Les traités ( Définition,Classifications doctrinales,Les parties au traité)

 

Titre I : Les traités et les instruments concertés non conventionnels

Chapitre I : les traités

Section 1 : Données générales

§1 : La convention de Vienne du 23 mai 1969 sur le droit des traités entre Etat

                Tout le droit applicable aux traités a été codifié dans deux conventions internationales qui sont deux conventions de Vienne. La convention de Vienne du 23 mai 1969 est entrée en vigueur en 1980. C’est le texte de référence qui a codifié les traités et qui contient toutes les règles en la matière comme les procédures de ratification. On dit souvent qu’il s’agit du traité des traités. Or, même si cette convention est très importante, le texte n’intervient qu’à titre supplétif c’est-à-dire que la convention elle-même mentionne à chaque fois que la règle est la suivante : « à moins que le traité n’en dispose autrement ». En effet, en matière de traité, il y a un très grande autonomie de la volonté des parties.

Il existe une autre convention de Vienne datant du 21 mars 1986 sur le droit des traités entre Etat et Organisations internationales ou entre Organisations internationales. Cette convention n’est jamais entrée en vigueur. Il y a tout de même des dispositions importantes auxquelles il est possible de s’y référer.

§2 : Définition du traité

                Article 2 §1 a/ : « l’expression traité s’entend d’un accord international conclu par écrit et régit par le droit international, qu’il soit consigné dans un ou plusieurs instruments connexes et quelques soit sa dénomination. »

D’après la convention de Vienne un traité est nécessairement passé par des sujets de droit international c’est-à-dire qu’il faut que ce soit un acte conclu entre deux Etats ou entre Organisations internationales. Cette remarque a été endossée par la jurisprudence en ce sens affaire deAnglo-IranianOil Co. (Royaume-Uni c. Iran),CIJ, 22 juillet 1952 : la CIJ a refusé de voir un traité dans le contrat de concession pétrolière qui avait été passé entre l’Iran et une société britannique. La Cour a considéré que les parties été certes liées mais au titre d’un contrat et non d’un traité.

De plus, un traité suppose un accord de volonté entre les parties. C’est un acte consensuel. Autrement dit, un Etat ne peut être lié par traité sans son consentement. Ce principe en droit des traités a été rappelé par la CIJ dans un avis consultatif du 28 mai 1951, affaire des réserves à la convention sur le crime de génocide : la Cour rappelle le principe suivant « un Etat ne peut dans ses rapports conventionnels être lié sans son consentement ».

S’agissant de la terminologie, on parle indistinctement de traité, convention, accord, protocole, charte, pacte. L’ensemble de ces actes appartiennent à la même catégorie juridique : les traités et donc obéissent à la convention de Vienne de 1969.

Des 1931, la Cour permanente de justice international a eu l’occasion de rappeler cette indifférence quant à la terminologie en ce sens avis consultatif du 5 septembre 1931, CPJI, affaire du régime douanier entre Allemagne et Autriche.

 

 

La CIJ a repris cette jurisprudence :

·         arrêt du 26 mai 1961, affaire du temple de Préah-Vihéar 

·         arrêt Sud-Ouest African. (Libéria, Ethiopie c/ Afrique du Sud), 21 décembre 1962 : la terminologie n’est pas élément déterminant quant au caractère d’un accord ou d’un engagement international.

Le traité doit être certes conclu par écrit mais cet écrit peut prendre différentes formes. La CIJ a rappelé que le droit international n’était pas un droit très formaliste. Dans un arrêt du 20 décembre 1974, affaire des essais nucléaires (Australie c/ France), la Cour a affirmé que « pour ce qui est de la forme il convient de noter que ce n’est pas là un domaine dans lequel le droit international impose des règles strictes ou spéciales. La forme n’est donc pas décisive ».

Un traité est souvent un document ou un instrument unique. Dans d’autres cas, un traité peut être constitué non pas d’un seul texte mais d’un ensemble d’actes de nature différente comme par exemple un échange de lettres entre deux Etats qui forme un traité.

Dans l’arrêt du 1 juillet 1952 (Grèce c/ RU), Ambatielos : la Cour a considéré comme un traité non seulement le traité proprement dit mais encore une déclaration conjointe faite par les Etats.

Les accords d’Alger du 19 janvier 1981 : en 1971, il y a une révolution en Iran et lors de cette révolution les diplomates américains qui étaient en poste sur place vont être pris en otage. Une crise majeure a donc éclaté entre les deux Etats. Cette crise ne se limitait pas à la prise d’otage, il y a eu un contentieux économique. Pour mettre fin à cette crise, l’Algérie va jouer le rôle de médiateur entre les deux Etats. Les accords vont prendre une forme particulière car les deux Etats étaient à un tel point de crispation qu’ils ne souhaitaient pas signer sur le même document. Ainsi, ils n’ont pas signé un accord, mais deux volets réciproques qui sont les suivants :

-          un accord entre les EU et l’Algérie : dans cet accord, les EU s’engagent à un certain comportement auprès de l’Iran

-          un accord entre l’Iran et l’Algérie : l’Iran s’engage auprès de l’Algérie à un certain comportement envers les EU

Cet ensemble forme donc un seul ensemble conventionnel.

Pour le volet économique, le tribunal des différends irano-américain aura compétence pour trancher les litiges entre ces deux Etats mais aussi pour les particuliers touchés par les nationalisations.

La CIJ a aussi eu l’occasion de considérer comme un traité d’autres types d’écrits :

·         Arrêt du 19 décembre 1978, affaire du plateau continental de la mer Eger (Grèce c/ Turque): la Cour a considéré comme un traité un simple communiqué conjoint gréco-turc

·         Arrêt du 1 juillet 1994, affaire de la délimitation maritime et territoriale (Quatar c/ Bahrayn) : la Cour va assimiler à un traité un simple procès-verbal qui avait été signé par deux ministres dans le mesure où ce procès témoignait d’une volonté de s’engager.

·         Arrêt du 2 février 2017, affaire de la délimitation maritime dans l’océan indien (Somalie c/ Kenya) : la CIJ a eu l’occasion d’assimiler à un traité un seul mémorandum d’accords de 2009

 

Dans la pratique, le juge ou l’arbitre, utilisera un faisceau d’indices lui permettant d’établir la volonté des parties de créer un lien conventionnel.

 

 

 

§3 : Classifications doctrinales

 

                La doctrine opère souvent des distinctions entre traités. Ces distinctions n’ont pas de portée en droit positif.

 

1.       Distinction entre traité-contrat/ traité-loi :

 

Traité-contrat : généralement des traités bilatéraux qui ne contiennent que de simples obligations réciproques entre les Etats comme par exemple un Etat A s’engage à livrer un Etat B des frégates, et l’Etat B s’engage à un paiement d’un prix ou encore un traité d’extradition.

 

Traité-loi : traités multilatéraux qui ont pour objectif de définir un régime général applicable à une matière comme par exemple la convention des NU sur le droit de la mer du 10 décembre 1982 appelée Convention de Montego Bay. Cette convention vise à définir tous les espaces maritimes.

 

Cette distinction n’a pas de portée juridique car on ne peut jamais enlever d’un traité, sa dimension contractuelle et un traité n’opère jamais comme une loi de l’ordre interne.

 

2.       Distinction entre traité normatif et traité constitutif :

 

Traités normatifs : traités qui ont pour objet de définir des normes de comportement pour les Etats parties.

 

Traités constitutifs d’Organisations internationales : traités qui ont pour objet de créer une structure institutionnelle et ensuite définir la répartition des pouvoirs et des compétences entre les organes. Par exemple, la charte des NU créée l’ONU.

 

Cette distinction présente un intérêt car les traités constitutifs d’Organisations internationales obéissent parfois à des règles spécifiques qui ne sont pas celles de la Convention de Vienne. Pour autant, la distinction pose des limites puisque même les traités constitutifs d’OI contiennent souvent des dispositions normatives. En effet, la charte des NU contient de nombreuses dispositions normatives tel que l’article 2 §4 qui prévoit l’interdiction du recours à la force entre Etats.

 

3.       Distinction selon la quantité de partie à un traité :

 

Traités bilatéraux : deux Etats parties

 

Traités multilatéraux : tout Etat peut y participer, convention ouverte

 

Ces traités obéissent parfois à des règles particulières par exemple en matière de réserves aux traités, d’interprétation des traités.

 

Traités plurilatéraux : plus de deux Etats, mais nombre limité comme des conventions régionales, des secteurs d’activités particuliers

 

 

 

 

4.       Distinction entre traité en forme simplifiée et traité en forme solennel :

 

La différence tient à la procédure pour l’expression du consentement à être lié.Ces traités ont exactement la même valeur.

 

Traités en forme simplifiée : pour s’engager, il suffit à un Etat de signer le traité

 

Traités en forme solennel : pour s’engager, l’Etat doit accomplir deux actes : la signature (acte international) puis la ratification (acte interne).

 

Section 2 : Les parties au traité

 

                La question qui se pose est celle de savoir quel sujet de droit peut conclure des traités ?

 

La qualité de sujet de droit international ne se cantonne plus aux Etats et Organisations internationales.

 

§1 : Les Etats

 

                L’article 6 de la convention de Vienne affirme que « tout Etat a la capacité de conclure des traités ».

 

La capacité d’un Etat à conclure un traité ne dépend pas automatiquement du fait qu’il ait été reconnu comme Etat. Deux Etats peuvent être partie à un même traité alors même qu’ils ne se reconnaissent pas comme Etat indépendant. L’acte de reconnaissance est un acte qui n’a qu’un effet relatif c’est-à-dire qu’il ne produit d’effet qu’entre celui qui reconnait et celui qui est reconnu. Autrement dit, il n’y a pas d’effet pour les tiers.

 

Exemple : l’Iran est partie à la charte des NU tout comme l’Etat d’Israël pourtant l’Iran ne reconnait pas l’Israël en tant qu’Etat.

 

Il se pose toujours à propos de l’Etat certaines questions qui concernent la capacité des collectivités infra étatiques à conclure des traités. Les collectivités infra étatiques n’ont pas la personnalité juridique internationale et ne devraient pas pouvoir conclure des traités. Pourtant le droit international renvoie cette question à chaque droit interne. Par conséquent, chaque Etat peut autoriser ses collectivités à conclure des traités internationaux. On trouve déjà cette possibilité dans les Etats fédéraux. Par exemple, on trouve cette possibilité en Allemagne, aux EU, en Belgique ou encore en Suisse.

 

Les collectivités infra étatiques passent parfois des accords avec d’autres collectivités infra étatiques. Dans le cas d’Etat unitaire, en principe, il y a une interdiction pour les collectivités territoriales de conclure des traités internationaux comme la France.

 

 

 

 

Le droit constitutionnel français prévoit un régime qui constitue une sorte de dégradé des compétences :

 

-          il n’y a quasi aucune possibilité pour les collectivités de droit commun (région, département, commune) de conclure des traités internationaux 

 

-          les départements d’Outre-mer : la loi d’orientation de l’outre-mer du 13 décembre 2000 prévoit que les autorités locales ont quelques compétences spécifiques en matière de traités internationaux puisque le gouvernement peut délivrer aux exécutifs locaux l’autorisation de négocier et de signer des traités mais toujours au nom de la France

 

Décision du CC du 7 décembre                 2000 : le CC a censuré des dispositions conférant plus de pouvoirs aux autorités locales

 

-          la Nouvelle-Calédonie : les compétences extérieures sont prévues dans la loi organique du 19 mars 1999 qui confère à la Nouvelle-Calédonie des pouvoirs plus importants. En effet, les autorités locales peuvent négocier et signer des accords avec les Etats de la région. Il peut également être membre associé d’une organisation régionale et peut aussi disposer d’un représentant auprès des Etats pacifiques.

 

§2 : Les Organisations internationales

 

                Aujourd’hui, la capacité des OI à conclure des traités ne pose plus de difficulté et les OI concluent de très nombreux traités. Avant 1945, il y avait une pratique assez modeste. Le traité le plus ancien date du 4 octobre 1875 qui est l’accord de siège conclu entre la France et le bureau international des poids et mesures.

 

La convention de Vienne de 1986 prévoit en son article 6 que « la capacité d’une Organisation à conclure des traités internationaux est régie par les règles pertinentes de cette Organisation. »L’article 2 de la même convention indique ce qu’il faut entendre par « règles pertinentes » :  les actes constitutifs de l’Organisation, les décisions et résolutions adoptés conformément à l’acte institutif, la pratique bien établie de l’Organisation.

 

Il a fallu attendre l’intervention de la CIJ lorsque le traité institutif était silencieux s’agissant de la capacité des OI de pouvoir conclure des traités.

 

Avis consultatif du 11 avril 1949, affaire de la réparation des dommages subis au service des NU : le comte Bernadotte était un diplomate suédois qui faisait partie des diplomates des NU. Il était médiateur des NU en Palestine. Il est assassiné en Palestine par des extrémistes juifs… L’assemblée générale des NU saisie la Cour en lui posant deux questions :

-          Est-ce-que l’ONU peut présenter des réclamations internationales pour obtenir réparation des dommages subis en perdant l’un de ses diplomations ?

-          En cas de réponse affirmative à la première question, comment doit-on concilier les droits de l’ONU et les droits de l’Etat dont Bernadotte était ressortissant ?

 

La Cour va considérer que même si rien n’est prévu dans la charte, l’ONU peut présenter des réclamations internationales. Elle va considérer que d’une façon générale, l’ONU dispose des pouvoirs implicites. Ainsi, elle va créer la théorie des pouvoirs implicites des Organisations internationales.

La Cour énonce que « l’Organisation doit être considérée comme possédant un pouvoir, qui, s’ils ne sont pas expressément énoncés dans la charte sont par une conséquence nécessaire conférés à l’Organisation en tant qu’essentiels à l’exercice des fonctions de celle-ci. »

 

La théorie des pouvoirs implicites des OI n’a pas été complètement créée par la CIJ. La Cour à appliquer cette théorie qui avait été créée par la Cour suprême des Etats Unis.

On parle de pouvoirs implicites et non de compétences implicites :

 

-          Compétence : champ matériel d’activité, domaine d’intervention

-          Pouvoir : instrument juridique pour agir dans un domaine

 

La théorie des pouvoirs implicites s’applique à toutes les Organisations internationalesàAvis consultatif du 8 juillet 1996, affaire de la légalité de l’utilisation des armes nucléaires.

 

S’agissant de l’Union européenne, la question ne se pose plus car elle est prévue dans les textes. Néanmoins, la question s’était posée à l’occasion de l’arrêt du 31 mars 1971, AETR : la CJCE a considéré que la CEE avait la capacité d’établir des liens contractuels dans tous les domaines de compétences qu’elle avait à l’intérieur de la communauté. En droit de l’Union, on a parlé d’un principe d’alignement des compétences externes sur les compétences internes.

 

§3 : Les accords conclus par d’autres entités

 

A-     Les mouvements de libération nationale

 

 

 

 

 

 

 

B-      Les accords passés entre un Etat et une société privée étrangère

 

 

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