indiquer le prix au concessionnaire de Marseille.

La partie forte peut donc déterminer seule ce prix. C’est une clause du contrat, ce n’est pas la loi générale.

 

Dans les années 90 certains avocats ont tenté d’obtenir la nullité de ces contrats dont le prix n’est ni déterminé ni déterminable, s’appuyant aussi le fait que la volonté (d’une partie) n’est pas un élément objectif

La cour de cassation n’a pas donné raison et dès 1994 dans un arrêt Alcatel, la cour de cassation a retenu que l’art 1129 ancien (« objet du contrat doit êtredéterminé ou déterminable ») n’était pas applicable au prix de la vente mais à l’objet.

 

Les arrêts majeurs sont les arrêts de 1995 : la cour de cassation a rendu 4 arrêts sur ces clauses de détermination unilatérale du prix dans un contrat-cadre de distribution

 

Les parties peuvent librement prévoir une clause de détermination unilatérale du prix, mais si celui qui fixe le prix commet un abus alors il engage sa responsabilité et cela entraine la résiliation du contrat et/ou des dommages et intérêts.

 

Le problème cde cette solution est son champ d’application : cela ne s’applique qu’aux contrats-cadre ou à tous les contrats ?

 

La doctrine était divisée sur ce point et il a fallu attendre 2016 pour que la solution soit clarifiée avec la réforme du 10 février.

Dans les contrats-cadre le prix peut être conclu unilatéralement par une des parties, à sa charge de le justifier en cas de contestation.

Cela ne concerne donc que les contrats cadre : la vente n’est donc pas concernée ici.

 

On ne peut donc pas dans une vente prévoir que le prix soit fixé par une des parties : il doit être déterminé ou déterminable. Les clauses de détermination unilatérales du prix de vente seraient nulles.

 

Cependant il est licite de prévoir une clause de détermination par un tiers. Les parties peuvent choisir de confier à quelqu’un d’autre le soin de fixer le prix (art.1592 du code civil : le prix peut être laissé à l’estimation d’un tiers)

Souvent le cas dans l’estimation de parts sociales où un expert évalue la valeur de ces parts.

 

L’avant-projetCapitant (article 14) dit que les parties peuvent donner la fixation du prix à un tiers indépendant.

!! L’avis du tiers lie les parties, il s’impose à tous et on ne peut le contester qu’en cas d’erreur grossière.

 

Le but d’une vente est le transfert de propriété. Il ne peut pas y avoir de vente sans transfert, cependant ce n’est pas une obligation du vendeur mais un effet légal (=effet translatif de propriété).

Les parties ont a leur charge certaines obligations dans la vente, qu’il s’agisse du vendeur ou de l’acquéreur.

 

I.                    L’effet translatif de propriété

 

Il est consubstantiel à la vente (= pas de vente sans transfert)

C’est un effet de la loi, les parties ne peuvent pas transférer la propriété.

Nul ne sait transférer la propriété sauf la loi. Le transfert de propriété se fait indépendamment des parties, les parties peuvent donner la possession mais pas donner les droits de propriété.

 

Le code civil après 2016 ne parle donc plus d’obligation de donner mais de transfert de propriété.

Comme on ne peut pas transférer soi-même, on peut aménager les conditions de ce transfert.

 

A la propriété sont attachés des risques : dommages qui peuvent survenir à la chose.

 

a)      Le transfert de propriété

 

A quel moment passe-t-elle du vendeur à l’acquéreur ?

 

Le transfert de propriété solo consensu (art.1196 du code civil) : c’est lorsqu’il y a rencontre des volontés que le transfert s’opère. (même si le prix n’est pas encore payé, ni la chose remise)

 

La nuance est la notion d’opposabilité (art.1583) : la propriété n’est transférée qu’entre les parties mais pas aux tiers s’il y en a.

 

b)      Le transfert des risques

 

Le transfert des risques a lieu en même temps que le transfert de propriété

Res perit domino = Les risques pèsent sur le propriétaire de la chose

Res perit debitori= Les risques pèsent à titre exceptionnel sur le débiteur si celui-ci a été mis en demeure de délivrer la chose.

 

Qui est propriétaire à quel moment ?

 

Les risques sont transférés avec la propriété alors même qu’il n’a pas payé et que la chose ne lui est pas remise.

 

Arrêt Ccass 10 octobre 1995 au sujet de la vente d’un bateau. Les parties s’entendent et juste après le bateau est volé. Qui en supporte les risques ? C’est l’acquéreur.

 

Cas particuliers :

En droit de la consommation les risques ne sont pas transférés directement : les risques de pertes sont transférés au consommateur lorsqu’il prend physiquement possession des biens.

En matière de vente internationale de marchandises, la convention de Vienne s’applique.

 

Un arrêt du 6 décembre1967 nous apprend quesi il y a une annulation de la vente le vendeur n’a jamais cessé d’être propriétaire donc il supporte les risques de chaque instant.

 

Le consentement n’est pas forcément écrit (!! l’écrit est obligatoire pour contrat de + de 15 000 euros)

 

Les parties peuvent aménager le transfert de propriété. On peut retarder le transfert de propriété, on peut aussi l’avancer. On peut aussi découpler les transferts de propriétés et des risques.

 

-          Retarder le transfert de propriété

 

Cela permet au vendeur de demeurer propriétaire de la chose plus tardivement. Le plus souvent cela se fera par l’emploi d’une clause de réserve de propriété. C’est une clause par laquelle le vendeur se réserve la propriété de la chose jusqu’au complet paiement du prix.

Lorsqu’il paye en plusieurs échéances, il va souvent stipuler une clause de réserver de propriété où il reste proprio jusqu’au paiement du prix total.

 

Tant que le prix n’est pas payé, même s’il bénéficie déjà du transfert de propriété, l’acheteur ne peut pas déjà revendre le bien.

 

-          Avancer le transfert de propriété

 

L’intérêt existe lorsque le vendeur est en difficulté

Si on stipule que le propriétaire a lieu plus tot, on est proprio plus tot et cela sert en matière de revendication.

 

-          Découpler risque et propriété

 

On peut séparer les deux transferts, rien n’interdit cet aménagement.

Cela revient a modifier la date du transfert des risques sans modifier celle de la propriété.

C’est la logique des Incoterms qui sont des modèles contractuels que les parties peuvent choisir dans une vente internationale. On peut choisir de soumettre sa vente à tel ou tel Incoterms.

 

!! Memo :Les Incoterms sont des termes qui codifient les droits, devoirs et responsabilités des importateurs et exportateurs (qui fait quoi ?) en matière de :chargement,transport et type de transport,livraison,répartition des frais et des risques liés, (les Incoterms définissent notamment les lieux et le moment de transfert des risques), assurances,charge de l’accomplissement des formalités d’import-export.

Les Incoterms définissent aussi quels documents doivent être fournis par les parties

 

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