Section 2 : Les conditions de la vente
La vente suppose un accord de volonté sur un transfert de propriété : une chose et un prix.
ð Comme tout contrat il faut un échange de consentements, de volontés.
Dans un arrêt de la chambre commerciale du 10 octobre 2018, deux parties se mettent d’accord sur l’acquisition des parts sociales d’une société à une autre et sur le prix. Normalement on devrait pouvoir s’arrêter là et la vente est formée sauf qu’au cas d’espèces les parties sont restées en négociations alors qu’elles étaient d’accord sur la chose et le prix. Cependant elles n’étaient pas encore d’accord sur d’autres éléments essentiels du contrat. De ce fait la Cour de cassation avalise l’arrêt d’appel qui considérait qu’il n’y avait pas de consentement à la vente en raison de cette absence d’accord de tous les éléments essentiels.
Les conditions de la vente tiennent pour l’essentiel à la chose et au prix.
I) La chose
La vente porte sur toute chose, tout bien. Un bien est une chose susceptible d’appropriation donc la vente peut porter par principe sur tout type de bien (corporels, incorporels, présents, futur, immeuble etc).
- Il faut que l’acquéreur ait pu contracter de manière libre et éclairée c'est à dire qu’on ne l’a pas contraint.
- Il faut que des éléments d’informations sur la chose ait été portés à lui.
- La chose doit exister, s’il y a absence de chose alors la vente est forcément nulle.
- La chose doit être suffisamment déterminée.
A. La connaissance de la chose
Cela vise à éclairer l’acquéreur. Cette connaissance de la chose peut être acquise par 2 moyens :
- Par anticipation donc on suppose un devoir d’information
- A posterirori, un délai de réflexion
1. Le devoir d’information
Ce n’est pas réservé à la vente, un article 1112-1 du Code civil est applicable à tout contractant quelque soit le type de contrat mais historiquement on est passé par le droit des contrats spéciaux qui a rattaché à la vente le devoir d’information à la charge du vendeur. Ce devoir n’était pas stipulé dans les contrats.
Comment la jurisprudence a créé une telle obligation ?
L’article 1135 ancien du Code civil (1193 nouveau) nous dit que « les contrats obligent ce qui est stipulé mais aussi à toutes les suites données à l’obligation ».
Cette technique qui permet de créer des obligations en plus de celles voulues par les parties est apparue en 1911 dans un arrêt de la Cour de cassationconcernant les contrats de transport. Il était précisé que le transport devait amener le passager d’un point A à un point B sans garantie de sécurité mais la Cour de cassation dit que cette obligation de sécurité existe nécessairement.
C’est cette technique qu’on a utilisée pour faire naitre les obligations d’information dans le droit de vente.
ð Ça a été très critiqué par certains auteurs qui appelaient ça le « forçage du contrat ».
Aujourd’hui l’article 1112-1 concerne toute partie à un contrat, tout contractant. Ça emporte 2 réflexions :
- Le type de contrat n’est pas un critère.
- C’est indépendant de notre rôle dans le contrat, l’obligation pèse sur l’acquéreur et le vendeur. C’est indépendant de notre qualité de professionnel ou d’amateur.
Le critère est que :
Le devoir d’information pèse sur celui qui connait l’information.
Il faut que cette information soit d’une importance déterminante pour l’autre partie donc il n’est pas nécessaire de l’informer de tout mais seulement de ce qui est déterminant pour le consentement.
Il faut que l’autre l’ignore légitimement pour l’informer. Je ne dois pas informer celui qui sait ou devrait savoir.
Il faut également informer celui qui me fait confiance.
Cette question pose de nombreuses difficultés pratiques.
Il y a une différence entre le devoir d’information et l’obligation :
Ø L’obligation est contractuelle alors que le devoir d’information est d’origine légale
Ø L’obligation est susceptible d’exécution forcée pas le devoir d’information
Si j’ai manqué au devoir d’information,l’article 1112-1 prévoit comme sanction des dommages et intérêts qui viennent réparer un préjudice. L’acquéreur a perdu une chance de ne pas contracter ou de contracter à une meilleure condition.
ð Pour pouvoir mener à la nullité du contrat il faudrait que ce devoir non respecté ait mené à un vice du consentement : que ce soit une erreur ou un dol l’élément non communiqué doit être essentiel.
Différence entre le dol et le manquement au devoir d’information :
Ø Matériellement pas de différence entre la réticence dolosive et le manquement au devoir d’information
Ø La différence tient à l’élément intentionnel, moral : le manquement au devoir d’information est innocent alors que la réticence dolosive suppose l’intention de tromper l’autre
Exemples de cas de réticences dolosives :
· Arrêt 3èmechb civ 11 juillet 2019 : Un propriétaire d’un mas provençal décide de vendre son bien. Il a connaissance d’un projet de déplacer la route départementale au bout de son jardin. Il n’informe pas l’acquéreur et il laisse l’agent immobilier présenter le bien comme un bien calme avec une vue imprenable et un environnement paisible, la vente se réalise, on ici un cas de réticence dolosive parce qu’il y a bien une volonté de cacher un élément capital sur le bien.
· Chb com 9 janvier 2019 :Vente d’une société et le cédant oublie de révéler que sa compagne dirige une société qui a le contact exclusif avec les annonceurs, ce qui signifie que c’est sa femme qui peut faire en sorte que la société ait des contrats ou pas... information capitale volontairement cachée :réticence dolosive.
· Arrêt de la 3ème chambre du 4 janvier 2006 : présence à proximité de l’immeuble d’une discothèque
Le devoir d’information ne porte pas sur la valeur de la chose
Par exemple : On a 20% des parts d’une entreprise, on en achète 30, on veut revendre les parts après, est-on obligé de prévenir l’acheteur des 30% qu’on a le projet de vendre ensuite les 50% des parts ?
L’arrêt de la cour de cassation du 6 aout 2019qui estime qu’il n’y a pas de déloyauté à ne pas avouer son projet de revente, on peut garder le silence
La jurisprudence fait preuve d’une exigence variable en fonction des situations, elle fait notamment preuve d’une exigence supplémentaire avec les vendeurs professionnels.
Parfois on attenue l’obligation d’information par l’obligation de coopération : Il y a des circonstances dans lesquelles on estime que les parties doivent coopérer, se parler pour trouver la meilleure solution pour elles
SANCTION= dommages et intérêts, ils compensent le plus souvent un préjudice de perte de chance, il y a des arrêts dans lesquels on va donner une indemnisation intégrale a l’acquéreur :
· Chb mixte 8 juillet 2015: Un diagnostiqueur sur les termites pour la charpente, il se trompe et dit qu’il n’y a pas de termites et dit aux acheteurs qu’il n’y a pas de termites. On peut penser en termes de préjudice de perte de chance ou en tant que préjudice direct et certain, la cour de cassation s’engage dans cette voie et dit que si les acquéreurs avaient sûr qu’il y avait des termites, ils auraient déduit du prix de vente le cout des travaux, DONC remboursement intégral
· Arret 21 nov 2019diagnostic de performance énergétique, le diagnostiqueur classe l’appartement à un niveau supérieur qu’il l’est vraiment, l’acquéreur demande le montant des travaux nécessaire pour le faire passer à cet échelon, la cour de cassation dispose ici que ce qui est indemnisable ici, c’est la perte de chance de négocier un meilleur arrangement. DONC pas de remboursement intégral
2. Délai de réflexion / Délai de rétractation.
Le droit commun ne prévoit pas de délai de réflexion / de rétractation, cela concerne uniquement les cas particuliers.
Par exemple, pour l’acquisition d’un immeuble à usage d’habitation = délai de réflexion de 10 jours = avant le contrat, on n’a pas le droit de signer l’acte authentique à l’intérieur de ce délai.
On s’inspire de la pratique américaine : lescooling off period, pour prendre une décision posée.
ð Le délai de réflexion correspond au délai avant de signer le contrat tandis que le délai de rétractation correspond au délai après avoir signer le contrat
Le délai de rétractation est le délai pour changer d’avis, reprendre son consentement. Ce dernier est une sorte d’entorse à la force obligatoire des contrats : la loi accorde le droit de reprendre sa parole dans un délai déterminé).
C’est notamment le cas en droit de la consommation, lorsqu’un consommateur conclu un contrat à distance sur internet, il a un délai de 14 jours pour se rétracter.
B. L’existence de la chose
1. L’existence matérielle de la chose.
Il faut que la chose existe au jour de la vente. Il n’y a pas de vente possible sans chose, il faut que le contrat ait un objet qui existe et il faut que la chose objet de la vente existe au jour de la conclusion du contrat pour que cela soit valable.
A contrario, si la chose a péri, a disparu, cela va avoir une incidence sur la vente.
Si la chose est détruite après la conclusion du contrat, le contrat est valable car au moment de l’échange des consentements, la chose existait
Exemple : J’achète une maison aujourd'hui et elle brule le lendemain : la vente n’est pas affectée, elle n’est ni annulable dit rien du tout car au moment de la conclusion, la chose existait et le transfert de propriété, transfert des risques a eu lieu
Si la chose disparait avant la conclusion de la vente, que les parties l’ignorent ou pas la vente est nulle. Exemple pour la vente d’une bague qui disparait avant que les consentements aient été échangés : vente non valable.
De même concernant une destruction intellectuelle : vente de parts de société qui a été absorbée ou liquidée, revient à vendre quelque chose qui n’existe plus, de même encore pour des droits d’auteur sur un livre tombé dans le domaine public DONCnullité.
ð Chambre commerciale de la cour de cass 26 mai 2009
Distinction entre nullité et résolution :
Ø La nullité est la sanction d’un défaut de formation d’un contrat
Ø La résolution est la sanction d’un contrat bien formé mais mal exécuté).
Si toute fois la destruction de la chose est partielle, pas disparue mais endommagée avant la vente alors l’acquéreur a le choix de l’acheter quand même, de demander une diminution du prix ou de le refuser
3 textes :
· Art 1601 Code CivilSi au moment de la vente la chose vendue était périe en totalité, la vente serait nulle. Si une partie seulement de la chose est périe, il est au choix de l'acquéreur d'abandonner la vente, ou de demander la partie conservée, en faisant déterminer le prix par la ventilation
· L’Avant-Projet Capitant dans sa version de 2017 prévoit dans un article 20qu’en cas de destruction totale la vente est nulle de plein droit. Pour la destruction partielle, cela change aussi, il est prévu que l’acheteur peut obtenir la nullité mais seulement s’il prouve qu’il n’aurait pas acheté.
· La version de l’offre de réforme de 2020dit que si au moment de la conclusion de la vente, le bien avait perdu tout ou partie de ses utilités, l’acheteur qui établit qu’il n’aurait pas acheté ou à des conditions substantiellement différentes peut annuler le contrat par voie de notification
ð On ne passe plus par le juge
Est-il possible de vendre une chose future c'est à dire quelque chose qui n’existe pas encore ?
ð OUI par exempleles appartements, des vêtements ou produits en précommande sur internet, une récolte qui n’existe pas encore
Par principe, pas d’objections à la vente de choses futures
L’article 1130 ancien disposait que les choses futures peuvent faire objet d’obligation
L’article 1163 nouveau dispose que les obligations peuvent porter sur une chose future.
Le droit spécial ne dit rien sur la vente de choses futures, l’article 24 de l’offre de réforme Capitant envisage la vente de choses futures « le transfert de propriété a lieu lorsque la chose vient à exister »
Le contrat de vente d’une chose future peut avoir 2 finalités : il peut être commutatif ou aléatoire
Ø Contrat commutatif : contrat dans lequel les parties connaissent à l’avance l’étendu de ce qu’elle donne et ce qu’elles reçoivent : contenu exact. (Exemple vente en l’état futur d’achèvement (immobilier = acheter sur plan)
Ø Contrat aléatoire : Contrat dans lequel l’étendu de l’une des obligations dépend d’un élément aléatoire/ incertain, on ne sait pas si ou quand la vente aura lieu ou de quoi elle sera faite (exemple : vente viagère ou encore la vente de raisins sur pied = on accepte un aléa, on ne sait pas la quantité de raisins qu’il y aura etc).
2. L’aliénabilité de la chose
L’aliénabilité correspond à la possibilité de transférer la propriété d’une chose, et ici, à titre onéreux.
Tout ne se vend pas : en effet il existe un certain nombre de choses qui ne peuvent pas être vendues pour diverses raisons : Il y a des choses qui sont hors ducommerce juridique ou une chose frappée d’une cause d’inaliénabilité.
a. Il y a des choses hors du commerce juridique.
L’article 1128 ancienprévoyait qu’il y a des choses hors du commerce, aujourd'hui on n’a pas de texte nouveau mais en droit de la vente l’art 1598dispose que tout ce qui est dans le commerce peut être vendu lorsque les lois particulières n’ont pas prohibé l’aliénation.
Ainsi, le corps humain dans son intégraliténe peut être vendu. Le sang, les gamètes, les organes (discutable lors des dons d’organes croisés), font l’objet de don è gratuits. Cependant, il est possible de faire du commerce de cheveux et des dents (Cf :Les Misérables).
Actualité : lois bioéthiques PMA (ouverture aux femmes seules et couple de lesbiennes), concernant la GPA : le fait de payer une femme pour porter un enfant :
Vente ? location de l’utérus ?
Le système juridique français interdit cette pratique pour 2 raisons :
- L’indisponibilité du corps humain d’un côté
- L’indisponibilité de l’état civil de l’autre (problème filiation et tout).
Par ailleurs, ne peuvent pas être vendus non plus les droitsextrapatrimoniaux (droit de vote, droit au respect de la vie privée, droit de l’image, notre filiation paternelle …)
On ne peut pas vendre des choses contrefaites : les contrefaçons, de la drogue, des papiers (qui nécessitent une autorisation administrative), l’air, l’eau
Une société ne peut pas vende un fichier informatique client qui n’est pas déclaré à la CNIL
Ä Arrêt du 25 juin 2013 de la cour de cassation
Peut-on vendre une clientèle commerciale ?
ð OUI
Concernant la cessibilité des clientèles civiles(clientèle des professions libérales : médecins, avocats, notaires …) :
- Avant 2000 : pas possible de vendre la clientèle civile à son successeur au nom de réservation et de la dignité de la clientèle
- Revirement de jurisprudence avec l’arrêt du 7 novembre 2000, la cour de cass admet que la clientèle d’un médecin est cessible à condition que soit sauvegardée la liberté de choix du client
b. Il y a des choses frappées de cause d’inaliénabilité.
Exemple : la donation : notre grande mère nous donne une maison mais nous interdit de la vendre
Cette limitation à notre liberté n’est admissible qu’à condition d’être :
- Temporaire (limitée dans le temps)
- ET justifiée par un intérêt sérieux et légitime
On peut exceptionnellement demander au juge de nous libérer de cette clause n’inaliénabilité. Le juge pèse les intérêts et regarde si le donataire a un intérêt légitime supérieurà celui du donateur qui a interdit = Article 900-1 du Code civil
Ø Arrêt du 30 janvier 2001 :
- Des parents donnent à leur fils un terrain, la donation est relevée d’une clause d’inaliénabilité et d’un droit de retour, technique de droit de succession qui fait que le droit revient aux parents si l’enfant meurt avant eux
- Le fils consent une promesse synallagmatique de vente sur le bien alors même que la donation est relevée d’une clause d’inaliénabilité
- Les parents décèdent, le fils fait une donation de la parcelle alors qu’il l’avait promis à qqn d’autre.
- Le bénéficiaire de la promesse agit en contestation de la donation de la parcelle. C’était discutable car la promesse n’était pas valable car clause d’inaliénabilité
- La cour de cassation donne raison à bénéficiaire de la promesse car parents morts donc plus de clause d’inaliénabilité
Les biens de famille sont inaliénables= biens qui appartiennent à une Famille et que l’on se transmet de génération en génération, ils n’appartiennent pas à un individu au sens propre mais à la famille.
ð On les appelait les biens de main morte.
Arrêt comte de Paris 29 mars 1995
Dans cette affaire la famille d’Orléans se prétend descendante du roi Louis Philippe : conflit entre les membres de la famille royale relatif à la vente de certains biens ayant appartenu à Louis Philippe. Le comte s’oppose en disant que ce sont des souvenirs de famille qui doivent être transférables de famille en famille et Cour de cassation dit même s’ils ont une valeur pécuniaire importante, ce sont des souvenirs de familleet on ne peut pas les vendre.
Est-il possible de ventre la chose d’autrui ?
ð A première vue, on se dit qu’on ne peut vendre que ce qui nous appartient
ð Si on y réfléchis, autrui peut nous autoriser à vendre, par exemplenotre grand-mère nous demande de vendre des trucs pour elle, ou alors on demande à un agent immobilier de vendre pour nous notre appartement, il agit en notre nom il nous représente
Nous allons nous intéresser à l’hypothèse dans laquelle on vend en son nom propre qqch qui ne nous appartient pas
On retrouve cette situation dans 2 cas de figures :
- Hypothèse de l’indivision :
Chose dont la propriété est divisée entre plusieurs personnes. Pas de droit individuel sur une parties mais un pourcentage du bien.
Que se passe-t-il si l'un des coindivisaires décide de vendre le bien en indivision sans l'accord des autres ?
La vente n'est pas automatiquement nulle, mais son efficacité va dépendre du partage : comme le partage a un effet rétroactif, si le bien tombe dans le lot du vendeur, c'est bon, mais si ce n'est pas le cas la vente est inefficace.
- Vente d’une chose sur laquelle je n’ai aucun droit :
En droit positif, la vente est nulle,l’article 1599 Code Civil dispose que « la vente de la chose d’autrui est nul »).
Qui peut agir en nullité ?
Seul l’acquéreur peut demander la nullité.
Le véritable propriétaire (verusdominus) ne peut donc pas demander la nullité mais il peut toujours exercer une action en revendication (action valable qu’en cas de vol ou perte et dans un délai de 3ans).
Tempérament à cette règle = Théorie de la propriété apparente :lorsque l’acquéreur a légitimement cru qu’il contractait avec le véritable propriétaire de la chose, il faut le protéger.On ne pourra pas lui lever la chose et ainsi le vrai propriétaire ne pourra pas faire d’action en revendication et n’aura que des dommage et intérêts.
Hypothèse dans laquelle une personne vendrait 2 fois le même bien à une personne différente :
ð La chose revient au premier qui a la possession de l’objet
Si c’est un immeuble que l’on vend à une personne puis à une autre alors il revient à celui qui a publié en premier au bureau des hypothèque, c’est celui qui va faire publier en premier la vente de bonne foi qui sera le véritable propriétaire = L’article 1198 alinéa 2 du Code civil
En droit prospectif, l’article 19 de l’avant-projet Capitant : la vente de la chose d’autrui oblige le vendeur à l’acquérir avant le moment venu pour le transfert de propriété. La vente n’est donc pas nulle mais elle génère une obligation (devenir propriétaire) et en cas d’inexécution alors la vente est résolue.
C. La détermination de la chose.
La chose doit être déterminée c'est à dire identifiée, isolée, arrêtée. il faut savoir ce qu’on vend, ce qu’on achète, il faut être précis.
1. Différence entre détermination et déterminabilité
En principe, la chose objet de la vente doit être déterminée, en droit commun l’article 1129 ancien du code civil disposait que l'obligation avait pour objet une chose au moins déterminée quant à son espèce.
Avec la réforme de 2016, cela a changé et l'art.1163 du Code civil prévoit que l'obligation a pour objet une prestation présente ou future, qui doit être possible et déterminée ou déterminable.
Il y a donc 2 notions :
- Une chose déterminée : elle est isolée, connue
- Une chose déterminable : elle peut être déduite du contrat sans qu'il soit besoin d'un nouvel accord entre les parties, tous les éléments pour déterminer la chose le moment venu sont incluses dans le contrat.
L'art.1163 du Code civil dispose qu'une chose est déterminable lorsqu'on peut la déduire du contrat, des usages ou des relations antérieures entre les parties.
L'art.14 de l'offre de réforme Capitant de 2020 prévoit également cette possibilité : le propre de la déterminabilité est de ne pas avoir besoin d'une nouvelle négociation pour déterminer la chose.
Exemple: Arrêt 2e ch civile 2 octobre 2013 : Une personne commande une porte pour sa maison avec un bon de commande contenant la couleur et ses dimensions. Les carreaux ne correspondant pas à la volonté de l’acheteur. La Cour de cassation considère que les informations étaient trop lacunaires donc que l'objet de la vente n'était pas déterminé.
Par ailleurs, un autre exempleconcernait la vente d'un chalet avec des parties communes, les tantièmes des parties communes n'étaient pas précisés : absence de détermination de la chose objet du contrat.
2. L’individualisation.
C'est une question qui n'a de sens que pour les choses de genre (= choses qui existent dans un grand nombre d'exemplaires et qui sont interchangeables entre elles).
L’article 1585 du Code civil prévoit que « la vente n'est pas parfaite tant que la chose n'a pas été individualisée ».
Il en va de même dans l'article 23 de l'offre de réforme Capitant, prévoyant que « le transfert de propriété n'a lieu que lors de l'individualisation de la chose de genre »
II) Le prix
Le prix est un élément essentiel à la vente, il n’y pas de vente sans prix. On retiendra 4 points :
· Pas de vente sans prix
· Le prix doit être réel et sérieux
· Le prix lésionnaire
· La détermination du prix
A. Prix comme élément de qualification.
L’article 1582 du Code civildispose que « la vente est une convention par laquelle l'un s'oblige à livrer une chose, et l'autre à la payer. » Il y a le verbe payer il y a donc l’exigence d’un prix. L’article 12 de l’avant-projet Capitant dispose que… VOIR INTERNET »
Dans l’offre de réforme de 2020, la définition est la même mais le texte dit que les règles du présent contrat VOIR INTERNET
ð DONC on oppose la vente à d’autres contrats dans lequel on verse autre chose que le prix
Le prix est consubstantielà la vente = pas de vente sans prix, le prix fait la substance même d’une vente
Que se passe-t-il si les parties ont stipulée une vente sans prix ?
Le juge est obligé de requalifier le contrat. La donation suppose obligatoirement une intention libérale (= volonté de gratifier).
DONC s’il y a une intention libéralerequalifie le contrat en donation mais si absence d’intention libérale, le juge annule le contrat.
Est-ce donc une nullité absolue ou relative ?
La cour de cassation depuis les années 60 estimait que c’était une cause de nullité absolue, décision réaffirmée en 2008. Solution critiquable car pas de mise en cause de l’intérêt général
Revirement de jurisprudence par un arrêt de la chambre commerciale du 22 mars 2016 : elle rappelle sa propre jurisprudence puis elle relève qu’en 2012 la 3ème chambre civile a abandonné cette solution en jugeant que l’absence de prix entrainait une nullité relative. La 1ère chambre civile et la 3ème chambre civile estimaient que l’absence de prix entrainait une absence de cause, qui est sanctionnée par la nullité relative. En 2016, la cour estime qu’il y a lieu d’adopter la même position, il faut raisonner en fonction de la nature de l’élément en cause, en l’espèce seul l’élément privé est concerné, la nullité est donc relative.
B. Prix réel et sérieux
Le prix réel correspond au prix qui est stipulé dans l’acte de vente doit etre celui réellement payé par l’acheteur. La simulation (dessous de table) est une opération par laquelle les parties à un contrat passent 2 actes parallèles :
- L’acte ostensible
- La contrelettre
Pourquoi faire ça ?
Pour des raisons fiscales, pour ne pas payer des droits de mutations sur la totalité du prix, pour des raisons de fraude fiscale
Le Code général des impôts sanctionne la dissimulation d’une partie du prix de vente et l’article 1202 du Code Civilcondamne d’une nullité absolue la dissimulation pour les immeubles.
Il arrive que les parties déguisent en vente une donation. Ce n’est pas la même chose qu’une donation indirecte (par exempleune vente à bas prix, on a un immeuble à 1 million, on le vend 500 000).
Donation déguisée : conclure une vente qui conclure un prix mais à convenir de manière secrète que le prix ne sera pas payé.
Pourquoi faire ça ?
- Pour essayer de faire diminuer les droits de mutations, les impôts taxent plus les donations que les ventes
- Pour contourner une interdiction légale (par exempleon ne peut pas donner au médecin qui nous a soigné notre dernière maladie)
- Contourner les règles successives aux successions (par exemplepour avantager un enfant)
Le rapport des libéralités = on rapporte ce qui a été donné
Quelles sont les sanctions ?
La sanction est souvent la nullité, pas de sanctions civiles ou pénales
Prohibition de la vente à vil prix, c’est la même chose que le prix dérisoire, c’est un prix tellement bas qu’il équivaut à une absence de prix. En droit anglais, on admet une telle vente, on peut vendre une Rolls Royce pour 1 shilling.
En droit français ce n’est pas possible et l’article 1169 du code civil prévoit qu’« un contrat à titre onéreux est nul lorsque la contrepartie est dérisoire »
Par exemple : les parts sociales d’une entreprise. Imaginons que des parts sociales nous fassent gagner tous les ans 30 euros, on les vend moins cher que ces dividendes, le prix est dérisoire
Cependant, tout prix symbolique n’est pas forcément un vil prix, il se peut que l’on cède un bien pour 1 euro symbolique sans pour autant qu’il y ait lieu d’annuler le contrat
Par exemple :
Ø Si on rachète une entreprise en faillite pour 1 euro.
Ø Dans un arrêt du 15 septembre 2016, un vendeur cède à une commune un terrain pour 1 euro symbolique, ici la commune paye 1 euro et paye à sa charge les couts de désamiantage, dépollution et démolition
Il y a même des biens qu’on dit à valeur négative, c’est un bien dont le passif est plus important que l’actif.
C. Prix lésionnaire.
Un prix lésionnaire est un prix insuffisant.
La différence entre un vil prix et un prix lésionnaire est le degré de bassesse du prix : le vil prix est si bas qu’il est équivalent à 0 tandis que le prix lésionnaire est certes insuffisant mais pas au point de valoir 0.
En droit commun, la lésion n’est pas sanctionnée = ancien article 1118 du code civil
Aujourd’hui l’article 1168 nouveau dit que « dans les contrats synallagmatiques, le défaut d’équivalent desprestations n’est pas une cause de nullité sauf cas particulier »
On prend en compte la lésion dans certains domaines comme :
- Les ventes d’immeuble commutatives
- La cession de droits d’auteurs
L’article 1674 du code civil prévoit la rescision pour lésion lorsqu’il y a lésion de plus des 7/12ème du prix de vente c'est à dire que l’action n’est ouverte que lorsque le prix de vente est inférieur aux 5/12ème de la valeur du prix de vente
Article 42 de l’avant-projet Capitant VOIR INTERNET
En cas de lésion = action en rescision, l’art 1676 CCprévoit que le vendeur dispose de 2 ans à compter de la vente pour agir.
ð Le vendeur qui a vendu son immeuble à un prix inférieur au 5/12ème de sa valeur pourra demander la rescision de la vente (forme de nullité).
Concernant la preuve :il suffit de prouver la différence entre le prix et la valeur de l’immeuble (rapport d’experts).
Il existe un moyen pour l’acquéreur d’échapper à la rescision : l’acquéreur peut offrit le complément du juste prix
Ä Article 1681 du code civilet article 47 Avant-projet Capitant.
2 raisons peuvent amener une personne à vendre à bas prix :
- L’erreur, on peut se tromper sur la valeur de son bien
- On a pu être victime d’une situation économique désastreuse
C’est pour ca qu’on continue de sanctionner la lésion en matière immobilière
Hypothèse du déséquilibre significatif :
En droit commun : pas de sanctions tant qu’il n’y a pas de lésion ni de vil prix
L’article L442-6 Code de Commerce sanctionne le fait d’obtenir un avantage ne correspondant à aucune contrepartie ou manifestement disproportionner ou le fait de soumettre ou de tenter de soumettre son partenaire à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties.
L’article 1171 du code civil précise que le contrôle du déséquilibre significatif ne porte pas sur le prix. En droit commercial il n’y a pas la même réserve.
La cour de cassation a décidé dans un arrêt du 25 janvier 2017qu’elle pouvait contrôler les prix dans des relations entre commerçants. La grande distribution a estimé que cet arrêt était contraire à la constitution et contraire à la liberté contractuelle.
ð QPC formée devant le conseil constitutionnel qui s’est prononcée dans une décision du 30 novembre 2018, il estime qu’il n’y a pas d’atteinte à la constitution
D. La détermination du prix.
Le prix doit être déterminé ou déterminable dans la vente.
Ø Le prix déterminé est celui fixé dès l’instant.
Ø Le prix déterminable signifie que dans le contrat, tout est fixé pour que le prix soit déterminé sans qu’il y ait besoin d’un nouvel accord entre les parties Exemple le prix sera donné en fonction du poids de tel personne à telle date et la valeur de l’or, on a tous les éléments pour le déterminer le moment venu.
Pendant des décennies on a eu des contrats de vente dans lesquels les prix n’était pas déterminé : les contrats cadre
Contrat cadre de distribution : Un contrat cadre est un contrat qui pose le cadre de relations future pour qu’à l’avenir il n’y ait pas besoin de tout négocier
Par exemple : Total et le pompiste de Aix, ne vont pas passer leur vie à négo, on prévoit à l’avance que la relation va se passer de telle façon pdt ce temps.
Clause qui permettait une détermination unilatérale du prix par un accord de volonté pour accorder à une partie le pouvoir de fixer seule le prix. (Exemple si dans le contrat il y avait une clause qui disait Total fixera le prix du carburant chaque semaine).
L’article 1129 ancien du code civil : l’obligation doit avoir un objet déterminé ou déterminable.
Or lorsqu’on dit que le prix sera fixé par une des parties ce n’est ni déterminé ni déterminable, c’est subjectif. DONC certains avocats ont demandé la nullité des contrats-cadre de distribution et la Cour de cassation a suivi. Ces annulations sont très dommageables.
Fin 1994 revirement par l’arrêt Alcatel puis 4arrêts d’assemblée plénière 1er Décembre 1995 : la cour de cassation donne plusieurs éléments :
- L’art 1129 n’est pas applicable au prix
- La clause par laquelle les parties confient à l’une d’entre elle le pouvoir de fixer le prix est licite (clause de fixation unilatéral du prix)
- Si celui qui fixe le prix seul abuse de ce droit alors deux sanctions possible = dommages et intérêts ou résiliation à ses torts exclusifs.
Quel est le champ d’application de cette décision ? Est ce qu’elle concerne tous les contrats ou seulement les contrats cadres ?
Aujourd'hui, ledoute a été dissipé par la réforme du code civil de 2016 qui a opté pour une application restrictivede cette jurisprudence =>article 1164du code civil qui dispose que cette jurisprudence est limitée aux contrats cadre.
DONC la vente n’est pas concernée, on ne peut donc pas dans une vente stipuler des clauses unilatérales du prix sinon la vente serait nulle.
Ce qui est licite c’est de prévoir une clause de détermination par un tiers. Les parties peuvent choisir de confier à un tiers indépendant le pouvoir de fixer le prix = article 1592 du code civil
L’avant-projet de réforme dans son article 14 estime que le prix peut être fixé par un tiers. Ce prix s’impose à tous et ne peut être contesté qu’en cas d’erreur grossière.
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