Droit commercial
Examen : cas pratique (code de commerce autorisé)
Partie I : Le domaine du droit commercial (acte de commerce et commerçant)
Il est classique de se demander si le droit commercial est le droit des commerçants ou celui des actes de commerce. Il existe deux conceptions du droit commercial. La première conception, qui est la conception subjective, selon laquelle la qualité de commerçant suffit pour appliquer les règles du droit commercial. A l’inverse, selon la conception objective, seules certaines opérations, appelées actes de commerce, sont soumises au droit commercial. Dans ce dernier cas, la commercialité tient à l’activité des actes de commerce alors que dans la conception subjective, la commercialité tient à la qualité de la personne. Certains droits adoptent l’une ou l’autre de ces conceptions. Dans l’ancien droit français, la conception subjective l’avait emportée en raison des systèmes des corporations. Cette conception n’a pas été reprise par le code de commerce de 1807, pas plus qu’il n’a consacré la conception objective. La position de notre droit moderne sur ce terrain se trouve dans l’article L. 121-1 du code de commerce qui dispose que « Sont commerçants ceux qui exercent des actes de commerce et qui en font leur profession habituelle. » On le voit, la qualité de la personne et l’activité sont mises au même plan dans cet article. C’est donc une position intermédiaire que consacre notre droit commercial. Cette position est parfois source de confusions et empêche toute possibilité de systématisation. En somme, la commercialité des opérations et l’application d’un droit dérogatoire par rapport au droit commun qu’est le droit commercial résulte à la fois de l’activité et de la qualité de la personne.
Leçon 1 : La notion d’acte de commerce
Si l’article L. 110-1 du code de commerce dresse une liste des activités commerciales, cette dernière s’avère incomplète. C’est pourquoi le juge, à travers la jurisprudence, est venu combler cette lacune. L’acte de commerce a donc une double source, une source légale d’une part, une source jurisprudentielle d’autre part.
Section I : L’acte de commerce par détermination de la loi
Le législateur ne définit aucunement l’acte de commerce, se contentant de dresser une liste dans les articles L. 110-1 et L. 110-2 du code de commerce. Le législateur établit des présomptions d’acte de commerce. La force de cette présomption légale est variable. Certains actes sont commerciaux par leur forme. Pour ces actes, la présomption de commercialité est irréfragable. Les actes de commerce par nature, visés du 1° au 8° de l’article L. 110-1 du code de commerce sont présumés être accomplis entre commerçants, mais la preuve de leur caractère civil est néanmoins possible. C’est en quelque sorte une présomption simple de commercialité. Enfin, le 9° de l’article L. 110-1 du code de commerce fait référence à des actes qui ne sont qu’accessoirement commerciaux : civils par nature, ils ne deviennent actes de commerce que parce qu’ils ont été accomplis par un commerçant.
1. Les actes de commerce par la forme
L’hypothèse est assez originale car il s’agit de cas dans lesquels les actes en cause sont des actes de commerce quand bien même ils auraient été accomplis par des non-commerçants. Cela concerne deux institutions du droit des affaires que sont la lettre de change et certaines sociétés commerciales.
A. La lettre de change
La lettre de change, aussi appelée traite, est le titre de paiement et de crédit par lequel une personne, le tireur, donne l’ordre à l’un de ses débiteurs, appelé le tiré, de verser à un tiers (en général un créancier), le porteur, une certaine somme d’argent à une date déterminée. Il résulte du 10 ° de l’article L. 110-1 du code de commerce que tout signataire d’une lettre de change, à quel titre que ce soit, est tenu d’un engagement de nature commerciale peu important par ailleurs sa profession, son activité. En conséquence, le tribunal compétent sera le tribunal de commerce.
B. Les sociétés commerciales par la forme
En principe, la qualification civile ou commerciale d’un groupement dépend de son activité. Un groupement d’intérêt économique, une association, une société créée de fait ou en participation n’acquiert la qualité de commerçant que s’ils exercent une activité de nature commerciale. A défaut, le groupement a une nature civile. Par exception, certaines sociétés ont, dès l’origine, indépendamment de leur activité, un caractère commercial. En effet, l’article L. 210-1 du code de commerce dispose que « Le caractère commercial d’une société est déterminé par sa forme ou par son objet. / Sont commerciales, à raison de leur forme, quel que soit leur objet : 1° les sociétés en nom collectif ; 2° les sociétés en commandite simple ; 3° les sociétés à responsabilité limitée ; 4° les sociétés par actions ». Parmi les sociétés par actions, on recense la société anonyme, la société en commandite par actions, et la société par actions simplifiée.
2. Les actes de commerce par nature
C’est ici l’objet de l’acte et non sa forme qui entraîne sa commercialité. La liste de l’article L. 110-1, 1° à 8°, du code de commerce, qui n’est pas exhaustive, répute en effet un certain nombre d’activités actes de commerce. Encore faut-il, pour que la présomption de commercialité qui en découle s’applique, que ces actes remplissent des conditions particulières.
A. Conditions de la commercialité par nature
Quand bien même figurerait-il dans la liste de l’article L. 110-1 du code de commerce, un acte n’est pas de ce seul fait un acte de commerce. En outre, cette énumération s’avère souvent incomplète ou, au contraire, redondante. C’est pourquoi la doctrine et la jurisprudence se sont rapidement prononcées pour son caractère non-exhaustif. Toutefois, admettre le caractère non-limitatif de cette liste légale sans fournir de critère précis pourrait revêtir un caractère arbitraire. Par conséquent, la doctrine s’est efforcée de dégager des critères généraux permettant de distinguer les actes civils des actes commerciaux. Quatre critères de détermination existent, qui peuvent certes ponctuellement aider à la qualification, mais qui ne peuvent pas rendre compte de l’ensemble de la catégorie. Ces critères sont la répétition, l’entremise, la spéculation et l’entreprise.
i. Répétition
A la lecture de l’article L. 110-1 du code de commerce, l’on constate que le code de commerce distingue les actes et les entreprises. Dès lors que ce dernier terme induit une structure organisée et implique la répétition des actes, une partie de la doctrine conclut à une distinction : les actes seraient commerciaux par nature, fussent-ils isolés, quand ceux visés au titre des entreprises ne seraient commerciaux qu’à la condition de leur répétition. Cette thèse ne correspond pas à la volonté du législateur ni au droit positif puisque plusieurs fois, la jurisprudence a exigé la répétition d’un acte, en particulier l’achat pour revente, pour caractériser l’acte de commerce.
ii. Entremise
Le critère de l’entremise est émis pour distinguer les actes de commerce des actes civils. Plus précisément, c’est le critère de l’entremise dans la circulation des richesses qui serait mis en exergue. Ainsi, l’acte de commerce serait caractérisé par le fait qu’il se situe dans le processus économique entre l’acte de production et l’acte de consommation. Ce critère permet d’exclure les actes de production (agriculture, industrie extractive) et les actes de consommation. Toutefois, ce critère est trop large et trop étroit en même temps. Il est trop large parce que certains actes d’entreprise ne sont pas des actes commerciaux. Par exemple, le mandat n’est pas un acte commercial, c’est un acte civil (v. art. 1984 et s. du code civil). Il est trop étroit parce que certaines activités de production, par exemple les activités minières, sont expressément intégrés dans le champ du droit commercial par le législateur.
iii. Spéculation
Selon ce critère, l’acte de commerce est caractérisé par le but poursuivi. Tout acte de commerce, selon ce critère, doit être accompli dans le but de rechercher un profit. A contrario, les activités purement désintéressées seraient exclues de la qualification. Il est vrai, ce critère est en pratique fréquemment employé par la jurisprudence pour appliquer les règles du droit commercial à un non-commerçant. L’absence d’intention spéculative a également permis d’exclure la commercialité de certaines activités. Par exemple, l’absence de spéculation sur les marchandises ou la main-d’oeuvre permet de distinguer l’artisan du commerçant. Plus récemment, ce critère a permis d’exclure la commercialité d’actes conclus par des associations ou des coopératives. Est-ce à dire que toute activité qui suppose la recherche du profit est commerciale ? La transformation des activités agricoles, artisanales ou même des professions libérales suffisent à se convaincre du contraire. En effet, aujourd’hui, toutes ces activités sont orientées vers la recherche du profit, même si elles sont de nature civile, elles ne sont pas pour autant devenues des activités commerciales. Si la notion de spéculation peut être parfois utile à la distinction acte de commerce/acte civil, elle ne peut constituer un critère unique de commercialité.
iv. Entreprise
Le critère de l’entreprise tend à mettre en lumière le fait que l’acte de commerce est en principe réalisé par des structures organisées nécessitant la réunion de moyens humains, financiers. En réalité, ce critère est impropre à servir de critère général. En effet, l’entreprise est une notion qui n’est pas définie ; elle évolue. En suite, la notion d’entreprise est à la fois plus large et plus étroite que la notion des activités commerciales. Elle est plus large car elle englobe l’ensemble des activités économiques, qu’elles aient un caractère commercial ou civil. Par exemple, les professions libérales, agricoles, peuvent être exercées dans le cadre d’entreprises. Elle est plus étroite car la notion d’entreprise n’est pas celle qui caractérise le mieux les activités exercées par un commerçant personne physique. Enfin et surtout, l’entreprise n’est pas dotée de personnalité juridique, elle n’a pas de personnalité morale comme la société immatriculée.
Pour conclure, aucun des critères proposés par la doctrine ne permet de rendre compte de l’ensemble des actes de commerce, même s’ils peuvent donner des indications utiles.
B. La détermination des actes de commerce par nature
L’on peut classer en quatre catégories ces actes de commerce par nature : les activités de distribution, les activités industrielles, les activités de service, et les activités financières.
i. Les activités de distribution
a. L’achat pour la revente
L’achat pour la revente concerne l’article L. 110-1, 1° et 2°, du code de commerce.
1. Les opérations mobilières
L’opération d’achat à titre onéreux n’est commerciale par nature que si elle a été faite dans l’intention d’une revente postérieure. Sont concernés en premier lieu tous les opérateurs du secteur de la distribution, petit commerce comme grandes surfaces. Quid de l’hypothèse dans laquelle la revente n’a pas lieu ? L’intention de revente, fût-elle non suivie d’effet, est suffisante. En tout état de cause, l’exigence d’un achat initial exclut du droit commercial de nombreuses opérations de production, faute d’achat préalable. Ainsi, l’agriculteur ne commercialise que sa propre production, il n’est donc pas un commerçant. L’auteur d’une oeuvre ou le titulaire d’un brevet qui en ferait la cession ne se livre pas à une activité commerciale.
2. Les opérations immobilières
Traditionnellement, les immeubles relevaient exclusivement du droit civil. Puis, les immeubles sont devenus objet de spéculation, si bien que le législateur, par la loi du 13 juillet 1967, a qualifié de commerciales, sans aucune distinction, tout achat de bien immeuble aux fins de les revendre. La généralité des termes de la loi de 1967 incluait dans le droit commercial les sociétés de construction, lesquelles ont fortement contesté cette extension. C’est pourquoi le texte a été modifié par une loi de 1970 qui a introduit une exception, qui peut se lire ainsi : « (…) à moins que l’acquéreur ait agi en vue d’édifier un ou plusieurs bâtiments et de les vendre en blocs ou par locaux ». Ainsi, le caractère civil de l’opération de promotion immobilière est expressément affirmé par l’article L. 110-1, 2°, du code de commerce.
b. Les activités d’intermédiaire du commerce
Les activités d’intermédiaire du commerce concernent l’article L. 110-1, 3°, 5°, 6° et 7°, du code de commerce. Elles visent la commission, le courtage, et l’intermédiation en matière immobilière. La commission, selon l’article L. 132-1 du code de commerce, le commissionnaire est celui qui passe un acte juridique en son propre nom mais pour le compte d’autrui que l’on nomme le commettant. En quelque sorte, le commissionnaire fait écran entre le commettant et le tiers. Cette activité est toujours commerciale par nature. Quant au courtage, la mission du courtier consiste à mettre en rapport des personnes qui ne se connaissent pas, et qui souhaitent contracter. Contrairement au mandataire et au commissionnaire, le courtier n’intervient pas juridiquement dans l’opération finale. S’agissant de l’intermédiation en matière immobilière, depuis la réforme du 13 juillet 1967, sont commerciales toutes les opérations d’intermédiaire pour l’achat, la souscription de fonds d’immeuble ou de fonds de commerce, d’actions ou de parts de sociétés immobilières. Cela concerne la qualité juridique d’intermédiaire, et vise donc le mandataire en matière immobilière, le courtier en matière immobilière, le commissionnaire en matière immobilière voire la simple entreprise de conseil. Qu’en est-il des agents commerciaux, ces professionnels indépendants qui ont pour fonction habituelle de représenter les commerçants dans leurs affaires ? En contradiction avec la majorité de la doctrine, la Cour de cassation considère, sous prétexte que le mandat est un contrat civil, que l’agent commercial n’est pas un commerçant (Cass. com., 29 octobre 1979, 24 octobre 1995).
ii. Les activités industrielles
Les activités industrielles trouvent leur siège dans l’article L. 110-1, 5°, du code de commerce. Le code de commerce répute actes de commerce toute entreprise de manufacture. C’est une expression assez large, qui renvoie aux industries de transformation, notamment dans le domaine de la métallurgie, chimie, textile ainsi que d’ailleurs les activités de construction, d’assemblage et de réparation.
iii. Les activités de services
Les activités de services concernent l’article L. 110-1, 4°, 5° et 6°, du code de commerce. Ces activités de services comprennent différentes hypothèses, visent différentes sous-hypothèses, au nombre de quatre.
1. Les activités de location
Les activités de services sont notamment les activités de location. Sont des actes de commerce les activités de location de biens meubles, de même que les opérations complexes que sont le contrat de crédit-bail et la location financière. Le contrat de crédit-bail, aussi parfois appelé leasing, offre la possibilité de louer le bien, mais avec une promesse unilatérale d’achat qui permet de lever l’option à la fin du contrat de location. En revanche, la location de biens immeubles ne fait pas partie de cette catégorie d’actes de commerce. En conséquence, le contrat de bail commercial est un contrat par nature civil parce que le bail commercial correspond à la location d’un bien immeuble, dans lequel s’exerce une activité commerciale, sauf à requalifier cet acte par nature civile en acte de commerce par accessoire parce que conclu par un commerçant. A contrario, en effet, il est possible pour un non-commerçant de conclure un bail commercial. Par exemple, l’héritier qui recueille dans son patrimoine le contrat et qui n’est pas commerçant. Quid de l’hôtellerie ? Est-ce une location d’un bien meuble ou d’un bien immeuble ? En matière d’hôtellerie, cette activité est considérée, malgré une certaine contestation de la doctrine, comme de nature commerciale par la jurisprudence, qui estime que la location d’espace dans l’hôtellerie est secondaire par rapport à la location de meubles.
2. Les activités de transport
Les activités de transport font indubitablement partie des actes de commerce. Il existe deux fondements textuels, pour les transports terrestres (art. L. 110-1 du code de commerce) et les transports maritimes (art. L. 110-2 du code de commerce). La commercialité s’étend également aux transports inconnus des rédacteurs du code de commerce, tels que les transports ferroviaire, aérien et les activités auxiliaires telles que le déménagement, le remorquage. Qu’en est-il des taxis ? Est-ce une activité artisanale ou une activité commerciale ? Tout dépend de la structure d’exercice. La jurisprudence en effet distingue selon que le taxi est exploité par une société ou individuellement par une personne physique. Si l’activité est exploitée par une société commerciale par la forme, il s’agira d’une activité commerciale ; la commercialité de la société rejaillit sur l’activité exercée. En revanche, si c’est une exploitation individuelle, la personne physique est visée et l’activité relève de l’artisanat.
3. Les entreprises de spectacle
Les entreprises de spectacle (théâtre, cirque, cinéma, salle de concert) et de façon générale toutes les représentations offertes au public soit en direct soit en télédiffusion sont des activités commerciales.
4. Les entreprises de fourniture, d’agences et de bureaux d’affaires
Il s’agit d’une catégorie évasive, qui intéresse les juges car elle permet d’intégrer des actes non-conçus initialement par les rédacteurs du code de commerce. C’est ainsi que le terme de fourniture vise toutes les livraisons de produits ou de services qui ont un caractère continu et même périodique. Par exemple, les services de fourniture d’électricité et de gaz font partie de cette activité commerciale.
5. Les activités financières
Les activités financières sont visées par l’article L. 110-1, 7° et 8°, du code de commerce. Elles renvoient aux opérations de banque et aux opérations de bourse. D’une part, les opérations de banque sont classiquement considérées comme commerciales par nature. Les opérations de banque sont définies par l’article L. 311-1 du code monétaire et financier. Il prévoit que les opérations de banque comprennent la réception de fonds du public, les opérations de crédit et les services bancaires de paiement. D’autre part, sont également concernées les opérations de bourse, qui sont principalement entendues comme étant des bourses de valeurs mobilières, dont les opérations obéissent aux conditions du marché règlementé (par exemple la vente d’actions en bourse, en général aux épargnants d’une société). La jurisprudence a assimilé aux activités financières les entreprises d’assurance et les opérations plus précises telles que l’affacturage.
3. Les actes de commerce par accessoire
Les actes de commerce par accessoire trouvent leur siège textuel dans l’article L. 110-1, 9° du code de commerce. La théorie de l’accessoire concerne aussi bien l’acte de commerce que l’acte civil. En effet, un acte civil par nature peut devenir un acte de commerce par accessoire dès lors qu’il est passé par un commerçant pour les besoins de son commerce. Lorsqu’un acte civil devient commercial car passé par un commerçant pour les besoins de son commerce, l’on considère qu’il s’agit d’un acte accessoire subjectif parce que l’on s’intéresse à la personne et à ses besoins. Il existe une autre théorie de l’accessoire, objective, qui concerne des actes accomplis par des non-commerçants mais nécessaires à l’exercice ou à la poursuite d’une activité commerciale (par exemple en matière de fonds de commerce). Ici se traduit la théorie de l’accessoire en vertu de laquelle l’accessoire suit le principal. En sens inverse, le pendant de l’acte de commerce par accessoire est l’acte civil par accessoire. L’acte civil par accessoire est un acte qui mériterait la qualification d’acte de commerce mais qui a un caractère civil parce qu’il est l’accessoire d’une activité civile. Par exemple, un établissement d’enseignement exerce une activité civile. La fourniture de matériel scolaire, qui est en principe commerciale, devient civile par accessoire. De la même manière, un médecin peut, dans certains endroits, acheter des médicaments pour les revendre à ses patients, qui est un acte civil par accessoire. La théorie de l’accessoire concerne deux catégories d’hypothèses, la commercialité par accessoire des actes juridiques, et la commercialité par accessoire des faits juridiques.
A. La commercialité par accessoire des actes juridiques
Ici, c’est l’hypothèse dans laquelle un acte civil par nature est passé par un commerçant, qu’il s’agisse d’un commerçant personne physique ou personne morale. Ce qui a pour effet de le rendre commercial par le jeu de l’accessoire. De nombreux exemples de commercialité par accessoire peuvent être cités. Font partie de cette catégorie les achats de matériel et d’outillage, le contrat de travail conclu par un salarié, la cession de fonds de commerce. La jurisprudence a étendu cette solution d’acte juridique de commerce par accessoire aux baux commerciaux pour les preneurs. Un bail commercial est le contrat passé entre le propriétaire d’un bien immeuble, le bailleur, avec une personne appelée le preneur, qui va exploiter son fonds dans le local. Le locataire commercial est un commerçant, mais le contrat qu’il conclu est un contrat de bail commercial, qui est par principe de nature civile. Le propriétaire d’un immeuble, qui loue un immeuble, n’est pas forcément commerçant. En revanche, le preneur exerce une activité commerciale, il réalise des actes de commerce et en fait son activité habituelle ; il est donc commerçant. Par conséquent, du côté du locataire, le contrat de bail commercial est un acte de commerce par accessoire même si le contentieux relatif aux baux commerciaux ressort de la compétence du tribunal judiciaire. A l’inverse, le commerçant qui agit en dehors de l’exercice de sa profession qui accomplit un acte civil reste civil. Ne sont pas commerciaux les achats faits par un commerçant pour son usage particulier, ce que le code de commerce prend le soin de préciser expressément, en écartant dans ce cas la compétence du tribunal de commerce (art. L. 721-6 du code de commerce). Par ailleurs, les dettes fiscales qui sont des dettes civiles restent civiles, et ne deviennent pas commerciales par accessoire, même si elles sont nées à l’occasion d’une activité commerciale. Enfin, même si la solution est contestée en doctrine par certains auteurs, les actes de constitution et de transmission des droits réels immobiliers demeurent civils. Par exemple la vente immobilière demeure un acte civil, serait-elle conclue entre commerçants (Cass. 3e civ., 14 juin 1989). L’immobilier résiste à la commercialité.
B. La commercialité par accessoire des faits juridiques
En principe, les faits juridiques deviennent commerciaux par accessoire si leur survenance découle de l’activité commerciale de l’auteur des faits. Tous les engagements extracontractuels, à de rares exceptions, pourront se voir appliquer la commercialité par accessoire dès lors qu’ils se rattachent à l’activité commerciale. Il existe trois catégories de faits juridiques : les quasi-contrats, les délits et les quasi-délits. Cette commercialité par accessoire joue pour ces trois catégories. Par exemple, s’agissant des délits, les actes de concurrence déloyale, lorsqu’il est réalisé par un commerçant, est un acte de concurrence déloyale commercial (Cass. com., 3 janvier 1972). A titre exceptionnel, certaines hypothèses ne relèvent pas de la commercialité par accessoire pour les faits juridiques. Par exemple, un accident de la circulation causé par un véhicule appartenant à un commerçant, en dépit de la nature commerciale de l’obligation, le tribunal judiciaire est seul compétent. L’idée est la même s’agissant des amendes pénales, même si l’amende pénale est dû à l’exercice de l’activité commerciale. L’obligation qui pèse sur le commerçant à ce titre n’est pas commerciale (Cass. com., 17 mars 1958).
Section II : L’acte de commerce par détermination de la jurisprudence
La jurisprudence reconnaît l’existence de trois catégories d’actes de commerce qui, pourtant, isolés, et accomplis par des non-commerçants, sont néanmoins des actes de commerce. L’idée commune à ces trois hypothèses est qu’elles sont toutes les trois nécessaires à l’exercice ou à la poursuite d’une activité commerciale (accessoire objectif). Quels sont ces trois cas ? La cession de fonds de commerce, le gage et le cautionnement, et la cession de contrôle.
1. La cession de fonds de commerce
Bien évidemment, la nature juridique de la cession du fonds ne pose pas de difficulté lorsque les deux parties sont commerçantes. La cession est alors commerciale de nature subjective puisqu’elle est le fait d’un commerçant. En revanche, la question est plus délicate lorsque le cédant n’est pas le commerçant lui-même. Par exemple, un héritier qui recueille dans son patrimoine le fonds de commerce, qu’en est-il de la nature de son acte ? Même dans ce cas, selon la Cour de cassation, la cession de fonds de commerce est toujours un acte de commerce, peu important que le cédant ne soit pas commerçant. C’est la même idée que l’on retrouve à propos de la promesse de cession de fonds, qui est aussi un acte de commerce car touchant au fonds de commerce.
2. Le gage et le cautionnement
A. Le gage
Le gage est le contrat par lequel un débiteur remet une chose mobilière à son créancier afin de garantir la bonne exécution de sa dette. Le créancier gagiste peut alors conserver la chose jusqu’à l’extinction de la dette ou, à défaut de paiement, la faire vendre et se payer sur le prix. Or, selon l’article L. 521-1 du code de commerce, le gage constitué soit par un commerçant, soit par un individu non-commerçant pour un acte de commerce se constate conformément aux dispositions de l’article L. 110-3 du même code (principe de liberté de la preuve propre à l’acte de commerce). La Cour de cassation en déduit que la nature du gage devrait s’apprécier au regard de la nature civile ou commerciale de la dette garantie, indépendamment de la qualité du constituant (Cass. com., 11 juin 1974).
B. Le cautionnement
Le cautionnement est le contrat par lequel une personne appelée la caution s’engage envers un créancier à payer à la place du débiteur principal au cas où celui-ci n’exécuterait pas ses obligations. Le cautionnement, à la différence du gage, n’a pas un caractère commercial du seul fait qu’il garantit une dette de nature commerciale. Il faut ici distinguer deux hypothèses. Premièrement, si la caution est elle-même commerçante et si le cautionnement est en relation avec son activité commerciale, le cautionnement est de nature commerciale. Si la caution n’est pas commerçante, le cautionnement n’est pas un acte de commerce du seul fait qu’il vise à garantir une dette commerciale. La jurisprudence exige alors une condition supplémentaire pour qualifier l’acte de commercial. En effet, la caution doit avoir un intérêt patrimonial, personnel, à la dette garantie. Cette analyse a été consacrée par la Cour de cassation dans un arrêt de la Première chambre civile du 15 juillet 1981, pour qui l’intérêt personnel, patrimonial poursuivi par le dirigeant d’une société commerciale est, dès lors qu’il est prouvé, est de nature à conférer à son engagement un caractère commercial. D’ailleurs, la Cour de cassation considère que cette condition d’intérêt personnel et patrimonial est présumée dans le cas où la caution est le dirigeant de la société tenue à la dette principale. Si la caution n’est pas commerçante, à propos d’une dette commerciale, la Cour de cassation indique qu’il faut s’interroger sur le point de savoir si la caution a un intérêt personnel et patrimonial à la dette.
3. La cession de contrôle d’une société
La société est composée d’un capital, qui est possédé par des associés, qui en contrepartie d’un apport ont des droits sociaux. L’associé peut être propriétaire de la majorité des actions d’une société par actions. Dès lors qu’il est titulaire de plus de 50 % des actions, l’associé est qualifié de majoritaire et dispose d’un pouvoir de décision dans les assemblées générales ordinaires. Si les parts d’actions sont cédées, l’on parle de cession de contrôle de la société. La cession de parts sociales ou d’actions est en principe un acte de nature civile, sauf si elle est effectuée par des commerçants, c’est-à-dire par un associé ayant qualité de commerçant en vertu de la nature commerciale de la société (par exemple les associés des sociétés en nom collectif, les commandités des sociétés en commandite). Il en va différemment lorsque la cession porte sur un nombre de parts ou d’actions tel qu’elle donne le contrôle de la société, notamment en assurant la majorité des votes en assemblée générale. La jurisprudence considère alors que la cession est un acte de commerce, parce qu’elle est directement liée au fonctionnement de la société. L’on peut ici considérer que cette solution assimile la cession de fonds à la cession de blocs de contrôle.
Leçon 2 : Le régime des actes de commerce
Il n’y a pas de corps de règles complet propre au régime des actes de commerce. Mais la jurisprudence et la loi ont élaboré des règles applicables aux actes de commerce. Ce sont des règles disparates, dérogatoires au droit commun des contrats, imposées par les nécessités du commerce. Ces règles sont destinées à faciliter les transactions commerciales qui sont en principe motivées par une célérité, et à assurer l’efficacité de ces transactions commerciales. Parfois, elles seront moins rigoureuses que le droit commun (par exemple le régime de la preuve des actes de commerce). Parfois, elles seront un peu plus sévères.
Section I : La formation des actes de commerce
L’acte de commerce est soumis aux conditions générales de formation du droit des contrats, du droit commun des obligations, notamment des articles 1101 et suivants du code civil. Toutefois, on a trois domaines, trois aspects qui se distinguent du droit commun des obligations, la capacité, le consentement et les règles de preuve.
1. La capacité
Ce sont les articles 1129 et 1145 du code civil qui exigent la capacité juridique de ceux qui contractent des actes juridiques. Il existe deux causes, deux incapacités de conclure des actes juridiques et tout particulièrement des actes de commerce, la minorité d’une part et l’altération des facultés mentales des personnes majeures d’autre part. Sur ce dernier point, le droit commercial ne prévoit pas de disposition spécifique. Il existe en revanche quelques règles propre aux droit commercial concernant les mineurs. L’idée gouvernant la matière a évolué selon les périodes. La première phase correspond à la période précédant la loi du 5 juillet 1974 qui a abaissé l’âge de la majorité à 18 ans. Avant cette loi, l’idée était que le mineur émancipé pouvait passer des actes de commerce, exercer une activité commerciale. Avec la loi du 5 juillet 1974, l’on n’a plus estimé utile de permettre au mineur émancipé d’exercer une activité commerciale. Plus tard, la loi du 15 juin 2010 qui a consacré l’EIRL (entrepreneur individuel à responsabilité limitée) est revenue au système antérieur à la loi de 1974 puisque cette loi a modifié les articles L. 121-2 du code de commerce ainsi que l’article 413-8 du code civil. Désormais, le mineur émancipé peut être commerçant soit sur autorisation du juge des tutelles au moment de la décision de l’émancipation, soit postérieurement s’il est autorisé par le président du tribunal judiciaire. Une exception à ce principe doit être relevée, qui concerne un domaine assez strict, celui qui concerne la lettre de change. Il résulte de l’article L. 511-5 du code de commerce qu’un mineur même émancipé et ayant autorisé à devenir commerçant ne peut pas être signataire d’une lettre de change ; la lettre de change serait nulle à son égard. Un mineur non émancipé, même représenté, ne peut exercer une activité commerciale. L’article 509 du code civil dispose que son représentant légal, même avec autorisation, exercer le commerce au nom du mineur. Les actes juridiques passés par un mineur non émancipé peuvent être annulés ou rescindés pour cause de lésion dans les conditions prévues par l’article 1149 du code civil.
2. Le consentement
A. L’obtention du consentement
Les actes de commerce, comme tout acte de droit civil, supposent pour leur validité, le consentement de la partie qui s’oblige. Il n’existe pas de règle spéciale en matière d’acte de commerce. Toutefois, le droit commun des contrats s’inspire parfois des solutions conçues par le droit commercial. L’on retrouve cette influence du droit commercial sur le consentement du droit commun à travers une règle en vertu de laquelle en droit commercial, le silence vaut acceptation. Dès lors, le principe en droit commercial est que le silence vaut acceptation dès lors que le comportement de la partie taiseuse est dépourvu d’ambiguïté et qu’il apparaît acquis qu’elle avait entendu laisser le contrat se former. Par exemple, lorsque deux commerçants sont en relation d’affaires habituelles, le fait de recevoir sans protester une livraison et la facture qui l’accompagne a toujours suffi à former le contrat et va obliger à payer le prix, même s’il n’y a pas de commande formelle expresse. Avant l’ordonnance du 10 février 2016, le principe du droit commun, du droit civil, est que le silence ne valait pas acceptation. Désormais, certes le droit civil continue à poser en principe que « Le silence ne vaut pas acceptation. » (art. 1120 al. 1er du code civil), mais le même article précise « à moins qu’il n’en résulte autrement de la loi, des usages, des relations d’affaires ou de circonstances particulières ». Ce nouvel article introduit par l’ordonnance du 10 février 2016 transforme en règle générale, valant pour tous les contrats, une solution qui a d’abord été consacrée par la jurisprudence dans les relations commerciales.
B. La forme du consentement
Traditionnellement, l’on affirme que le droit commercial est hostile à toute règle de forme. En réalité, le droit commercial est fréquemment formaliste pour la raison suivante : dans l’objectif de sécuriser les relations contractuelles, de protéger les tiers. C’est pourquoi le droit commercial exige un écrit, une publicité dans certains domaines. Par exemple, en droit des sociétés commerciales, les statuts des sociétés doivent être rédigés par écrit, et ils doivent être déposés au greffe, publiés. C’est l’immatriculation qui confère la personnalité morale à la société (art. L. 210-6 du code de commerce). Toutefois, la tendance récente du législateur est de simplifier le droit des sociétés (v. lois de simplification). La dernière en date est la loi du 19 juillet 2019 dite loi Soilihi, a supprimé un formalisme lourd en matière d’acte de cession de fonds de commerce contenues dans l’article L. 141-1 du code de commerce. Paradoxalement, les praticiens continuent à inscrire dans l’acte de fonds de commerce les mentions supprimées (maintenues sur le fondement de l’article 1112-1 du code civil).
3. Les règles de preuve
A. Le principe de la liberté de la preuve
En droit civil, la preuve n’est pas libre. Si les faits juridiques peuvent se prouver par tout moyen, les actes juridiques en revanche qui mettent en jeu un intérêt supérieur à 1.500 euros, doivent être prouvés au moyen d’un écrit préconstitué (art. 1359 du code civil). Sur ce point, le droit commercial se démarque du droit civil en instituant un régime de liberté de la preuve. Selon l’article L. 110-3 du code de commerce, à l’égard des commerçants, les actes de commerce peuvent se prouver par tout moyen, à moins qu’il n’en soit disposé autrement par la loi. Cette solution se justifie par la nécessité de favoriser la conclusion rapide et sans formalisme des actes de commerce. On le voit, la liberté de la preuve ne vaut qu’à raison de la qualité de commerçant de l’une des parties. Ce n’est donc pas la preuve des actes de commerce qui est libre, mais la preuve des obligations commerciales d’un commerçant. Il en résulte qu’un acte de commerce passé par un non-commerçant, par exemple une cession de contrôle de parts sociales par un associé non-commerçant se prouve selon les règles civiles. Il en va d’ailleurs de même de l’acte passé par un commerçant en dehors de l’exercice de sa profession. En vertu de l’article L. 110-3 du code de commerce, la règle de la liberté de la preuve ne s’applique qu’en l’absence de dispositions spéciales contraires. Certains textes dérogent à ce principe et imposent la rédaction d’un écrit. Par exemple, l’article L. 142-3 du code de commerce exige la rédaction d’un écrit pour le nantissement d’un fonds de commerce. Le contrat de société exige lui aussi un écrit soumis à certaines formalités.
B. Les conséquences de la liberté de la preuve
Dire que la preuve est libre en matière commerciale signifie que toutes les règles du système de la preuve en matière civile sont non avenues. Il n’est pas nécessaire de distinguer selon l’enjeu financier de l’acte passé. S’il a été passé par un commerçant, il pourra être prouvé par tout moyen, quel que soit l’enjeu financier. Ces moyens peuvent être l’aveu, le serment probatoire, le témoignage, l’indice de toute nature et d’une manière générale tous les documents qui ne pourraient en principe être admis par le juge civil tel que les microfilms, les photocopies, les fax voire les textos ou SMS. Contrairement au principe en vertu duquel un plaideur ne peut se constituer de preuve à lui-même, le commerçant pourra se prévaloir de sa propre comptabilité (Cass. com., 12 octobre 1982). D’ailleurs, l’article L. 123-23 du code de commerce dispose que « La comptabilité régulièrement tenue peut être admise en justice pour faire preuve, entre commerçants, pour faits de commerce. » Elle pourra aussi lui être opposée, la production de documents comptables pouvant même être ordonnée en justice. Il existe un principe d’équivalence des modes de preuve en droit commercial. La domination de l’écrit ne vaut plus en matière commerciale. C’est ainsi que lorsqu’un écrit est produit par l’une des parties, il n’a pas une valeur supérieure aux autres modes de preuve éventuellement invoqués par son contradicteur (Cass. com., 21 novembre 1995 : il est possible de prouver contre et outre le contenu d’un écrit par des témoignages, des présomptions etc.).
En droit commercial, en vertu du principe de la liberté de la preuve, à l’égard des commerçants, l’article 1375 du code civil ne s’applique pas. La règle du double original ne trouve pas à s’appliquer dans les contrats synallagmatiques passés par les commerçants. L’article 1375 du code civil exige que l’acte sous seing privé soit fait en autant d’originaux qu’il existe de parties au contrat, alors que si contrat commercial est rédigé par écrit, un seul exemplaire suffit. L’article 1376 du code civil, qui s’applique en matière d’actes et de contrats unilatéraux, ne s’applique pas en matière commerciale. Il postule l’obligation de faire figurer la signature de celui qui s’engage et la mention écrite par lui-même de la somme, de la quantité due en chiffres et en toutes lettres, dans les actes comportant un engagement de payer une somme d’argent ou de livrer un bien fongible. C’est ainsi que le cautionnement souscrit par un commerçant est affranchi de l’exigence de la mention de l’article 1376 du code civil (Cass. com., 11 décembre 1990). En revanche, cette mention est maintenue en présence du cautionnement commercial souscrit par un non-commerçant. Quant au cautionnement dit intéressé, c’est-à-dire le cautionnement passé par un dirigeant d’une société commerciale, le dirigeant n’est en principe pas commerçant (par exemple le gérant d’une SARL), donc ce sont les règles civiles qui devraient s’appliquer. Mais la jurisprudence accepte que cet acte, même irrégulier, constitue un commencement de preuve par écrit dès lors qu’il est conforté par un indice concordant tel que la place du dirigeant dans la société (Cass. 1e civ., 15 octobre 1991). L’article 1377 du code civil ne trouve pas non plus à s’appliquer en droit commercial, lequel article prévoit qu’un acte n’acquiert date certaine que par trois modes : l’enregistrement, le décès de l’une des parties, la constatation par un acte authentique. La jurisprudence ancienne estime que cet article ne s’applique pas (Cass. com., 25 avril 1983) : un preneur est en droit d’opposer son bail commercial qui n’a pas acquis date certaine à un autre preneur lui-même commerçant qui bénéficiait d’un bail portant sur la même chose, consenti postérieurement mais enregistré.
Section II : Les effets des actes de commerce
Certains effets des actes de commerce, en pratique très importants, conservent des spécificités marquées au regard du droit commun des obligations. Toutefois, ces particularités se sont estompées ; le législateur ou la jurisprudence elle-même ayant unifié les solutions du droit civil et du droit commercial.
1. Le maintien d’un régime dérogatoire
Deux points constituent toujours le particularisme du droit commercial en matière d’effets des actes de commerce : la solidarité passive et l’anatocisme.
A. La solidarité passive
L’article 1310 du code civil dispose que « La solidarité ne se présume pas. » Au contraire, la solidarité passive, c’est-à-dire entre des codébiteurs, est présumée dans les contrats commerciaux qui comportent plusieurs codébiteurs en vertu d’une règle coutumière, antérieure au code de commerce, et qui a été confirmée ultérieurement par la jurisprudence (Cass. req., 20 octobre 1920). La jurisprudence applique même cette règle de solidarité passive aux actes de commerce accomplis par des non-commerçants qui ont un intérêt personnel à cet acte, tels que le cautionnement fourni par les dirigeants d’une société commerciale (qui ne sont pas, sauf dans le cas d’un associé en nom collectif, commerçants) (Cass. com., 29 janvier 1991). Cette présomption de solidarité est particulièrement favorable au créancier puisqu’elle lui permet de demander à l’un quelconque des débiteurs l’intégralité des sommes qui lui sont dues ; elle est d’ailleurs souvent considérée comme une sûreté personnelle car chaque débiteur se trouve ainsi dans l’obligation de garantir l’éventuelle insolvabilité de ses codébiteurs. Le débiteur quant à lui y trouve également son intérêt en ce qu’il accroît sa capacité de crédit car en effet, le créancier disposant d’une pluralité de débiteurs potentiels accordera plus facilement son concours, son crédit. Toutefois, un arrêt de la Cour de cassation du 26 septembre 2018 précise que la solidarité active quant à elle ne se présume pas en matière commerciale. Ainsi, en cas de pluralité de créanciers, le débiteur peut opposer l’écoulement du délai de prescription à l’un d’eux qui ne pourra pas se prévaloir de l’acte interruptif de prescription qui avait été introduit par un autre créancier. Une telle solidarité doit être stipulée dans le contrat afin d’éviter au créancier les effets rigoureux de la solution du 26 septembre 2018.
B. L’anatocisme
En droit civil, l’anatocisme, c’est-à-dire la possibilité de faire produire intérêt aux intérêts échus d’un capital est soumis à des règles restrictives. L’article 1343-2 du code civil n’admet cette capitalisation des intérêts que lorsque les intérêts sont dus au moins pour une année entière. Ils ne peuvent être réclamés que par une convention spéciale ou dans le cadre d’une demande en justice. En revanche, la capitalisation des intérêts en droit commercial est tout à fait licite en dehors de ces hypothèses restrictives, et peut s’effectuer à des échéances beaucoup plus brèves. Cette liberté de l’anatocisme revêt une importance toute particulière en matière de compte courant. En effet, dans le cadre d’un compte courant, il est d’usage que les intérêts soient régulièrement capitalisés, et produisent à leur tour des intérêts. Cet usage, contraire à l’article 1343-2 du code civil, est reconnu par la jurisprudence depuis le XIXe siècle, a été confirmée par la Cour de cassation lorsque le titulaire du compte est un commerçant (Cass. 1e civ., 4 décembre 1990).
2. Le rapprochement du régime des actes civils et commerciaux
A. La sanction de l’inexécution
Jusqu’à l’ordonnance du 10 février 2016, en droit civil, l’inexécution du contrat était sanctionnée par la résolution judiciaire (art. 1184 ancien du code civil, art. 1227 du code civil). Certains usages commerciaux consacrés par la jurisprudence dérogeaient à ce principe dans l’optique de maintenir le contrat, de pérenniser le lien contractuel. Depuis l’ordonnance du 10 février 2016, le code civil prévoit des sanctions alternatives à la résolution du contrat permettant de sauvegarder le lien contractuel (art. 1217 du code civil). Quand l’inexécution du contrat n’est que partielle, l’on a la réfaction du contrat, qui est en droit commercial de longue date accepté par la jurisprudence. Désormais, l’article 1223 du code civil autorise la réduction du prix. Dans le même ordre d’idée, en cas d’inexécution totale du contrat, la jurisprudence autorisait une faculté de remplacement à l’acheteur en matière commerciale. Aujourd’hui, avec l’article 1224 du code civil, il est possible au cocontractant de résoudre le contrat sur sa notification en cas d’inexécution grave.
B. L’extinction de l’obligation
La prescription extinctive permet au débiteur d’une obligation d’être libéré au bout d’un certain temps. L’article L. 110-4 du code de commerce était dérogatoire au droit civil parce que la prescription qu’il évoque est décennale, alors la prescription de droit commun en matière de responsabilité délictuelle était de 30 ans. Toutefois, la loi du 17 juin 2008 a harmonisé les règles puisque l’article L. 110-4 du code de commerce prévoit une prescription de 5 ans en matière commerciale, sauf prescription plus courte. L’article 2224 du code civil prévoit également une prescription de 5 ans. La règle de l’article 2224 du code civil n’est pas d’ordre public.
Leçon 3 : Le régime des actes de commerce (suite)
Section III : Les litiges relatifs aux actes de commerce
1. Les règles de compétence juridictionnelle
L’article L. 721-3 du code de commerce gouverne les règles de compétence juridictionnelle en matière d’actes de commerce, qui définit la compétence du tribunal de commerce, et prévoit la possibilité de faire appel à un arbitre. Le 3° de l’article L. 721-3 du code de commerce énonce que les litiges relatifs aux actes de commerce entre toutes personnes, même entre non-commerçants, relèvent de la compétence d’une juridiction d’exception, le tribunal de commerce. Dès lors qu’un acte de commerce fait naître un litige, le tribunal de commerce est compétent. Il est toutefois possible de ne pas saisir la juridiction consulaire, étatique, pour passer devant un arbitre. Il est possible aux parties de faire appel à un arbitre (art. L. 721-3 al. 2 du code de commerce). L’article L. 721-3 alinéa 2 du code de commerce consacre la validité de la clause compromissoire, qui confère la compétence à un arbitre alors que le tribunal de commerce aurait été normalement compétent. Une clause compromissoire désigne la clause conférant à un arbitre la connaissance d’un litige à naître, à venir, qui se distingue du compromis, qui est le fait de donner compétence à un arbitre lorsque le litige est déjà né.
2. Les tempéraments
Avant tout litige, lors de la conclusion du contrat, il est possible de déroger à la compétence du tribunal du commerce du lieu du domicile du défendeur, de deux manières. Il est possible de déroger à la compétence d’attribution, c’est-à-dire aux règles de fond, ou à la compétence territoriale, c’est-à-dire aux règles de forme. Les parties peuvent envisager de déroger aux règles de fond ou de forme de la compétence juridictionnelle du tribunal de commerce.
A. Les dérogations à la compétence d’attribution
La compétence d’attribution est la catégorie de juridiction, soit le juge civil, soit le juge commercial, appelée à connaître du litige. Il s’agit de savoir quel juge est compétent au fond. La question que l’on se pose en matière commerciale est celle de savoir si les parties peuvent désigner une autre juridiction que celle normalement compétente pour connaître du litige. Il est unanimement admis que sont valables les clauses qui attribuent à la juridiction civile compétence en lieu et place du tribunal de commerce, parce que le tribunal de commerce est une juridiction d’exception pour connaître des litiges entre commerçants, ou des litiges entre actes de commerce. Cette compétence d’exception du tribunal de commerce n’est pas d’ordre public, sauf dans certains cas où la loi confère au tribunal de commerce une compétence d’ordre public, notamment en matière de procédures collectives. La clause attribuant compétence à la juridiction civile est assez rare en raison de son faible intérêt pour des commerçants. Les clauses qui attribuent la compétence du litige au juge consulaire sont plus fréquentes. Elles sont considérés comme nulles lorsqu’elles sont stipulées entre non-commerçants (Cass. com., 21 octobre 1963). Qu’en est-il dans les litiges qui opposent un commerçant et non-commerçant ? Il faut ici distinguer selon que le non-commerçant est demandeur ou défendeur. Lorsque le non-commerçant est demandeur à l’action, la jurisprudence estime que la clause peut produire effet, car l’on considère qu’elle peut le protéger. En revanche, il a été jugé qu’était inopposable à un défendeur non-commerçant une clause attributive de compétence au profit du tribunal de commerce (Cass. com., 10 juin 1997).
B. Les dérogations à la compétence territoriale
Les clauses dérogeant à la compétence territoriale présentent un réel danger pour la partie la plus vulnérable car elles peuvent la conduire à devoir se défendre devant un tribunal autre que celui de son domicile. La compétence territoriale est par principe celle du tribunal du lieu du domicile du défendeur (art. 42 du code de procédure civile). C’est pourquoi l’article 48 du code de procédure civile prévoit que toute clause attributive de compétence territoriale est réputée non-écrite, à moins qu’elle n’ait été convenue entre des personnes ayant toutes contracté en qualité de commerçant et qu’elle n’ait été spécifiée de façon très apparente dans l’engagement de la partie à qui elle est opposée.
i. La condition de fond
Les deux parties doivent avoir contracté en qualité de commerçant pour que la clause soit valable. A contrario, la clause sera réputée non-écrite si elle a été insérée dans un acte mixte, par exemple un contrat passé entre un horticulteur et un commerçant (Cass. 3e civ., 4 juin 1980). Dans un arrêt du 29 janvier 2020, relatif à un acte de cession de contrôle d’une société, la chambre commerciale de la Cour de cassation indique que l’intéressé ne faisait pas des actes de commerce de façon habituelle (le cédant n’étant en l’espèce pas un commerçant) ; de ce fait, la clause doit être réputée non-écrite : le tribunal de commerce compétent est celui du lieu du domicile du défendeur.
ii. La condition de forme
La clause doit avoir été spécifiée de façon « très apparente » dans l’engagement de la partie à laquelle elle est opposée. Deux sous-conditions de forme sont exigées : il faut que la clause ait été acceptée (parce que l’on parle d’engagement), c’est-à-dire intégrée dans le champ contractuel (a contrario, bon de commande non paraphé, v. Cass. 2e civ., 20 février 1980) ; cette clause attributive de compétence territoriale doit avoir été très apparente, ce qui n’est pas le cas lorsque cette clause figure dans une facture en petits caractères imprimés verticalement (Cass. com., 16 novembre 1983). Cette question du caractère apparent est une question de fait qui relève de l’appréciation souveraine des juges du fond.
Section IV : Le régime spécifique des actes mixtes
L’acte mixte est l’acte qui présente un caractère civil à l’encontre d’une partie, et un caractère commercial à l’encontre de l’autre. La mixité se retrouve principalement pour les contrats, mais elle peut se concevoir dans les délits, et les quasi-contrats. En revanche, la mixité est impossible pour les actes de commerce par la forme. Par exemple, la mixité ne se conçoit pas pour les signataires de la lettre de change, car tous les signataires d’une lettre de change effectuent un acte de commerce. La question des actes mixtes n’a pas été envisagée par le législateur, le code de commerce. C’est la jurisprudence qui, au cas par cas, s’est prononcée. Dans la mesure du possible, il existe une application distributive des règles. Toutefois, dans certains cas, et par exception, l’application d’un corps unique de règles va s’imposer parce qu’elle est imposée par la nature des choses.
1. L’application distributive des règles civiles et commerciales
A. La compétence juridictionnelle
L’idée de la compétence est que tout dépend de la qualité du défendeur. Ainsi, le commerçant doit nécessairement assigner le non-commerçant, qui est le défendeur, devant les juridictions civiles, pour défendre la partie civile défenderesse. En revanche, la jurisprudence accorde au non-commerçant le bénéfice d’une option. Il peut choisir de citer le commerçant soit devant les juridictions civiles, soit devant la juridiction consulaire. La question s’est posée de savoir ce qu’il se passait en présence d’une clause attributive de compétence territoriale ou de juridiction insérée dans un acte mixte. Concernant la clause d’attribution de compétence territoriale, l’article 48 du code de procédure civile répute non-écrites ces clauses lorsqu’elles sont insérées dans un acte passé entre un commerçant et un non-commerçant, donc dans un acte mixte. Concernant la clause de compétence d’attribution, la Cour de cassation considère que la clause est inopposable au non-commerçant. En cas de clause attributive de juridiction au profit des tribunaux de commerce, le commerçant devra nécessairement assigner le non-commerçant devant les juridictions civiles, parce que l’on protège ce dernier. En revanche, si le non-commerçant est demandeur, il peut renoncer à l’option qui lui est en principe offerte et mettre en oeuvre la clause attributive de compétence. Qu’en est-il de la clause compromissoire insérée dans un acte mixte ? L’article 2061 du code civil règle la question. Ce texte prévoit que, pour l’opposabilité de la clause, l’on ne fait plus référence à la qualité de commerçant, mais au contrat conclu à raison d’une activité professionnelle. Elle est opposable non plus en fonction de la qualité de commerçant, mais des contrats conclus dans le cadre d’une activité professionnelle. La règle est que la clause compromissoire est inopposable à la partie qui n’a pas contracté dans le cadre de son activité professionnelle (v. art. 2061 du code civil dans sa réd. issue de la loi du 18 novembre 2016).
B. L’exécution du contrat
Deux questions pratiques sont soumises à une application distributive des règles du droit civil et du droit commercial. Il s’agit de la solidarité des codébiteurs et de la preuve des actes.
i. La solidarité des codébiteurs
Comme en matière d’acte de commerce, la solidarité passive est présumée à l’encontre de codébiteurs, à l’égard desquels la dette a une nature commerciale. Tandis que les codébiteurs pour lesquels la dette a une nature civile peuvent se prévaloir de l’article 1310 du code civil, qui dispose que la solidarité ne se présume pas.
ii. La preuve des actes mixtes
Le principe de la liberté de la preuve ne peut jouer qu’à une double condition : il faut être en présence d’un acte de commerce ; il faut que la preuve soit opposée à un contractant ayant la qualité de commerçant. En revanche, dès lors que l’acte est conclu entre un commerçant et un non-commerçant, le commerçant sera soumis aux règles de preuve du droit civil puisqu’il s’agit alors de prouver un acte civil pour celui qui le conteste. Tandis que le non-commerçant, dans cette perspective de souplesse, bénéficiera du principe de la liberté de la preuve à l’encontre du commerçant. Ce régime probatoire de l’acte mixte est indépendant de la juridiction saisie. Ainsi, l’application distributive de ces règles est valable de tant les tribunaux civils comme devant les tribunaux de commerce. Cette application distributive du régime de la preuve de l’acte mixte a été critiquée parce que l’on exige du commerçant de se préconstituer une preuve écrite dans leurs rapports avec des non-commerçants, exigence peu compatible avec les contraintes résultant de leur activité. En outre, cette application de la distributivité applique des régimes de preuve différents pour un unique et même contrat. Toutefois, cette rigueur est atténuée par l’assouplissement des règles de preuve en droit civil. Depuis 1980 (loi du 12 juillet 1980), le droit civil admet la liberté de la preuve pour les obligations d’un montant inférieur à 1.500 euros, et admet la production d’une copie fidèle et durable en lieu et place de l’original pour les obligations d’un montant supérieur à 1.500 euros. Plus récemment, par une loi du 13 mars 2000, le législateur a consacré la possibilité que l’écrit préconstitué soit établi sous forme électronique. L’on notera encore que l’article 1360 du code civil prévoit une exception au principe de la preuve écrite et préconstitué lorsque l’écrit a été perdu par force majeure ou lorsque l’une des parties est dans l’impossibilité de se procurer un écrit. Enfin, l’article 1361 du code civil admet la possibilité de présenter un commencement de preuve par écrit, complété par d’autres éléments de preuve, ce qui atténue les rigueurs du système probatoire civiliste.
2. L’application exclusive des règles civiles ou commerciales
A. L’application du droit civil
Les règles du droit civil s’appliqueront en matière de compétence puisque l’article 48 du code de procédure civile interdit les clauses en matière d’attribution de compétence territoriale à l’égard des non-commerçants. En conséquence, la Cour de cassation a retenu la nullité de la clause qui pouvait être invoquée par le non-commerçant comme par le commerçant (Cass. com., 11 mai 1993). La validité d’une clause compromissoire sera déterminée par l’application de l’article 2061 du code civil, et donc par le critère professionnel du contrat. C’est ainsi que si la partie non-commerçante conclut un contrat en raison de son activité professionnelle, une clause compromissoire pourra être stipulée dans un acte mixte. A défaut, si elle n’est pas conclue dans un acte mixte, cette clause sera inopposable à la partie qui n’a pas contracté dans le cadre de son activité professionnelle.
B. L’application du droit commercial
En application de l’article L. 110-4 du code de commerce, la prescription de 5 ans applicable aux actes de commerce s’applique également aux actes mixtes. Cet article s’applique à toutes les obligations nées à l’occasion de leur commerce entre commerçants et non-commerçants, peu important leur fondement contractuel ou délictuel. Cette prescription quinquennale est une règle du droit commun, sauf prescription plus courte dérogatoire.
Leçon 4 : Le commerçant
La qualification de commerçant entraîne l’application d’un régime juridique particulier.
Section I : La qualification de commerçant
Le droit commercial s’applique aux actes de commerce, mais aussi aux commerçants, dont il est important de préciser le contenu, en sachant que le contour de la notion de commerçant diffère selon qu’il s’agit d’une personne physique ou d’une personne morale.
1. Le commerçant personne physique
L’article L. 121-1 du code de commerce dispose que « Sont commerçants ceux qui exercent des actes de commerce et qui en font leur profession habituelle. » Il existe deux critères légaux. Mais la jurisprudence a rajouté un troisième critère qui est le caractère indépendant de l’exercice des actes de commerce. L’on a distingué le commerçant d’autres professions.
A. L’accomplissement d’actes de commerce
C’est un critère légal de qualification d’une personne physique en tant que commerçant. D’emblée, il convient d’exclure les actes de commerce par accessoire, qui sont normalement civils et qui deviennent commerciaux à raison de la qualité de commerçant de celui qui les passe. Il n’est donc pas possible de caractériser la qualité de commerçant d’un individu en relevant qu’il passe de tels actes, c’est-à-dire des actes de commerce par accessoire, parce que si l’on retient cette qualification, c’est que l’on s’est déjà prononcé sur la qualité de son auteur. Est commerçant celui qui passe des actes de commerce, par nature ou par la forme. Concernant les actes de commerce par l’objet, dès que la personne physique passe des actes de commerce par l’objet, la nature de l’acte de commerce par l’objet est indifférente. A l’inverse, l’accomplissement d’actes de commerce par la forme ne suffit pas à conférer la qualité de commerçant. C’est ainsi que la personne qui appose sa signature sur une lettre de change réalise un acte de commerce, mais ne devient pas commerçant pour autant. Tout au plus, l’on pourra voir dans le recours habituel à ce mode de paiement un indice de la qualité de commerçant. L’autre acte de commerce par la forme, la constitution d’une société commerciale, ne suffit pas à rendre ses associés commerçants. Les associés d’une société à responsabilité limitée, ou les actionnaires des sociétés par actions, ne deviennent pas commerçants du fait de la constitution de la société. En effet, ils relèvent de la sphère civile ; ils ne sont pas des commerçants. En revanche, les associés de sociétés en nom collectif et les associés commandités dans les sociétés en commandite sont des commerçants, sans que l’on s’interroge sur le caractère professionnel ou indépendant de son auteur (art. L. 221-1 et L. 222-1 du code de commerce).
B. L’exercice professionnel
L’accomplissement d’actes de commerce ne suffit pas ; il convient que ces actes soient passés à titre de profession habituelle. Il faut une profession habituelle, c’est-à-dire un caractère répété, mais aussi un exercice à titre professionnel. L’exercice professionnel suppose que l’auteur des actes les passe pour réaliser des bénéfices lui procurant un revenu nécessaire à son existence. Cette activité professionnelle peut ne pas être une activité principale. En effet, une personne peut avoir une activité professionnelle principale non-commerciale, et une activité commerciale accessoire. L’on a en effet la possibilité d’avoir deux activités dont l’une seulement est commerciale. L’on parle alors de pluri-activité. Par exemple, un artisan peut exercer une activité commerciale. D’ailleurs, l’on peut avoir une personne interdite d’exercer le commerce qui exerce le commerce, dont l’activité est qualifiée de commerciale, à raison d’une incompatibilité résultant de sa profession civile. Il y a des cas où l’on retient pas la qualité de commerçant pour un fonctionnaire (par ex. Cass. com., 30 janvier 1996 : la qualité de fonctionnaire est incompatible avec la qualité de commerçant ; cette incompatibilité ne peut être invoquée par le fonctionnaire pour se soustraire à ses obligations.).
C. L’exercice à titre indépendant
Exercer une activité à titre indépendant (Cass. com., 30 mars 1993) signifie que pour être qualifié de commerçant, il faut passer des actes de commerce, mais il faut passer des actes de commerce en son nom et pour son compte, c’est-à-dire de manière indépendante. A contrario, ce critère jurisprudentiel de l’indépendance exclut l’attribution de la qualité de commerçant dans certaines hypothèses. N’est pas indépendant le dirigeant social. En effet, le dirigeant social est traditionnellement qualifié de mandataire social, et agit au nom et pour le compte de la société. Il n’est pas, à ce titre, commerçant (Cass. com., 29 janvier 2020). En conséquence, même si la société est commerçante, les dirigeants sociaux ne sont pas indépendants. N’est pas indépendant le salarié du commerçant, qui n’agit pas pour son compte mais pour celui de l’employeur, et est en plus subordonné en tant que salarié. N’est pas davantage indépendant le gérant succursaliste, qui est un tiers qui exploite un fonds de commerce qui n’est pas commerçant. Les gérants succursalistes peuvent avoir la qualité de salarié ou celle de mandataire. Enfin, ne sont pas indépendants les voyageurs, représentants, placiers ni les agents commerciaux.
D. La distinction entre les commerçants et les non-commerçants
i. L’artisan
Schématiquement, l’artisan se caractérise par trois éléments : l’indépendance juridique ; la profession manuelle ; et le nombre limité d’employés. Avant le milieu du XIXe siècle, l’on considérait l’artisan comme un commerçant. Il est, depuis le milieu du XIXe siècle, soumis au droit civil et soustrait au droit commercial. Différents textes s’appliquent à l’artisanat, et sont regroupés dans le code de l’artisanat, qui organisent les conditions d’exercice de la profession. Il ressort de ces textes une définition professionnelle de l’artisan, qui ne lie pas le juge, qui ne l’oblige pas à retenir la qualification d’artisan. Cette définition professionnelle de l’artisan, qualifiée d’administrative, ne coïncide pas toujours avec la définition juridique de l’artisan.
a. Les définitions de l’artisan
L’on a deux définitions de l’artisan, la définition administrative de l’artisan et la définition juridique de l’artisan.
La définition administrative de l’artisan
Cette définition administrative de l’artisan est fournie par l’article 19 de la loi du 5 juillet 1996. Administrativement, la qualité d’artisan dépend de deux critères : l’effectif de l’entreprise, qui ne peut pas être supérieur à 10 salariés ; l’activité de l’entreprise doit être exercée à titre indépendant et professionnel. Cette activité professionnelle doit concerner la production, la transformation, la réparation ou la prestation de services. Ce texte est limité car elle n’a de valeur qu’au regard de l’attribution du titre d’artisan et de l’obligation de s’immatriculer au répertoire des métiers. Cette dernière mesure n’est qu’une mesure de police administrative qui ne lie pas le juge qui aurait à se prononcer sur le caractère commercial ou non de l’activité en cause.
La définition juridique de l’artisan
La définition juridique de l’artisan est venue préciser que les artisans, quand bien même ils exerceraient des actes de commerce à titre habituel, n’ont pas la qualité de commerçant. Cette jurisprudence a porté à s’interroger sur la qualité d’artisan, par la question de la compétence juridictionnelle. Dans un arrêt du 22 avril 1909 (Cass. req., 22 avril 1909), la chambre des requêtes de la Cour de cassation a refusé de conférer la qualité de commerçant à un cordonnier au motif qu’il n’avait aucun employé, qu’il travaillait sur commande, ses achats de matière première à crédit étaient faibles, ce dont la Cour de cassation déduit l’absence de spéculation sur l’achat et la vente de marchandises. Dans un arrêt du 28 février 1933 (Cass. req., 28 février 1933), la chambre des requêtes de la Cour de cassation assouplit le critère de l’artisanat, étend le champ d’application de l’artisanat en reconnaissant la qualité d’artisan à celui qui exerce un métier manuel et qui vend principalement les produits de son travail, même si cette personne emploierait des salariés. L’essentiel est qu’il n’y ait pas de spéculation sur les marchandises ni sur le travail d’autrui. Plus récemment, dans un arrêt du 11 mars 2008, la chambre commerciale a retenu la qualité d’artisan à propos d’un plombier-chauffagiste qui travaillait seul. Pour les juges, le critère de distinction du commerçant d’avec l’artisan est l’absence de spéculation, c’est-à-dire le fait de vouloir gagner de l’argent sur les marchandises que l’on vend.
b. Le statut de l’artisan
Dès lors qu’il répond à la définition juridique de l’artisan, l’artisan exerce une activité purement civile. Les règles du droit commercial ne lui sont pas applicables, pas plus d’ailleurs que les obligations du commerçant. Cependant, il existe parfois des hypothèses complexes, par exemple celles dans lesquelles la personne concernée relève du statut administratif de l’artisan, tout en le cumulant juridiquement avec la qualité de commerçant. Ce peut être le cas de l’exploitant qui emploie jusqu’à 10 salariés, et qui exerce une activité commerciale qui relève du registre des métiers. Il doit alors se faire immatriculer au répertoire des métiers, mais il est néanmoins commerçant dès lors qu’il ne remplit pas les conditions de la définition juridique de l’artisan. L’article 19, II de la loi du 5 juillet 1996 précise que l’immatriculation au registre des métiers ne dispense pas le cas échéant l’immatriculation au registre du commerce et des sociétés. Le second cas est celui d’un artisan qui décide d’exercer son activité dans le cadre d’une société commerciale par la forme, en sachant que celle-ci ne peut exister que si elle est immatriculée au registre du commerce et des sociétés. Cette société aura nécessairement la qualité de commerçant, mais conformément à l’article 19, I de la loi du 5 juillet 1996, la société devra solliciter son immatriculation au registre des métiers, pour que son dirigent acquiert le titre d’artisan. Pour conclure, l’artisan est par principe soumis aux règles civilistes. Toutefois, de plus en plus, il y a une sorte d’attraction de l’artisan vers le droit commercial plutôt au bénéfice de l’artisan. L’artisan peut par exemple bénéficier du statut des baux commerciaux des articles L. 145-1 et suivants du code de commerce, du statut de la location-gérance de son fonds artisanal, nantir le fonds, l’outillage. En outre, l’artisan est soumis au droit des procédures collectives, c’est-à-dire qu’il bénéficie des procédures de sauvegarde, de redressement et de liquidation judiciaires qui étaient au départ réservées aux commerçants, entraînant la compétence du tribunal de commerce.
ii. La profession agricole
La nature par principe civile des activités agricoles est induite par les textes, par deux textes principalement. Le premier texte est l’article L. 110-1 du code de commerce. Le second est l’article L. 311-1 du code rural et de la pêche maritime. En réputant acte de commerce l’activité d’achat pour revendre, l’article L. 110-1 du code de commerce exclut a contrario de la commercialité les activités agricoles, qui ne sont en principe que des activités de production. L’achat initial fait ici défaut. L’article L. 311-1 du code rural et de la pêche maritime amène à distinguer schématiquement trois cas : l’élevage industriel ; la transformation ; et la vente de produits par l’agriculteur. L’élevage industriel a toujours en principe un caractère civil, dès lors que l’activité de l’éleveur constitue une étape nécessaire au déroulement du cycle biologique de l’animal. Ainsi, il importe peu désormais, et contrairement à une jurisprudence antérieure, que les animaux eux-mêmes qui ont leur alimentation aient été acquis auprès de tiers éleveurs (Cass. com., 11 avril 1995). S’agissant des activités de transformation de la production, qui sont dans le prolongement de l’acte de production, celles-ci ont un caractère civil, sous la réserve cependant de l’origine des produits transformés. En effet, si ces derniers sont en majorité acquis à l’extérieur, l’on est en présence d’un achat pour revendre ; l’exploitation agricole aura alors la qualité de commerçant. Concernant l’agriculteur qui vend des produits achetés à l’extérieur en plus de ses produits, la théorie de l’accessoire s’applique dès lors que l’une des activités est prépondérante par rapport à l’autre. Si les activités sont d’importance comparable, l’article L. 311-2 du code rural et de la pêche maritime prévoit la possibilité d’une immatriculation au registre de l’agriculture et au registre du commerce et des sociétés. En conséquence, l’intéressé aura la double qualité d’agriculteur et de commerçant. Pour conclure, comme c’est le cas pour l’artisan, il existe une attraction de l’agriculteur vers le droit commercial, notamment concernant le droit des procédures collectives, qui s’applique également aux agriculteurs.
iii. Les professions libérales
L’article 29 de la loi du 22 mars 2012 dite loi Warsmann II donne une définition de la profession libérale. L’on classe généralement les professions libérales en quatre groupes : les professions juridiques ; les conseils experts en matière technique ; les professions médicales et les établissements d’enseignement. Les professions libérales peuvent être exercées à titre individuel, ou dans un groupement que l’on peut appeler les sociétés d’exercice libéral (SEL), par exemple les sociétés à responsabilité limitée, les sociétés par actions simplifiée, les sociétés anonymes. Mais l’on ne peut pas utiliser les formes commerciales qui confèrent à leurs associés la qualité de commerçant. Si le professionnel libéral exerce sous la forme d’une société commerciale (par exemple la SELARL : société d’exercice libéral à responsabilité limitée), la société en question a la qualité de commerçant, mais les associés n’ont pas la qualité de commerçant. Ces professionnels libéraux ont aujourd’hui un véritable fonds libéral, car la clientèle civile peut faire l’objet d’une cession (cession de patientèle, v. Cass. 1e civ., 7 novembre 2000). Les clientèles civiles peuvent être dans le commerce, et être cédées. Pour conclure, l’on constate encore une fois une certaine attraction du professionnel libéral vers le droit commercial, en matière de droit des procédures collectives. L’on soumet les professionnels libéraux, personnes physiques ou personnes morales, au droit des procédures collectives. Cette extension générale de l’application du droit des procédures collectives aux professions libérales résulte de la loi de sauvegarde du 26 juillet 2005.
2. Le commerçant personne morale
A. La personne morale commerçante par l’objet
i. Les sociétés commerciales par leur objet
L’on peut qualifier une personne morale, une société, de commerçante en raison de son activité, c’est-à-dire de son objet. En conséquence, le critère de la commercialité ici est la réalisation, l’accomplissement d’actes de commerce à titre de profession habituelle. Cette commercialité d’une société par son objet est plutôt exceptionnelle parce que la société est généralement commerciale en considération de sa forme. Mais, il y a malgré tout des sociétés commerciales de par leur activité. Toutefois, la société ne sera commerçante par son objet que si elle est pourvue de personnalité morale. La société acquiert la personnalité juridique lors de son immatriculation. A contrario, les sociétés non immatriculées ne sont pas regardées comme des commerçantes (la société en participation et la société créée de fait). L’exemple topique d’une société immatriculée ayant la qualité de commerçant par son objet est un cas inhabituel, la société civile, et sont considérées comme des sociétés créées de fait commerciales. Est également une société commerciale par son objet une banque mutualiste qui a en principe un statut civil, mais qui ne s’oppose pas à la reconnaissance de sa qualité de commerçant (Cass. com., 17 juin 2001).
ii. Les autres groupements
A côté de la société, certains groupements peuvent, par leur objet, avoir la qualité de commerçant : les GIE (groupement d’intérêt économique), les GEIE (groupement européen d’intérêt économique) et les associations. Les deux groupements, GIE et GEIE, peuvent avoir la personnalité juridique s’ils sont déclarés. L’objet de ces groupements est particulier. Quel est leur objet ? L’objet de ces groupements, de personnes physiques ou morales, est de faciliter ou de développer l’activité économique de leurs membres, ou encore d’améliorer ou d’accroître les résultats de cette activité. L’idée est que l’activité du groupement ne peut être que l’accessoire de l’activité exercée par chacun de ses membres. Le but de ce groupement n’est pas de réaliser des bénéfices, à la différence de la société, pour lui-même, même s’il peut en réaliser. Ces groupements auront la qualité de commerçant si leur objet est commercial, si l’activité des membres est commerciale. En revanche, s’ils exercent une activité civile, leur activité sera civile ou non commerciale.
L’on retrouve la même idée pour les associations, gouvernées par la loi du 1er juillet 1901. L’association est définie comme une convention par laquelle deux ou plusieurs personnes mettent en commun d’une façon permanente leur connaissance ou leur activité dans un but autre que de partager des bénéfices. A priori, l’association ne peut avoir un but lucratif. Mais en réalité, elle peut réaliser une activité lucrative, mais ses adhérents ne peuvent pas distribuer les bénéfices. L’objectif, d’après la loi du 1er juillet 1901, n’est pas de distribuer les bénéfices. Toutefois, si par principe l’association n’a pas de but lucratif, de partager le bénéfice entre ses membres, l’association peut avoir une activité économique et effectuer des actes de commerce à titre de profession habituelle. L’article L. 442-7 du code de commerce donnait la possibilité de considérer qu’une association peut avoir une activité économique, puisqu’il interdit aux associations d’offrir de manière habituelle des produits à la vente, de fournir des services, si ces activités ne figurent dans ses statuts. Ainsi, une association peut exercer de manière licite une activité commerciale si ses statuts le prévoient. Si elle est exercée à titre de profession habituelle, elle peut recevoir la qualité de commerçant. La jurisprudence de la Cour de cassation subordonne cette qualification de commerçant de l’association au double constat que l’association se livre de manière habituelle à des actes de commerce, et que cette activité revêt un caractère spéculatif répété au point de primer l’objet statutaire non commerçant (Cass. com., 12 février 1985). L’association ayant une activité commerciale est donc soumise au régime commercialiste : compétence du tribunal de commerce en cas d’ouverture d’une procédure collective ; application du principe de la liberté de la preuve (v. sur un institut musulman de la mosquée de Paris, Cass. com., 17 mars 1981). Cette assimilation de l’association n’est toutefois pas totale. En effet, l’on refuse aux associations le droit de s’immatriculer au registre du commerce et des sociétés (RCS), ce qui les prive par exemple du statut des baux commerciaux.
B. La personne morale commerçante par la forme
Les personnes morales commerciales par la forme recouvrent les hypothèses des groupements sociétaires commerçants.
i. La qualification légale de commerçant
Certaines sociétés sont toujours commerciales, et donc commerçantes. Ce sont des sociétés commerciales par la forme. C’est l’article L. 210-1 alinéa 2 du code de commerce qui donne ce critère de commercialité, les formes de société qui sont irréfragablement commerciales : les sociétés en nom collectif ; les sociétés en commandite simple ; les sociétés à responsabilité limitée ; les sociétés par actions.
ii. La portée de la qualification légale
Ces sociétés sont toujours commerciales, quel que soit leur objet. En d’autres termes, on leur reconnaît la qualité de commerçant, même si elles exercent une activité civile. Toutefois, il y a une singularité pour les sociétés commerciales par la forme qui ont une activité civile. En effet, l’on a eu l’occasion de leur refuser le statut des baux commerciaux (Cass. com., 1971). De même, les sociétés d’exercice libéral à forme commerciale, qui permettent l’exercice d’une activité libérale, ne sont pas traitées comme les commerçants à tous les égards. L’article L. 721-5 du code de commerce considère que lorsqu’il s’agit de trancher un litige auquel une société d’exercice libéral est partie, ce sont les tribunaux civils qui sont compétents, sauf à ce que les associés fassent relever leur litige de la compétence d’un arbitre. Sous cette réserve, le rattachement au droit commercial des sociétés commerciales par la forme a un rayonnement important puisqu’il s’étend aussi, par le jeu de la théorie de l’accessoire, à tous les actes passés par ces sociétés, seraient-ils par nature civils. Mais les associés des sociétés commerciales ne sont pas commerçants ipso facto, sauf les associés en nom des sociétés en nom collectif et les associés commandités des sociétés en commandite.
C. Les personnes morales non-commerçantes
i. Dans le droit privé
Parmi les personnes morales de droit privé, n’ont pas la qualité de commerçant : les GIE et les associations dont l’objet n’est pas commercial ; les sociétés civiles par principe (v. art. 1845 et s. du code civil). Ces personnes morales ne sont pas commerçantes et n’ont pas la possibilité de l’être de droit.
ii. Dans le droit public
Il existe en droit public des personnes morales qui ne peuvent pas devenir commerçantes. Quand l’Etat ou les collectivités territoriales exploitent une régie, il n’y a pas d’activité commerciale. Pour les actes passés pour les besoins d’un service public industriel et commercial, ils se rattachent à une mission de service public dont ils ne sont que l’accessoire. En ce qui concerne les établissements publics industriels et commerciaux, ce sont des personnes publiques assimilables dans une large mesure aux commerçants. La seule restriction tient à ce qu’ils ne peuvent pas faire l’objet d’une procédure collective. Sous cette réserve, les règles du droit commercial s’appliquent. Enfin, concernant les sociétés contrôlées par l’Etat ou par une collectivité publique (sociétés d’économie mixte ou sociétés nationalisées), ce ne sont pas des personnes morales de droit public, mais des sociétés commerciales par la forme.
Section II : L’accès à la profession de commerçant
Il existe un principe de liberté de faire du commerce, qui découle du principe fondamental de liberté du commerce et de l’industrie, c’est-à-dire la possibilité pour toute personne de faire une activité commerciale. Cette liberté repose sur le décret d’Allarde des 2-17 mars 1791. Mais cette liberté souffre d’exceptions. Certaines activités sont soumises à des autorisations ou des qualifications particulières. Mais de manière plus générale, une personne peut se voir interdire l’accès à la profession de commerçant pour trois raisons : en raison de l’absence de capacité commerciale ; en raison d’une incompatibilité ou d’une interdiction d’exercer le commerce. Concernant la nationalité de l’intéressé, aujourd’hui, la question des commerçants étrangers a été beaucoup assouplie car un étranger, moyennant le respect de certaines conditions figurant dans le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, peut être commerçant. L’article L. 313-10, 3° du CESEDA commande la délivrance d’une carte de séjour temporaire pour l’exercice d’une activité salariée économiquement viable dont est tiré des moyens d’existence suffisants dans le respect de la législation en vigueur, délivrée pour une année renouvelable, mais non exigée de la part de tous les ressortissants étrangers. Le commerçant étranger tenu de s’immatriculer au registre du commerce et des sociétés doit préalablement adresser une déclaration au préfet du département dans lequel il envisage d’exercer son activité.
1. Les limites résultant de l’incapacité
A. L’incapacité des mineurs
Le droit civil érige des dispositions afin de protéger les mineurs, tout particulièrement en matière de commerce car il est présumé être une activité à risque. Cette protection civilistes conduit à écarter des activités commerciales certaines personnes considérées comme vulnérables, et à poser des exigences plus strictes en matière de capacité. Depuis la loi du 15 juin 2010, l’article L. 121-2 du code de commerce précise que le mineur émancipé peut être commerçant à deux conditions : l’émancipation du mineur ; l’autorisation, immédiate ou ultérieure, du tribunal judiciaire. Quid du mineur non émancipé ? Il est frappé d’une incapacité d’être commerçant. Ici, l’incapacité est une incapacité de jouissance. Cela signifie qu’elle concerne le mineur non émancipé, ou le mineur émancipé non autorisé. Il ne peut ainsi pas exercer le commerce par l’intermédiaire de son représentant légal.
S’il viole cette interdiction, les actes de commerce qu’il réaliserait de manière habituelle, le mineur n’aura pas la qualité de commerçant, la commercialité ne le happe pas. Il ne peut pas être attrait devant le tribunal de commerce, et ne peut pas bénéficier des procédures collectives. Il existe toutefois une nuance jurisprudentielle (Cass. com., 8 décembre 1998), que la doctrine estime possible d’appliquer au mineur : un commerçant incapable majeur peut être soumis au régime des procédures collectives. La question se pose de savoir si le mineur incapable peut passer des actes de commerce isolés. L’article L. 511-5 du code de commerce interdit expressément cette hypothèse pour la lettre de change. Le code civil exige pour pouvoir passer un acte juridique la condition de la capacité. Mais qu’en est-il pour le mineur non émancipé ? Le mineur non émancipé qui passe un acte de commerce passe un acte nul (art. 1146 du code civil). Seuls le mineur et le représentant légal peuvent agir en nullité de l’acte de commerce isolé. L’on considère que l’exception de l’article 1148 du code civil ne s’applique pas ici : un acte de commerce n’est pas un acte courant.
B. L’incapacité des majeurs protégés
L’incapacité des majeurs protégés réduit en principe l’accès à la profession de commerçant.
i. Majeur sous tutelle
Comme le mineur non émancipé, le majeur en tutelle est affligé d’une incapacité de jouissance de passer tout acte d’administration ou de disposition, et donc d’exercer le commerce. Il ne peut donc pas acquérir la qualité de commerçant. S’il était déjà commerçant, il ne peut pas le demeurer. La sanction pour le majeur sous tutelle d’exercer le commerce est la nullité de l’acte qu’il passe, nullité toutefois relative. Cette nullité est subordonnée à la publicité, à l’opposabilité du jugement de tutelle aux tiers (mention portée en marge de l’acte de naissance, art. 444 du code civil). Même en l’absence de cette mention, d’opposabilité aux tiers, la mise sous tutelle est considérée comme opposable aux tiers dès lors qu’ils en ont eu connaissance. Il s’agit là encore d’une incapacité de jouissance ; le tuteur, même avec autorisation, ne peut exercer le commerce au nom du majeur protégé.
ii. Majeur sous curatelle
Le majeur sous curatelle ne se trouvant pas hors d’état d’agir lui-même, et n’étant qu’assisté ou contrôlé que pour les actes importants de la vie civile (art. 440 du code civil), l’on pourrait concevoir qu’il conserve une activité commerciale avec l’assistance de son curateur. C’est théoriquement possible car il n’y a pas de dessaisissement du majeur sous curatelle, mais cela semble en pratique inconcevable. L’article 471 du code civil permet au juge d’énumérer certains actes que la personne en curatelle a la capacité de faire seule, ce qui peut laisser entrevoir la définition de conditions d’exercice d’une activité commerciale. Le jugement d’ouverture doit être porté en marge de l’acte de naissance de l’intéressé, voire d’être inscrit au registre du commerce et des sociétés lorsque la personne est commerçante.
iii. Majeur sous sauvegarde de justice
Le majeur placé sous sauvegarde de justice n’a besoin que d’une protection juridique temporaire, ou d’être représenté pour la réalisation de certains actes déterminés (art. 433 du code civil), ce qui ne le rend pas complètement incapable, et justifie que cette mesure ne soit pas publiée au registre du commerce et des sociétés. Il conserve l’exerce de ses droits, et peut donc faire des actes de commerce sauf à ce que le juge ait désigné un mandataire spécial à l’effet d’accomplir des actes déterminés. Les actes passés par le majeur placé sous sauvegarde de justice qu’il n’était pas autorisé à passer sont sanctionnés par la nullité.
2. Les limites relatives aux incompatibilités ou interdictions
A. Les incompatibilités
L’on interdit l’accès au commerce d’une personne qui a déjà une activité incompatible avec l’activité de commerçant. Cela concerne des activités qui nécessitent une certaine indépendance des professionnels concernés. Sont visés les fonctionnaires, les professions libérales réglementées (par ex. avocat, médecin etc.). Un avocat ne peut être associé d’une société en nom collectif, ou commandité d’une société en commandite. Il ne peut pas non plus être dirigeant de certaines sociétés commerciales : il ne peut pas être gérant de SARL, directeur général de société anonyme. Mais si le professionnel libéral est associé ou actionnaire d’une société d’exercice libérale à forme commerciale, il peut être, dans le cadre de cette société, dirigeant social. Depuis un décret du 29 janvier 2020, l’avocat peut être président du conseil d’administration d’une société anonyme. Si le professionnel libéral exerce le commerce, il serait sanctionné disciplinairement mais l’acte qu’il passerait demeurerait valable, qui serait qualifié d’acte de commerce. Les règles du droit commercial pourraient s’appliquer à l’intéressé.
B. Les interdictions
Les interdictions consistent à interdire l’accès aux personnes qui ont une honorabilité douteuse. L’interdiction d’exercer le commerce résulte d’une condamnation pénale, c’est-à-dire que l’on interdit à une personne condamnée pénalement d’exercer le commerce à titre de peine complémentaire (art. 131-27 du code pénal). Cette interdiction peut être définitive, ou temporaire, d’une durée maximum de 15 ans, et qui est assez large parce qu’elle vise le contrôle et la gestion de toute entreprise commerciale ou d’une société commerciale. D’autres interdictions sont elles relatives aux « fautes commerciales graves » commises par un débiteur d’une entreprise placé en redressement ou en liquidation judiciaires. Ces interdictions spécifiques au droit commercial sont la faillite personnelle, et l’interdiction de gérer (art. L. 653-1 et s. du code de commerce). Le non-respect de ces mesures n’est pas sanctionné par la nullité. Celui qui exerce le commerce au mépris de l’interdiction devient commerçant de fait, même si son attitude peut relever d’un délit. Afin d’assurer une certaine efficacité de ces mesures d’interdiction, la loi du 22 mars 2012 a créé un fichier national des interdits de gérer.
Section III : Les effets de la qualité de commerçant
1. Les obligations du commerçant
A. L’immatriculation au registre du commerce et des sociétés
i. Le domaine d’application de l’obligation de s’immatriculer
L’article L. 123-1 du code de commerce s’intéresse à cette obligation d’immatriculation. Il consacre l’obligation de s’immatriculer sur un registre. Il existe une obligation de s’immatriculer au registre du commerce et des sociétés. Le registre du commerce et des sociétés est un registre tenu par les greffes des tribunaux de commerce, ou du tribunal judiciaire ayant compétence en matière commerciale en l’absence de tribunal de commerce. Ce registre est un fichier regroupant, par ordre alphabétique, les personnes immatriculées avec leurs dossiers individuels. En plus de ce fichier tenu par les greffes des tribunaux de commerce, il existe un registre national tenu par l’INPI (institut national de la propriété industrielle) qui concentre les registres tenus par chaque greffe de tribunal de commerce. Il se trouve que le législateur s’est aperçu de la complexité de la pluralité des registres existants. La loi PACTE du 22 mai 2019 est venue envisager la simplification des registres existants selon les activités exercées, et est venue habiliter le Gouvernement à mettre en place, par ordonnance, un registre général dématérialisé, dans un délai de 24 mois. En attendant, l’obligation d’immatriculation figure à l’article L. 123-1 du code de commerce. Doivent être immatriculées les personnes physiques ayant la qualité de commerçant, même si elles sont par ailleurs immatriculées au registre des métiers, de même que les sociétés, les groupements d’intérêt économique (même s’ils n’ont pas un caractère commercial) ayant leur siège ou leur établissement dans un département français, les établissements publics à caractère industriel et commercial, de même que les autres personnes morales soumises à immatriculation en vertu d’un texte spécial. Ces personnes-là doivent solliciter leur immatriculation auprès du greffe du tribunal de commerce au lieu du siège social en cas de société, ou du principal établissement ou de leur local d’habitation en cas de personne physique (art. R. 123-32 du code de commerce). Pour les personnes physiques, l’immatriculation doit intervenir au plus tard dans un délai de 15 jours à compter du début d’activité, c’est-à-dire l’ouverture au public. La société elle n’a pas de délai pour s’immatriculer, car tant que la société ne s’immatricule pas, elle n’a pas la personne morale. La loi Pinel du 18 juin 2014 est venue obliger les auto-entrepreneurs à s’immatriculer. Cette démarche d’immatriculation permet au commerçant, et de manière plus générale à tout assujetti, de se faire délivrer un numéro d’immatriculation que l’intéressé devra indiquer dans ses factures, dans les procès-verbaux de société commerciale etc., dans les documents destinés aux tiers. Le greffier a 5 jours pour délivrer le numéro d’immatriculation (SIRET et SIREN), s’il estime que la situation de l’intéressé est conforme aux exigences textuelles. Le numéro d’immatriculation figure dans un dossier conservé au greffe, et un exemplaire du dossier conservé au greffe est transmis à l’INPI.
Si le commerçant ne demande pas son immatriculation, la loi Warsmann II du 22 mars 2012 a abandonné toute sanction pénale du fait de l’absence de sollicitation d’immatriculation, qui a remplacé cette sanction pénale par une injonction de faire. Le juge chargé de la surveillance du registre du commerce et des sociétés rend une ordonnance qui enjoint le commerçant de s’immatriculer. Le non-respect de cette injonction est dépénalisé, avec la possibilité de prononcer cette injonction sous astreinte. Il existe toutefois une sanction pénale, de 4.500 euros d’amende et de 6 mois d’emprisonnement pour tout commerçant qui, de mauvaise foi, a fait une déclaration frauduleuse (art. L. 123-3 du code de commerce). Pour ce qui concerne les personnes morales, il n’y a pas de délai pour s’immatriculer. En revanche, l’immatriculation devra intervenir assez rapidement car c’est seulement à partir de cette immatriculation aura la personnalité morale (art. L. 123-3 du code de commerce). Les personnes assujetties à cette obligation qui n’y satisfont pas sont soumises à des sanctions, dont l’injonction de faire éventuellement sous astreinte. L’article L. 123-8 du code de commerce, qui concerne la sanction du commerçant qui ne s’immatricule pas, indique qu’à l’expiration du délai de 15 jours à compter de l’activité, l’assujetti non immatriculé ne pourra pas se prévaloir de sa qualité de commerçant à l’égard des tiers. Il sera commerçant de fait. En revanche, il ne pourra pas se prévaloir de son défaut d’inscription pour se soustraire aux responsabilités et aux obligations qui découlent de sa qualité de commerçant. Cela signifie que le commerçant de fait sera tenu seulement des obligations et n’aura pas de droits. Par exemple, l’assujetti ne pourra pas bénéficier de l’article L. 526-1 du code de commerce, qui prévoit, depuis la loi Macron du 6 août 2015, l’insaisissabilité de droit de la résidence de l’assujetti à l’immatriculation. De la même manière, l’assujetti qui ne s’est pas immatriculé ne pourra pas bénéficier du statut des baux commerciaux. Il existe une qualification pénale de l’assujetti qui exerce son commerce et qui ne s’immatricule pas, qui serait un auteur de délit de travail dissimulé.
ii. La procédure d’immatriculation
En principe, la procédure d’immatriculation est adressée directement au CFE (centre de formalités des entreprises). Exceptionnellement, selon l’article R. 123-5 du code de commerce, il est possible de s’adresser directement au greffe, qui transférera les informations au CFE, qui les transmettre aux organismes intéressés. Pour simplifier la création d’entreprises, un guichet unique, le CFE, a été créé pour centraliser toutes les informations de l’entrepreneur et pour permettre les informations aux administrations et caisses sociales intéressées (impôts, URSSAF, INSEE) et au greffe du tribunal de commerce, pour lui permettre de procéder à l’immatriculation. Toutefois, l’on s’est aperçu que ce passage au guichet unique est complexe, puisqu’il existe 7 réseaux et 1400 CFE en France, si bien que la loi PACTE du 22 mai 2019 est venue créer un guichet unique électronique, qui sera opérationnel à partir du 1er janvier 2021 (décr. 30 juillet 2020 qui désigne l’INPI comme gestionnaire unique de ce guichet), en sachant qu’il sera toujours possible, à compter du 1er janvier 2021, de saisir les CFE, jusqu’au 1er janvier 2023. L’article L. 123-33 du code de commerce s’appliquera pour le guichet unique électronique. Une fois ce dépôt du dossier effectué, le déclarant reçoit un récépissé K-bis, qui est un document remis par le greffier qui atteste de l’immatriculation et qui reprend les principales informations. A compter de l’immatriculation, le greffier doit faire diligences, c’est-à-dire faire connaître au public la création de l’entreprise, sociétaire ou individuelle, au niveau national, par le biais du BODACC (bulletin officiel des annonces civiles et commerciales). Cette démarche d’immatriculation puis d’information se fait lors de la création d’entreprise. Mais elle peut se renouveler à chaque changement d’activité, de modification de la situation du commerçant ou de la société (inscription modificative).
iii. Les effets de l’immatriculation
Il existe plusieurs effets de l’immatriculation. D’une manière générale, l’assujetti ne peut opposer aux tiers, qui eux pourront s’en prévaloir, les faits et actes sujets à mention que si ces derniers ont été publiés au registre. Cette différence d’approche se justifie par l’idée de protection du tiers. L’on place le tiers dans une situation plus confortable que le commerçant ou la société. Les règles diffèrent selon qu’il s’agit d’un commerçant personne physique ou d’un commerçant personne morale.
A l’égard des personnes physiques, l’immatriculation au registre du commerce et des sociétés ne confère pas la qualité de commerçant ipso facto, mais constitue une présomption de commercialité, dont peuvent se prévaloir les tiers (art. L. 123-7 du code de commerce). Cela signifie que, invoquée par le tiers de bonne foi, la présomption est irréfragable, de sorte que la personne immatriculée ne pourra pas contester sa qualité de commerçant, sauf à démontrer que le tiers savait qu’elle n’était pas commerçant (Cass. com., 27 septembre 2016). Lorsque c’est le commerçant qui tire argument de son immatriculation pour se prétendre comme tel, la présomption n’est que simple ; les tiers peuvent la combattre en démontrant que cette personne n’est en réalité par commerçante. Il existe une exception à cette règle, qui concerne les procédures collectives. En effet, une procédure collective peut être ouverte contre un débiteur en état de cessation des paiements dans un délai d’un an à compter de sa radiation du registre du commerce et des sociétés, alors qu’il aura le plus souvent cessé d’exercer toute activité commerciale (art. L. 631-3 du code de commerce). Le débiteur ne peut pas démontrer qu’il n’a pas la qualité de commerçant pour échapper à la procédure collective.
A l’égard des personnes morales, l’immatriculation n’emporte pas les mêmes effets. La qualité de commerçant de la personne morale résulte de la forme de la société, et non de l’immatriculation de la personne morale. Toutefois, les conséquences de l’immatriculation pour les personnes morales demeurent importantes. L’immatriculation de la société au registre du commerce et des sociétés a pour conséquence de conférer la personnalité morale à la société (art. 1842 du code civil (droit commun des sociétés), art. L. 210-6 du code de commerce (pour les sociétés commerciales)).
B. Les conséquences de l’exercice d’une activité commerciale
i. Les obligations fiscales et sociales
L’exercice d’une activité commerciale assujettit l’exploitant à des obligations fiscales, auxquelles s’ajoutent des obligations à caractère social, traduites par une adhésion obligatoire à certaines caisses d’assurance sociale auprès desquelles le commerçant se trouve obligé de cotiser (allocations familiales, assurance maladie, invalidité, retraite etc.). Ces commerçants sont dans ce cadre tenu de cotiser au titre du régime social des TNS (travailleurs non salariés), qui se distingue du régime général de sécurité sociale. Au plan fiscal, le commerçant est tenu de régler un impôt inhérent à son activité, la CET (contribution économique territoriale) qui remplace la taxe professionnelle. La contribution économique territoriale comprend la cotisation foncière des entreprises, et la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises. Le commerçant est aussi tenu de régler l’impôt sur les bénéfices, que lui procure son activité (impôt sur le revenu), au titre des bénéfices industriels et commerciaux (BIC) qu’il a pu percevoir au titre d’un exercice, et, si le commerçant est une personne morale, l’impôt sur les sociétés. Enfin, le commerçant doit s’acquitter d’un impôt ayant pour assiette la valeur ajoutée, la taxe sur la valeur ajoutée (T.V.A).
ii. Le respect d’un ordre public économique
Le législateur, les pouvoirs publics, s’intéressent aux conditions dans lesquelles le commerçant exerce son activité. A ce titre, ils assujettissent le commerçant à des obligations. L’objectif de cet assujettissement est le protéger les clients du commerçant, et notamment les consommateurs. L’idée générale qui gouverne ces obligations afférentes aux conditions d’exercice est la transparence du commerçant vis-à-vis des clients, des consommateurs dans l’exercice de ses activités, qui repose sur une certaine loyauté du commerçant. L’article L. 443-1 du code de commerce (anc. art. L. 441-2 du code de commerce, antérieurement à l’ord. du 24 avril 2019) impose une publicité, par voie d’affichage des prix et d’étiquetage. D’autres obligations concernent l’ordre public économique, à côté de la transparence, comme l’obligation de solliciter l’ouverture d’une procédure collective, plus précisément une procédure de redressement ou de liquidation judiciaires. Cette obligation incombe au commerçant, lorsqu’il y a un état de cessation des paiements. L’état de cessation des paiements désigne l’état où l’actif disponible ne permet plus de faire face au passif exigible. En cas de cessation des paiements, il y a obligation d’ouvrir une procédure collective, soit redressement soit liquidation, en fonction de l’état de cessation des paiements (art. L. 631-1 du code de commerce pour le redressement judiciaire, et art. L. 640-1 du code de commerce pour la liquidation judiciaire). Le commerçant est encore obligé d’utiliser un compte bancaire (art. L. 123-24 du code de commerce). L’idée est d’avoir des traces des opérations commerciales effectuées par le commerçant, par l’obligation d’effectuer des transactions par chèques ou virements bancaires.
iii. Les obligations comptables
L’obligation d’avoir une comptabilité pour le commerçant est véritablement la caractéristique du statut de commerçant, même si cette obligation a été étendue à tous les professionnels. La comptabilité traduit en chiffres tous les mouvements patrimoniaux de l’entreprise dans les comptes de celle-ci doit établir, tant qu’elle exerce son activité (art. L. 123-12 et s. et art. R. 123-72 et s. du code de commerce pour la comptabilité). L’obligation de tenir une comptabilité est amoindrie pour les autoentrepreneurs (compte pour l’activité d’autoentreprenariat et compte personnel, pas de documents comptables ni les principaux livres comptables). Cette comptabilité est une obligation, mais elle peut aussi être considérée comme un atout, car elle permet de mieux gérer l’entreprise, en ayant une image précise de celle-ci. La comptabilité est un point important, en ce qu’elle est une caractéristique du statut du commerçant. L’irrespect des règles de comptabilité donne lieu à des sanctions très lourdes, par exemple la faillite personnelle (interdiction de gérer une entreprise et perte des droits civiques, civils et de famille) ou la banqueroute (infraction pénale).
La comptabilité recouvre les livres comptables et les comptes annuels. Le point commun de ces deux types de documents comptables est qu’ils doivent être conservés pendant 10 ans (art. L. 123-22 du code de commerce). Les livres comptables sont le livre journal, le grand livre et le livre d’inventaire. Le livre journal est le document qui enregistre, opération par opération, jour par jour, les mouvements de l’entreprise. Les écritures du livre journal sont centralisées dans le grand livre, et ventilées selon une répartition par compte. Le livre d’inventaire répertorie les données de l’inventaire, c’est-à-dire tous les éléments d’actif et de passif du patrimoine de l’entreprise. Le commerçant doit, à la clôture de chaque exercice, établir les comptes annuels, c’est-à-dire le bilan, le compte de résultat et l’annexe. Les comptes annuels forment un tout indissociable (art. L. 123-12 du code de commerce). Le bilan comprend tous les éléments d’actif et de passif de l’entreprise. Il doit faire apparaître des capitaux propres, et permet de connaître la composition du patrimoine de l’entreprise, et de faire apparaître son état d’endettement. Le compte de résultat récapitule les produits et les charges de l’exercice, c’est-à-dire de l’année écoulée, ce qui permet de faire apparaître, après déduction des amortissements, des dépréciations, le bénéfice ou la perte. L’annexe quant à elle complète ces deux documents, en les commentant, et mentionne des éléments ou des informations qui ne figurent pas dans le bilan ou le compte de résultat. Pour certaines entreprises, dont celles qui font partie d’un groupe de sociétés, il faut d’autres comptes, les comptes consolidés, qui concernent toutes les sociétés parties du groupe. Il existe enfin une comptabilité prévisionnelle, qui s’applique à certaines personnes morales non-commerçantes, ayant une activité économique, qui emploient plus de 300 salariés ou dont le montant du chiffre d’affaires est supérieur ou égal à 18 millions d’euros. Tous ces éléments comptables doivent être rédigés en français, libellés en euros, et respecter les principes fondamentaux posés par l’article L. 123-14 du code de commerce : ces documents doivent être réguliers, sincères, et donner une image fidèle de la situation financière et du résultat de l’entreprise. Le contrôle de la comptabilité est réalisé par un commissaire aux comptes.
2. Les effets sur le statut personnel du commerçant
A. Les effets sur le patrimoine
Le premier effet est l’effet sur le patrimoine. Il existe un principe, le principe de l’unicité du patrimoine, qui fait que l’on ne peut avoir qu’un seule patrimoine, avec un actif et un passif. Pour protéger les entrepreneurs, les commerçants, ont été créés petit à petit des patrimoines dits d’affectation, c’est-à-dire des patrimoines distincts, parmi lesquels le premier est l’EURL (entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée: deux patrimoines coexistent, le patrimoine personnel de l’associé, et le patrimoine de l’entreprise). En 1999 a été introduite la SASU (société par actions simplifiée unipersonnelle), qui comprend un actionnaire et deux patrimoines, celui de l’actionnaire personnel et celui de la société. La loi du 15 juin 2010 a créé l’EIRL (entrepreneur individuel à responsabilité limitée) qui permet à un entrepreneur personne physique d’avoir un patrimoine affecté à son activité professionnelle et à ses créanciers professionnels, sans création d’une personne morale, en plus de son patrimoine personnel.
3. Le statut du conjoint du commerçant
4. Le statut du partenaire pacsé du commerçant
Partie II : Les principaux biens des acteurs du commerce (fonds de commerce et bail commercial)
Partie III : Premiers regards sur les procédures collectives
No comments:
Post a Comment